L'Énivrante Angoisse - Ligaran - E-Book

L'Énivrante Angoisse E-Book

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Extrait : "STANCES – Mon âme de tendresse et de joie est remplie Pour des jours et des jours... Jardin de solitude et de mélancolie, Je t'offre nos amours. Mais l'amour est un hôte infidèle, qui passe Et ne nous revient pas ; Jardin, rappelle-toi ses reins et sa grâce : Tu me les rediras. "

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Seitenzahl: 69

Veröffentlichungsjahr: 2015

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À MADAME MATHIEU DE NOAILLES

qui a laissé tomber sur la Nature et la Vie l’ardente clarté de son rêve, j’offre ce livre, pieusement.

CH.D.

Stances
Mon âme de tendresse et de joie est remplie
Pour des jours et des jours…
Jardin de solitude et de mélancolie,
Je t’offre nos amours.
Mais l’amour est un hôte infidèle, qui passe
Et ne nous revient pas ;
Jardin, rappelle-toi ses rires et sa grâce :
Tu me les rediras.
Tous les ans, au moment que les jeunes haleines
Des printemps réveillés
Feront chanter sans fin les oiseaux, à voix pleines
À travers les halliers,
Je viendrai, pèlerin douloureux et fidèle,
À l’ombre de tes bois,
Et là j’écouterai longtemps me parler d’elle
Tes innombrables voix.
Où sera-t-elle alors ? Hélas ! morte peut-être
Ou perdue à jamais ;
Mais je croirai toujours la voir ici paraître
Telle que je l’aimais,
Et quand j’irai mirer mon visage sur l’onde
Des bassins endormis,
J’y verrai près de moi sa chevelure blonde
Et ses beaux yeux amis.
Dans l’odorante paix de l’heure attiédie,
Ô jardin, pour toujours
Mon cœur reconnaissant aujourd’hui te dédie
Nos fragiles amours,
– Ô jardin bienveillant qui vit ses lèvres roses
À mes lèvres s’unir, –
Car c’est au cœur glacé des impassibles choses
Que vit le souvenir.
Nocturne
Était-ce Nine, était-ce Line ?
Mon cœur ne se rappelle plus ;
Elle avait des rires ténus
Et des gestes de mousseline,
Un joli chapeau tout en fleur
Sur sa tête couleur d’automne ;
Et puis la nuit nous fit l’aumône
De sa bienveillante douceur.
Elle chantait : « Que l’on m’apporte
Mon voile et ma robe de deuil :
C’est ce soir que ma mère est morte ;
Elle a bien froid dans son cercueil. »
Elle chantait, presque craintive,
Sur des modes apitoyés,
Et les ruisseaux à la dérive
Traînaient des vers luisants noyés.
Elle semblait toute petite ;
Puis la nuit, loin de ses yeux d’or,
S’envola comme l’eau bénite
Qu’on jette sur le front d’un mort.
Le fleuve blanc roulait des brumes
Auprès des grêles peupliers.
Mon cœur volait comme des plumes
De colombes ou de ramiers.
Et ce fut la fraîcheur de l’aube ;
Le ciel souriait tendre et las,
Sur mes lèvres et sur sa robe
Passait le parfum des lilas…
Était-ce Line, était-ce Nine ?
On voyait au flanc des coteaux
Les taillis blancs sous l’aubépine,
Les bergers noirs sous leurs manteaux.
– D’autres, plus faibles ou plus douces
Me souriront et passeront ;
Mais j’irai souvent sur les mousses
Rafraîchir mes yeux et mon front,
Je reviendrai voir sur la berge
Auprès des grêles peupliers
La rosée aux fils de la Vierge
Pendre ses fragiles colliers ; –
Dans le jardin de mes pensées
Sous les ombrages les plus doux
Aux heures noires ou lassées
J’irai vous retrouver, ô vous
Qui, tandis que la campanule
Au vent balançait son grelot,
Regardiez dans le crépuscule
Mourir les étoiles sur l’eau.
Idylle
C’est bien toujours l’enfant que nous avons connue,
Relevant ses cheveux trop lourds de sa main nue,
Ou poursuivant, joyeuse et folle, dès l’aurore,
L’essaim des papillons dans la forêt sonore.
Mais quand le soir en pleurs rôde dans les prairies,
Sa frêle âme a déjà l’amour des songeries,
Et quand l’angélus sonne au clocher, du village
Le rêve vient frôler son front clair d’enfant sage.
Ô Nine, toi qui vas sous tes lourds cheveux blonds,
Ô Nine, toi qui vas t’accouder aux balcons
Pour voir s’épanouir aux seins des cieux féconds
Les calices étincelants des fleurs de feu,
Quitte la maison blanche et quitte le seuil bleu.
Que ta petite main se confie à ma main,
Car je veux te mener le long du noir chemin
Qui va vers la colline où naîtra le matin.
Fuis la maison. Auprès du perron et des portes
Rôdent sans fin d’obscurs fantômes d’amours mortes.
Ton cœur y devina des espérances vaines
Dont le sanglot se mêle à la voix des fontaines.
C’est là que tout le long des jours, tristes et seules,
Et le long de la vie ont filé les aïeules ;
Et quand le vent se joue à travers les charmilles
On dirait des chuchotements de jeunes filles.
Trop de bonheurs perdus avant que d’être nés,
Trop de pleurs vite éclos sur des yeux étonnés,
Et trop de pauvres petits cœurs abandonnés
Dans leur détresse et dans leur songe puéril,
Trop de baisers en deuil et d’amours en exil,
Ô Nine, il ne faut rien entendre ni rien voir
Quand, surgissant soudain du fond du tombeau noir,
Le passé ressuscite à l’approche du soir.
Ô cœur léger comme un duvet de tourterelle,
Crois que la vie est bonne et bienveillante et belle ;
Garde toujours ta joie et ton âme enfantine.
Je sais une maison, auprès de la colline,
Où fleurit l’iris doux et l’amère lavande :
Nous y serons heureux quand tu seras plus grande,
Nine, et pour toi la vie entière sera faite
De baisers sur ta bouche et de ciel sur ta tête.
Oh ! Nine, mes baisers cherchant vos baisers frais,
Et l’enclos lumineux à côté des forêts,
Et le verger ployant sous les fruits, et les rais
Du soleil embrouillés dans vos grands cheveux d’or !
La bonté de la terre et celle de l’amour,
Oh ! Nine, ce sera le bonheur, jusqu’au jour
Où vous irez dormir sous terre à votre tour…
Mais vous serez bien vieille, et moi je serai mort.
Murmures dans le soir
Taisez-vous, cher petit cœur,
Taisez-vous et soyons sages.
Mon âme a la fraîche odeur
Des roses sauvages ;
Mon âme, ce soir, est si
Petite fille, et si frêle !
J’ai peur que l’amour aussi
Ne pèse sur elle…
Tous mes songes sont frôlés
En ces tendres crépuscules
Par des ailes d’oiselets
Et de libellules ;
Pas de vaines larmes ; pas
De baisers ni de paroles ;
Ne troublons point le trépas
Léger des corolles
Que le vent muet fait choir
Au pied des fleurs balancées ;
Et que la couleur du soir
Teinte nos pensées.
La veillée d’amour
Oui, te voilà ; voilà tes cheveux et tes yeux,
Tes yeux d’eau vive, et tes cheveux chauds et soyeux,
Tes cheveux, leur odeur de fougère au soleil ;
Et te voilà ! voilà ton sourire, pareil
À du sang mêlé de lumière, où mon baiser
Impatient et doux va venir se poser.
Te voilà près de mon visage, comme hier ;
Tes cheveux sont un rayon d’or sur ton front clair,
Et bientôt ce sera notre amour puéril ;
Ses doux gestes, ses rires frais et son babil ;
Et pour tisser un nid à l’enfant-oiselet,
Tout à l’heure, mes bras avec tes bras de lait
Se mêleront ainsi que des tiges de joncs.
À tes pieds, tes pieds nus doux comme des pigeons,
À tes hanches, à tes seins blonds comme des fruits.
Il sera bon de caresser ma bouche ; et puis,
Blottis, serrés, perdus l’un dans l’autre, un peu las,
Nous sourirons, nous pleurerons, je ne sais pas…
Je ne sais pas, nous sourirons, nous pleurerons,
En mêlant longuement nos souffles et nos fronts,
Languissants, enivrés, charmés, presque peureux ;
Hélas ! et nous croirons que nous sommes heureux.
Ô bien-aimée, amie aux yeux de grande sœur,
Lumière souriante et paisible douceur,
Petite âme légère, embaumée et futile,
Venez sur le balcon et regardez la ville.
Les toits fument, les chars grincent, les hommes vont
En foule sous le ciel accablant et profond ;
La nuit tombe, les chars grincent et les toits fument.
Des lumières avec les étoiles s’allument ;
Une sombre fraîcheur descend des cieux mouillés
Et ce n’est plus que l’ombre et la nuit à nos pieds ;
Et cette ombre s’agite, et rit, et pleure, et gronde,
C’est la nuit à nos pieds, c’est l’ombre, c’est le monde,
Le monde étourdissant, bruissant et mouvant,
Plein de la voix de l’homme et des sanglots du vent,
Où, quittant mes baisers et ma tiède demeure,
Vous allez vous enfuir loin de moi tout à l’heure.
Oh ! nos corps fraternels que fondait le baiser !
Nos âmes qui semblaient s’unir avec nos lèvres !
Pourrons-nous à présent rompre sans nous briser
Les liens qu’ont tressés nos désirs et nos fièvres ?
Tu pars ; que deviens-tu, que fais-tu, que dis-tu ?