L'enfant et ses complexes NED - Jean-Marie Besse - E-Book

L'enfant et ses complexes NED E-Book

Jean-Marie Besse

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Beschreibung

Redécouvrez l'ouvrage de Jean-Marie Besse et de Marc Ferrero dans une toute nouvelle édition adaptée aux complexes des enfants d'aujourd'hui.

Au cours du développement de l’enfant, des processus affectifs qui échappent à sa conscience comme à ceux qui l’entourent peuvent se jouer. Et certaines de ses interrogations et attitudes peuvent dérouter ses parents. Dans cet ouvrage, les auteurs abordent les complexes les plus fréquents chez l’enfant et l’adolescent et en analysent les mécanismes. Ils se penchent aussi sur les comportements et réactions que les parents et éducateurs adoptent face à ces fameux «complexes», et aux répercussions qu’ils peuvent avoir. S’appuyant sur des témoignages réels issus de leur pratique, les deux auteurs décortiquent des situations éducatives concrètes pour en exposer les enjeux.

Quarante ans après sa première édition, cet ouvrage présente une actualisation nécessaire de la problématique : la société s’étant transformée, les enfants grandissent en faisant face à de nouvelles réalités. Les auteurs proposent donc des pistes de réflexion pour aborder les complexes et les interrogations de l’enfant aux adultes qui les accompagnent dans ce cheminement.

Une lecture indispensable pour tous ceux qui sont au contact d’enfants et d’adolescents et qui souhaitent les aider à vivre sereinement les étapes charnières de leur vie.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"En se basant sur des témoignages réels issus de leur pratique, Jean-Marie Besse, professeur honoraire des Universités à Lyon, spécialisé en psychologie du développement, et Marc Ferrero, psychologue clinicien, décortiquent les complexes les plus fréquents chez l’enfant et l’adolescent." - RTBF, La Première
"Marc Ferrero et Jean-Marie Besse se penchent sur le sujet des enfants et leurs complexes et écrivent un livre sur ce sujet." - Le Semeur Hebdo
À PROPOS DE L'AUTEUR

Le professeur Jean-Marc Besse est spécialisé en psychologie du développement, il a également dirigé l'Institut de Psychologie de l'Université Lyon 2. Marc Ferrero est psychologue clinicien et ancien enseignant en Psychologie de l'enfant et de l'adolescent aux universités Lyon 1 et 2.

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L’enfant et ses complexes

Jean-Marie Besse Marc Ferrero

L’enfant et ses complexes

Le développement, le langage, l’école, les écrans, les parents

« Mon enfant, on n’épouse jamais ses parents. »

La fée des Lilas Peau d’Âne, film de Jacques Demy (1970)1

1. Préface d’un beau livre pour enfants, repris en 2019 par C. Roumiguière et A. Maria, Peau d’Âne (Albin Michel). Peau d’Âne est l’un des contes les plus anciens et des chercheurs font remonter la version primitive à 1635 !

Avertissement des auteurs pour la présente édition

Le livre que vous allez découvrir est l’actualisation d’un premier ouvrage, paru sous le même titre en 1983. De nombreuses années séparent cette nouvelle version de L’enfant et ses complexes de l’édition originale. Notre propos a cherché à intégrer le fait que la société occidentale contemporaine a bouleversé nos vies et nos vues durant ces décennies et nous le prenons en considération.

Cette originalité que constitue une actualisation est encore plus significative lorsqu’il s’agit d’un ouvrage de psychologie : s’adresser pareillement aux parents et aux éducateurs d’aujourd’hui, comme s’ils gardaient les mêmes préoccupations que ceux d’il y a quarante ans, serait se leurrer. Nous aurons à nous demander si les questions rencontrées alors conservent toute leur actualité, si l’on éduque aujourd’hui les enfants de la même manière, si les ressorts psychologiques du développement sont identiques.

Nous-mêmes, co-auteurs de ce livre, pouvons-nous nous adresser de la même manière aux parents et éducateurs que lors de la première édition, mais… nous avons quarante ans de plus ! Certes, nous avons continué à travailler dans le champ de la psychologie, en particulier de l’enfant et de l’adolescent, mais notre vision de ces questions n’a-t-elle pas évolué, du fait de notre expérience, des travaux que nous avons conduits et de ceux que nous avons consultés et qui ont imprégné nos pratiques ? Mais aussi, pourquoi ne pas le dire, nous avons atteint l’âge des seniors et nous avons ajouté, à la position de parents, celle de grands-parents… L’actualisation que nous proposons ici tiendra compte de ce passage du temps et de la consolidation de l’expérience professionnelle.

Notre société s’est considérablement modifiée depuis le début des années 1980 et tout d’abord au niveau de la structure familiale : les couples parentaux n’ont plus la même stabilité2 ; la proportion d’enfants vivant dans une famille recomposée a ainsi doublé en 20 ans, passant de 5 à 10 % entre 1990 et 2010 ; environ 500 000 enfants vivent avec un beau-parent et partagent leur quotidien avec des enfants qui n’ont pas les deux mêmes parents qu’eux. Par ailleurs, les familles monoparentales3 voient leur nombre fortement augmenter. Quelles répercussions, tant pour l’enfant que pour les parents, ces diverses séparations entraînent-elles ?

De plus en plus d’enfants vivent dans des familles où les deux parents sont de même sexe. D’autres avec des parents qui ne sont pas les leurs, dans les cas d’adoption en France ou à l’étranger. Enfin, l’arrivée sur le devant de la scène de la PMA4 modifie radicalement les paysages psychologiques de chacun d’entre nous…

Il y a, de nos jours, un tumulte dans les questions de filiation qui entraîne de nouvelles interrogations. Notre société reconnaît des couples parentaux « différents », ainsi que de nouvelles formes de procréation pour les femmes et les hommes.

Le début des années 1980 a été caractérisé, sur le plan économique, par le passage d’une société qui avait connu pendant une trentaine d’années – les Trente « Glorieuses », entre 1946 et 1975 – une forte expansion économique marquée par une croissance élevée de la production industrielle, conduisant à l’amélioration des conditions de vie – la société de consommation – et à une situation de quasi-plein emploi. Mais depuis lors, nous vivons dans une société qui connaît des crises successives, d’origine variée – chocs pétroliers de 1973 puis de 1979, crise financière de 2008, crise sanitaire de 2020 due au coronavirus Covid-19. Le taux de chômage traduit l’impact de ces crises sur l’accès au travail5 : les effets sur la cellule familiale de la situation d’un (ou de deux) parent(s) sans emploi sont nombreux. Relevons seulement ici la difficulté pour un jeune enfant ou un adolescent à s’identifier à une figure paternelle ou maternelle stable, sans compter, parfois, les pertes d’autorité que sanctionne le fait, pour le parent concerné, de ne pas parvenir à occuper une place sociale reconnue par un travail rémunéré.

D’autres facteurs sont intervenus, que nous n’imaginions pas voici quarante ans, au premier rang desquels figure la place prise dans la vie des parents, des enfants et des adolescents par les « écrans » : alors que l’introduction de la télévision dans les familles, au cours des années 1960, avait déjà beaucoup bousculé les habitudes familiales, lorsque les smartphones/portables6, puis les tablettes ou les montres sont entrés dans le champ familial au début du XXIe siècle, c’est une autre « révolution » qui semble être intervenue. Nous aurons à prendre en considération et à nous interroger sur les effets de cette « connexion » permanente, pour le développement individuel, mais aussi pour les interactions sociales.

Ces contextualisations posées, la plupart des questions traitées dans notre livre écrit au début des années 1980 restent actuelles. Même si des modifications peuvent survenir dans les modes d’éducation d’une génération à l’autre – et quarante ans, ce sont presque deux générations…7 –, ce qui se joue dans le développement psychoaffectif d’un enfant demeure, pour l’essentiel, dans une problématique comparable. Certes, depuis le début des années 1980, des travaux importants ont été accomplis dans la recherche psychologique, certains psychologues ont vu leur apport réévalué, d’autres sont apparus, certains thèmes sont moins évoqués, d’autres prennent une place importante.

Si la psychanalyse occupait un rang de premier plan dans les références de la plupart des psychologues, les avancées de la psychologie du développement, puis l’essor de la psychologie cognitive, au début des années 1980, enfin celui des neurosciences, plus récemment, ne manquent pas de questionner nos approches du psychisme humain, qui s’en sont trouvées élargies, mais sans qu’il soit toujours si aisé de comprendre ce qu’apporte en propre chacun de ces courants. Nous aurons à présenter ces nouvelles perspectives et à montrer comment, selon nous, des possibilités de complémentarité sont envisageables avec la psychologie clinique inspirée du courant psychanalytique. Cette nouvelle édition sera, en ce sens, une actualisation.

Nous avons choisi d’exposer le plus simplement possible, mais clairement, des situations éducatives concrètes, pour tenter d’en élucider les enjeux, sans abuser du langage de spécialiste, mais sans négliger pour autant de définir des notions indispensables à la compréhension de ce qui se joue, en tenant compte du fait que la plupart de ces notions ont été reprises dans le langage courant sans cependant toujours réussir à conserver leur signification première, ni même une unicité de sens. La notion de complexe est évidemment la première à souffrir de ces possibles confusions…

Il nous a semblé que les questions évoquées pouvaient être traitées sans simplisme ni « recettes », en nous efforçant de les éclairer sans dramatiser, mais sans non plus négliger les souffrances vécues du fait des incompréhensions, des mauvais positionnements ou des disqualifications et des rejets liés aux différences. Aider à « dégager » enfants et parents de situations qui risquent de s’enkyster et empêchent tout simplement de vivre, en en proposant une autre compréhension, un nouvel éclairage, tel est le propos principal et l’ambition de ce livre.

Car éduquer un enfant, au fil des jours et des années, n’est pas la tâche la plus facile. Si l’éducation de notre enfant procure des joies incomparables, elle est aussi l’épreuve de l’incompréhension, de l’insécurité, de l’angoisse : comment bien faire ? Comment être à la bonne place dans sa position de parent et d’éducateur ?

Il se pourrait que devant ces situations parfois difficiles, ce qu’écrivait Jean Guillaumin8 dans la préface qu’il avait bien voulu nous accorder pour la première édition, en 1983, garde une profonde actualité : « Il vaudrait mieux alors pouvoir attendre sans se boucher les yeux, supporter “ce que ça nous fait”, en sachant qu’il y a quelque chose à comprendre, que l’absurde n’existe pas, et qu’on est soi-même pris dans l’affaire à des fins définies, prévues en quelque sorte par la nature, et en partie gouvernables, si on veut bien s’y soumettre assez. Ne pas s’indigner, se surprendre et même aimer être surpris, pour découvrir à la fin qu’il y a sagesse à négocier les surprises, sans s’en sentir coupable ou inférieur en tenant compte du point de vue de l’enfant » (Besse et Ferrero, 1983).

La présente édition est une mise à jour en 2020, avec des apports, des actualisations, des réécritures. Nous nous sommes aussi beaucoup servis des notes en bas de pages, inexistantes dans la première édition, qui permettent un approfondissement ou une concrétisation des thèmes développés. Enfin, les annexes regroupées dans la partieRepèresont fait l’objet de profonds remaniements, rendus nécessaires par le souci d’adaptation aux connaissances actuelles : nous y renverrons, dans le texte du livre, en signalant les auteurs, les questions ou les lectures complémentaires par un astérisque.

2. Les statistiques du divorce : au début des années 1970, la France enregistrait autour de 45 000 divorces. En moyenne, à la fin des années 2010, ce sont près de 130 000 divorces qui sont prononcés chaque année, soit environ 1,8 mariage pour 1 divorce. En 2014, un quart des mariages sont des remariages pour au moins un des deux conjoints et un sur dix l’est pour les deux conjoints (Insee, 2016).

3. En 2013, 28 % des ménages comptent au moins un enfant mineur vivant avec un ou deux parents (voire un parent et un beau-parent). Sur les 8 millions de familles avec enfant(s) de moins de 18 ans, 1,8 million sont des familles monoparentales, soit 22 % (18,7 % : femmes seules avec enfant[s], 3,5 % : hommes seuls avec enfant[s]). Cette part a fortement augmenté depuis 1999 (Insee, 2017).

4. PMA : Procréation Médicalement Assistée.

5. Fin 1980, le taux de chômage s’élevait à 6 %, « plus d’un million et demi de personnes » (voir Marchand et Revol, 1981), alors qu’en fin 2018, le taux de chômage en France se situe à 8,8 % de la population active, soit 2 468 000 personnes (Insee, 2019).

6. Dans la suite de ce livre, nous choisissons de parler de « portables » pour désigner les téléphones « intelligents » (smartphones).

7. Une génération familiale, c’est à peu près le temps moyen que met une population adulte à se reproduire, soit autour de 25 ans.

8. Alors Professeur à l’Université Lumière Lyon 2 et psychanalyste. Il est décédé en 2017.

AVANT-PROPOS Un livre sur les complexes, pourquoi ?

– Pascal, 3 ans, accuse son petit frère David, né depuis quelques jours, d’avoir arraché les fleurs en pot du salon.

– Constance rentre de l’école en pleurs, car une de ses camarades de CP lui a dit que les rousses sentaient mauvais… Et Constance est évidemment rousse !…

– Abigaïl rentre à la maison en disant à ses parents que Louna a deux mamans…« Comment ça se peut ? », questionne-t-elle…

– Jean-Charles, 5 ans, vient déclarer à sa mère qu’il veut l’épouser…9

Quels sont les parents qui, au détour de tels paroles et actes singuliers dont on a d’ailleurs souvent loué la saveur, n’ont pas senti s’éveiller en eux le sentiment que leur enfant traversait une période dont le sens profond pouvait leur échapper ? Semblables à la partie visible mais minime de l’iceberg dans l’océan, ces actions et ces mots d’enfants ne traduiraient-ils pas une intense activité psychologique cachée dont les adultes seraient les spectateurs ou les auditeurs et les témoins sans qu’il leur soit possible de la comprendre et d’agir ? Nous essaierons de répondre à leurs interrogations relatives à ces mots et réactions d’enfants.

Beaucoup de personnes n’ont pas leur pareil pour déceler le caractère étonnant de certaines attitudes, leur donner une ampleur insoupçonnée et assurer savamment que ces comportements, certes originaux, mais au demeurant anodins, se sont mués, pour certains, en complexes. Le mot a fait fortune… non sans recouvrir au passage des significations multiples et variées. Ainsi, mal connu et revêtu d’acceptions la plupart du temps approximatives, le complexe a parcouru son bonhomme de chemin depuis que la psychanalyse en a proposé l’emploi à la fin du XIXe siècle. Tombé dans le langage commun, son évocation provoque souvent soit l’acceptation fataliste d’un mal pour lequel on ne peut rien, soit le rejet violent au nom d’un antipsychologisme simpliste… ou plus subtilement une réaction ironique sur un nez trop long ou une calvitie marquée.

Cependant, et qu’il s’agisse de l’invoquer ou de le récuser, ce complexe est présent à l’esprit d’une large fraction du public. Peut-il d’ailleurs en être autrement à un moment où nous sommes submergés par un flux d’informations puisées tant dans la presse écrite que parlée ou encore sur les réseaux sociaux ? Certes, toute initiative visant à vulgariser cette notion paraît louable. Toutefois, ce souci de popularisation ne facilite pas toujours une compréhension du complexe.

Si chacun d’entre nous a entendu dire que ce garçonnet est complexé par ses taches de rousseur, que cette jeune fille l’est par son acné, que le petit enfant de notre voisine « n’a pas réussi à dépasser son complexe d’Œdipe » ou que la mode « donne des complexes » à une amie très en chair, ou encore que cet homme se trouve petit, l’obligeant, de son point de vue, à porter des talonnettes, car son entourage le traite souvent de « petit bonhomme »…, toutes ces expressions parlent-elles de phénomènes comparables ?

Ces divers emplois du même terme, un complexe, ne renvoient pas toujours à des mécanismes psychologiques très clairement identifiés chez les personnes qui s’en servent, ce qui peut brouiller le discernement par leurs interlocuteurs de ce dont elles parlent. Ces usages indiquent que le complexe, quand il est présent, est, d’une part, cons­cient chez le sujet et, d’autre part, qu’il suffirait d’en connaître l’existence pour le faire disparaître. Ce n’est évidemment pas si simple…

Qu’il soit utilisé pour décrire une réalité connue ou un mécanisme dont on admet volontiers qu’il est peu facilement intelligible, le complexe véhicule parmi les parents et les éducateurs une certaine angoisse qui inspire les attitudes qu’ils adopteront face à l’enfant concerné. Dans les faits, parler de complexe à propos d’un enfant veut souvent signifier qu’il souffre d’un mal-être, avec l’hypothèse implicite que ce mal-être traduit un conflit intérieur qui peut générer une angoisse. Cette dernière se diffuse dans l’entourage, perturbe une vie familiale dont nous ne connaissons pas toujours tous les éléments : il est, quelquefois, des liens cachés… Nous proposons de tenter de mettre à jour ce qui peut se jouer dans les situations que rencontre l’enfant et qui échappent le plus souvent à la conscience des personnes qui l’entourent comme à la sienne. Pour cela, nous serons amenés à évoquer des mécanismes qui ne sont pas toujours visibles, pas très apparents, puisqu’ils comportent une part essentielle de forces et de processus inconscients.

Sans doute, certaines informations contenues dans ce livre auront-elles un caractère parfois sensible tant elles touchent de près à la vie familiale et à ses composantes intimes. Néanmoins, le rôle des adultes est-il de s’en tenir à une éducation ignorante des processus affectifs, légitimement inquiétants lorsqu’ils émergent brutalement, mais qui signent ainsi une activité souterraine méconnue de leur part ? Ou se doivent-ils d’être prévenus et d’anticiper les diverses étapes que l’enfant est appelé à vivre, afin de pouvoir moduler leurs propres actes éducatifs ? Une éducation sans remise en question devient difficilement concevable dans l’instant où la connaissance psychologique témoigne de progrès significatifs pour tous les domaines de la personnalité.

À l’opposé, il est hors de question de verser dans un « psychologisme » réducteur tout aussi dommageable. C’est pourquoi il ne sera fait état ici que de situations, de mécanismes ou de termes qui ont fait leurs preuves dans la pratique psychologique. Nous nous centrerons sur les apports qui nous semblent les plus importants et qui nous serviront de points d’appui, autour desquels, en fonction des thèmes traités, nous pourrons inclure des approches complémentaires. De multiples recherches, aux résultats parfois contradictoires, ont eu lieu ou sont en cours. Ne pas les développer dans le cadre de ce livre, nécessairement et volontairement court, traduit le choix de proposer une approche clarifiante plutôt qu’un inventaire à la Prévert.

Le reproche de concourir à renforcer la crise que traverse le métier d’éducateur ou de parent pourrait aussi nous être adressé dans la mesure où nous apporterions des renseignements d’ordre psychologique susceptibles d’entretenir un climat d’insécurité. Si chaque parent souhaite que son enfant soit heureux et bien dans sa peau, être un parent parfait est impossible ! Néanmoins, nous concevons ce « métier » de parent comme une recherche continue du mieux-être éducatif, facilitée par une rencontre plus personnelle avec ce qui fait vivre, souffrir et grandir un enfant.

Ainsi, sans prétendre fournir une étude complète tant sur les complexes que sur les modes de réactions des adultes, nous essaierons de restituer à ces complexes leur sens initial et celui que nous utilisons dans notre domaine professionnel de psychologues, en rappelant leur origine, les sources qui les alimentent, les manifestations spectaculaires auxquelles ceux qui vivent au contact d’enfants peuvent être confrontés, car il s’agit d’événements auxquels, nous semble-t-il, nul être humain n’échappe.

Dans la mesure du possible, ce livre se donne pour tâches, à l’aide d’exemples vécus :

• de dissiper malentendus et inexactitudes ;

• d’aborder les complexes les plus fréquemment évoqués ;

• de montrer l’impact psychologique de certaines caractéristiques infantiles inhabituelles ;

• de décrire quelques événements familiaux perçus comme perturbateurs par l’enfant et/ou par son entourage ;

• de tenir compte d’une évolution sociétale importante au cours des dernières décennies : la famille et la société se sont profondément transformées ;

• de proposer enfin aux éducateurs certaines informations, accompagnées de pistes de réflexion, sans pour autant donner des « conseils-valables-pour-toutes-situations », qui iraient à l’encontre d’une éducation assumée.

Ouvrir ce livre, c’est prendre du recul et c’est déjà en soi une attitude significative d’un intérêt pour cette question. Puissent ces pages permettre aux adultes qui les parcourent de redécouvrir la personnalité de l’enfant et de laisser parler en eux des comportements éducatifs qui ne seraient ni obligatoirement décalqués sur ceux de leurs propres parents ni fatalement opposés à ceux qui les firent ce qu’ils sont.

9. Tous les exemples rapportés dans le livre sont authentiques et issus de notre pratique psychologique. Seuls les prénoms ont été modifiés. Remarquons que s’il y avait autour de 2000 prénoms en 1960, on en dénombre aujourd’hui 13 000, selon l’ouvrage L’archipel français de Jérôme Fourquet (2019) ! La volonté d’individualisation des personnes en 2020 est plus forte que la nomination qui rompt avec la filiation telle que nous pouvions la concevoir il y a 60 ans. Par ailleurs, le prénom est un marqueur culturel très fort pour souligner les origines régionales, religieuses, socioculturelles ou encore des logiques familiales ou des styles de vie…

INTRODUCTION Vous avez dit « complexe » ?

La vie psychologique de l’enfant n’est pas immédiatement perceptible ni évidente aux yeux des adultes que nous sommes : l’exemple des complexes est là pour révéler de quelle richesse se constitue l’existence affective et représentative de nos enfants. Mais il faut sans doute débuter par quelques indispensables précisions de vocabulaire pour que nous parlions, ici, des mêmes choses. Nous avons déjà évoqué le poids de l’inconscient et signalé que le mot même de complexe a été proposé par la psychanalyse à la fin du XIXe siècle. Commençons par les origines.

Le Vocabulaire de la Psychanalyse de J. Laplanche et J.-B. Pontalis*10 propose de définir ainsi le complexe : « Ensemble organisé de représentations et de souvenirs à forte valeur affective, partiellement ou totalement inconscients. Un complexe se constitue à partir des relations interpersonnelles de l’histoire infantile ; il peut structurer tous les niveaux psychologiques : émotions, attitudes, conduites adaptées » (éd. 1973, p. 72).

Essayons de saisir la signification de ces propos, en en développant certains aspects seulement qui peuvent aider à avancer dans la compréhension de ces questions. Nous retiendrons tout d’abord que la définition est empruntée au discours de la psychanalyse, inaugurée par S. Freud*, médecin viennois (1856-1939), qui a étudié les ressorts, cachés dans l’inconscient, des difficultés psychologiques et contribué à fonder la psychanalyse en élargissant les préoccupations de la psychologie. Avant celui-ci, en effet, les relations familiales étaient décrites surtout en termes biologiques, sociologiques et moraux.

La psychologie de l’enfant elle-même n’en était qu’à ses débuts et dressait des tableaux minutieux des comportements de l’enfant aux divers âges de son existence : à quel moment accomplit-il tel acte, reconnaît-il tel objet, accède-t-il à telle phase de développement moteur, ou de langage, etc. ? Freud met l’accent sur l’affectivité de l’enfant, en indiquant qu’il vit tout comme l’adulte des émotions, des passions et des sentiments.

Cette vie affective se module chez chacun d’entre nous selon des structures originales : nous n’en avons pas nous-mêmes une connaissance immédiate, mais, lorsque des situations nouvelles, imprévues, surgiront, nous y répondrons selon le modèle qui nous aura été fourni par les premières réactions que nous avons eues, lors des relations initiales – dans notre première enfance – qui ont formé notre personnalité. Nos différentes formes de réponse seront ainsi dictées, d’une certaine manière, par des expériences antérieures qui ont agencé, inscrit dans notre mémoire profonde, ces éléments constitutifs de nous-mêmes. Et c’est à l’enfance qu’il faut remonter pour situer ces relations premières. En d’autres termes, nos façons de résoudre nos premières tensions internes détermineront dans une large mesure nos conduites conscientes actuelles, qu’elles soient « normales » ou pas.

Si l’on s’attarde quelque peu sur la définition présentée plus haut, et en demeurant uniquement, pour le moment, sur ce que propose la psychanalyse, plusieurs points sont à retenir ou à considérer :

1. Le complexe n’est pas présenté comme quelque chose d’anormal, de « pathologique », contrairement à ce que l’acception la plus répandue dans le domaine public pourrait laisser croire. Ainsi, dire d’un enfant qu’il en est, par exemple, à la phase du complexe d’Œdipe, ce n’est pas porter un jugement inquiétant sur sa personnalité, mais constater un stade d’évolution ;

2. Mettre un nom sur un complexe n’est jamais, en soi, éclaircir une conduite. Et en constater la présence n’est pas le rendre totalement intelligible pour autant. C’est cependant reconnaître, accepter comme une réalité psychique, l’existence de mouvements affectifs demeurés longuement dans l’inconscient et qui, comme tels, ont pu demeurer cachés à nos propres yeux ;

3. Nombre de situations peuvent être prétendument « expliquées » par la notion de complexe et il se trouve beaucoup de psychologues à vouloir dresser une liste presque complète de ces cas typiques que l’on est en peine de cerner avec précision. À trop vouloir prouver, on ne prouve plus rien… Freud avait d’ailleurs vu le danger, lui qui fut le premier à refuser d’employer inconsidérément le terme et à le réserver à des structures précises : l’Œdipe, essentiellement, et le complexe de castration ;

4. Dans ce livre, nous n’emploierons le terme de complexe – en italiques – que pour l’Œdipe et la castration. L’utilisation de caractères droits – complexe – renverra à d’autres complexes avec une autre histoire et un autre cadre théorique et clinique ;

5. Tout être humain est confronté aux situations qui alimentent les complexes retenus par Freud. C’est pourquoi nous commencerons par ces deux complexes-là, fondateurs en quelque sorte, puis nous élargirons la réflexion, et les cadres théoriques, en évoquant d’autres situations psychologiques qui traduisent un conflit intrapsychique ;

6. Le complexe, et pas uniquement au sens freudien, prend sa source chez l’enfant au travers des multiples situations et climats relationnels du milieu familial. Dès la naissance, le psychisme enfantin se forme et se transforme selon les expériences vécues, en particulier dans la famille. Sa vie est faite d’étapes successives et chaque franchissement d’un stade nécessite de sa part la renonciation aux plaisirs procurés et connus du palier antérieur pour plonger dans l’inconnu incertain du stade suivant ;

7. Alors varient les intérêts, les pensées et les orientations affectives de l’enfant pour se confondre, s’agréger et émerger sous différentes formes, dont celle des complexes. Le devenir de ces aléas tient à l’enfant en partie, mais rencontre aussi l’histoire psychologique de ses parents, de sa famille, l’histoire consciente, celle que l’on peut raconter à son enfant, mais aussi – et peut-être surtout – l’histoire inconsciente, celle qui insiste, à notre insu, inconsciente et refoulée ;

8. Nous venons d’employer le mot « famille », mais comment ne pas interroger ce terme ? Il y a encore quelques décennies, un homme et une femme se mariaient pour avoir un enfant : à l’énonciation de cette entrée en scène classique de l’enfant, chacun d’entre nous relève, si l’on veut poursuivre la métaphore théâtrale, que la pièce qui le concerne peut être aujourd’hui jouée par une infinité de personnages aux statuts tous plus différents les uns des autres (des couples hétérosexuels, d’autres homosexuels, hommes ou femmes, des personnes pacsées qui cohabitent de façon permanente ou épisodique, des femmes qui portent un enfant à venir pour d’autres – hommes ou femmes –, des couples qui choisissent une procédure de procréation médicalement assistée, et encore d’autres possibilités) ;

9. Dans ce contexte, pour ne pas surcharger l’écriture, nous proposons d’admettre que, lorsque nous parlerons de la « mère », cela ne veuille pas forcément dire « la femme qui a porté l’enfant », mais cela renverra plutôt à une « image maternelle » – qui peut même être portée par un homme, le père ou le compagnon de la mère ou du père, par exemple… – et que le « père » peut signifier « la personne qui n’est pas la mère ». En psychologie, nous utilisons ici fréquemment le terme de « tiers ». Le théâtre de la vie est en marche et le lent processus, depuis la naissance d’un enfant, peut commencer…

L’influence adulte, parentale tout particulièrement, consciente et inconsciente, dans le devenir psychologique de l’enfant est connue : il ne s’agit pas de s’en effrayer, de s’en culpabiliser à l’avance, mais de chercher à la mieux entendre afin de répondre, de la manière la plus adaptée possible, aux problèmes qui surgissent avec un enfant. Une présentation des différentes phases du développement enfantin nous permettra de reprendre divers points de vue afin de situer comment s’envisagent et s’organisent dans le temps ces complexes. Nous entreprendrons tout d’abord l’étude du complexe d’Œdipe, le « complexe des complexes » d’après Freud, complexe fondateur à partir duquel nous chercherons à décrire diverses attitudes. Ce sera l’objet de la première partie : « aux origines du complexe ».

Dans la deuxième partie, « aux prises avec le complexe », nous reprendrons une analyse plus systématique des manières propres à l’enfant de s’engager dans les différents complexes11 : nous présenterons plusieurs des blocages multiples auxquels on fait référence en nous efforçant d’indiquer des cadres facilitant leur compréhension.

Il sera temps – et la troisième partie, « qu’en faire ? », en traitera – d’envisager comment toutes ces situations difficiles pour l’enfant sont « traitées », dans plusieurs des milieux de vie de l’enfant : la famille, évidemment, mais aussi l’école, que l’enfant fréquente une grande part de son temps et qui peut exercer un rôle tant dans la prévention et la résolution des difficultés que, hélas, dans leur émergence et leur amplification éventuelle. Quelle action est ici recherchée du côté des divers « spécialistes », psychologue ou psychothérapeute, en particulier, c’est ce que nous évoquerons au long de ce parcours auquel nous vous invitons à présent.

10. Les termes ou noms d’auteur signalés par un astérisque font l’objet d’une étude plus détaillée dans le dossier Repères qui figure à la fin de l’ouvrage.

11. Pour rappeler notre convention, nous parlerons des complexes au sens freu­dien et des complexes aux autres contextes théoriques et cliniques.

PARTIE 1 Aux origines du complexe

À sa naissance, l’enfant reçoit deux héritages : le premier est génétique, à partir des gènes disposés sur ses chromosomes (c’est ainsi que l’on naît grand ou petit, brun ou blond, avec des yeux marron ou bleus). Sur ces caractères héréditaires, que l’on tient de ses parents, des grands-parents et des générations antérieures, les moyens d’action relèvent des projets de certains scientifiques, mais rencontrent de grandes résistances éthiques. Le second héritage est d’ordre culturel, c’est-à-dire qu’il résulte de l’insertion de l’enfant dans un univers social possédant déjà un mode de vie particulier, des habitudes éducatives, des valeurs morales et sociales, une histoire, un langage et des expériences affectives. Ce monde n’est pas immédiatement accessible, dans l’ensemble de ses significations, au jeune enfant, même si les travaux accomplis ces dernières décennies sur les capacités cognitives du bébé indiquent que, dès la naissance, l’enfant possède un très grand bagage de compétences : reconnaissance de la voix de la mère et du père de manière atténuée, discrimination des syllabes, voire des langues !

Pour lui se posent tout d’abord des questions de survie biologique : il lui faut acquérir au plus vite les moyens et techniques d’adaptation au milieu et de conservation de l’existence par la satisfaction des besoins, alimentaires notamment. La cellule familiale est l’élément vital, régulateur et correcteur, faisant office de médiateur entre l’enfant et la société. Dans le même temps qu’elle assure la survie du nouveau-né par la nourriture, la propreté, la protection contre le froid, etc., elle développe et facilite l’apprentissage de techniques sociales visant à son intégration dans la société. Ainsi voit-on le rôle décisif que joue la famille dans le développement d’un enfant.

Nous désignons habituellement par ce terme de « famille » une communauté éducative où figurent une image paternelle et une image maternelle ; nous avons toutefois cité des données statistiques qui indiquent que la réalité actuelle est différente pour de nombreux enfants, élevés par un seul parent et qui rencontrent plus ou moins régulièrement l’autre parent, voire pas du tout. Parler d’image maternelle et paternelle ne signifie cependant pas la présence effective des parents : il peut s’agir d’une personne qui incarne, à sa manière, une figure paternelle et/ou maternelle. De plus, même dans les cas où sont présents dans la cellule familiale les deux parents, il n’est pas toujours acquis que ces deux polarités, maternelle et paternelle, soient également référentes pour l’enfant, comme le montrent des travaux de ces dernières années12.

Mais revenons à ce qui caractérise le développement du jeune enfant. Sa dépendance initiale est complète : il est l’un des rares êtres vivants au monde à avoir ainsi besoin de ses parents durant une aussi longue période. La famille est omniprésente et omnipotente lors de ces premières années ; aussi les parents comprendront-ils aisément qu’ils sont la première source d’influence, qu’ils l’exercent avant toute autre personne ou tout autre système et qu’ils sont pour leur enfant un modèle de référence capital, car il ne connaît guère qu’eux et se forme – c’est vraiment le mot, car il prend ainsi sa « forme » – selon leurs propres réactions.

Par la suite, son comportement sera dicté par ces expériences vécues au sein de la communauté familiale. L’ensemble de ses réactions personnelles, de ses attitudes, de son émotivité, en un mot de sa personnalité, sera constitué à partir des données familiales. La famille, telle que nous venons de la définir, est le cadre du développement du petit enfant. Sa personnalité élaborée, construite et forgée au creuset familial est à la base de sa vie sociale future.

La marque première est décisive, quand bien même se feront jour des influences ultérieures, extérieures à la famille, qui, si elles permettent quelquefois des réajustements partiels des conduites, ne modifient pas fondamentalement les structures établies lors des premières années de la vie.

C’est pourquoi nous aurons à examiner de plus près comment s’installent ces relations initiales entre l’enfant et ses parents, si nous voulons saisir la dynamique de la vie affective et situer sur quelle trame se constituent les complexes : de cette compréhension seulement pourra naître ensuite la possibilité d’observer en quelle mesure des réaménagements sont encore possibles.

Les historiens ont décrit la lente construction des images de l’enfance et de la famille, telles que nous les connaissons à présent : la conception de la famille fondée sur l’affection et le dévouement réciproques, favorables à l’expression des sentiments, n’a que quelques siècles d’existence.

La famille traditionnelle, telle qu’elle nous est décrite par les sociologues et les historiens de notre société, se présentait souvent sous la forme d’une communauté organisée sous l’autorité du père, le modèle patriarcal. L’enfant, dans un tel cadre, devait le respect et l’obéissance à ses parents qui, de leur côté, lui assuraient, outre les conditions de subsistance et de développement, amour et bienveillance. Le père subvenait aux besoins économiques de tous, la mère organisait le foyer, prodiguait son affection à tous et veillait aux tâches ménagères et éducatives.

Les conditions économiques et sociales contemporaines comme aussi la redéfinition des rôles masculin et féminin ne permettent plus guère de se représenter uniquement ainsi la structure familiale actuelle. Mais il n’est pas que ce contexte social qui ait varié : l’image même que l’on se forme à présent de l’enfant a beaucoup évolué. C’est sur cette compréhension de l’enfant et de son développement que nous allons à présent nous centrer.

12. Parmi un ensemble de travaux qui font état de ces évolutions, citons Gastambide et Lebrun, 2013. Jean-Pierre Lebrun précise : « il faut peut-être rappeler que par mère, il faut entendre désormais celui qui a été le premier Autre de l’enfant (que ce soit un homme ou une femme qui ait occupé cette place) », p. 217.

CHAPITRE 1 Aux débuts : l’enfant et les siens

Retour aux sources

Nous rappellerons ici brièvement les étapes principales du développement de l’enfant, afin de permettre la compréhension des situations affectives abordées dans la suite de l’ouvrage. Si « tout » n’est pas joué avant six ans, il reste néanmoins difficile de situer les événements de la vie infantile sans le nécessaire retour en arrière que constitue la saisie de la dynamique de l’édification d’une personnalité humaine.

L’axe choisi est celui du développement affectif, autour duquel se construisent d’autres secteurs psychiques tels la socialisation, le langage ou encore l’univers cognitif. Certes, ces séparations peuvent paraître artificielles : mais l’organisme humain ne se développe pas à un rythme identique dans ses différentes parties ni chez tous les individus et l’évolution de ces domaines est variable en particulier selon le milieu éducatif, culturel ou social. Essayons, cependant, d’en préciser les grandes articulations sans pour autant prétendre embrasser d’un seul coup d’œil le monde de l’enfance.

Nous ne pourrions présenter ce monde de l’enfance sans commencer par rappeler ce que notre vision doit aux travaux de Freud. Sans doute les positions de ce dernier au sein du développement de la psychanalyse, puis la psychanalyse elle-même ont-elles été l’objet, et le sont encore, de vives contestations : nous connaissons ces critiques et entendons quelle a pu être la responsabilité, personnelle et institutionnelle, de celles et ceux qui ont incarné et incarnent encore ce courant. Mais notre position ici n’est pas celle de juges qui prétendraient à l’objectivité de leur position pour décider du vrai et du juste. Plus modestement, nous cherchons à faire le point sur les apports de Freud, de notre point de vue et à partir de notre expérience. Nous discuterons au fur et à mesure ce que nous en gardons et indiquerons là où nous nous en éloignons. D’autres auteurs et d’autres courants de recherche seront mobilisés pour étayer notre propos.

Freud a compris les richesses et les inquiétudes que recèle la personnalité enfantine et, plus largement, humaine. Cela n’alla certes pas, de la part de ses contemporains, comme aussi des nôtres, sans rencontrer maintes difficultés : novateur et explorateur du psychisme, il ouvrait les portes d’un monde interdit, indiquait l’importance de mouvements inconscients et s’aventurait sur des sentiers mouvants là où l’on s’était fait depuis longtemps à l’idée de routes solides, visibles, familières, nettement balisées. Freud les présentait aléatoires, inquiétantes et inconnues. Enfin, il faisait appel à la sexualité à propos de l’enfance… ! Il est opportun de rappeler que Freud s’inscrivait dans une société singulière, à Vienne au tournant du XXe siècle.

On savait certes avant lui que l’enfance est un moment particulier, avec ses caractéristiques psychologiques propres et ses manières de penser et de vivre spécifiques13, et non pas un simple apprentissage nécessaire, mais qu’il convenait d’abréger au maximum. Freud souligna le dynamisme de l’enfance, placée qu’elle est sous l’influence des conflits entre les forces de « l’instinct » – nous préférons dire : les pulsions – et les contraintes de la vie familiale et sociale.

Il remit en question l’idée de « l’enfant-innocent », non pas pour la remplacer par une vision pessimiste d’un « enfant-monstre », mais plutôt par celle d’un être humain en proie aux difficultés que tous rencontrent et auxquelles l’enfant réagit avec sa personnalité propre et en fonction de celle des personnes qui l’entourent. Ses parents, nous l’avons déjà souligné, exercent ici une action déterminante. Voyons à présent ce qu’il en est des grandes lignes de cette formation de l’être humain.

Pour dire les choses autrement, le complexe d’Œdipe et ses aventures, un des thèmes de départ de ce livre, ne peuvent se révéler que par l’existence des étapes antérieures de la sexualité infantile. Ces deux derniers mots, accolés, ont provoqué, en leur temps, un tollé général. Pourtant, ils rendent compte d’un phénomène que chacun d’entre nous, chaque adulte observe quotidiennement chez les enfants en âge d’y être con­frontés. Pourquoi cela ?

Sexualité et scandale

La reconnaissance de la sexualité infantile a rencontré des oppositions virulentes au nom d’une certaine morale, car elle rendait caduque l’idée de l’innocence originelle tant proclamée de l’enfant. Par ailleurs, le malentendu repose sur le mot « sexualité », lorsque cette dernière est prise en référence à celle de l’adulte et lui est identifiée. Si le mot est le même, employé pour l’adulte et l’enfant, ne nous méprenons pas : la sexualité de l’enfant diffère de celle de l’adulte, même si elle la prépare, la sexualité renvoie à notre propre vision de celle-ci. Celle de l’enfant n’est évidemment pas celle de l’adulte : de nos jours, on parlerait plus, pour l’enfant, de recherche du plaisir et de sensualité.

Chez l’enfant, les parties du corps qui lui procurent du plaisir – appelées zones érogènes par Freud – ne sont pas forcément les organes génitaux. Les buts sont différents en ce sens qu’ils ne conduisent pas à l’établissement de relations sexuelles proprement dites. Les manifestations de la sexualité ne sont pas dirigées sur des personnes, mais trouvent leur satisfaction sur le corps propre de l’enfant. Nous reviendrons dans les pages qui suivent sur le « destin » de ces zones corporelles et du plaisir que l’enfant prend à les faire fonctionner.

Si nous avons insisté sur ces préalables concernant la sexualité infantile, c’est tout à la fois parce que beaucoup d’adultes évoquent encore le temps de l’innocence en parlant de l’enfant, et pour en marquer l’originalité, montrer les incompréhensions auxquelles elle a donné lieu. Qu’en est-il de son évolution ? Comment se forment et se transforment le psychisme et l’affectivité d’un être ? Quels sont les moments majeurs et les étapes de son développement ?

Naître avant la naissance

Un psychologue volontiers provocateur disait que l’éducation d’un enfant était terminée avec le mariage des parents, du temps où l’on se mariait encore… C’est aller un peu vite en besogne, quoiqu’une telle outrance recèle quelque vérité : le lien historique et psychologique de l’enfant à naître avec ceux qui l’ont conçu. Nous voulons dire que les conditions de la grossesse influent sur les attitudes des parents : l’enfant a-t-il été voulu ? A-t-il été accepté ? Que représente-t-il pour la mère ? Pour le père ? Comment l’ont-ils rêvé ? Comment les parents vivent-ils d’éventuelles difficultés professionnelles, financières, affectives, de santé ?

Selon les réponses apportées, on imagine que l’atmosphère psychologique qui environne la naissance contribue à la marquer d’une empreinte particulière. Les parents ont un projet sur l’enfant à venir : ils se figurent ce qu’il sera ; il aura leurs traits ou il sera autre ; ils envisagent pour lui un avenir dans lequel ils s’imaginent. C’est dire qu’ils ont des désirs sur cet enfant à naître qui sont autant de représentations d’eux-mêmes et qui l’imprimeront, en induisant d’une manière ou d’une autre des relations spécifiques entre lui et eux. Il lui reste à naître…

Naissance : un rendez-vous en terre de moins en moins inconnue

La naissance a toujours été considérée comme un moment fascinant de l’histoire de l’humanité avec l’arrivée au monde d’un nouvel être et tous les champs du possible qui semblent s’offrir à lui.

Pendant des millénaires, la femme a accouché à son domicile au milieu des matrones et des « mères-mitaines », ancêtres des sages-femmes. Au XVIIIe siècle, un début de médicalisation arrive avec les hommes-accoucheurs, pour connaître son apogée au XXe siècle avec l’accouchement à l’hôpital… Au mitan du dernier siècle, de nouvelles pratiques se sont fait jour en prenant en compte la future maman, c’est l’âge de l’accouchement sans douleur14, puis celui de la naissance sans violence15, et de nos jours des conditions de naissance très technologiques avec le développement exponentiel de la péridurale et du monitoring. En outre, le père assiste, s’il le souhaite, à l’accouchement. Cette présence a été un tournant non négligeable dans les salles de travail des maternités, car un acteur non médical devenait un témoin de la naissance de son enfant.

Cependant, certains médecins dénoncent un nouveau danger : celui du traumatisme des accouchements programmés et déclenchés dans les maternités. Ces accouchements quelquefois prématurés entraî­nent un système respiratoire et/ou tube digestif immatures et des coliques douloureuses pour le bébé. Dans un certain nombre de maternités, on ne s’inquiéterait pas tant de l’évolution de la grossesse que de l’organisation du service, dans un souci de rationalisation des soins… La grossesse et l’accouchement sont hyper médicalisés, avec une mortalité infantile certes faible, mais une morbidité qui reste présente. À titre d’exemple, sur les 785 000 naissances en France en 2016, 20,2 % ont eu lieu par césarienne et 82 % des futures mamans ont bénéficié d’anesthésies péridurales, 20 % des femmes enceintes ont subi une épisiotomie16.

De nos jours, différentes méthodes de préparation à l’accouchement ont été mises au point. Sophrologie17, haptonomie18, acupuncture19, hypnose prénatale20 sont les plus pratiquées. Leur fonction actuelle est d’accompagner le plus simplement possible la mère et l’enfant afin de réduire très fortement les douleurs de l’un et de l’autre.

Récemment, les gynécologues-obstétriciens nous apprennent que le bébé est massé par les contractions qui le poussent vers le bas. Il se met dans un état de semi-sommeil qui va l’aider à traverser tout le processus sans souffrir jusqu’aux toutes dernières contractions, moment où il se réveille. La naissance n’a plus ce caractère dévastateur évoqué dans les années 1970, car le nouveau-né sécrète des endorphines21 qui le calment. Cependant, il a besoin, ensuite, de retrouver à l’air libre certains éléments anténataux : bruits du cœur de la mère, odeur du liquide amniotique sur le téton maternel qui déclenche la succion, voix familière de ses parents, etc. Ces perceptions mémorisées sont fondamentales pour lui et agissent comme de véritables repères identitaires. C’est pour cela qu’aujourd’hui l’un des premiers gestes de l’équipe médicale est d’installer le bébé sur le ventre de sa mère pour une « mise au sein précoce ». Bien naître et bien-être s’entendent de la même façon, écrivait Danièle Rapoport, psychologue clinicienne.

La vie : 1re année22

Téter : une faim en soi

Sensible à la lumière et à la voix humaine, le « nourrisson »23 entretient d’emblée des contacts corporels avec sa mère : il est porté, caressé, soigné. Au fil des jours et des semaines, les possibilités de rencontre physique se multiplient et se diversifient à travers le bain, la toilette, les pesées, les moments de disponibilité maternelle et, surtout, l’alimentation. L’enfant ne paraît pouvoir s’endormir que le ventre plein. Le besoin biologique de nourriture rythme ses journées. Aigu, il le réveille ; satisfait, il l’endort. Ainsi, sein ou biberon procurent satisfactions et craintes. Plénitude lorsque l’état d’excitation ou de malaise disparaît dans l’assouvissement de la faim. Détresse quand la sensation de faim le tenaille. Des psychologues ont même comparé l’état de manque du bébé à celui du toxicomane !

On imagine aisément que les temps d’attente de nourriture sont pour le bébé une source d’émoi : les gestes de sa mère acquièrent une importance primordiale en fonction des perceptions qu’en a l’enfant. Nous savons que le bébé ignore le vide, car sa bouche a été habituée à être pleine : à la naissance, il excrète le contenu de son intestin, le méconium. C’est bien que le tube digestif fonctionnait au cours de la vie fœtale. Ainsi, le temps des tétées paraît être la période où se rétablit cette relation, antérieure à la naissance, entre le monde extérieur et le monde intérieur de l’enfant. Et, pendant qu’il tète, il se charge de tout l’environnement maternel : odeur, chaleur, ton de voix, etc. Il prend par conséquent – il « intériorise » – tout ce qui lui vient de sa mère.

C’est dire qu’il emmagasine beaucoup plus que la simple nourriture. La démonstration en est fournie lors d’une hospitalisation : la séparation durable d’avec la mère retentit gravement sur le psychisme de l’enfant si les substituts maternels – nurses, infirmières, puéricultrices – ne sont pas suffisamment riches en contacts humains. Cette situation, d’ailleurs non spécifique d’un séjour dans un hôpital, est connue sous le nom d’hospitalisme*24.

À travers la relation alimentaire, le bébé va s’apercevoir que la tétée lui procure également un plaisir particulier. Un plaisir autre que celui purement lié à la nourriture et qu’il va dès lors tenter de renouveler hors des moments d’alimentation lactée. C’est pourquoi, par exemple, il sera vu en train de sucer son pouce, ses lèvres ou encore un coin de couverture. Plaisir de sucer, mais aussi désir de retrouver le sein ou le biberon perdu.

Un seul être vous manque…

Au cours du deuxième mois, toute personne qui s’approche commence à être reconnue et distinguée progressivement dans l’environnement. Le visage de la mère – ou de la personne qui s’occupe de l’enfant – s’offrant le plus souvent, c’est lui qui va être privilégié et auquel il va sourire. On situe approximativement l’apparition de ce sourire volontaire vers la fin du troisième mois. Puis, le bébé, par la multiplicité des contacts et des relations avec cette personne, va être en mesure de l’identifier, puis de la reconnaître en tant que personnage préféré.

Paradoxalement, cela l’amène à découvrir qu’il peut la perdre et s’installe un jeu subtil : la mère devient le centre d’intérêt préférentiel pour l’enfant, ce qui le conduit souvent à rejeter tout visage inconnu avec un sentiment de déplaisir profond. Située vers le huitième mois, cette période de souffrance et d’inquiétude concourt à son développement affectif : si, auparavant, il confondait en une même unité le sein ou le biberon, la mère et lui-même – d’où un sentiment de toute-puissance –, il vit et éprouve maintenant la différence entre lui et le monde extérieur. Les parents connaissent cette période où l’enfant est inquiet et quelquefois plus lors de l’approche d’un visage inconnu, ainsi que ces pleurs incoercibles qui précèdent l’arrivée en crèche ou chez une éventuelle nourrice.

Un miroir qui réfléchit

Enfin, dans le même temps, l’enfant se découvre et découvre son visage dans le miroir. C’est un moment d’une grande richesse émotionnelle. Ne sachant trop que penser devant cette image inconnue, il constate dans l’après-coup qu’elle est la sienne, que le miroir reflète tous ses mouvements et toutes ses mimiques. Il se voit entier. Certains pensent que c’est à ce moment que débute le moi*, c’est-à-dire la représentation et la conscience que chacun peut avoir de soi-même et qui vont imprégner tous ses gestes au long de la vie. C’est une découverte qui lui procure une grande joie, semblable, dans son intensité, à celle que suscite la reconnaissance du visage de la mère.

Un psychanalyste, Jacques Lacan*, reprenant les travaux d’Henri Wallon, parlait à ce propos « d’assomption jubilatoire » et conférait à ce moment un caractère décisif dans le développement de l’enfant. Car, se reconnaissant ainsi, l’enfant se reconnaît différent de l’autre et l’autre différent de lui. Il en conçoit un vif plaisir. Pourtant, il lui faudra encore ne pas être prisonnier de cette image de soi comme Narcisse, ce héros grec amoureux de sa propre image qui périt noyé en s’admirant dans les eaux d’une source claire. Et ce sont les parents, en lui parlant devant cette image, qui le délivreront de ce danger afin que ce miroir, initialement formateur, ne devienne pas un miroir aux alouettes.

Amour de l’autre, amour de soi

Pour cette époque que nous venons de décrire succinctement, de la naissance à un an, les psychanalystes ont proposé le nom de stade oral. L’expression est prise dans son sens le plus large : elle marque le plaisir sexuel du nourrisson lié à l’excitation de la bouche, des lèvres et même du tube digestif lors de l’alimentation. Certains auteurs y adjoignent également les organes des sens (gustation, olfaction, vision, audition et toucher). Pendant ce laps de temps, les relations mère-enfant ont évolué : il a appris à distinguer son entourage et, en particulier, la présence de la mère. Sujet d’affection quand elle est présente, elle est tout aussi facilement l’objet de tous les maux pendant ses absences. L’amour et la haine sont indissolublement liés.

Combien l’enfant est-il dépendant de sa mère et de l’ambiance que celle-ci aura su ou non créer auprès de lui ! Selon qu’elle sera plus ou moins aimante, l’enfant se vivra comme plus ou moins aimé. L’intensité de l’amour parental est à l’origine de l’amour de soi-même. C’est le fondement de la confiance en soi et la matrice de ce que sera le futur adulte dans l’élan et le sens qu’il sera en mesure de donner à sa vie.

Une année s’est écoulée et des progrès décisifs ont été accomplis sur tous les plans du développement : la position debout est acquise avec appui, la marche se profile, la mobilité devient adaptée, les prises se font avec une certaine dextérité, la vocalisation préfigure le langage, le sommeil occupe un temps moindre, les plaisirs et les peines sont, en partie, différenciés (jeux, amour parental, présence, découvertes sont occasions de joie ou de tristesse). Les acquisitions sont nombreuses et diversifiées.

Le nourrisson n’est pas cet être végétatif pour lequel il suffirait de satisfaire les besoins de faim, de soif, de soins corporels, de protection contre le froid. Ce n’est pas un petit objet, il lui faut aussi une parole de son entourage où les phrases et les intonations de voix l’introduisent dans le monde des humains. Certains pourraient croire que parler à un nouveau-né relève de la fantaisie pure et pourtant, une telle attitude ouvre non seulement à la relation, mais donne à l’enfant le souvenir des intonations de voix qu’il se rappellera dans les moments difficiles.

La vie jusqu’à trois ans25

Échanges et cadeaux

Parmi ces acquis, il faut signaler tout particulièrement les possibilités neurophysiologiques qui se développent. Ce que l’adulte ne manque pas de constater. C’est alors que l’éducation à la propreté débute. Certes, elle enrichit les relations, mais devient source de conflits ouverts. L’enfant et la mère attachent une importance grandissante à cette action, mais pour des raisons différentes ! Lui, lorsqu’il donne ses selles de manière appropriée aux exigences de l’adulte, ressent cette fonction à la fois comme une contrainte, une récompense et un cadeau fait à la mère. Il est, d’ailleurs, encouragé dans ce sens lorsque son entourage s’émerveille et louange ! La « donation » est ressentie comme un témoignage de son amour qui doit lui assurer, pense-t-il, la réciproque. Ainsi est-ce la manifestation concrète des relations affectives entretenues avec la mère.

Mais il se rend compte de l’importance que revêt pour l’adulte l’expulsion de ses excréments et il va jouer de cette découverte pour tenter d’affirmer ce pouvoir tout neuf. Un sentiment de puissance qui se manifeste par le contrôle récent de cette possibilité de « donner ou de ne pas donner ». D’où une nouvelle découverte : la rétention lui procure un plaisir aussi intense que celui lié à l’élimination des selles. Partagé entre ces plaisirs, il utilise ses matières fécales comme des manières de cadeaux qui témoignent de son amour : il les retient quand il éprouve une réaction hostile à l’égard de son entourage, ou les expulse à tout moment et en tout lieu ! Il « emm… » son entourage…

Voilà une fonction nouvellement acquise qui entraîne chez l’enfant des possibilités qu’il commande : il pousse ou il retient ses matières fécales. Discipliner l’évacuation de ces dernières, c’est faire plaisir à la mère ou à la personne qui la remplace, faire don activement de quelque chose à quoi il tient. Retenir ses selles, c’est s’opposer à la demande et exercer son propre pouvoir. À ce moment, le conflit s’exprime en ces termes : se soumettre pour être aimé de la mère ou s’opposer pour exercer une domination sur celle-ci. Or, un enfant ne renonce à un plaisir que pour un autre : ici, celui de l’obéissance à la mère aimée afin de conserver son amour.

Par rapport à cette époque de l’éducation à la propreté où les enfants font parfois tourner leurs parents en bourrique, il n’est peut-être pas inutile de remarquer qu’il y a quelque chose de dérisoire à féliciter l’enfant d’un tel « cadeau » qui sent mauvais et que l’on s’empresse de faire disparaître. Pourquoi ne pas louer fortement l’autonomie qu’implique l’élimination sur le pot : « tu es maintenant une grande fille ou un grand garçon » et les progrès de la motricité qui vont de pair avec ces nouvelles exigences ?

Histoires de selles