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Un récit brut et criant de sincérité.
C’est le témoignage d’une mère et de sa famille face à la maladie de leur fils. Un récit poignant délivré sans exagération qui met le lecteur en prise directe avec une réalité inacceptable.
Il est honnête et sans concession puisqu’il aborde la souffrance, la révolte, la colère, l’espoir, la joie et la désillusion. Une mère qui s’oublie et se bat pour son enfant, confrontée aux méandres administratifs, médicaux et sociaux. Cet écrit, issue de son journal intime où elle se livre totalement et dévoile ses impressions, son ressenti et ses coups de gueule.
On ne peut qu’être percuté par ce récit.
Ce livre est avant tout un hommage à mon fils pour saluer son courage, sa force dans son combat contre cette injustice qui s’appelle leucodystrophie.
Il est aussi dédié aux enfants d’ELA (association Européenne qui lutte contre les leucodystrophies) qui n’ont d’autres choix que de lutter contre cette maladie ainsi qu’à leurs parents qui font de leur mieux pour soulager toute cette souffrance.
À toute personne en situation de handicap qui doit suivre un véritable parcours du combattant pour avoir accès à l’enseignement, aux loisirs, à la culture et tout ce à quoi une personne valide peut prétendre.
Découvrez le combat émouvant d'un petit garçon contre la maladie.
EXTRAIT
Mars 2002
Thierry et moi, nous vivons ensemble depuis dix-sept ans. Nos deux enfants, Jessica, née le 16 septembre 1989, et Jérémy, né le 29 septembre 1992, ensoleillent notre foyer.
Nous nous sommes mariés en 2001, suite à l’achat de notre maison, et ainsi tout est en règle. La vie est belle, notre famille évolue, nos deux enfants grandissent. Il ne nous manque rien, matériellement ou financièrement. Nous sommes une famille ordinaire aux revenus modestes nous permettant de vivre heureux tous les quatre, simplement.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Françoise Richard est née en 1964 à Châteaubriant en Loire Atlantique.
- Elle est une femme de caractère investie dans le monde associatif. Le respect, le partage, l’écoute et la relation à l’autre font partie de ses valeurs.
- Elle est à l’origine avec l’aide d’autres parents de la création de l’association « Un copain comme les autres » qui permet l’accès aux loisirs et à la culture des personnes en situation de handicap.
- Elle est également déléguée de l’association ELA. (Association Européenne contre les Leucodystrophies.)
- Elle sensibilise les écoles, collèges, lycées et toutes personnes qui le souhaitent dans le but de faire connaître les Leucodystrophies. Afin de récolter des dons pour faire avancer les recherches médicales.
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Seitenzahl: 356
Veröffentlichungsjahr: 2018
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Un récit délivré sans exagération, où se mêlent colère, détresse, rage, espoir, joie, désillusion et tristesse. Un vécu que l’on ne peut oublier, que l’on ne souhaite à personne.
Une mère qui s’oublie et se bat pour son enfant, confrontée aux méandres administratifs, médicaux et sociaux.
Cet écrit, issu de son journal intime où elle se livre totalement, dévoile ses impressions, son ressenti et ses coups de gueule. Histoire vraie pour une vie trop courte.
Ce livre est avant tout un hommage à son fils pour saluer son courage, sa force dans son combat contre cette injustice qui s’appelle leucodystrophie.
Il est aussi dédié aux enfants d’ELA (Association Européenne qui lutte contre les leucodystrophies) qui n’ont d’autre choix que de lutter contre cette maladie ainsi qu’à leurs parents qui font de leur mieux pour soulager toute cette souffrance.
A toute personne en situation de handicap qui doit suivre un véritable parcours du combattant pour avoir accès à l’enseignement, aux loisirs, à la culture et tout ce à quoi une personne valide peut prétendre avoir droit.
Thierry et moi, nous vivons ensemble depuis dix-sept ans. Nos deux enfants, Jessica, née le 16 septembre 1989, et Jérémy, né le 29 septembre 1992, ensoleillent notre foyer. Nous nous sommes mariés en 2001, suite à l’achat de notre maison, et ainsi tout est en règle.
La vie est belle, notre famille évolue, nos deux enfants grandissent. Il ne nous manque rien, matériellement ou financièrement. Nous sommes une famille ordinaire aux revenus modestes nous permettant de vivre heureux tous les quatre, simplement.
Nous n’avons pas à avoir peur de l’avenir. Thierry et moi exerçons des professions qui nous plaisent et qui nous mettent à l’abri du besoin. Thierry est carrossier-soudeur et je suis caviste, nous pouvons assumer en toute tranquillité nos charges et remboursements d’emprunts. Il ne nous reste plus qu’à profiter de la vie et du bonheur avec nos enfants.
Quelle situation étrange ! On se croit à l’abri de tout danger quand on possède l’argent, le matériel, la sécurité de l’emploi. On ne peut imaginer que le pire puisse un jour frapper à notre porte puisque tout va bien … et pourtant !
La vie, elle, a décidé que c’est trop beau… ou peut-être est-ce le destin ?
Elle nous envoie une maladie génétique rare qui se nomme leucodystrophie.
Une maladie presque inconnue de tous, excepté de certains chercheurs et parents qui essaient de la combattre. Elle détruit la myéline, la gaine entourant les nerfs du système nerveux central, le cerveau et la moelle épinière, et touche de ce fait les fonctions vitales du patient.
Une maladie, à ce jour, impossible à guérir. Quoi que vous tentiez, vous ne pourrez empêcher la mort de venir vous chercher.
Dans ce genre de combat, il faut s’inventer une autre forme de bonheur.
Au jour le jour, car on ne sait pas de quoi demain sera fait.
Il faut bon gré, mal gré, donner envie de vivre jusqu’au bout. Essayer de voir le positif dans le négatif.
Il faut se créer un nouveau monde, se battre de toutes ses forces, avec ses tripes, car c’est à l’intérieur qu’on peut trouver le sérum qui permettra de se protéger d’une destruction certaine.
Jérémy est âgé de neuf ans et demi. Brun aux yeux bleus, du haut de son mètre trente-trois et de ses trente kilos, c’est un enfant calme, facile à vivre, d’une douceur incroyable. Il fait partie des garçons sages. Il se développe et grandit normalement, fait les choses de la vie courante de tout gamin : il apprend à faire du vélo, du roller, du patin à glace, à nager et à grimper aux arbres. Egalement des bêtises, car elles font partie de la vie d’un enfant.
Il a suivi une scolarité normale jusqu’au CE2 qu’il a dû redoubler. Il apprend à son rythme.
La rentrée prochaine se fera avec un instituteur qui demande aux élèves d’être autonomes dans leur travail. Jérémy s’adapte plutôt bien, il faut toutefois être derrière lui car, comme tout enfant de son âge, il préfère jouer.
Le grand-père paternel de Jérémy, atteint d’un cancer, décède. Notre fils est choqué, c’est la première fois qu’il assiste à un enterrement. Il sanglote en voyant son père pleurer à ses côtés.
Au cours des semaines qui suivent, nous remarquons qu’il a du mal à surmonter cette épreuve. La mort est un sujet que nous n’avions jamais abordé. Comment le rassurer ? Les mois défilent et l’attitude de Jérémy se modifie. Il passe beaucoup de temps dans sa chambre, vit dans sa bulle avec ses livres et ses jouets. Mais après tout, rien de dramatique, il peut avoir envie de se retrouver seul parfois.
A l’école, son travail se passe bien, des séances d’orthophonie l’aident à dépasser ses difficultés en lecture durant ce dernier trimestre. Nous apprenons que notre fils est dyslexique. Etrange de détecter cette difficulté seulement au CE2. Mais il progresse avec le soutien de l’orthophoniste.
A la rentrée prochaine, il passera en CM1. Nous le félicitons. Enfin, les vacances sont là et c’est formidable !
A la maison pour plusieurs semaines de repos à la suite d’une intervention chirurgicale, je profite de mes deux enfants. Nous organisons des activités ensemble, vélo, piscine, balade en forêt, sortie avec les cousins, cinéma.
Un jour, nous décidons de partir à vélo tous les trois.
La route choisie se révèle assez difficile à cause de ses pentes. Au bout de deux kilomètres, nous devons emprunter la plus grande descente du circuit. Je leur explique comment freiner tout en maintenant l’allure. Mais malgré mes recommandations, je vois Jérémy prendre de la vitesse. Il panique. Sa sœur et moi l’encadrons pour le diriger sur un espace de stationnement en terre.
Après un arrêt plutôt brusque, il jette son vélo à terre et se met à pleurer : il ne veut plus monter dessus et je le comprends. Il a eu peur. Le retour s’avère laborieux. Les enfants sont fatigués et réclament des pauses avec goûter et boissons.
Durant cette balade, j’ai remarqué que Jérémy avait perdu l’équilibre à plusieurs reprises. Ce constat m’interpelle car il sait faire du vélo depuis l’âge de six ans comme Jessica. Comme il refuse de continuer, je finis par marcher à ses côtés en l’encourageant à remonter sur son vélo. Je ne m’inquiète pas outre mesure, pensant qu’après tous ces efforts, ce n’est qu’un bref découragement.
Les enfants de ma sœur arrivent à la maison pour une semaine de vacances.
Chaque jour, nous prévoyons un programme fait pour plaire à tous afin de ne pas faire de jaloux. Nous décidons d’aller avec les cousins pique-niquer au lac de Vioreau.
La journée se passe très bien. Tous heureux d’être ensemble, ils partagent baignade, jeux de ballon, toboggan, château de sable jusqu'à seize heures pour finir par une collation bien méritée suivie d’une exploration de la forêt.
Comme il fait très chaud aujourd’hui, on ressent la chaleur sous les arbres, c’en est presque étouffant. Certains jouent à cache-cache, les autres grimpent aux arbres, ramassent des trésors. Je remarque alors que Jérémy reste en retrait, peut-être est-il fatigué ?
Durant la balade à travers les sentiers, il tombe deux fois. Je suppose qu’il a buté contre une racine ou bien qu'il a mis le pied dans un trou, rien de grave.
Arrivés au centre de la forêt, nous découvrons une grosse cuvette. Les enfants s’inventent des histoires, en imaginant que c’est un obus de la dernière guerre qui a fait ce trou.
Pour y accéder, il faut gravir plusieurs monticules de terre hauts de soixante centimètres à un mètre. Chacun va dans le sens qui lui convient pour atteindre son but, sauf un : Jérémy se tient devant la plus petite bosse et n’arrive pas à la gravir.
Je vais près de lui et il ne répond pas lorsque je lui demande pourquoi il reste là sans bouger.
Je lui tends la main mais il la refuse en disant « Je vais tomber ».
Sur le coup, je suis surprise, il ne réagit pas comme ça d’habitude. En riant, je lui explique qu’il n’est plus un bébé, mais le voilà au bord des larmes. Voyant sa réaction, je lui propose mon aide, lui donne la main. Je le sens plus rassuré et on y va ensemble. En l’observant, je constate que ses pieds se touchent parfois en marchant, ce qui provoque une perte d’équilibre. Rien de bien grave, me semble-t-il. Qui ne s’est jamais emmêlé les pinceaux de temps en temps ?
Lorsque nous arrivons sur une butte un peu plus haute que la précédente, je sens sa main saisir la mienne. Crispé, il se rapproche de moi. Quand je pose mes mains sur son torse, je sens son cœur battre à toute vitesse. Sur son visage, je peux lire l’angoisse de franchir cet obstacle. Afin de dédramatiser, je lui propose de le contourner pour rejoindre le groupe. Aussitôt son regard s’éclaire, le drame est évité…
Une fois réunis, les enfants veulent grimper à un arbre qui, à première vue, semble facile à escalader vu l’emplacement des branches. Une fois de plus, Jérémy ne monte que sur la première branche, mais heureusement, son cousin, s’apercevant de ses difficultés, lui apporte son aide pour descendre et l’encourage. Il propose alors un jeu où tout le monde participe sans problème. Nous rentrons vers vingt heures et racontons à Thierry cette fameuse journée en n’omettant aucun détail.
Quant à moi, je suis bien contente de pouvoir souffler un peu. Cinq enfants, c’est du boulot !
Les cousins restent encore quelques jours, les activités s’accumulent, ils sont tous vraiment heureux. Les journées passent toujours trop vite, même en vacances, pas besoin d’expliquer que ça bouge pas mal.
Un après-midi, nous décidons de suivre un petit ruisseau qui, en principe, doit nous conduire à une fontaine. Les enfants ont eu cette idée en lisant un dépliant municipal destiné à faire découvrir les beautés cachées de notre ville.
La balade se passe très bien. A notre retour, j’aperçois Jérémy dans la salle de bain en train de changer de vêtements. Je n’interviens pas, il est assez grand pour savoir ce qu’il doit faire.
En fin de journée, je comprends pourquoi : son pantalon est mouillé… je ne cherche pas la raison, ce n’est pas une catastrophe.
Le séjour des cousins s’achève. Maintenant, c’est à Jessica et Jérémy de partir chez leur tante Carole qui habite à Clisson. Ils y retrouveront leurs cousins sensiblement du même âge. Je conviens avec ma belle-sœur que nous nous téléphonerons seulement en cas de problème ; ainsi, Jessica, qui a du mal à rester loin de nous, ne sera pas tentée de me demander de venir la récupérer.
Le séjour chez Carole durera entre trois et quatre jours, si tout va bien. Les enfants de Carole sont nettement plus remuants que les miens. Quand je passe une journée avec eux, je repars avec la tête qui bourdonne tellement c’est mouvementé. Cela ne m’empêche pas de les aimer énormément.
Pendant leur séjour, Carole constate que notre garçon est très fatigable. Il saigne du nez très souvent, peut-être est-ce dû à la chaleur ? Durant les mois de mai et juin, cela lui arrivait, sans rien d’affolant, sauf le 21 mai dernier.
Ce jour-là, comme il ne se sentait pas bien, j’avais décidé de le laisser à la maison… il est habitué à rester seul quand je suis au travail. Il m’avait téléphoné en milieu de matinée pour me dire qu’il saignait du nez. Je l’avais d’abord rassuré en lui rappelant les gestes qu’il doit faire pour stopper le saignement.
Quand il m’a rappelée trente minutes plus tard, pour me dire, en larmes, que le saignement ne s’arrêtait pas, je suis rentrée directement et j’ai vu qu’en effet, il y avait du sang partout et que son nez coulait toujours.
Sans attendre, je l’ai conduit chez le médecin qui a fait le nécessaire pour arrêter l’hémorragie.
Les paroles de Carole me rappellent cet épisode sans pour autant m’inquiéter outre mesure.
Je récupère donc nos enfants le dimanche, heureuse de les retrouver. La vie est formidable, les enfants nous apportent des moments de bonheur intense, de tendresse, de bonne humeur, de complicité et surtout d’amour. Je suis fière d’être leur mère.
Les jours qui suivent, je trouve, moi aussi, que Jérémy se fatigue de plus en plus.
Il se plaint d’avoir des maux de tête, passe beaucoup de temps allongé sur son lit à jouer avec sa Game boy, il lui arrive même de s’endormir.
Je l’accompagne à nouveau chez le médecin, qui l’ausculte et lui prescrit des fortifiants.
Durant cette semaine à la maison, des choses inhabituelles attirent mon attention.
Une nuit, Jérémy tousse et sa respiration est étrange. A deux heures du matin, je me lève pour vérifier ce qu’il se passe et découvre la taie d’oreiller couverte de sang. Je bascule alors Jérémy sur le côté afin de dégager le sang qu’il a dans la bouche. Son nez a dû se remettre à couler. Je m’interroge, je ne trouve pas ça normal. Dès le lendemain, le médecin me dit qu’il faudra envisager de refermer le vaisseau sanguin qui provoque ces saignements.
Sur une période de quinze jours, il y aura encore quatre nuits identiques à celle-ci. Le petit commence à avoir peur au moment d’aller au lit. Je prends le temps de le rassurer.
Nous avons inscrit Jérémy à un mini camp de poterie qui durera quatre jours.
Comme c’est la première fois qu’il nous fait cette demande, nous sommes étonnés mais ravis qu’il puisse faire cette expérience. Je rencontre les moniteurs qui encadreront les enfants pendant le séjour. Nous prenons le temps d’échanger sur les points importants, notamment les saignements de nez et le traitement. Je leur demande de prendre contact avec nous au moindre souci.
Notre fils a déjà étudié la liste de ce dont il aura besoin, tout est prêt pour son départ. Il est impatient d’y aller, c’est formidable de le voir et de l’entendre parler de ce voyage.
Le jour « J » est enfin arrivé ! Jérémy est heureux, avec malgré tout un soupçon d’inquiétude. En attendant le car, il se fait un copain. J’apprécie de voir qu’il communique avec les autres.
Et voilà, c’est le départ ! Nous nous embrassons très fort, j’attends le démarrage du véhicule, il me fait des signes de la main pour me dire au revoir et je fais de même.
Les quatre jours qui nous séparent vont me sembler longs. Je ne suis pas habituée à laisser mes enfants avec des inconnus ; même s’ils me paraissent compétents et dignes de confiance, j’avoue ne pas être rassurée.
Jusqu’à ce jour, les enfants ne sont restés qu’au sein de la famille, mais il faut un début à tout.
Jessica est à la maison. Contrairement à son frère, elle n’a jamais voulu partir en camp de vacances. La seule chose qu’elle a acceptée était de partir trois jours chez un membre de la famille, et il fallait bien sûr lui faire la promesse de la récupérer en temps et en heure.
Frère et sœur et pourtant si différents : lui qui aime le contact, contrairement à sa sœur plus réservée qui se sent bien chez elle avec ses parents et son frère ; elle qui a besoin d’être rassurée, même pour aller à l’école qu’elle fréquente pourtant depuis la maternelle.
Cette journée me paraît longue. Quatre jours qu’il est parti ! Notre fils doit arriver par le car à dix-sept heures, je suis impatiente de le retrouver.
Enfin, c’est l’heure ! Je l’attends avec les autres parents sur le parking de la mairie.
Le car arrive. Une ribambelle de gamins excités en descend, poussant des cris de joie.
Le chauffeur a du mal à se frayer un passage pour ouvrir le coffre qui contient les bagages.
J’aperçois Jérémy au fond du car, il est avec la monitrice qui porte un paquet dans ses mains. Elle descend et aide Jérémy. Ils sont les derniers.
Dès qu’il me voit, il se jette dans mes bras et se met à pleurer.
Je suis surprise de sa réaction. Que s’est-il passé pour qu’il soit aussi triste ?
Tout en le serrant contre moi, je demande des explications.
Très gentiment, la monitrice me demande de la suivre dans un endroit plus calme pour m’informer des événements durant le séjour.
Le lundi matin, à leur arrivée, ils ont visité les lieux, rencontré le personnel chargé de l’activité poterie, installé leurs valises sous les toiles de tente prévues pour le couchage. Tout s’est bien passé pour Jérémy, y compris le repas. Là où cela s’est un peu compliqué, c’est la nuit : il n’a en effet jamais dormi sous une tente, et les bruits qu’il a entendus lui ont fait peur.
La monitrice l’a retrouvé assis sur son matelas en mousse. Elle a essayé de le mettre à l’aise, l’a installé à côté d’un camarade et lui a promis de passer le voir pendant son sommeil.
Au réveil, elle est venue près de lui pour s’assurer qu’il allait bien, a constaté le contraire et a attendu d’être seule avec lui. Honteux, il ne voulait pas sortir du lit car il avait fait pipi.
Elle s’est employée à dédramatiser et il s’est laissé guider par cette femme. Le mardi, il n’y a pas eu de problème, elle a seulement remarqué qu’il se tenait à l’écart du groupe, qu’il n’avait pas envie de participer aux jeux collectifs.
Quand est venu le moment pour Jérémy de faire son premier essai en poterie, le professeur s’est aperçu qu’il avait du mal à malaxer la terre, il fallait souvent l’aider et l’encourager.
La seconde nuit, il allait déjà mieux et est allé se coucher sans crainte. Mais au milieu de la nuit, il s’est mis à crier, son nez a recommencé à couler. La monitrice a pris soin de lui. Elle précise que les hémorragies étaient impressionnantes et difficiles à stopper.
Les deux autres nuits ont été identiques, avec à chaque fois le pipi au lit.
Jérémy se sentait triste et s’est réfugié dans sa bulle où personne ne pouvait entrer, excepté cette femme. Elle a essayé de détendre l’atmosphère en impliquant les enfants mais n’y est pas parvenue, alors elle a improvisé. Jérémy l’a suivie et est parvenu à faire les choses sous son aile.
Il recherchait la tranquillité et la sécurité.
Il a fabriqué avec difficulté deux objets : un dragon et un cendrier. Il a avoué qu'il souhaitait rentrer chez lui. Elle lui a annoncé que le retour était prévu pour le lendemain. Pour une fois, la nuit s’est bien passée. Finalement, elle s’est chargée de lui tous les soirs depuis le début. La dernière journée s’est bien passée, même si Jérémy a eu besoin d’un coup de main pour emballer les poteries afin d’éviter qu’elles ne se cassent pendant le trajet.
Je crois qu’elle aussi est contente de rentrer : avoir un enfant collé à soi durant tout le séjour finit par être très fatigant. Elle avoue que cela était dur à gérer.
Pourtant j’avais précisé de me contacter au moindre souci afin que nous venions récupérer notre fils.
Après ces explications, je récupère la valise de mon fils et nous rentrons à la maison. A notre arrivée, je prends le temps de lui parler. Je le félicite pour le travail qu’il a réalisé malgré quelques difficultés et je le remercie de nous en faire cadeau.
Il retrouve le sourire, soulagé d’être de retour chez lui. Je lui demande s’il a envie de me parler de son séjour.
Oui, bien sûr, il a des tas de choses à me raconter, il a gardé en mémoire tout ce qu’il a aimé comme les balades, les chants des enfants le soir avant d’aller se coucher, les histoires racontées par un moniteur, son essai en poterie, mais aussi tout ce qui l’a gêné. Il me fixe dans les yeux pour expliquer que c’était très difficile et que d’autres enfants plus doués que lui se moquaient de sa façon de faire. Et il se met à pleurer.
Je le prends dans mes bras et lui dis que partout au cours de sa vie, il rencontrera des enfants ou adultes toujours prêts à se moquer des autres et que cela ne doit pas l’affecter, qu’il doit continuer à sa façon et ignorer ceux qui essaient de le blesser. Pas facile pour lui d’accepter cela.
Je le rassure en lui confirmant qu’au sein de notre famille, nous l’aimons comme il est et que pour rien au monde nous ne voulons qu’il change. Mais cela ne le console pas pour autant.
Le plus difficile pour lui, c’était d’être loin de nous. « Je voulais rentrer, me dit-il, j’avais peur que vous me laissiez pour toujours ! ». Je comprends alors qu’il n’était pas prêt à nous quitter, même quatre jours… peut-être aurait-il fallu le préparer davantage.
A nous de tenir compte de cette première expérience, pour faire mieux la prochaine fois. Après un temps de silence, il me parle de ses fuites urinaires, je lui demande si elles étaient accidentelles ou non.
Il explique alors que la première fois, il n’a pas osé demander à aller aux toilettes car tout le monde était couché et que lorsque la monitrice est venue, il était trop tard. Pour les autres incidents, il ne sait pas « Je te jure maman, je ne le faisais pas exprès… et les autres m’auraient traité de bébé ».
Je le console et le rassure. Il se sent déjà un peu mieux, il craignait ma réaction après toutes ces révélations. Petit à petit, il reprend ses habitudes et j’en suis bien soulagée.
A dix-neuf heures, son père rentre du travail et je lui explique discrètement les mésaventures de notre fils. Aussitôt, Thierry va l’embrasser et lui dit qu’il est heureux que son champion soit de retour à la maison !
Aujourd’hui, samedi, nous profitons du beau temps pour aller à Treffieux, dans notre maison de campagne où nous resterons tout le week-end.
Les enfants sont contents car je les emmène voir des amis qui possèdent une ferme.
Une fois arrivés, ils vont observer les animaux de près. Jérémy est ravi, Jessica un peu moins. Elle préfère rester devant la télé ou bien se baigner dans un lac.
Elle nous suit sans trop se plaindre. Demain, elle escaladera la mine d’Abbaretz, comme ça pas de jaloux !
C’est au tour de Jessica de partir chez sa tante Carole. Elle accepte de rester quatre jours et au retour je prendrai les enfants de ma belle-sœur chez nous.
Pendant son absence, je passe beaucoup de temps avec Jérémy, nous allons au cinéma avec Thierry, nous faisons des jeux d’extérieur. Jérémy profite de son père en faisant du bricolage. Il lui a offert une vraie perceuse électrique. Tout ce qui peut être troué est déniché séance tenante. J’admire le travail de loin, je les laisse entre hommes, ils sont magnifiques tous les deux. Ils fabriquent des tas de choses, Jérémy est fier de me montrer ses œuvres réalisées avec l’aide de son père.
Au retour de sa sœur avec les neveux et nièces, organisation du planning ! Sortie au zoo, après-midi piscine, patin à glace, balades en pleine nature… Pour les soirées, pique-niques au bord de lacs, près de châteaux ou en forêt… Tous sont heureux de pouvoir faire les fous autant qu’ils le souhaitent, il faut bien dire que les enfants de Carole sont agréables et faciles à vivre.
Cette année, nous avons décidé de partir en vacances en Bretagne, direction Douarnenez.
Le départ est prévu pour le 24 août. La veille, nous récupérons Olivia, la copine de Jessica. Toutes deux se connaissent depuis la maternelle et s’entendent très bien.
Nous avons réservé un mobil-home dans un camping équipé de tout ce qu’il faut pour que les enfants ne s’ennuient pas : piscine chauffée, distractions, soirées organisées et, bien entendu, de notre côté nous avons programmé de très jolies balades, tout un tas d’activités ainsi que la visite de sites exceptionnels de Bretagne.
Durant notre séjour, le temps passe doucement et agréablement, les enfants sont heureux et nous aussi. Pourtant, quelque chose me chiffonne : je remarque une fois de plus que notre garçon fatigue rapidement.
Il a beaucoup de mal à suivre lorsqu’on fait une balade sur le sentier qui longe la mer. Il demande à faire une pause, il a soif ; il est vrai qu’il fait chaud mais quand même, je sens qu’il n’est pas dans son assiette.
Habituellement, il est nettement plus joyeux, toujours prêt à faire des découvertes, ramassant des coquillages, des cailloux de toutes sortes, des plumes, assez pour remplir un coffre-fort, trésors qu’il contemplera après les vacances.
Au troisième jour, nous voilà partis tous les cinq à la pêche aux moules. Le paysage est magnifique, l’eau bleu ciel, presque transparente, la plage propre, sans algues. Même Jessica, qui a horreur de la mer, trouve ce coin très joli !
Pour atteindre la plage, il faut d’abord descendre une falaise très haute. Au départ, tout le monde suit, mais je remarque vite que Jérémy a un problème. Il appelle son père pour qu’il vienne à son aide.
Thierry le rejoint, le met sur son dos et le dépose sur la plage. Lui aussi constate les difficultés de son fils.
Les enfants veulent rapporter chacun un galet souvenir. Bien sûr, Jessica en choisit un de la taille d’un œuf d’autruche. Je lui précise qu’elle va devoir le porter elle-même !
Maintenant que tout le monde s’est défoulé, il nous faut remonter le sentier jusqu'à la voiture. Une fois encore, il faut aider Jérémy. Il perd l’équilibre sur les rochers et se plaint de maux de tête. Thierry le porte jusqu' à la voiture où, trempés par les vagues qui se fracassent sur les rochers, nous changeons de vêtements.
Pour calmer le mal de tête de Jérémy, je lui donne du Paracétamol et il s’endort durant le trajet. Après une telle journée, nous pensons que c’est naturel d’être aussi épuisé.
Pourtant, quelque chose est différent !
Le lendemain, journée de repos, les enfants vont à la piscine tous les trois. Jessica veille sur son frère, comme elle le fait souvent quand ils sont dans l’eau, en attendant que son père les rejoigne pour les faire « couler », c’est le jeu qu’ils préfèrent. En ce qui me concerne, je n’aime pas l’eau et je fais autre chose avec eux.
Au bout d’une heure, Thierry revient et profite du soleil en me racontant ses exploits avec les filles. Après la baignade, j’entends Jessica, en colère, qui hurle après son frère.
Que s’est-il passé ?
Elle l’insulte, le traite de tous les noms et le tire par le bras avec une grande violence.
N’appréciant pas cette façon de faire, j’interviens aussitôt. Je les sépare et demande une explication. Jérémy pleure ; il est habitué à entendre sa sœur râler, mais là, elle n’y est pas allée de main morte. Elle raconte : « Tu ne te rends pas compte, il a fait pipi et caca dans la pataugeoire ! » Une fois de plus, cela ne ressemble pas à Jérémy.
Son père, qui écoute, se fâche et le réprimande ; quant à moi, je lui pose la question : « As-tu fait cela volontairement ? »
Tant bien que mal, il essaie d’expliquer ce qui s’est passé : il n’a pas senti le besoin d’uriner et encore moins de déféquer. « C’est parti tout seul sans que je m’en rende compte », précise-t-il.
Le pauvre, profondément honteux et choqué, va dans sa chambre en attendant que la tempête passe.
J’ai préparé un goûter avec des spécialités de la région. Tout rentre dans l’ordre, nous allons ensuite sur le port voir de vieux bateaux et écouter de la musique.
Thierry et Jérémy visitent un vieux navire pendant que les filles flânent de boutiques en boutiques. C’est tellement plaisant qu’ils veulent manger sur place des saucisses frites. Nous serons ainsi bien placés pour assister au concert qui commencera à vingt-et-une heures.
Pendant la soirée, Jérémy tombe trois fois. A chaque fois, nous l’observons afin de savoir ce qui a pu provoquer la chute, mais à première vue, il n’y a pas d’explication.
Est-ce la fatigue qui le rend maladroit ?
Vers vingt-trois heures, comme il se plaint à nouveau de maux de tête, nous décidons de rentrer, sous les reproches de la princesse, forcément : « Ce n’est pas juste ! C’est toujours à cause de lui qu’on rentre plus tôt ! »
De retour au mobil-home, je soigne Jérémy. Son nez recommence à saigner légèrement. Une fois rassuré, il se couche. Il se réveille le lendemain vers onze heures et en pleine forme. A force de constater les maladresses de mon fils, je deviens plus protectrice, plus observatrice aussi. Quand il prend un verre sur la table, il le fait tomber. Quand il se sert, il en met à côté de son assiette. Quand il mange, il fait des fausses routes en avalant de travers ou bien se brûle. Une multitude de petits signes qui m’interpellent.
Que t’arrive-t-il, mon petit ?
A neuf ans et demi, pourquoi n’arrive-t-il pas à contrôler ses gestes ?
Au milieu de la semaine, nous décidons d’envoyer des cartes postales à la famille. Chacun doit en écrire une. Les filles se débrouillent, elles ont des tas de choses à raconter ! Jérémy, lui, n’a pas envie d’écrire, alors il faut le motiver un peu. Il prend enfin le crayon et c’est parti ! Il griffonne quelques mots dont je vérifie l’orthographe, et je remarque son écriture : elle est toute petite et saccadée, comme s’il avait écrit avec les mains gelées au point de ne pas pouvoir tenir un crayon. Mais je le félicite d’avoir fait l’effort d’écrire à sa grand-mère.
Notre séjour touche à sa fin, avec son lot de belles sorties pour le plaisir de tous. Le jour de notre départ, nous avons convenu de faire un détour afin de rendre visite à ma cousine qui habite dans le département voisin.
Voilà, les vacances à Douarnenez terminées, les valises bouclées, nous continuons notre chemin tout en visitant les sites les plus renommés de cette région, des édifices remarquables tels que des églises construites et taillées en partie dans la roche.
Les enfants n’apprécient pas trop ce genre de balade mais ils nous suivent malgré tout, en faisant semblant de s’y intéresser.
Mais un endroit fait l’unanimité, le village de Locronan ! C’est magnifique toutes ces maisons fleuries ! Dans chaque rue, on découvre des marchands, des potiers, des sculpteurs, des fabricants de jouets en bois. C’est un régal pour les yeux tellement c’est riche en couleurs. Sur la place de l’église, un homme attend les clients pour faire visiter les environs dans une carriole tirée par un cheval.
Pas de temps à perdre, nous grimpons tous les cinq à bord pour admirer le paysage en posant des questions à notre guide qui connaît bien l’histoire de la région. Les enfants sont enchantés par l’histoire de la sorcière de Locronan.
Vient le moment le plus attendu pour eux, choisir un souvenir ! Ils mettent un temps fou à se décider « Je le veux ! Je n’en veux pas, je préfère celui-là… » Quand ils finissent enfin par être sûrs de leur choix, nous achetons et tout le monde est content.
En arrivant chez ma cousine Christelle comme convenu, nous retrouvons également ses parents. Jérémy se plaint d’avoir mal à la tête, je lui donne de quoi l’apaiser. Je suis impressionnée par son état de fatigue : lui, qui d’habitude est toujours en mouvement et qui est un moulin à paroles, ne dit presque rien.
Après une bonne journée en famille, nous prenons le chemin du retour tardivement. Les enfants, bien installés, peuvent dormir pendant les deux heures de route qui nous séparent de la maison.
De retour à Treillières, il nous reste encore une semaine de vacances. Les petits reprennent un rythme de vie plus régulier, se couchent un peu plus tôt, mais ils ont du mal à s’endormir. Normal après les habitudes prises pendant l’été !
Cette dernière semaine est nettement plus calme, ce qui permet à Jérémy de souffler et de récupérer un peu de vigueur. Il est content de retrouver son espace et ses jeux préférés et moi aussi, je suis ravie de le voir enfin avec le sourire. Il est vrai qu’il a eu un bon nombre de soucis durant la semaine passée.
J’espère qu’il profitera pleinement de ces quelques jours avant la rentrée scolaire. Jessica est enchantée de son séjour, elle s’avoue heureuse d’être rentrée et de retrouver ses repères. Olivia a bien aimé faire partie de la famille, son souhait serait que cela dure plus longtemps, mais voilà, il lui faut rentrer chez ses parents.
Jour de la rentrée scolaire, il est huit heures. Jessica entre dans un nouveau collège à Treillières, en quatrième. Comme d’habitude, elle est stressée, mais une fois sur place, elle retrouve des copines et tout va bien.
Neuf heures : c’est le tour de Jérémy qui passe en CM1. Nous arrivons tranquillement dans ce lieu qu’il connaît bien, depuis la maternelle. Nous parcourons en hâte les listes affichées sur les murs afin de connaître le nom de sa maîtresse. Il est angoissé à l’idée d’être dans la classe qui fera de la voile. Trop chouette, la même institutrice qu’en CE1 !
Cette femme, très douce avec ses élèves, leur donne envie d’apprendre d’une manière géniale. Si Jérémy est soulagé, il ne laisse paraître aucun signe de joie ; au contraire, il s’accroche à moi. En attendant l’appel, je croise la maîtresse et nous échangeons quelques mots. Elle dit bonjour aux élèves et ils entrent dans la nouvelle classe, la matinée commence.
Comme je suis toujours en arrêt maladie, je peux aller chercher mon fils le midi ; il m’annonce alors que sa maîtresse demande à me voir après le repas.
De retour à l’école dès treize heures trente, je file directement voir l’institutrice qui me dit être surprise par le comportement de Jérémy : elle le connaît bien pour l’avoir suivi une année en CE1 et me fait part de ses remarques sur la matinée.
Il était stressé et, une fois installé, il est resté figé en regardant droit devant lui, assis sur sa chaise. Lorsqu’elle a demandé aux enfants de prendre leur cahier, Jérémy n’a pas bougé d’un pouce.
Il donnait l’impression d’être ailleurs et quand elle lui adressait la parole, il ne l’entendait pas. De toute la matinée, comme paralysé, il n’a pas pu écrire son prénom, encore moins prononcer un mot.
Jérémy semble incapable de m’expliquer ce qui se passe. En larmes, il ne peut que se serrer contre moi.
J’ai mal de voir mon fils dans cet état et ne sais quoi dire à cette femme. Que se passe-t-il dans la tête de mon petit ?
L’après-midi me semble interminable, je n’aime pas savoir mes enfants en difficulté.
A seize heures trente, je retourne dans la classe. Toujours rien de bon : même comportement que le matin avec en plus des difficultés d’élocution. Il n’a pas écrit un seul mot sur une feuille, rien de rien ; il donne l’impression d’être dans une bulle. Cela m’inquiète car il n’est pas de nature à se faire du souci pour l’école ; au contraire, il y prend du plaisir, il a des amis. Bien sûr, il préfère jouer, mais comme tous les gosses !
Nous rentrons et je profite du goûter pour voir avec lui ce qui se passe. Mais il me répond que tout va bien, puis allume la télévision pour décompresser. Quelques instants plus tard, je constate qu’il s’est endormi sur le canapé. Comment peut-il déjà être aussi fatigué ? Pourtant, à son réveil, il paraît en pleine forme et va jouer sur l’ordinateur. Je veille à ce qu’il ne soit pas trop près de l’écran tout comme pour la télévision, car il est comme aspiré par l’appareil.
Le lendemain, au retour à l’école, c’est le même scénario. Et chaque jour de la semaine, de nouvelles difficultés s’ajoutent à cela : il ne peut plus serrer un crayon dans sa main, tenir assis sur sa chaise sans tomber, marcher sans trébucher, articuler correctement un mot ou une phrase.
Pourquoi autant de problèmes ? Que se passe-t-il ?
Soucieuse de ces nouveaux troubles, je rencontre le psychologue de l’école qui nous dirige vers un Centre Médico Psychologique et Pédagogique (CMPP) à Nantes.
Je conduis mon fils chez notre médecin pour parler de la situation. Il se prénomme Elias, il est devenu mon ami au fil du temps. Avec lui, je peux échanger sur beaucoup de sujets. Je sais qu’il n’émettra pas de jugement sur ma façon d’être ou ma façon de dire les choses avec franchise. Je lui accorde ma confiance, chose rare de ma part. Je lui fais part de tous les dysfonctionnements que j’ai repérés chez mon enfant sans avoir d’explication, et de mon inquiétude grandissante. Comment Jérémy a-t-il pu changer à ce point en si peu de temps, et pourquoi ?
Elias m’écoute et essaie de me rassurer en me disant que cela peut être passager et que tout rentrera dans l’ordre dans quelque temps.
Cela ne me convient pas ! Il faut aller plus loin !
Alors il n’hésite pas : il prend contact avec un confrère neurologue à Nantes, le rendez-vous a lieu deux jours plus tard.
Le neurologue examine le petit sous toutes les coutures, il lui demande de marcher sur une ligne, lui fait suivre son doigt du regard, lui demande de reproduire la même gestuelle que lui et j’en passe.
Après cet examen complet, il m’annonce que notre fils est un petit garçon comme les autres. Je me sens soulagée, j’ai un fils normal, quoi de mieux en ce monde !
En rentrant, j’en informe Thierry, lui aussi s’en trouve plus serein.
Nous pensons, l’un comme l’autre, que Jérémy a besoin d’une aide psychologique. Nous ferons le nécessaire pour qu’il se sorte de là. C’est un cauchemar pour les parents de voir leur enfant régresser sans rien pouvoir stopper.
On se pose des questions. Pourquoi ? Comment ? Sans avoir de réponses. On ne souhaite qu’une chose, que tout redevienne comme « avant ».
Que s’est- il passé pour en arriver là ?
On a forcément manqué quelque chose, mais quoi ?
Aujourd’hui, rendez-vous au CMPP, un grand établissement avec une équipe pluridisciplinaire de professionnels de santé, pédopsychiatre, psychologue, orthophoniste, psychomotricien. Cette première rencontre me permet de décrire les troubles de Jérémy. Ensuite, la parole est donnée à l’enfant.
Le dialogue s’avère difficile. Le psychologue utilise alors le dessin, puis des jeux, tous les moyens sont bons pour tenter de le faire parler.
Après une heure d’échange, cet homme note que notre fils souffre et qu’il va mettre en place le soutien nécessaire. Dans un premier temps, soutien en motricité, afin d’évaluer le problème des chutes à répétition et du dysfonctionnement de ses mains. Nous convenons de deux rendez-vous par semaine, le lundi et le jeudi.
Nouveau rendez-vous au CMPP, Thierry et moi allons devoir répondre aux questions du psychologue afin de trouver l’origine du comportement de notre enfant.
Nous sommes tous les quatre dans un bureau, Jérémy a une grande caisse de jouets pour s’occuper, mais c’est entre nous qu’il vient s’amuser.
Après un échange où nous répondons à ses questions, notre interlocuteur rassemble les différents éléments de l’entretien, nous observe un instant avant de nous livrer ses conclusions.
Dans un premier temps, il me considère comme une mère trop exigeante, sur le plan de la scolarité, sur les règles de vie à la maison (être poli, bien se tenir, avoir un comportement correct, avoir du respect, dire bonjour, au revoir, merci…). Il me fait comprendre que je devrais être plus souple au sein de ma famille de manière que les enfants soient plus à l’aise.
En ce qui concerne Thierry, il affirme qu’il le perçoit comme un père autoritaire. Il dit que Jérémy lui a raconté avoir reçu une gifle parce qu’il avait passé plus d’une heure pour écrire cinq mots.
Je me souviens de ce jour-là, cela s’est produit l’année passée.
Thierry était rentré plus tôt que d’habitude. En général, il n’assiste pas aux devoirs. Il a été surpris de voir comment son fils prenait son temps. Après lui avoir demandé de se presser à plusieurs reprises, il n’avait pu empêcher la gifle de partir.
Le psychologue provoque ainsi une telle tension que le ton finit par monter.
De quel droit se permet-il de nous juger !
Notre fils se rend compte que quelque chose ne va pas et se met à pleurer.
Et le psychologue nous dit : « Voyez, regardez votre enfant ».
Je sens la colère monter. Je n’apprécie pas la façon dont il utilise Jérémy pour nous démolir. A l’entendre, nous sommes vraiment les responsables de son état.
Je sens les larmes couler sur mes joues, j’ai envie de lui taper dessus. Pour qui se prend-il ?
Thierry n’en pense pas moins mais il garde son calme. Comment croire à une énormité pareille ?
Nous avons élevé cet enfant pendant neuf ans et demi, sa sœur pendant douze ans.
En seulement quelques semaines, nous n’aurions plus les qualités nécessaires pour être parents et serions devenus des bourreaux d’enfant ?
Comment se sent-on après une telle rencontre ? Retournés, humiliés, fâchés.
A notre retour, le calme revient. Thierry m’annonce qu’il ne retournera pas voir ce guignol pour entendre de telles aberrations. Je suis d’accord avec lui, ce psychologue est trop nul.
Alors comme ça, quand un enfant a un souci, cela viendrait de la façon dont s’y prennent les parents ? Résultat, il a mis le doute en nous malgré tout.
Depuis ce jour, nous nous observons et nous nous reprochons sans cesse de mal faire ! Par exemple, au moment du repas, si Jérémy renverse son verre, Thierry lui dit de faire un peu plus attention, et comme il a une forte voix naturellement, moi je réagis en disant :
« Tu as élevé la voix ! ».
En vérité, il n’en est rien, il a toujours parlé de cette manière. Tout cela entraîne des tensions dans notre vie de famille et de couple.
Jérémy a rendez-vous les lundis et jeudis avec un psychomotricien durant quarante-cinq minutes. Ce dernier va évaluer les capacités et les difficultés de notre fils.
Pendant cette première séance, Jérémy joue au ballon, grimpe à l’échelle murale, escalade des plots en mousse, fait des mouvements et déplacements au sol sur des tapis.
Je prends le temps d’échanger avec le professionnel afin de savoir comment se passe leur rencontre. Je suis surprise : au lieu de répondre à ma question, il me demande de lui mettre des vêtements plus amples. Pourtant, je l’habille par rapport à sa taille, ni trop grand, ni trop petit. Pour arranger tout le monde, il mettra un jogging les prochaines fois.
Les semaines passent. Il faut bien de la patience à cet homme, Jérémy ne communique pas et ne s’investit pas…
Un jour, le psychomotricien me demande de les rejoindre dans la salle de motricité. Mon fils me prend par la main et me conduit dans l’angle de la pièce où se trouve une table avec de la pâte à modeler. Il joue avec moi et participe un peu plus avec le sourire. Seul problème, ne faudrait-il pas qu’il en soit de même avec le psychomotricien ?
Il faut plusieurs semaines avant que ce dernier arrive enfin à obtenir des résultats et comprenne le fonctionnement de Jérémy, qui suivra une rééducation jusqu’à fin novembre.
Mais au fil des semaines, il n’y a pas d’amélioration, je dirais même que de nouveaux troubles apparaissent.
Chaque fois que je constate un fait nouveau, j’en informe le pédopsychiatre du CMPP qui ne parvient pas à comprendre, ne trouve pas de solution au problème de notre fils. Je m’aperçois, par exemple, que Jérémy a du mal à se servir de son couteau pour étaler du beurre mou sur sa tartine, et qu’il n’arrive plus à couper du jambon blanc. J’en parle en cours de motricité, le psychomotricien lui fait couper de la pâte à modeler pour observer sa façon de faire. Il me dit qu’il n’y a rien de grave.