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"Il fallait que cette demeure digne de Dieu, la source non creusée de main d'homme d'où jaillit l'eau qui remet les péchés, la terre non labourée, productrice du pain céleste, la vigne qui sans être arrosée donna le vin d'immortalité, l'olivier toujours verdoyant de la miséricorde du Père, aux fruits magnifiques, ne subît pas l'emprisonnement des abîmes de la terre. Mais de même que le corps saint et pur que le Verbe divin, par elle, avait uni à sa Personne, le troisième jour, est ressuscité du tombeau, elle aussi devait être arrachée à la tombe et la mère être associée à son Fils.
Et comme il était descendu vers elle, ainsi elle-même, objet de son amour, devait être transportée jusque "dans le tabernacle plus grand et plus parfait", "jusqu'au ciel lui-même". Il fallait que celle qui avait donné asile au Verbe divin dans son sein vînt habiter dans les tabernacles de son Fils. Et comme le Seigneur avait dit qu'il devait être dans la demeure de son propre Père, il fallait que sa mère demeurât au palais de son Fils, "dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison de notre Dieu".
Car si là est "la demeure de tous ceux qui sont dans la joie", où donc habiterait la cause de la joie ? [...] Il fallait que celle qui avait contemplé son Fils en croix et reçu au coeur le glaive de la douleur qui l'avait épargnée dans son enfantement, le contemplât assis auprès de son Père."
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« Il fallait que cette demeure digne de Dieu, la source non creusée de main d’homme d’où jaillit l’eau qui remet les péchés, la terre non labourée, productrice du pain céleste, la vigne qui sans être arrosée donna le vin d’immortalité, l’olivier toujours verdoyant de la miséricorde du Père, aux fruits magnifiques, ne subît pas l’emprisonnement des abîmes de la terre. Mais de même que le corps saint et pur que le Verbe divin, par elle, avait uni à sa Personne, le troisième jour, est ressuscité du tombeau, elle aussi devait être arrachée à la tombe et la mère être associée à son Fils. Et comme il était descendu vers elle, ainsi elle-même, objet de son amour, devait être transportée jusque “dans le tabernacle plus grand et plus parfait”, “jusqu’au ciel lui-même”.
Il fallait que celle qui avait donné asile au Verbe divin dans son sein vînt habiter dans les tabernacles de son Fils. Et comme le Seigneur avait dit qu’il devait être dans la demeure de son propre Père, il fallait que sa mère demeurât au palais de son Fils, “dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison de notre Dieu”. Car si là est “la demeure de tous ceux qui sont dans la joie”, où donc habiterait la cause de la joie ? […]
Il fallait que celle qui avait contemplé son Fils en croix et reçu au cœur le glaive de la douleur qui l’avait épargnée dans son enfantement, le contemplât assis auprès de son Père. »
S. JEAN DAMASCÈNE, Deuxième Homélie sur la Dormition, 14, SC 80, pp. 157-159.
Jean Damascène
CPE n° 118
Éditorial — Marie-Anne VANNIER
Jean Damascène : l’homme et son oeuvre dogmatique — Vassa KONTOUMA
Textes de Jean Damascène
Jean Damascène, hymnographe — Job GETCHA
La Transfiguration d’après S. Jean Damascène — Marie-Anne VANNIER
Actualité des Pères de l’Église
S. Jean Damascène est le dernier des Pères de l’Église, mais il est également l’un des Pères les plus importants de l’Église d’Orient. Il est en quelque sorte un relais entre S. Maxime le Confesseur et S. Grégoire Palamas. Son œuvre reste aujourd’hui à redécouvrir[1], car elle est peu traduite en français et peu travaillée. Or, Jean Damascène a réalisé, à son époque, une synthèse qui n’est pas sans annoncer celle de S. Thomas, même si elle a une composante plutôt poétique. De plus, Jean Damascène a été l’un des premiers à dialoguer avec l’Islam[2], lui qui est né, vers 650, soit dix-huit ans après la mort de Mahomet et qui est issu d’une famille chrétienne, proche du calife.
Nous avons la chance que deux rares spécialistes de Jean Damascène le présentent dans ce numéro de Connaissance desPères de l’Église. Vassa Kontouma fait, tout d’abord, le point sur sa vie et son œuvre, et présente un choix de textes, relatifs à la création, d’une part, et à la vénération des icônes, d’autre part. Puis Job Getcha étudie l’hymnologie de Jean Damascène et en précise l’apport. Finalement, nous nous attachons à la manière dont Jean Damascène comprend la Transfiguration, ce qui amène à approfondir son hymnologie et à préciser sa christologie.
C’est principalement dans les deux derniers livres de La Sourcede la connaissance qu’il a développé sa christologie. Il y propose une véritable synthèse de la christologie patristique[3], dans la perspective du concile de Chalcédoine, tout en tenant compte des développements ultérieurs et en précisant le vocabulaire, à tel point qu’il apparaît comme le théologien de l’Incarnation. Il s’attache principalement à montrer qu’en s’incarnant, le Verbe ne perd rien de sa divinité, mais qu’il assume la nature humaine, avec ses souffrances. Comme il le dit dans une citation célèbre : « Tout entier, il m’assume tout entier ; tout entier, il s’unit à moi tout entier, afin de me donner le salut, à moi tout entier[4]. » Reprenant et développant la perspective des Cappadociens, d’après laquelle ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé, il fait ressortir qu’en prenant la condition humaine, le Christ lui apporte le salut et qu’il appelle l’être humain à partager la vie divine, à connaître la déification. C’est ce qu’il met également en évidence, aussi bien dans sa réflexion sur les icônes qui représentent l’humanité transfigurée, que dans sa célèbre Homélie sur la Transfiguration.
Marie-Anne VANNIER
[1]. Son œuvre se trouve dans la Patrologie grecque, vol. 94-96. Quelques-uns de ses écrits sont traduits : Homélies sur la Nativité et la Dormition, SC 80 ; Écrits sur l’Islam, SC 383 ; Discours contre les iconoclastes, Paris, Migne, 1994. Pour une présentation d’ensemble, voir : J. Nasrallah, S. Jean de Damas, sa vie, son époque, son œuvre, Harissa, 1950.
[2].Voir ses Écrits sur l’Islam, SC383.
[3]. J. Meyendorff, Le Christ dans la théologie byzantine, Paris, Éd. du Cerf, 1969, pp. 207-233.
[4].Jean Damascène, La Foi orthodoxe, III, 6.
Jean Damascène constitue un cas particulier dans l’histoire de la théologie chrétienne. Son influence fut exceptionnelle, non seulement dans l’aire byzantine hellénophone, mais également dans le Moyen Âge occidental. La scolastique se réfère ainsi à sa synthèse dogmatique, l’Exposition de la foi orthodoxe, comme à une source capitale, en particulier depuis sa traduction latine réalisée par Burgundio de Pise (vers 1100-1193). Sa pensée est d’ailleurs fondamentale pour l’orthodoxie en général, qu’elle soit d’expression grecque, slave, arabe ou géorgienne. Toutefois, si le rayonnement de son œuvre est considérable, sa personnalité est encore très mal connue. Par ailleurs, le culte dont il fait l’objet en tant que saint des Églises orientale et occidentale reste très limité, voire confidentiel.
Certes, les biographies, ou plutôt les hagiographies, ne manquent pas à son sujet. On en compte plus d’une dizaine. Mais si cette littérature remonte assez haut dans le temps – les premières Vies de Jean datent du IXe siècle –, elle n’est pas suffisamment proche de lui pour être considérée comme fiable. Quant à sa « biographie officielle » – celle qui a été le plus généralement retenue et qui a servi à son culte –, elle est sans doute l’œuvre du patriarche d’Antioche Jean III Politès, un lettré constantinopolitain qui occupa ce siège entre 996 et 1021. Cette biographie est une habile reconstitution de données éparses, réalisée dans le but de conter, en un récit élégant, les étapes d’une vie érigée en modèle pour les chrétiens orthodoxes de Syrie. Composée au début du XIe siècle, elle ne nous aide aucunement à retrouver la figure historique du Damascène.
Heureusement, les quelques données offertes par les chroniqueurs byzantins, combinées aux rares témoignages personnels puisés dans l’œuvre même du Damascène, permettent de replacer ce Père de l’Église dans son contexte historique et de retenir à son propos un certain nombre d’informations intéressantes.
I. Éléments de biographie
Jean Damascène passa toute sa vie au Proche-Orient, au sein du califat omeyyade (661-750). Il naquit à Damas, puis s’en alla en Palestine, où il prit l’habit monastique et devint prêtre de l’église du Saint-Sépulcre.
Les liens que Jean entretient avec le califat ne sont pas insignifiants : sa famille occupa une position importante dans l’administration fiscale de la Syrie, une position qu’elle conserva lorsque la région passa sous domination arabe. Son grand-père, Mansour, était chargé de collecter les impôts à Damas au début du VIIe siècle. Il conserva sa place après la capitulation de cette ville, en 635. D’ailleurs, certains historiens considèrent que Mansour participa activement à la capitulation de Damas, qu’il aurait même négociée. Serge, le père de Jean, succéda à Mansour. Le chroniqueur Théophane parle de lui comme d’un homme « très chrétien ». En effet, si la descendance de Mansour maintint son rang au sein de l’administration califale, elle ne trahit pas pour autant sa foi chrétienne. D’ailleurs, elle resta « orthodoxe », c’est-à-dire fidèle aux décisions du concile de Chalcédoine (451), voire « maximite », en raison de l’attachement de Serge à la personne et à l’enseignement de Maxime le Confesseur (580-662), ce grand adversaire du monothélisme. La famille de Jean Damascène fut donc « très chrétienne » et orthodoxe chalcédonienne. D’origine syrienne, elle fut aussi hellénophone, comme en témoigne l’instruction classique de haut niveau que Jean reçut dans sa jeunesse, ainsi que la vaste littérature grecque à laquelle il semble avoir eu accès, entre autres grâce aux richesses offertes par une bibliothèque privée. Bien entendu, cette « hellénisation » de la famille de Mansour n’exclut pas son bilinguisme : même si Jean n’a laissé aucun texte en syriaque ou en arabe, il est fort probable qu’il pratiquait, à l’oral, une ou plusieurs langues sémitiques.
Nous ignorons la date exacte de la naissance de Jean, mais sa longue vie couvre quasiment toute la durée du califat omeyyade. Quant à sa mort, il faut la situer autour de 750. Nous savons en effet que Jean fit l’éloge du martyre de Pierre de Maïouma, qui eut lieu en 743. En revanche, l’anathème que le synode iconoclaste de Hiéreia porta contre lui en 754 suggère qu’il n’était plus en vie à ce moment. C’est en tout cas ce que semblent signifier les termes de sa condamnation, selon laquelle il aurait déjà été « déposé par la Trinité ».
Comme son père Serge, Jean occupa un poste auprès de l’administration fiscale du califat. Il le quitta cependant à un âge mûr – la quarantaine ? –, pour se rendre en Palestine et y prendre l’habit monastique. Nous pensons pour plusieurs raisons que ce départ eut lieu en 705. Cette année marque en effet un tournant pour les chrétiens du Proche-Orient. Plusieurs événements importants s’y produisent : mort du calife ‘Abd-al-Malik (647-705), qui trouve un successeur en la personne de Walid Ier (668-715), un homme beaucoup moins tolérant que lui à l’égard des chrétiens du califat ; confiscation et transformation en mosquée de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Damas, où est vénéré le tombeau du Précurseur, et qui constitue le haut lieu de l’orthodoxie syrienne ; rétablissement du siège patriarcal de Jérusalem, après soixante-sept ans de vacance ; enfin, arrivée de Jean III, un proche de Jean Damascène, au siège de Jérusalem. Il est fort probable qu’à ce moment crucial, un homme de l’envergure de notre Père ait préféré s’installer en Palestine, près du Saint-Sépulcre où s’opérait la reconstruction du chalcédonisme, plutôt que de rester à la cour du calife, où les chrétiens occupaient une place de plus en plus insignifiante. Comme le montre son œuvre homilétique et hymnographique, Jean Damascène a d’ailleurs été un acteur important dans ce mouvement de reconstruction, pour ne pas dire de renaissance, de l’orthodoxie chalcédonienne à l’extérieur de Byzance.
Jean a été moine, mais il a aussi été prêtre de l’Anastasis, c’est-à-dire du Saint-Sépulcre. En cette qualité, il a vécu en contact permanent avec les Lieux saints, au cœur d’un pèlerinage qui se perpétuait depuis le Ve siècle, mais aussi au centre d’un monde où les controverses théologiques – notamment entre chalcédoniens et monophysites – restaient d’autant plus vivaces que l’autorité de l’empereur byzantin et de ses lois contre l’hérésie n’avaient pas prise. Il est important de ne pas ignorer cette réalité pour appréhender correctement son œuvre d’homme d’Église et de théologien. Il faut aussi la prendre en compte pour comprendre que son séjour en Palestine, et plus particulièrement à Jérusalem, fut particulièrement riche en tracas.
À la suite du témoignage de la « Vie officielle » du XIe siècle, la bibliographie relative à Jean Damascène retient que celui-ci vécut une grande partie de son existence, et composa ses œuvres principales, dans l’isolement du monastère de Saint-Sabas, dans le désert de Palestine. Saint-Sabas fut certainement un centre important du monachisme, depuis sa fondation au Ve siècle, et notre auteur l’a sans aucun doute connu, pour ne pas dire visité. Néanmoins, comme certains chercheurs l’ont relevé, aucun témoignage probant ne nous permet d’affirmer qu’il s’y soit retiré dans la deuxième partie de sa vie. Cette information doit donc être considérée avec la plus grande précaution. Rien ne prouve par ailleurs qu’il ait composé son œuvre dans une paisible retraite. Bien au contraire ! Aussi bien le contexte historique que les traces laissées par ses écrits témoignent des nombreuses difficultés auxquelles il fut confronté.
La controverse avec les non-chalcédoniens
Comme il vient d’être dit, le Proche-Orient fut, à l’époque de Jean Damascène, une aire où se côtoyaient de nombreuses communautés chrétiennes. Celles-ci se distinguaient par une compréhension divergente de l’enseignement de l’Église, ainsi que par des pratiques religieuses spécifiques. Leurs hiérarchies étaient distinctes et fortement cloisonnées entre elles. Elles étaient cependant contraintes de résider sur un même espace, ce qui était d’autant plus problématique qu’il s’agissait de lieux saints ou de sièges de l’Église apostolique. Au sein de l’Empire byzantin, ces problèmes étaient généralement pris en main par l’État : au nom de l’unité de la foi, les décisions des conciles œcuméniques étaient officialisées et activement soutenues par le basileus, si nécessaire au moyen des lois sur l’hérésie, promulguées dès le règne de Justinien Ier. Ainsi, à Byzance, une Église « hérétique », fonctionnant librement et ayant une hiérarchie propre n’était pas concevable en théorie. En revanche, à l’extérieur de l’Empire, et plus particulièrement au sein du califat omeyyade qui n’avait cure des divergences de doctrine entre communautés chrétiennes, plusieurs Églises pouvaient coexister sur un même espace et faire l’objet, à tour de rôle, des faveurs ou de la disgrâce des autorités musulmanes. On connaît les efforts que l’Église orthodoxe déploya, après la chute de Byzance, pour faire reconnaître son autorité spirituelle sur les chrétiens de l’Empire ottoman. Mais dans la Syrie et la Palestine du VIIIe siècle, c’est encore une concurrence ouverte entre plusieurs Églises chrétiennes – melkite, jacobite, nestorienne, maronite – qui semblait prévaloir.