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Beschreibung

Extrait : "L'INTENDANT, donnant des ordres : A-t-on dressé les tables de jeu ? LE DOMESTIQUE : Deux de whist, une de boston. L'INTENDANT : Vous avez prévenu les musiciens ? LE DOMESTIQUE : Ils seront au grand salon à neuf heures et demie. L'INTENDANT : C'est bien... Alors le punch et le thé au boudoir."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

• Livres rares
• Livres libertins
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Seitenzahl: 136

Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335054798

©Ligaran 2015

ACTE PREMIERPremier tableau

Un salon chez le comte de Kœfeld.

Distribution

KEANE.

LE PRINCE DE GALLES.

LE COMTE DE KŒFELD.

LORD MEWILL.

LE RÉGISSEUR.

SALOMON.

PISTOL.

LE CONSTABLE.

PETER PATT.

JOHN.

TOM.

DAVID.

DARIUS.

BARDOLPH.

L’INTENDANT.

LE SOMMELIER.

PREMIER VALET.

DEUXIÈME VALET.

KETTY.

ELENA, COMTESSE DE KŒFELD.

ANNA DAMBY.

AMY, COMTESSE DE GOSSWILL.

JULIETTE.

LA SUIVANTE.

LA NOURRICE.

UNE SERVANTE.

Scène première

Elena, l’intendant, un domestique.

L’INTENDANT,donnant des ordres

A-t-on dressé les tables de jeu ?

LE DOMESTIQUE

Deux de whist, une de boston.

L’INTENDANT

Vous avez prévenu les musiciens ?

LE DOMESTIQUE

Ils seront au grand salon à neuf heures et demie.

L’INTENDANT

C’est bien… Alors le punch et le thé au boudoir.

ELENA,écrivant une lettre

Et n’oubliez pas les cigares pour ces messieurs… Tout est bien ; monsieur l’intendant, ne vous éloignez pas de la soirée, je vous prie.

(L’Intendant sort.)

LE DOMESTIQUE,annonçant

Milady comtesse de Gosswill.

ELENA

Oh ! faites entrer, faites entrer vite ! (À Amy, qui entre.) Bonjour, chère… Oh ! que vous êtes tout aimable, de venir ainsi de bonne heure ! J’ai tant de choses à vous dire ! On ne se voit vraiment plus ; on se rencontre, voilà tout…

Scène II

Elena, Amy, devant une psyché.

AMY,minaudant

Aussi ai-je cru faire merveille en arrivant avant tout le monde ; nous aurons au moins, de cette manière, une demi-heure de bonne causerie ; car, moi aussi, j’ai mille choses à vous dire, et la première, ma belle Vénitienne, c’est qu’au milieu de nos cheveux blonds et de nos yeux bleus, vos cheveux et vos yeux noirs sont toujours ce qu’il y a de plus nouveau et de mieux pour le moment dans nos salons.

ELENA

Si ce n’est, cependant, ce beau cou blanc et ces belles mains blanches cette taille mince et souple comme une écharpe… Oh ! bien décidément, vous me rangez à l’avis de votre grand poète, et l’Angleterre est un nid de cygnes au milieu d’un vaste étang… Voyons, craignez-vous que nos convives n’en réchappent ? Asseyez-vous donc là.

AMY

Tout à l’heure, et avec grand plaisir, car je suis fatiguée… mais fatiguée horriblement ! il y avait une course à New-Market, et je n’ai pas pu me dispenser d’y aller. J’ai été obligée de me lever à dix heures du matin, et, quand je fais de ces imprudences, j’en ai pour toute la journée à me remettre… Oh ! il fallait bien que ce fût chez vous pour que je vinsse, allez… (S’asseyant.) Et vous, qu’avez-vous fait ?…

ELENA

Rien aujourd’hui, que les préparatifs nécessaires.

AMY

Et, hier au soir, avez-vous été quelque part ?

ELENA

Oui, à Drury-Lane.

AMY

On jouait ?

ELENA

Hamlet et le Songe d’une nuit d’été.

AMY

Et qui faisait le personnage d’Hamlet ?… Young ?…

ELENA

Non, Edmond Kean…

AMY

Pourquoi ne m’avez-vous pas écrit que c’était votre jour de loge ? Je vous aurais demandé une place.

ELENA

Et je vous l’aurais donnée avec grand plaisir… Kean a été-vrai ment superbe.

AMY

Superbe ?

ELENA

Sublime !… j’aurais dû dire.

AMY

Quel enthousiasme !

ELENA

Il vous étonne ?… Cependant, vous savez que nous autres Italiennes n’avons point de demi-sensations, et ne savons cacher ni notre mépris ni notre admiration.

AMY

Promettez-moi de ne pas me battre trop fort, je vous dirai une chose.

ELENA

Dites…

AMY

Préparez-vous alors à entendre ce qui a jamais été inventé de plus absurde

ELENA

Parlez…

AMY

Je ne sais vraiment comment vous dire cela… C’est si ridicule !

ELENA

Mais, mon Dieu, qu’est-ce donc ?

AMY

Personne ne peut nous entendre ?

ELENA

Vous m’effrayez, savez-vous ?

AMY

Eh bien, je vous dirai que l’on commence à remarquer dans le monde que vous êtes bien assidue à Drury-Lane.

ELENA

Vraiment ?… Eh bien, cela doit flatter vos compatriotes, qu’une étrangère soit si dévote à Shakespeare.

AMY

Oui ; mais on ajoute que vous allez à l’église non pour rendre hommage au dieu, mais pour adorer le prêtre.

ELENA

Young ?

AMY

Non.

ELENA

Macready ?

AMY

Non.

ELENA

Kemble ?

AMY

Kean…

ELENA

Oh ! la bonne folie !… (Se mordant les lèvres.) Et qui dit cela ?

AMY

Est-ce que l’on sait qui dit ces sortes de choses ? Elles tombent du ciel.

ELENA

Et il passe toujours une bonne amie qui les ramasse… Alors, je l’aime ?

AMY

À la folie, dit-on.

ELENA

Et l’on me blâme ?

AMY

On vous plaint… Aimer un homme comme Kean !…

ELENA

Un instant, comtesse !… je n’ai pas fait d’aveu… Et pourquoi n’aimerait-on pas Kean ?

AMY

Mais, d’abord, parce que c’est un comédien, et que, ces sortes de gens n’étant pas reçus dans nos salons…

ELENA

Ne doivent pas être reçus dans nos boudoirs… J’ai cependant rencontré M. Kemble dans les appartements du d’York.

AMY

C’est vrai.

ELENA

Et qui peut fermer à l’un les portes qui s’ouvrent devant l’autre ?

AMY

Sa réputation affreuse, chère amie…

ELENA

Vraiment ?

AMY

Oh ! mais il n’y a que vous qui ne sachiez pas cela… Kean est un véritable héros de débauche et de scandale ! un homme qui se pique d’effacer Lovelace par la multiplicité de ses amours, qui lutte de luxe avec de prince royal, et qui, avec tout cela, par un contraste qui dénonce son extraction, revêt, à peine débarrassé du manteau de Richard, l’habit d’un matelot du port, court de taverne en taverne, et se fait rapporter chez lui plus souvent qu’il n’y rentre.

ELENA

Je vous écoute, chère amie… Allez, allez !

AMY

Un homme criblé de dettes, qui spécule, dit-on, sur les caprices de certaines grandes dames pour échapper aux poursuites de ses créanciers.

ELENA

Et l’on a pu supposer que j’aimais un pareil homme !… un homme comme celui dont vous venez de me faire le portrait !… là, sérieusement ?

AMY

Mais très sérieusement. Vous pensez bien que je ne l’ai pas cru, moi… que lord Delmours ne l’a pas cru… que milady…

ELENA

À propos, j’avais oublié de vous demander de ses nouvelles… Comment se porte-t-il ?

AMY

Qui ?…

ELENA

Lord Delmours…

AMY

De ses nouvelles, à moi ? Comment ! est-ce que je sais ce qu’il fait, ce qu’il devient ?

ELENA

Pardon… mais je m’en informe à tout le monde : c’est un si excellent jeune homme !…. beau, élégant, spirituel, un peu indiscret… voilà tout.

AMY

Indiscret ?

ELENA

Qui… Mais qui croit à ce qu’il dit ? Personne ! Pardon, je vous ai interrompue… Vous parliez de ?…

AMY

Je ne sais plus… : Ah ! je crois que c’était du dernier bal du duc de Northumberland… Il a été délicieux, et j’ai été étonnée de ne pas vous y apercevoir. Je vous ai cherchée partout, je voulais vous-présenter à la duchesse de Devonshire… Elle aurait eu le plus grand plaisir à vous connaître ; j’en suis sûre.

ELENA

Merci de ce que vous pensez si souvent à moi… mais la chose était faite depuis longtemps… Mon mari, en sa qualité d’ambassadeur de Danemark, a été invité chez elle aussitôt son arrivée à Londres.

AMY

Et ne le verrons-nous pas, ce cher ambassadeur ?

ELENA

Ne dirait-on pas que vous ? avez la baguette d’une fée, et que vos désirs sont des ordres ? Voyez !

Scène III

Les mêmes, le comte de Koefeld.

LE COMTE,à son Secrétaire

Faites partir un courrier à l’instant, et qu’il profite du premier bâtiment qui mettra à la voile… Ces dépêches ne peuvent souffrir aucun retard.

AMY

La politique européenne laisse-t-elle enfin à M. le comte de Kœfeld un moment de loisir ?

LE COMTE

Le comte de Kœfeld a renvoyé tous les souverains de l’Europe à demain, afin de consacrer sa soirée à la reine de l’Angleterre, à la belle comtesse Amy de Gosswill.

AMY

Quel malheur qu’on ne puisse pas croire un mot de tout cela !

ELENA

N’a-t-il pas dit que, jusqu’à demain, il avait rompu avec la diplomatie ?

AMY

Oui ; mais l’habitude est une seconde nature.

LE COMTE

S’il en est ainsi, je vais dire un mal horrible de vous. Qui vous habille donc, milady ? Cette robe vous fait une taille affreuse ! et comment choisit-on le blanc avec un teint comme le vôtre ?… Si au moins vous aviez les cheveux blonds et les yeux noirs, cette beauté sévère rachèterait tous les autres défauts… mais, non, rien de tout cela… Oh ! sur mon honneur ! quand on a été aussi maltraitée de la nature, on doit être jalouse de tout le monde !… Eh bien, suis-je vrai, cette fois-ci ?

AMY

Pas plus que la première…

LE COMTE

Mais, alors, que croirez-vous ?

AMY

Tout ce que vous ne me direz pas.

LE COMTE

Il est bien malheureux que les femmes ne soient pas ambassadeurs.

AMY

Pourquoi cela ?

LE COMTE

Parce qu’il y a bien peu de secrets que l’on parviendrait à leur cacher.

ELENA,regardant Amy

Elles sont ambassadrices.

AMY

Méchante !…

ELENA

Et, en cette qualité, elles savent garder ceux qu’elles ont surpris.

AMY

Oh ! que vous avez là un charmant éventail !

ELENA

Un cadeau du prince de Galles.

AMY

Montrez donc.

LE COMTE

N’aurons-nous donc point lord Gosswill ?

AMY

Il n’a pu venir ; il aide en ce moment, je crois, lord Mewill à se mésallier.

LE COMTE

Ah ! c’est, sur mon honneur, vrai ! c’est aujourd’hui que lord Mewill épouse cette riche héritière sur la dot de laquelle il compte pour refaire sa fortune… Comment appelez-vous déjà cette jeune fille ?… miss Anna ?

AMY

Anna Damby, je crois… C’est un de ces noms qui ne se retiennent pas ; il n’y a rien qui les rappelle.

LE COMTE,à Elena

Vous savez, madame… c’est cette jeune et jolie personne qui a, presque en face de la nôtre, une loge à Drury-Lane, et que vous avez remarquée pour la voir à toutes les représentations : elle a pu faire la même remarque sur vous, au reste.

ELENA

Oui, oui, je sais.

AMY

Vous ne devineriez pas, monsieur le comte, l’indiscrétion que j’ai commise : j’ai demandé à ma chère Elena une place dans sa loge pour la première fois que jouera Kean… C’est un si grand acteur !… un homme de tant de génie !

LE COMTE

Vous désirez donc le voir ?

AMY

Plus que vous ne pouvez imaginer… et de près surtout. Votre loge est à l’avant-scène, et l’on doit y être à merveille pour que pas un des mouvements de sa physionomie ne soit perdu.

LE COMTE

Eh bien, je suis fort aise que vous ayez ce désir ; car je vous le ferai voir aujourd’hui de plus près encore que de ma loge…

AMY

Vraiment !… et d’où cela ?

LE COMTE

D’un côté de ma table à l’autre… Je l’ai invité à dîner avec nous.

ELENA

Comment, monsieur, vous avez fait cela sans m’en prévenir ?

AMY

Inviter Kean !

LE COMTE

Pourquoi pas ? Le prince royal l’invite bien ! D’ailleurs, inviter, inviter comme on invite ces messieurs, en qualité de bouffon : nous lui ferons jouer une scène de Falstaff après le dîner… Cela nous amusera, nous rirons.

ELENA

Oh ! mais, je vous le répète, monsieur, comment avez-vous fait cela s’en m’en prévenir ?

LE COMTE

C’était une surprise que je ménageais au prince royal, à qui mes instructions m’enjoignent de faire la cour ; mais vous m’avez arraché mon secret : dites encore que je suis diplomate !

UN DOMESTIQUE,entrant avec une lettre à la main

Une lettre pressée pour M. le comte…

LE COMTE

Vous permettez, mesdames ?

AMY

Comment donc…

LE COMTE,lisant

« Monseigneur, je suis désespéré de ne pouvoir accepter votre gracieuse invitation, mais une affaire que je ne puis remettre me prive de l’honneur d’être le convive de Votre Excellence. Soyez assez bon, monseigneur, pour déposer mes regrets les plus vifs et mes hommages les plus respectueux aux pieds de madame la comtesse. »

ELENA,à part

Ah ! je respire…

LE COMTE

Nous vivons dans un singulier siècle, il faut en convenir : un comédien refuse l’invitation d’un ministre !

AMY

Mais cela me parait une excuse, et non pas un refus.

LE COMTE

Oh ! c’est un refus et bien en règle, je m’y connais ; j’ai été employé à trois négociations de mariage entre altesses royales.

ELENA

Mais votre lettre était-elle convenable ?

LE COMTE

Jugez-en par la réponse, madame.

LE DOMESTIQUE,annonçant

Son Altesse royale monseigneur le prince de Galles.

Scène IV

Les mêmes, le prince de Galles.

LE PRINCE,entrant en riant

Oh ! c’est, Dieu me damne ! une chose merveilleuse… Pardon, madame la comtesse, si j’entre chez vous si joyeusement ; mais, voyez-vous, c’est qu’en ce moment l’aventure la plus bouffonne que je connaisse court les rues de Londres, et sans masque encore…

ELENA

Certes, nous vous pardonnerons, monseigneur, mais à une condition, c’est que vous allez nous dire cette aventure.

LE PRINCE

Comment ! si je vous la dirai !… je crois bien ; je la dirais aux roseaux de la Tamise, comme le roi Midas, si je n’avais personne à qui la raconter.

ELENA

Je déclare d’avance que je n’en croirai pas un mot.

AMY

Oh ! dites toujours, monseigneur, si nous ne la croyons pas, soyez tranquille, cela ne nous empêchera pas de la répandre.

LE PRINCE

Vous connaissez bien lord Mewill ?

LE COMTE

Qui devait épouser cette petite bourgeoise ?

LE PRINCE

Qui devait est bien dit…

AMY

Mais c’était chose convenue pour aujourd’hui, ce me semble ?

LE PRINCE

Eh bien, il a eu l’innocence de le croire comme vous, et, en conséquence, il a remonté sa maison : chevaux et voitures, créanciers et créances, tout cela a été remis à neuf… C’est un homme expéditif que lord Mewill ; malheureusement, au moment de marcher à l’autel, comme la fiancée se faisait attendre, on est allé pour la chercher… et l’on a trouvé la porte ouverte et la jeune fille enlevée ; la cage, mais plus d’oiseau.

ELENA

Pauvre enfant, qu’on voulait sacrifier sans doute, et qui sans doute aimait quelqu’un ! Il lui sera arrivé malheur.

LE PRINCE

Avec cela, notez encore qu’elle loge à cinq cents pas de la Tamise.

(Il rit.)

LE COMTE

Elle s’y sera jetée… La vue continuelle de l’eau…

AMY

Oh ! mon Dieu ! et vous riez de cela, monseigneur ?

LE PRINCE

Rassurez-vous, madame, la vue continuelle de l’eau lui a donné l’envie de voyager par mer, et voilà tout. Mais, comme voyager seule est chose ennuyeuse, elle a choisi un bon compagnon qui, je vous en réponds, ne la laissera pas en route.

AMY

Et sait-on le nom du ravisseur ?…

LE PRINCE

Un nom des plus illustres de l’Angleterre.

AMY

Oh ! prince, prince, je vous en supplie !…

LE COMTE

Ne pressez pas trop Son Altesse, mesdames : vous l’embarrasseriez peut-être beaucoup.

LE PRINCE

Mauvais plaisant !… soyez tranquille, je ne m’attaque pas à la bourgeoisie… J’aurais trop peur d’échouer… Non, mesdames, c’est un nom bien plus illustre que le mien, un front couronné depuis longtemps, tandis que le mien attend encore sa couronne ; et Dieu la conserve pendant maintes années sur la tête de mon frère !

ELENA,inquiète

Mais enfin qui donc ?…

LE PRINCE

Vous ne devinez pas ?… Eh ! mon Dieu, il y a une heure que je vous mets le doigt dessus… Et qui donc cela pouvait-il être, sinon le Faublas, le Richelieu, le Rochester des trois royaumes… Edmond Kean ?

ELENA

Edmond Kean ?… Cela est impossible !…

LE COMTE

Impossible ?… Mais cela m’explique au contraire son refus, et il fallait une affaire de cette importance pour priver M. Kean de l’honneur d’être notre convive.

ELENA,à part

Oh ! mon Dieu !

LE COMTE

Je suis, du reste, enchanté qu’il ait refusé, maintenant… S’il était venu aujourd’hui, et que la chose fût arrivée demain, on aurait cru que j’étais son complice.

LE PRINCE

Et cela aurait pu brouiller l’Angleterre avec le Danemark… Mesdames, il faudra vraiment fêter cet évènement, qui empêche la guerre à l’étranger… et qui ramène la paix à l’intérieur.

AMY

Étions-nous donc menacés d’une révolution ?…

LE PRINCE

Comment ! mais… nous étions en état permanent de guerre civile !… matrimonialement parlant, il n’y avait plus ni mari qui osât répondre de sa femme, ni amant de sa maîtresse… C’est une fortune pour la morale publique, et je ne m’étonnerais pas que la moitié de Londres fût illuminée ce soir.