Connaissance des Pères de l'Église n°173 - Collectif - E-Book

Connaissance des Pères de l'Église n°173 E-Book

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Beschreibung

« Peut-être la nouvelle du synode, dont tout le monde parle à l'heure actuelle, est-elle parvenue jusqu'à vous : en tous lieux en effet des lettres de l'empereur et des éparques ont circulé pour en convoquer les participants. Cependant puisqu'en hommes avides d'apprendre que vous êtes, vous cherchez à savoir ce qui s'est passé, j'ai pensé qu'il convenait de vous faire connaître à vous aussi avec exactitude ce que j'ai vu et su […].

Le synode de Nicée ne fut pas un simple synode […]. Tel fut ce qui causa la réunion d'un synode oecuménique : que la fête de Pâques soit célébrée partout le même jour et que l'hérésie (arienne) qui venait de naître soit anathématisée

[…].

En revanche, quelle cause légitime les synodes qu'ils déclenchent de nos jours ? […]. Quel besoin motive les synodes, si celui de Nicée suffit contre l'hérésie arienne et les autres hérésies qu'il a toutes condamnées au moyen de sa sainte formule de foi ? »

S. Athanase, Lettre sur les synodes, SC 563, p. 181 ; 191-193.

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Éditorial

Le Synode sur la synodalité, dont les conclusions interviendront à l’automne prochain, et que présente en ouverture le cardinal Jean-Claude Hollerich, son rapporteur général, se situe à la fois dans la lignée des synodes précédents et se caractérise par son originalité. Par son étymologie grecque, le terme de synode signifie, en effet, cheminer ensemble, le premier synode ou Concile étant celui de Jérusalem (Ac 15). Mais, à la différence des synodes, qui, à partir du IVe siècle, se sont principalement réunis pour mettre en question une hérésie et qui se terminaient par des anathématismes, le Synode sur la synodalité, ayant pour méthode la conversation dans l’Esprit Saint, ne vise aucune hérésie. Il a, au contraire, pour fonction de réfléchir sur l’Église, de mettre en œuvre l’apport de Lumen gentium, la Constitution dogmatique sur l’Église du concile Vatican II, en particulier la place de la Trinité dans l’Église et le rôle du peuple de Dieu. D’autre part, à la différence des synodes antérieurs, qui étaient des réunions d’évêques, le Synode sur la synodalité compte des prêtres, des religieux et religieuses et des laïcs, qui y participent à égalité et qui ont un même droit de vote.

Dans ce numéro de CPE, nous avons la chance de rassembler des articles de spécialistes des synodes. Après l’article de référence du cardinal Jean-Claude Hollerich relatif au Synode sur la synodalité, c’est celui de Mgr Roland Minnerath, qui précise ce qu’on entend par synode et qui en reprend la genèse dans les premiers siècles, en montrant que les synodes sont l’écho de la vie de l’Église, qui fixe la date de Pâques, réfléchit sur la réconciliation des lapsi, sur la vie de l’Église… tout en s’inspirant du fonctionnement de la démocratie grecque.

Puis, Mgr Job Getcha, qui a participé en tant qu’expert au Synode sur la synodalité, envisage les synodes d’Orient.

Xavier Morales reprend ensuite la question à partir de l’étude du IVe siècle, qui a véritablement été un siècle de synodes, de réunions d’évêques, et plus précisément à partir de l’institutionnalisation du « synode/concile œcuménique » de Nicée de 325 (p. 10) et il en dégage les implications actuelles pour la synodalité.

De plus, comme le montre Philippe Molac, le Concile de Nicée, dont nous fêterons les 1700 ans en 2025, a également développé une géographie ecclésiastique et structuré l’élaboration dogmatique. Il a aussi posé quelques règles canoniques. Loin de se limiter à la crise arienne, il a organisé la vie de l’Église de son époque, comme le fait aujourd’hui le Synode sur la synodalité.

Marie-Anne VANNIER

LE SYNODE SUR LA SYNODALITÉ

Les préparations du Synode

Il faudrait commencer au concile Vatican I, qui a parlé du ministère de Pierre, de l’infaillibilité pontificale et qui avait pour but de continuer, en traitant du ministère des évêques. Or, en fonction des événements politiques qui ont ébranlé l’Italie, à ce moment-là, ce ne fut pas possible.

On a donc attendu jusqu’à Vatican II, avec la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, pour préciser ce ministère. Dans cette même Constitution, on présente l’Église comme le saint peuple de Dieu, comme le Temple du Saint-Esprit. On évoque aussi le sacerdoce de tous les baptisés.

Par après, la théologie s’est très bien occupée des évêques, mais elle a un peu négligé ce sacerdoce de tous les baptisés. Peu après, Paul VI a établi le synode des évêques. Il avait déjà dit que cette modalité du synode pourrait avoir des développements ultérieurs.

Le synode a beaucoup changé sous le pape François, qui a voulu, tout d’abord, articuler ce sacerdoce commun de tous les fidèles avec le nouvel accent sur les évêques de Vatican II. François se comprend comme le pape qui doit travailler à la mise en œuvre du Concile, ce qui n’est pas nouveau : il faut toujours à peu près un siècle pour qu’un Concile soit reçu. Avec le Synode sur la famille, il y avait des questions aux fidèles. C’était un peu difficile pour comprendre et répondre à ces questions. Pour le Synode sur les jeunes, c’était différent. Il y avait déjà une large consultation dans un grand nombre d’universités catholiques, il y avait aussi un pré-synode des jeunes et, l’Instrument de travail du Synode sur les jeunes a repris 50 % de ce pré-synode, on a pris en compte ce que les jeunes ont dit. Pour le Synode sur l’Amazonie, il y avait la participation d’un grand nombre de laïcs, mais aussi une préparation dans les villages de l’Amazonie par un network repam, qui a préparé le synode pendant des années. Mais les délégués étaient seulement des évêques, les autres étaient des experts. Mais on a aussi vu une petite irrégularité à la participation : les prêtres présents pouvaient voter ainsi que les religieux, non prêtres, mais pas les sœurs. Pourquoi un homme aurait-il le droit de vote et non la femme ? Beaucoup de participants ont fait cette remarque au pape et il s’est dit que pour le Synode sur la synodalité, tous les participants auront un droit de vote, ce qui est quelque chose de nouveau.

L’originalité du Synode sur la synodalité

Un Synode sur la synodalité est difficile. On pourrait dire que c’est un synode sur l’Église, communion, participation et mission. Le synode a commencé en 2021 : il y a eu la phase locale : la phase diocésaine, la phase Conférence des évêques, la phase continentale, puis le synode des évêques, et on a voulu en faire un processus de discernement, où les évêques ont la tâche d’écouter ce que le saint peuple de Dieu a dit et en faire le discernement final. On a demandé à chaque continent une vingtaine de délégués non évêques. Le pape en a retenu dix sur les vingt, soixante-dix en tout, pour avoir un nombre, représentant toutes les catégories, avec au moins 50 % de femmes. Tous les continents ont dit que l’apport des femmes à l’Église est immense quand on parle de l’engagement concret. Dans les paroisses, ce sont les femmes qui font beaucoup de travail, mais quand on vient aux instances de décision, les femmes ne sont pas bien représentées. L’Église a besoin de conversion pour reconnaître la dignité des femmes pour qu’elles soient invitées à des postes de décision dans l’Église. Le pape l’a fait, il a nommé des femmes à la Congrégation des évêques, elles ont à choisir les évêques de l’avenir. La nouvelle secrétaire du Dicastère pour la vie consacrée est une femme et, dans beaucoup de Dicastères, les femmes ont aujourd’hui une place importante, ainsi que dans les Curies diocésaines en Europe. Il y a aussi des différences entre les continents : l’Europe a parlé du diaconat des femmes, l’Afrique, non. Les femmes africaines demandent surtout que l’Église les soutienne pour avoir une égalité de chances dans les sociétés africaines.

On part de la dignité du baptême, qui fait de nous des membres du saint peuple de Dieu. Ce n’est pas rien, c’est quelque chose de grand, de merveilleux et moi, comme évêque et cardinal, ma plus grande dignité est ma dignité baptismale, ensuite, je suis évêque pour les chrétiens et cardinal de l’Église de Rome. Il y a aussi beaucoup de baptisés en dehors de l’Église catholique, et nous ne sommes pas complets. Je pense que ce synode sera un nouveau départ œcuménique, car nous nous sommes rendu compte que les autres nous manquent. C’est pourquoi le pape a décidé cette veillée œcuménique, organisée par les frères de Taizé pour demander à nos sœurs et à nos frères des autres communautés chrétiennes de prier pour nous, pour le synode de l’Église catholique, et ils étaient très touchés. C’est la première fois que l’Église catholique a demandé la prière de tous les chrétiens pour un événement important comme un synode.

La question de l’organisation du synode s’est posée. La première session a été un peu trop longue. Mais ce qui a été très bien, c’était de commencer par une retraite de trois jours (prêchée par Timothy Radcliffe, ancien maître général des Dominicains, et par mère Marie Angelini), avec la prière personnelle, le matin, et l’échange en petits groupes, l’après-midi, pour s’habituer à la conversation dans l’Esprit, qui sera la méthode du synode : un moment de prière, puis chacun exprime ce qui est important, ce qu’il veut communiquer. Ensuite, il y a un moment de silence, et on fait l’écho de ce qui nous a touché dans ce que les autres ont dit, et à la fin, on tâche d’avoir une conclusion. C’était déjà une manière de vivre la synodalité, tant pour les évêques que pour les représentants des Conférences épiscopales qui, pour certains, venaient pour la première fois à Rome. Il y a eu également une prière œcuménique, place Saint-Pierre, au tout début du synode, avec la participation du patriarche de Constantinople, de l’archevêque de Cantorbéry et de beaucoup de représentants des Églises chrétiennes.

L’organisation matérielle du synode a également été importante : au départ, il était prévu que le synode se déroule dans un amphithéâtre au-dessus de la Salle de l’audience et soit organisé de manière hiérarchique. Puis, après discussion, il a été décidé que le synode se déroulerait dans la Salle de l’audience, avec des tables rondes de dix à douze personnes, mélangées, au même niveau, car l’arrangement est déjà un énoncé. Il y avait trois modules dans l’Instrument de travail : communion, mission, participation. Le travail s’est effectué en petits groupes, qui ont fait un rapport, réalisé par un secrétaire qu’ils avaient choisi, et ce rapport devait refléter toutes les opinions, être voté à la fin et préciser ensuite les votes sur le rapport pour voir l’opinion qui se dégageait. L’essentiel, dans une telle démarche, n’est pas que je convainque l’autre de mon point de vue, car le protagoniste du synode, c’est le Saint-Esprit et nous nous devons d’écouter le Saint-Esprit. Un tel synode ne peut pas se faire sans prière personnelle. Chaque module a débuté par une eucharistie. Dans ce temps de prière, on est attentif à ce que l’Esprit Saint nous demande de dire et, en écoutant les autres, on peut changer d’avis, ce qui est une démarche synodale, et quelque chose de nouveau se dégage. Il y a aussi des débats en sessions plénières. Chacun avait le droit de parler, à égalité, pour tous les participants. Une jeune étudiante avait le même temps de parole que le préfet de la Congrégation de la foi.

À la fin, le Document du synode a été voté par plus de 80 % des participants, ce qui est inouï. Les évêques étaient là comme pasteurs de leur église, les nonévêques étaient là comme témoins du processus, car l’écoute doit se faire à la dernière étape. Ce Document de synthèse est important, mais c’est un texte de transition d’octobre 2023.

Ce qui se dégage du Synode

C’est une nouvelle compréhension du ministère ordonné et de l’Église. Dans une église synodale, l’Église ne peut rien décider sans l’évêque, mais l’évêque ne peut rien décider sans l’Église. Il faut les deux. Beaucoup attendent que le synode change les choses, mais ce n’est pas le but du synode. Son but, c’est la synodalité : comment on va marcher ensemble, ce qui veut dire : comment l’Église va prendre ses décisions ensemble. La synodalité a toujours fait partie de l’Église. Dans les premiers siècles, c’était beaucoup plus important, à certains moments, la synodalité est passée à l’arrière-plan, mais elle n’a jamais disparu. L’Église orthodoxe a gardé une synodalité, mais seulement des évêques, les églises protestantes ont une synodalité de tous, mais cela devient un Parlement. L’Église catholique doit trouver une synodalité catholique et c’est le Saint-Esprit qui a donné au pape l’idée de faire ce synode, car aussi bien dans les églises que dans les États, on voit aujourd’hui que le système de décision du haut en bas ne fonctionne pas. Il nous faut trouver une manière de prendre des décisions ensemble comme chrétiens. Nous sommes dans une période de changement d’époque, nous sommes au début de la digitalisation et de l’intelligence artificielle. Il nous faut reformuler la foi de l’Église de manière à ce qu’elle puisse être comprise, en étant fidèle à ce qui a été dit avant nous. Ce n’est pas simple. C’est la Tradition vivante, qui se développe. Ce que nous mettons en place, c’est une manière de prendre ces décisions, où tous participent. Il faut une synodalité catholique, où tous les baptisés ont un ministère, en distinguant les ministères ordonnés et non ordonnés. La synodalité doit intervenir au niveau des paroisses, des Conférences épiscopales, des conférences continentales. Un conseil synodal pourra également se mettre en place autour du pape. Le Document final du synode d’octobre 2024 envisagera les différents nœuds de la synodalité. Le rôle des théologiens sera important, le droit canonique pourra être modifié également. Le synode ne peut rien décider, c’est une instance de consultation du pape. S’il le veut, le pape peut en faire un Document du Magistère de l’Église, mais cela relève de sa décision propre. En tout cas, c’est très difficile d’écrire un Document de synthèse.

Cardinal Jean-Claude HOLLERICH Propos recueillis par Marie-Anne Vannier

LES SYNODES EN ORIENT

Dans l’Église primitive, toutes les questions qui pouvaient surgir étaient résolues au sein de l’Église locale assemblée autour de son évêque légitime. Ignace d’Antioche témoigne de cette pratique dans sa lettre aux Smyrniotes où il affirme :

« Suivez tous l’évêque comme Jésus-Christ […]. Que personne ne fasse en dehors de l’évêque rien de ce qui regarde l’Église. Que cette eucharistie seule soit regardée comme légitime qui se fait sous la présidence de l’évêque ou de celui qu’il en aura chargé. Là où paraît l’évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique1. »

De même, durant cette toute première période de l’histoire ecclésiastique, l’élection de l’évêque se faisait également au sein de l’Église locale, comme en témoignent la Tradition apostolique et les Constitutions apostoliques. En effet, la Tradition apostolique stipule « qu’on ordonne comme évêque celui qui a été choisi par tout le peuple. Lorsqu’on aura prononcé son nom et qu’il aura été agréé par tous, le peuple se rassemblera, avec le collège des prêtres et les évêques qui sont présents, le dimanche2 ». De même, les Constitutions apostoliques prescrivaient « qu’on ordonne évêque […] quelqu’un d’irréprochable en tout, choisi au mérite par tout le peuple. […] Celui qui a la préséance sur tous les autres demandera au presbyterium et au peuple si tel est bien celui qu’ils postulent comme chef3 ».

Toutefois, cette pratique ne prévenait pas qu’un évêque puisse tomber dans l’hérésie ou qu’il soit capable de créer un schisme au sein de l’Église. De plus, comment pouvait-elle assurer que les décisions prises par un évêque dans son éparchie soient respectées dans les éparchies voisines ? Or, du fait que chaque Église locale est la manifestation dans un lieu de l’Église « une, sainte, catholique et apostolique », il était nécessaire que toutes les Églises locales professent la même foi et observent le même ordre canonique. Suite aux persécutions et à l’apparition des premiers schismes et des premières hérésies, il devint urgent de régler les questions doctrinales et disciplinaires d’un commun accord. Il fut alors jugé nécessaire de rassembler les évêques d’une même région en synode afin de débattre des questions de foi et d’ordre et de prendre des décisions communes afin que la concorde persiste parmi les Églises locales.

LES PREMIERS SYNODES ORIENTAUX

Ainsi, en 314, un synode réunit à Ancyre (aujourd’hui Ankara, en Turquie) une douzaine d’évêques représentant toutes les régions de Syrie et d’Asie Mineure pour discuter des problèmes causés par les persécutions qui venaient de cesser après l’édit de Milan (313). Que faire des prêtres et des diacres qui avaient offert des sacrifices aux idoles ? Que faire des fidèles qui s’étaient comportés en païens ? Face à ces problèmes qui étaient communs à toutes les Églises locales, l’Église devait adopter une position commune, ce qu’elle fit lors de ce synode présidé par Vitalis, l’évêque d’Antioche.