L'envie de vivre - Tome 1 - Licora L. - E-Book

L'envie de vivre - Tome 1 E-Book

Licora L.

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Beschreibung

« On dit que l’amour est la plus belle chose qui puisse nous arriver. Pourtant, je n'ai jamais autant souffert que depuis que je l’ai rencontré »

Apprendre un secret sur son existence n'est jamais une chose facile. Savoir son avenir compromis l'est encore moins.
Davis, jeune homme impulsif, va être confronté à un choix crucial : laisser faire le destin ou l’affronter pour tenter de le retourner. Mais sa vie est décousue et son chemin, tout tracé. Rien n’a d’importance pour lui, aucun sentiment, aucune attache. Son avenir ? Compromis et aussi noir que son passé. Oui, mais voilà. Une jeune femme va faire voler en éclats toutes ses certitudes. Pourra-t-elle peser sur sa décision ? Et si l’envie de vivre qui lui fait tant défaut résidait dans l’ombre de son cœur ?
Quand l'amour décoche sa flèche, il peut parfois rendre certaines décisions difficiles.

Découvrez le premier tome de cette saga romantique qui montre la force de l'amour !

EXTRAIT

Je vais me faire couler un café pour émerger de ce brouillard. Pendant qu’il se fait, j’observe le temps dehors par la grande baie vitrée qui donne dans la cuisine ouverte sur le salon. Le ciel est couvert et quelques gouttes de pluie commencent à tomber. Fait chier, quel temps de merde ! Tant pis, je vais comater sur le canapé. Quel programme alléchant !
Perdu dans ma contemplation de la ville derrière la vitre, je sursaute légèrement quand je sens soudain deux petites mains glisser sur mon torse puis un corps tout chaud se coller contre mon dos.
— Déjà debout, chaton ? me dit une voix féminine encore ensommeillée.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Je vous conseille de vous lancer sans plus attendre et de vous laisser porter par leur idylle. - Blog Virtuellement vôtre

À PROPOS DE L'AUTEUR

Licora L. : 30 ans, mariée et maman de deux petites filles, mais aussi infirmière dans un centre hospitalier de Saône et Loire, conseillère municipale et cogérante d'une association d'animation avec mon mari.
Passionnée de lecture depuis mon plus jeune âge, j'ai d’abord été happée par tout ce qui touchait au domaine du surnaturel. Les histoires réelles en particulier. Puis en grandissant, mes centres d’intérêt ont évolué. Romantique dans l’âme, les belles histoires d'amour m'ont toujours fait rêver. C’est un plaisir d’ouvrir un nouveau livre, de découvrir comment un sentiment aussi beau et aussi fort peut l’emporter sur tous les obstacles.

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L’envie de

vivre.

Pour t’aimer…

 

 

 

Tome 1

Licora L

Romance

Éditions « Arts En Mots »

Illustration graphique : © Flora Duboc

 

1

Samedi 3 Mai.

Lucie.

Quelle nuit de travail épuisante. J'ai cru que je n'en verrais jamais la fin. Il est sept heures trente, je quitte mon poste d'infirmière aux urgences de l'hôpital. Entre les égratignures sans importance, les personnes alcoolisées du vendredi soir, et les vraies urgences, la nuit fut particulièrement mouvementée. Heureusement, j’ai une vessie de compétition et des jambes en béton.

Je suis diplômée depuis deux ans maintenant. Je m’épanouies pleinement dans ce métier, parfois bien compliqué, mais tellement riche et prenant sur le plan humain. Mais aussi très fatigant. Tout de suite, je n’ai qu’une envie, plonger bien au chaud dans mon lit pour retrouver Morphée.

Une grande bouffée d'air frais me fouette le visage quand je passe les portes battantes qui mènent vers le parking. Le jour s'est levé et la ville lumière fourmille déjà. Dans le ciel, quelques rayons de soleil percent les nuages ici et là, créant un faisceau lumineux par endroit.

Je respire profondément en profitant de la douceur matinale. J’apprécie cette odeur fraîche, bien que polluée, du début de journée. Toute cette effervescence des gens en voiture, à pieds ou à vélo qui s’apprêtent à partir travailler quand moi, je vais me coucher. J'ai toujours cette impression de revenir à la vie après avoir passé ma nuit à côtoyer la mort. Ce qui me fait savourer chaque instant du présent, et donne de la saveur à la moindre petite chose.

Les trois jours de repos qui m'attendent vont me faire le plus grand bien. Je me dirige vers la voiture par automatisme, mes yeux ayant du mal à s'acclimater à la luminosité extérieure. Comme un oiseau de nuit.

La circulation est difficile à cette heure-ci. Tout le monde part travailler, il est donc impossible d’échapper aux embouteillages. Sauf que, quand j'ai envie de dormir, j’éprouve des difficultés à rester patiente! Paris est vraiment horrible pour ça, j'en regrette ma campagne natale, les balades en forêt, près de la Sologne, où le chant des oiseaux communie avec le son de la nature. Là, j’ai juste le droit aux klaxons et moteurs en tout genre. Quelle poésie !

Afin d'éviter de continuer de rouler à pas d'escargot, je décide de prendre les petites rues, plus longues, mais moins fréquentées. Quoique, c’est vite dit.

J'arrive à un feu. Bien évidemment, il passe au rouge, comme à chaque fois que j'ai hâte de rentrer, je me les coltine tous. J’ai la poisse pour ça.

— Allez hop, on se dépêche et on passe au vert. Parce que mes yeux se ferment tous seuls et ma voiture ne possède pas le pilote automatique.

Ça m’arrangerait bien dans un moment comme celui-ci.

Voilà que je parle au feu maintenant, il faut vraiment que je dorme, on va me prendre pour une folle. J’ai moi-même parfois quelques doutes quant à ma santé mentale après une nuit de boulot.

J’appuie enfin sur l’accélérateur quand je me sens soudain propulsée, dans un bruit de fracas de tôle.

Mon Dieu, c'était quoi ça ?

Paniquée, je regarde autour de moi, scrute à droite, à gauche à la recherche de la cause. Mon cœur tambourine sous la montée d’adrénaline qui se décharge dans mes veines, tandis que ma respiration est devenue plus rapide sous la surprise. Il me faut quelques secondes pour essayer de me calmer. Je constate que ma voiture est légèrement déviée de sa trajectoire. Comment me suis-je retrouvée là ?

Je jette un œil dans le rétro, j’ai l’impression que mon corps s’est vidé de son sang tant je suis pâle. Je ne ressens pas de douleur et à première vue, je n'ai pas l'air blessé. Mais qu'est-ce que j'ai eu peur !

« Putain de merde! C’est pas possible ! » entends-je râler au loin.

Je défais péniblement ma ceinture de sécurité puis ouvre la portière, non sans trembler. En sortant de la voiture, mes jambes flageolent. Si je ne me retenais pas solidement, je serais déjà étalée par terre. Je suis plus sous le choc que je ne le pensais.

— Vous ne pouvez pas regarder où vous allez ! Bon sang, mais ouvrez les yeux quand vous conduisez! C'est la nuit qu'il faut dormir, pas en conduisant. Putain, les femmes au volant, c'est une catastrophe !

Je me retourne pour voir d’où vient cette voix enragée, au milieu de tous ces klaxons, tandis que mille questions se bousculent encore dans ma tête. Je crois qu'en fait, je suis légèrement sonnée. Je me tiens le crâne, comme si ce geste allait m'éclairer sur la situation.

— Pardon, je...euh...

Je n'arrive pas à finir ma phrase, mon cerveau essayant de connecter toutes les données pour comprendre. Mais lorsque je fais face à l'homme qui s’agite devant moi, je crois rêver. Je suis morte et je suis au paradis, c'est ça ? Ses yeux ont beau être cachés par quelques mèches brunes et des lunettes noires, je peux sentir le poids de son regard furieux sur moi. Je ne saurais dire si ce sont les rayons du soleil ou la façon intense dont il me fixe qui me rendent nerveuse. Son visage est rouge de colère, il se passe énergiquement les mains dans les cheveux, en tirant dessus et faisant chauffer le bitume avec ses allers - retours incessants. Il va me donner le vertige s'il continue comme ça ! Mais je m’en moque. Mon cerveau a bugué, je crois, et mes yeux sont incapables de se détacher de mon inconnu.

Non, mais ça ne va pas non ?

Il a l’apparence d’un ange avec son jean noir et son tee-shirt blanc qui laisse deviner sa morphologie svelte, mais ferme en dessous. Le genre de corps contre lequel on voudrait se blottir, bien au chaud. Oui, c’est ça, cet homme est un ange venu me chercher !

Je disais quoi à propos de ma santé mentale tout à l’heure ?

— Ouh ouh, il y a quelqu'un ? s’agace-t-il.

Il claque des doigts devant mes yeux pour me faire atterrir puis me dévisage en silence, attendant que je lui réponde quand un petit sourire apparaît au coin de ses lèvres. Un ange ? J’ai plutôt l’impression qu’il se transforme en démon avec ma chute sur terre.

Voyons Lucie, reprends-toi! T’as l’air d’une cruche là !

— Euh...Je suis désolée, je...Qu'est-ce qui s'est passé ?

Je regarde autour de moi en me concentrant pour essayer de comprendre comment cela s’est déroulé. Je ferme brièvement les yeux pour me remémorer la scène. Si mon raisonnement est bon, je ne suis donc pas en tort. Mais tout est allé tellement vite que je n'en suis pas sûre.

— Attendez une petite minute là, je suis passée au feu vert. C'est donc vous qui êtes passé au feu rouge et qui m'êtes rentré dedans ! Vous êtes en tort! l’accusé-je en le pointant du doigt, me moquant à cet instant de savoir si c’est le diable en personne.

— Ouais, mais si vous regardiez un peu autour de vous au lieu de roupiller sur votre siège, vous m'auriez vu arriver à toute blinde et tout ceci aurait pu être évité! hurle l'homme de l'autre voiture. Je suis déjà à la bourre et par votre manque de concentration, c’est encore pire ! En plus, ma bagnole est abîmée !

— Non, mais je rêve là ! Vous ne manquez pas de culot. Vous grillez un feu rouge et c'est moi que vous accusez ? Vous pourriez peut-être vous soucier un minimum de savoir si vous ne m'avez pas blessée dans l'accident!

J'hallucine, pour qui il se prend celui-là ? Je jette un œil à sa caisse. Waouh, vu l’engin, il ne doit pas être dans le besoin. Encore un gosse de riche qui se prend pour un dieu et pense que la route lui appartient pour faire rouler son joujou. Il soupire en se pinçant l'arrête du nez, puis baisse la tête. Il inspire un bon coup avant de rajouter, d'un ton qui se veut plus calme :

— Vous êtes debout et vous gueulez, c'est que tout va bien. Bon, je n'ai pas le temps de discuter maintenant, je suis pressé.

Alors qu’il s’apprête à s’enfuir, je lui hurle :

— Vous allez où comme ça ? On doit faire un constat !

À mon tour, je suis furieuse ! Les automobilistes en file derrière moi n’arrangent rien.

J’observe mon inconnu sortir un morceau de papier blanc de sa veste et griffonner quelque chose dessus.

— Tenez, voilà mon numéro de téléphone. Appelez-moi, on le fera votre constat.

Il me le tend puis remonte dans sa voiture, sans cesser de pester. Elle n'a pas grand-chose comparée à la mienne. À peine une éraflure. Il exagère ! Je l'interpelle par sa vitre ouverte avant qu'il démarre.

— Attendez !

— Quoi encore ? grogne-t-il.

— Comment je sais que vous ne m'avez pas donné un faux numéro ? C'est tellement facile vu que vous m'accusez d'être responsable de l'accident, lui dis-je suspicieuse.

— Prenez votre téléphone et composez-le, soupire-t-il.

Je file vers ma voiture pour attraper mon portable et reviens vers lui, plus nerveuse que jamais. Une cigarette à la bouche, il tapote nerveusement sa portière du doigt en attendant que je m'exécute. Je jurerais que ses yeux me foudroient sur place. Une sonnerie résonne dans sa voiture. Il me montre fièrement son écran avec mon numéro qui s'affiche.

— Voilà, rassurée? dit-il avec une pointe de sarcasme.

Il démarre son bolide et s'en va, le moteur vrombissant, en me laissant plantée là. Je fais quoi moi, maintenant ?

Je regarde ma voiture : elle est pas mal amochée niveau carrosserie. J’espère qu’aucune pièce importante n’a été touchée. J’y tiens à ma petite voiture. Bon sang, c'est vraiment ma chance ! Je remonte dedans et appelle mon assurance. Un dépanneur arrive enfin au bout d’un temps qui me semble interminable. Mais pas de risque que je m’endorme, avec le vacarme des klaxons derrière moi.

Une fois ma voiture partie, je me résous à prendre le métro pour rentrer chez moi. Je n’affectionne pas particulièrement ce moyen de transport. C’est souvent bondé, les odeurs sont désagréables et on y trouve souvent des types un peu louches. Je préfère éviter un maximum, mais là, c’est un cas de force majeure. Je ne me vois pas rentrer à pieds, même si ça me ferait du bien de marcher. Je sens déjà le sommeil qui repointe le bout de son nez, sensation accentuée par la chute d’adrénaline.

Quand j'arrive enfin, je commence par prendre une bonne douche et  m'examiner en même temps : j'ai une ou deux ecchymoses sur les cuisses au niveau de la ceinture. Rien de méchant ni de douloureux heureusement, mais on peut dire que la journée commence aussi mal que s’est terminée ma nuit avec un patient violent.

Une fois propre, j'enfile mon pyjama et mets mes affaires dans la panière. Un papier en tombe par terre. C'est la feuille que m'a donné l'autre type tout à l'heure. Il ne manque vraiment pas de culot quand j’y repense. Quel connard tout de même sous sa gueule d’ange!

« Davis Preston » est inscrit sur le bout de papier ainsi que son numéro. Je le range bien précieusement en me promettant de le rappeler tout à l'heure. Là, pour l'instant je file au lit, contente de pouvoir enfin me coucher.

 

2

Samedi 3 Mai

Lucie.

Mon téléphone vibre, me tirant d’un profond sommeil. J'ouvre les yeux avec difficulté. Mon premier réflexe est de regarder l'heure. Bon sang, il est déjà seize heures ! Je resterais bien encore au lit jusqu'à demain. J'ai l'impression d'avoir dormi seulement cinq minutes.

J'attrape mon portable qui continue de faire trembler ma table de nuit. Je devine tout de suite qui m'appelle, au vu de l'insistance. C'est Mélanie, je décroche :

— Coucou ma belle. Tu dormais ?

Mon ronchonnement indique ma réponse.

— Tu feras la marmotte un autre jour. Sois prête pour ce soir, on sort.

— Pardon ? Où ça ? lui dis-je, étonnée, car Mélanie sait que je n'aime pas tellement les sorties.

— Dans un endroit où il y a de beaux mâles qui pourraient s'occuper de toi. Sinon, tu vas finir vieille fille avec ton chat.

Elle glousse et j'éclate de rire.

— Allez! Sors de ta tanière un peu, ce n’est pas comme ça que tu vas rencontrer le prince charmant.

— Bon, ok ok, soupiré-je vaincue d'avance.

— Génial. Je suis chez toi à dix-neuf heures.

C'est typiquement elle, cette joie qu'elle affiche en permanence et cette façon qu'elle a de me booster. Depuis peu, ma meilleure amie s'est mise en tête de me trouver un mec, c’est devenu son obsession. Le problème, c'est qu'on n’a pas les mêmes goûts dans ce domaine, et pas les mêmes attentes d'une relation. Alors c’est compliqué et je me retrouve parfois dans des situations cocasses.

Mélanie et moi nous sommes connues il y a deux ans, lorsque je faisais mes premières nuits aux urgences. Son petit ami de l'époque était hospitalisé là où je bosse. Je me rappelle qu'elle l'engueulait pour son comportement immature. Puis on a un peu discuté et de fil en aiguille, nous sommes devenues les meilleures amies. Ce qui m'a fait du bien car je venais de débarquer sur Paris et je ne connaissais personne.

On est totalement différente toutes les deux mais on s'équilibre bien. Mélanie est ce genre de fille qui énerve et file des complexes avec sa crinière rousse, sa taille trente-six et ses jambes interminables. Toujours de bonne humeur, elle est partante pour toutes les folies. Et sa dernière en date est de me caser avec un mec, à tout prix. Elle ne comprend pas pourquoi je n’ai encore rencontré personne. C’est sûre que je dois passer pour une sainte à ses côtés, elle qui croque autant la vie que les hommes. Il faut dire que du haut de son un mètre soixante-quinze, ses jambes fuselées et sa taille fine, Mélanie les fait tous craquer. Elle le sait et aime en jouer. C'est une fille sûre d'elle, toujours pétillante et bien habillée.

Complètement à l'opposée de moi. Je suis plus petite et beaucoup plus timide, ce qui me pose pas mal de problèmes, notamment dans mon approche de la gente masculine. Je l'envie parfois, j'aimerais avoir son entrain et cette confiance qui lui permet d'affronter tous les aléas.

Je baille et m'étire dans mon lit en grognant. Je n'ai aucune envie de me lever, alors je m'octroie encore un petit moment.

Un bruit sourd et répété me tire de mon sommeil. Décidément, il n'y a pas moyen de dormir tranquille! Je peste tout en jetant un œil à l'heure: dix-huit heures quarante-cinq! Mince, je ne pensais pas m'être rendormie tout ce temps. Je saute du lit et vais ouvrir la porte. Mélanie déboule dans le salon, les bras chargés de deux grands sacs en papier arborant les logos des magasins. Je la regarde faire, poser tout son bordel sur mon canapé en tissu beige, tandis que je galère à ouvrir correctement les yeux.

Quand elle me voit en pyjama, elle se stoppe et me dévisage, bouche bée.

— Ne me dis pas que tu t'es rendormie ! me gronde-t-elle.

— Euh....

— Je m'en doutais. Tu me fais un remake de la belle au bois dormant ou quoi ? me dit-elle sur un ton faussement exaspéré. Sauf que c'est un conte de fées et que nous sommes dans la vraie vie, Lulu. Ton prince charmant ne viendra pas comme ça. Il ne connaît pas ton adresse, il faut aller le chercher par toi-même.

Quel rabat-joie! Elle pouffe de rire et je finis par la suivre.

— Allez hop ! On se prépare. Heureusement que je suis arrivée un peu plus tôt.

Elle glousse puis m'entraîne dans la salle de bain avant que je n'ai le temps de dire quoi que ce soit.

— Tu avais prévu de mettre quoi ?

Je regarde autour de moi, à la recherche d'un plan. Étant donné que Morphée m'a kidnappé, il est bien évident que je n'ai absolument pas pensé à ma tenue de ce soir. Des vêtements accrochés à un cintre me donnent une idée.

— Euh...mon jean noir avec mon top rouge.

— Tu plaisantes, j'espère ? Lucie, tu es vraiment un cas désespéré. Heureusement, j'ai tout prévu.

Aïe, je m'attends à tout. Contente d'elle, Mélanie sort d'un premier sac une sublime robe noire, assez décolletée avec un dos nu. Je l'enfile puis je me tourne vers ma meilleure amie, d'un air dubitatif.

— Waouh, tu es sublime, très...sexy.

Je regarde le bas de ma robe qui arrive à mi-cuisse. Je tire dessus dans l’espoir que le tissu se rallonge un peu.

— Oh non, je te vois venir. Non, non, ce n'est pas trop court pour toi, au contraire, elle met tes jambes en valeur. Et ce décolleté…

Elle me fixe en se mordant l'index.

— Il est horrible. Je n'ai pas de poitrine, ça ne ressemble à rien, la coupé-je.

Je complexe beaucoup sur ma poitrine, que je ne trouve pas assez ferme, pas assez ronde, trop petite...enfin pas jolie quoi. Alors mettre un décolleté comme ça, ce n'est pas fait pour moi.

— Taratata, arrête de ronchonner et fais-moi confiance. Si dans cette tenue, tu ne te trouves pas un mec, je te jure que je rentre au couvent.

On éclate de rire devant cette pensée aussi ridicule qu'improbable. Mélanie, en bonne sœur ? Elle serait capable de dévergonder le curé.

Je coiffe mes cheveux en queue de cheval et Mélanie m'aide à me maquiller un peu. Note à moi-même, il faut vraiment que je passe chez le coiffeur, j'ai besoin d'une bonne coupe rafraichissante.

De son deuxième sac, ma rouquine sort une paire de chaussures à talons aiguilles, assortie à la robe. Je l’enfile puis fais quelques pas. Oui, bon, va falloir que je m'y habitue, ce n'est pas facile de marcher avec ces trucs-là. D'habitude, je mets des talons beaucoup moins hauts ou des baskets.

— Voilà, là tu es parfaite.

Elle semble contente d'elle, sautille sur place en tapant dans ses mains. Je file me regarder dans le miroir de ma chambre. Je suis stupéfaite ! Elle a raison en fin de compte, le résultat est plutôt bluffant. Je ne me reconnais presque pas. Mélanie a toujours eu bon goût en matière vestimentaire. Moi, beaucoup moins, ce n'est pas mon truc. Tant que je suis habillée et que ça me plaît, au diable la mode.

Je me trouve assez jolie avec cette robe. Hélas, ce n’est pas suffisant. Avec le peu de confiance en moi, je n'oserais jamais aborder un homme.

Ma timidité, voilà mon plus gros problème. Ça me pourrit la vie et m'empêche d'en profiter pleinement. Si un homme me plaît, je perds tous mes moyens et m’empourpre au moindre regard. Très peu pratique pour entamer une conversation. Et à vrai dire, je n’ai pas non plus eu souvent l’occasion de flirter avec un homme. Pour ainsi dire jamais. Je ne suis pas le genre de fille sur qui on se retourne comme ça.

— Allô la lune, ici la Terre. Nous avons perdu Lucie dans les étoiles.

Mélanie me tire de mes pensées. Elle a toujours le mot pour rire et me mettre de bonne humeur.

— Tu es prête ? dit-elle, tout excitée.

— Oui. Mais au fait, on va où et comment ?

— On va se faire un petit resto d'abord. Ryan nous rejoindra. Ensuite, direction l'Opium pour une nuit de folie ! Pour ce qui est du transport, comme tu ne bois pas, on avait pensé que tu pourrais peut-être faire le chauffeur? demande-t-elle en me faisant les yeux doux.

— Je n'ai plus de voiture pour le moment, j'ai eu un...léger accrochage ce matin.

— Quoi ? Comment ça ? Et tu ne m'as rien dit ? dit-elle un peu surprise et énervée.

Je lui raconte en détail mon début de journée. Ça me fait penser que je n'ai pas rappelé le responsable de tout ça. Il faut que je le fasse demain.

— Il était beau gosse au moins ? Qu'il y ait au moins quelque chose de positif.

Elle est infernale, ce n'est pas possible.

— Qu'est-ce que ça peut faire ? Ça ne réparera pas ma voiture. Et puis, tu crois que j'avais la tête à ça ? Je sortais du boulot je te rappelle.

Je ne suis pas sûre d'avoir adopté un comportement très convaincant. Mélanie m'observe et attend que je lui réponde, les bras croisés sous sa poitrine. De toute évidence, elle ne lâchera pas l'affaire. Je soupire et hausse les épaules en signe de défaite face à sa curiosité.

— Bon ok. Oui, il était plutôt pas mal du peu que j’en ai vu. Voilà, ça te va ?

— Haha tu l'as maté, répond-elle avec un sourire ironique et fière d’elle.

Je lève les yeux au ciel puis j’attrape mon téléphone pour appeler un taxi.

 

***

 

L'Opium est une boîte de nuit branchée de Paris. Les plus grands DJ viennent y animer des soirées et des nuits endiablées. Je ne suis pas une adepte de ce genre d’endroit, étant donné que je danse comme une baleine échouée. Mais Mélanie adore et une soirée de temps en temps, ça ne va pas me tuer. Puis, elle a raison sur un point, ce n'est pas en restant chez moi que je vais rencontrer le prince charmant. Cependant, vu mes critères, je doute qu'il puisse exister. Comme on dit, l'espoir fait vivre. Alors, allons-y gaiement.

Une fois rentrés, nous nous installons à une table. Je regarde autour de moi, l'endroit est plutôt classe et design, dans les tons gris et violet. Il y a deux bars, un sur le côté et un circulaire en plein milieu de la piste de danse, où les employés s'affairent pour servir les clients.

— Mesdemoiselles, que voulez-vous boire ? nous demande Ryan.

Il nous a rejoints au restaurant en début de soirée. C'est un bon ami à Mélanie, enfin, un ex avec qui elle a gardé de bons contacts. Peu à peu, c’est devenu aussi un ami pour moi. Plus j'apprends à le connaitre et plus je l'apprécie.

— Pour moi, un jus de fraises, s'il te plait.

— Et moi une vodka, dit Mélanie.

— C'est comme si c'était fait, nous répond-il en nous faisant un clin d'œil, avant de disparaître au milieu de la foule.

Pendant ce temps, Mèl scrute attentivement les alentours, un doigt tapotant ses lèvres.

— Mèl ? Tu attends quelqu'un ? lui demandé-je, curieuse de savoir ce qu'elle manigance.

— Hum, attends une minute... ah ! C'est parfait.

Elle se tourne vers moi, tout sourire.

— Qu'est-ce que tu penses de ce type là-bas ? Celui accoudé au bar, en jean et veste noire. Il n’est pas mal, non ?

J’ai l’impression que mes yeux vont sortir de leurs orbites. Heureusement que je n’ai rien dans la bouche, j’aurais été capable de tout cracher sur la table. Ce n'est pas croyable, elle est en train d'essayer de me caser ! Encore ! J'observe le gars en question, et comme s’il sentait nos yeux sur lui, son regard se tourne vers nous, pendant qu’un affreux sourire s’affiche sur son visage. En même temps, vu le comportement peu discret de Mélanie, il ne peut en être autrement.

— Franchement ? Bof, non pas terrible. Je n'aime pas l'arrogance qu’il dégage. Puis, on dirait qu'il sort d'un moule en silicone tellement ses traits sont tirés de partout. Et regarde ça, le pot de gel a dû lui tomber sur la tête.

Elle souffle d’exaspération puis me montre d’autres spécimens de la gente masculine. Sans succès. Trop vieux, trop jeune, trop sûr de lui, trop gros ou trop maigre, trop sportif... bref, aucun ne m'attire plus que ça et Mél finit par abandonner. Pour mon plus grand soulagement.

Ryan revient enfin avec nos consommations. Il était en train de draguer la serveuse, mais vu la moue qu'il tire, ça n'a pas dû être concluant. Il n'a pas pour habitude de se prendre un râteau par une fille. Ses beaux yeux verts, la blondeur de ses cheveux et son allure de sportif ont souvent raison de ces demoiselles. Mais visiblement, ce soir son charme n'a pas opéré.

— Ton côté surfeur ne l’a pas convaincu ? le taquine Mélanie.

— Elle doit être lesbienne, c’est la seule raison, répond un Ryan ronchon.

Il s’assoit à notre table et sert nos verres. Mélanie et moi nous regardons, avec l’envie de pouffer de rire, devant son comportement de petit enfant qui n’a pas eu son jouet.

La musique bat son plein et ma meilleure amie m'entraine vers la piste de danse, le temps que monsieur Grognon retrouve le sourire. Je ne suis pas fan de musique techno mais au bout d’un moment, je me laisse emporter. Il y a beaucoup de monde et ce n'est pas facile de danser sans se faire écraser par ces gens qui sautent de partout avec des gestes totalement désordonnés.

Je ralentis mes mouvements. L’impression d’être observée me colle à la peau depuis quelques minutes, surtout lorsqu'un homme s'approche un peu trop près de moi. En tournant la tête, je vois que Ryan a disparu de notre place. Doucement, je sens deux mains se glisser sur ma taille. Je me retourne violemment et tombe nez à nez avec Ryan.

— Je crois que je ferais mieux de rester près de toi, vu les regards salaces de certains sur ton corps bien moulé, me souffle-t-il dans l'oreille.

J'explose de rire. Il a toujours eu ce côté protecteur avec Mél et moi.

— Mais comment veux-tu qu'elle se trouve un mec si tu restes dans les parages ? grogne Mèl envers lui. Regarde-moi ça, on dirait un couple.

—  Ouais, c'est très bien comme ça.

Je secoue la tête avec un petit sourire en coin. Ils adorent se chamailler tous les deux.

Au bout d'une demi-heure environ, la chaleur est telle que je décide de faire une pause pour me rafraîchir. J’avertis mes amis en hurlant par-dessus la musique pour qu'ils m'entendent puis me faufile pour aller jusqu'aux toilettes. Mais il y a tellement de monde que je trébuche et atterris sur la personne qui est dos à moi.

Quelle maladroite !

— Oups, euh…pardon.

Je me relève avec autant de grâce et d'élégance qu’il possible habillée comme je le suis et, sans lever les yeux, je continue ma route. Sauf qu’une main attrape fermement mon poignet et me retient.

— Décidément, c'est la deuxième fois qu'on se rentre dedans aujourd'hui.

Je connais cette voix... Je me retourne et tombe sur de magnifiques yeux chocolat qui me fixent entre deux mèches brunes. Mon regard accroche le sien et devant ma surprise, il sourit, adoucissant ses traits.

— J'attends toujours ton appel pour que nous puissions régler ce problème...d'accident. Au fait, nous n'avons pas été présentés. Je suis D...

— Davis Preston, je suppose ? C'est écrit sur votre carte de visite, lui rétorqué-je un peu froidement au souvenir de son comportement de ce matin. En effet, nous ne nous sommes pas présentés, vous étiez trop occupé à brailler !

Waouh, j’ai vraiment dit ça?

J’essaye d’adopter un ton sûr de moi, mais je ne suis pas persuadée d’être convaincante avec ma voix tremblante. De plus, le sourire qui étire ses fines lèvres me déstabilise. Je continue de le dévisager sans savoir réellement pourquoi je suis incapable de détourner les yeux. Il m'hypnotise complètement. Ma gorge s'assèche, j'ai du mal à déglutir. J'ai l'impression que le temps vient de se figer, que plus rien n'existe autour de nous, comme pour marquer cet instant. Je secoue la tête pour me sortir cette sensation débile de mon esprit.

Dans cette foule dense qui se déhanche sans se soucier de ce qui se passe aux alentours, nos deux corps se rapprochent et entrent en collision presque par obligation, manque d'espace. Ce contact me provoque une sensation étrange. Enivrante et intimidante à la fois. Un contact avec un mi-ange mi-démon.

— Bien, je vois que tu as lu ma carte. Et moi à qui ai-je affaire ? dit-il d'une voix grave et sensuelle, mais d'un ton sérieux, me sortant de ma transe.

— Je...m'appelle...euh… Lucie. Lucie Carmon.

C’est impressionnant le trouble qu’il sème en moi. J’en oublie même comment je m’appelle. Tu parles d’une idiote !

— Alors, à bientôt...Lucie.

Son souffle qui frôle mon oreille quand il prononce mon prénom m'envoie directement un long frisson dans tout le corps. Mais j'ai à peine le temps d'en prendre conscience qu'il me lâche le poignet et s'en va, me laissant là, en plan, pour la deuxième fois de la journée.

 

3

Lucie.

La sonnerie de mon réveil se met à chanter, me tirant une plainte de mécontentement. La nuit a été plutôt courte. Nous sommes partis de la boîte à quatre heures, exténués d’avoir dansé et ri comme des fous.

Je me lève péniblement, manquant de marcher sur Gypsie, mon sacré de Birmanie, ma seule compagnie. Mais pourquoi je m’oblige à mettre ce satané réveil pendant mes jours de repos ? Ah oui, pour ne pas passer ma journée au lit, à dormir et à rêvasser. Remarque, c’est bien comme ça que la Belle au bois dormant a trouvé son prince charmant. Pourquoi ça ne marcherait pas pour moi ?

Je traîne mes pieds jusqu’à la cuisine où je me fais chauffer un chocolat chaud. Dehors, le temps est plutôt couvert, il va sûrement pleuvoir. Moi qui pensais aller me promener dans le parc à côté, prendre un peu l’air comme j’aime le faire quand je ne travaille pas. Je suis bonne pour rester à la maison. Je vais en profiter pour ranger et faire un peu de ménage. D’avoir un chat à poils longs, c’est bien, mais quand les poils restent sur lui !

Sur la table est posé le papier avec le numéro de ce Davis. Immédiatement, des flashs de cette nuit me reviennent en mémoire : ce regard perçant, sa main qui me retient, sa voix, son parfum enivrant, mon corps contre le sien…

Réveille-toi Lucie ! Il a peut-être une belle gueule, mais ça reste un sacré connard.

Ma conscience m’énerve, c’est une rabat-joie. Sans plus réfléchir, j’attrape mon téléphone et compose le numéro inscrit. Ça sonne.

« Davis Preston, laissez-moi un message et je vous rappellerai. Ou pas. »

Merde, c’est le répondeur, je déteste ces machins-là. En même temps, ça me soulage. Ça m’évite de lui parler directement. Je laisse un message.

« Bonjour, c’est Lucie…euh…je vous appelle pour ma voiture…euh…bon vous pouvez me rappeler sur ce numéro. »

Mais quelle cruche. Je crois qu’on ne peut pas faire plus niais. De toute façon, c'est fait, il ne me reste plus qu’à attendre qu’il me rappelle. S'il le fait. Pour passer le temps, je vais faire travailler mon aspirateur.

 

Davis.

La vibration de mon téléphone me réveille. J'ouvre un œil en direction de l'heure : treize heures trente. Putain! Qui est-ce qui me dérange à cette heure-là?

Je grogne en m’étirant longuement avant de sortir du lit, la tête complètement dans le coaltar. J’attrape un caleçon et l’enfile. Je suis un peu vaseux, sûrement dû aux excès de cette nuit encore. Ça fait un bien fou de se détendre et d’oublier l’espace de quelques heures cette vie de merde qui est la mienne. Mais le retour à la réalité est toujours difficile. Je déteste ça !

Je vais me faire couler un café pour émerger de ce brouillard. Pendant qu’il se fait, j’observe le temps dehors par la grande baie vitrée qui donne dans la cuisine ouverte sur le salon. Le ciel est couvert et quelques gouttes de pluie commencent à tomber. Fait chier, quel temps de merde ! Tant pis, je vais comater sur le canapé. Quel programme alléchant !

Perdu dans ma contemplation de la ville derrière la vitre, je sursaute légèrement quand je sens soudain deux petites mains glisser sur mon torse puis un corps tout chaud se coller contre mon dos.

— Déjà debout, chaton ? me dit une voix féminine encore ensommeillée.

D’où elle sort celle-là? Ah oui ! L’Opium. Je me rappelle vaguement l’avoir ramené à la maison après une danse torride, mais après, plus rien. Faut dire que j’étais bien déchiré ! Mais de là à ne plus me souvenir de ce que j’ai fait avec cette femme, ça craint. Heureusement, c’est rare. Je suis vite rassurée face à la vision de ses yeux cernés et dégoulinants de maquillage, ses cheveux en bataille et sa bouche en cœur. Je n’ai pu lui procurer que du bonheur.

C’est la seule chose de bien dans laquelle j’excelle. Les faire monter au septième ciel. Même si moi, je n’y prends plus autant de plaisir. Pas d’attache, pas de sentiment, que de la baise et ça me convient. Mais d'ailleurs, qu’est-ce qu’elle fiche encore ici?

Je lui attrape les mains alors qu'elles commençaient à se faufiler dans mon caleçon puis me retourne vers elle, le regard noir.

— D’une, j’ai horreur qu’on me donne des surnoms niaiseux et de deux, rentre chez toi !

Elle est à poil en plus. Mes yeux parcourent rapidement son corps exposé. Bon, faut l’avouer, elle est appétissante avec sa poitrine taille XXL. Mais j’ai tellement la tête en vrac que je ne suis pas sûr d’arriver à bander.

— Oh ! Mon lapin s’est levé du mauvais pied ce matin. Laisse-moi arranger ça…

Elle m'énerve avec ces surnoms à la con! Je la fusille du regard mais elle n’y prête pas attention.

— Dis donc, il ne me semble pas que je t’ai baisé comme un lapin cette nuit !

Enfin, je crois. En fait, je n’en sais rien et… je m’en branle royalement.

— Non, en effet. Tu avais plutôt le rôle d’un bel étalon.

Ah, voilà. Le contraire m’aurait étonné, quand même.

Elle ne se départit pas de son sourire mielleux et ça me gave. Ma patience commence à atteindre ses limites. Doucement, elle se met à genoux, se léchant les lèvres, prête à me prendre dans sa bouche.

Oh non ma belle, je ne suis pas d’humeur ce matin.

D’habitude, je me serais laissé faire avec plaisir mais là, depuis quelque temps, j’en ai moins envie. Je suis fatigué, lassé. Toutes les mêmes, c’est ennuyeux.

Je la repousse en lui sommant de partir, sur un ton ferme parce qu’elle ne se décide pas et minaude toujours. Il n’y a rien qui m’agace plus !

Je file sous la douche, je laisse l’eau couler sur mon corps, laver toute trace de ma nuit et soulager mon mal de crâne lancinant. Mais le résultat n’est pas spectaculaire.

En sortant, je constate avec plaisir qu'elle est partie. Ouf. Je regarde mon téléphone. Il y a un appel en absence et un message vocal :

« Bonjour, c’est Lucie…euh…je vous appelle pour ma voiture…euh…bon ben vous pouvez me rappeler sur ce numéro. »

Lucie… Ah oui…Je me rappelle d’elle. Des yeux verts couronnés d’or, une chevelure châtain qui appelle mes mains à se glisser dedans, son sourire timide…Et cette putain de robe indécente qu’elle portait ! Je n’avais qu’une envie, lui arracher et la plaquer contre le mur, de goûter à cette bouche sexy et de la posséder, violemment.

Je n’ai pas été très tendre avec elle lors de notre première rencontre. Mais son air choqué m’a beaucoup amusé. Et désarmé. Sans savoir pourquoi, cette fille me tente et vu la façon dont elle me regardait, je ne lui suis pas indifférent. Je sens que je vais pouvoir m'amuser un peu et je m'en réjouis d'avance. Pour une fois, c’est moi qui pars en chasse.

Pour le moment, le ciel se dégage. J’en profite pour sortir.

 

4

Lundi 5 Mai.

Lucie.

Une douce lumière filtre à travers les rideaux. Je sens la chaleur du soleil se poser sur mon visage comme une caresse. Je me réveille lentement, le sourire aux lèvres, encore bercée par les brumes du sommeil et mes visions nocturnes. J’ai rêvé de ce beau regard noisette toute la nuit. Et c'était fort agréable.

Il me fixait comme un prédateur, prêt à sauter sur sa proie pour la dévorer. Il se rapprochait de moi et m’emprisonnait contre son corps, en m’embrassant fougueusement. Exquise sensation. Sa langue explorait ma bouche, pendant que ses mains parcouraient mes formes avant de s’attarder sur mon intimité. J'étais haletante, complètement offerte à cet homme inconnu, mais tellement sexy. C’était le diable en personne, mais je m’en fichais. Je me laissais emporter par la danse de nos corps…

Le souvenir de ce songe me laisse dubitative. C’est bien la première fois que je fais ce genre de rêve. Mais ce n’est pas pour me déplaire, bien au contraire. C’est donc dans la bonne humeur que je me lève. Je regarde mon téléphone avec un soupçon d’espoir vite disparu.

Pas de nouvelles de ce Davis.

Je rêve une fois de lui et ça y est, je me fais des films. Mais le regard de feu qu’il a posé sur moi, c’était quoi ? Bref, Il m'a dit de le rappeler, mais ça serait à lui de le faire, non ? C'est lui le responsable, pas moi ! Bon, en même temps, si je veux récupérer ma voiture et ne rien avoir à payer, va falloir se bouger les fesses. Je déteste ce genre de situation. Si j'avais le caractère de Mélanie, ça serait moins problématique pour moi.

Je tourne en rond dans mon petit deux pièces, en me creusant les méninges pour trouver une solution. Et comment je fais moi, sans ma voiture ? D’accord, il y a les transports en commun, mais ce n’est pas mon truc. Je ne suis pas tranquille au milieu de tous ces gens entassés. Un vol est si vite arrivé. Je suis peut-être parano mais ça, je le dois à mes parents. Quand je suis venue travailler sur Paris, ils m’ont tellement mise en garde contre tous les dangers de la capitale que je suis devenue hyper méfiante.

L’heure du déjeuner arrive vite et je m’installe sur mon canapé, un plateau-repas posé sur la petite table basse en bois. Mon chat, Gypsie, vient aussitôt s’assoir sur moi et ronronne en me faisant des yeux de merlans frits. Je soupire en le voyant. J’ai vingt-trois ans, je suis seule et j’ai un chat. Ça pue la vieille fille à plein nez. Mon dieu, quelle horreur ! Non, j’ai besoin d’un homme dans ma vie. C’est juste que je n’ai pas encore trouvé celui qui me fera vibrer. Celui pour qui je serais prête à tout donner. Pas seulement mon corps. Comment fait Mélanie pour changer de mecs aussi souvent ? Pour moi, c’est inconcevable.

Je suis sortie de mes pensées par la sonnerie de mon téléphone. C’est peut-être Davis ? Non, le numéro affiché ne correspond pas. Je décroche.

— Bonjour, Mademoiselle Carmon, c’est le garagiste. Votre voiture est prête, vous pouvez venir la chercher quand vous voulez.

Déjà ? Comment ont-ils fait en aussi peu de temps ? Bon, c’est parfait, ça m’arrange.

— D’accord, j’arrive. Au fait, combien vous dois-je ? dis-je en m’attendant à une facture salée.

— Les frais ont déjà été réglés. Vous ne nous devez rien du tout.

— Pardon ? Par qui ?

— Un jeune homme que je n'avais jamais vu avant, je n'ai pas retenu son nom.

C’est vraiment étrange. Ma voiture est faite en un temps record et en plus, je n’ai rien à payer. Je n’ai pas fait de constat, donc ça ne peut pas être l’assureur. Et qui aurait déjà vu des assurances régler un problème aussi vite? Je m’habille et file la chercher, après avoir appelé un taxi pour m’y conduire.

 

Davis.

En rentrant de mon jogging quotidien, je m’affale dans le canapé et allume une clope. Courir me fait un bien fou, ça me permet d’évacuer toute cette tension en moi. D’où sort-elle ? Aucune idée, j’ai toujours eu ce besoin viscéral de me défouler. Mais ce n’est pas toujours suffisant. Alors souvent, je compte sur Bobby, un pote qui sait toujours me trouver ce dont j’ai besoin. Que ce soit en fille ou occasionnellement en substance, il connait parfaitement mes goûts. Cependant, ces temps-ci, je me sens plus fatigué que d’habitude. Pourtant, je dors plutôt bien, mais je n’arrive pas à récupérer correctement. Je crois qu'une lassitude s'est installée. Aucune envie, aucun projet. J’en ai ma claque de cette routine de merde. Mais en même temps, qu’est-ce que je peux faire ? Rien ne m’intéresse hormis le sexe et le plaisir. Alors je m’y plonge jusqu’à m’y noyer, en espérant ne jamais remonter à la surface.

Mon portable sonne, je ne reconnais pas les chiffres. Sûrement une de ces filles avec qui je passe une nuit et qui en veulent toujours plus. Je ne sais pas comment elles arrivent à chopper mon numéro. C’est toujours la même chose. Tu passes une nuit de folie et elles s’attendent au mariage le lendemain. Je décroche au bout de la quatrième sonnerie.

— Ouais ? réponds-je froidement.

— Euh…Bonjour, c’est Lucie…euh…pardon de vous déranger …pour la voiture, du coup je l’ai récupéré au garage et…

— Bien, le garagiste a donc tenu sa parole. Voilà qui est parfait, la coupé-je d’un ton beaucoup plus doux, en entendant cette jolie petite voix.

— C’est vous qui avez réglé la note ? me demande-t-elle timidement.

— Je te dois bien ça non ? Je n'ai pas été très cool avec toi. Par contre, en échange, je t’invite à dîner, ce soir. Vingt heures trente, au Cheddar.

Je l’entends hésiter.

— Je ne sais pas si c’est correct, je ne vous connais pas. Qui me dit que vous n’êtes pas un serial killer ?

Sa réplique me fait mourir de rire. Moi, un serial killer ? Un serial baiseur plutôt, ça ouais.

— À toi de venir t’en rendre compte par toi-même, beauté. Et puis, tu as mon numéro et on s’est déjà vu deux fois. Je ne suis pas si inconnu que ça.

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée.

Allez bébé, accepte. Je ne vais pas te manger. Quoique l'idée est bien agréable.

Un blanc à l'autre bout du fil me fait dire qu'elle réfléchit toujours à ma proposition.

— Nous serons dans un resto, au milieu de la foule. Qu'est-ce que tu risques?

— Dans ce cas…d’accord. À ce soir.

Elle raccroche. J’ai invité une fille à dîner. Je suis tombé sur la tête ou quoi ? Je n’ai jamais fait ça. Et puis, après tout, pourquoi pas, ça peut être très instructif. Je voulais de la nouveauté, alors c’est parti. Un peu de distraction ne me fera pas de mal. J’ai hâte d’y être…

 

5

Lucie.

J’ai été vraiment surprise de son invitation. Veut-il se faire pardonner de sa conduite ? Mélanie en tout cas en est persuadée. Quand je l’ai appelé pour lui raconter, elle était carrément hystérique. Alors que moi, je suis totalement flippée. Du coup, elle a déboulé dans l’appart comme une tornade et m’a aidé à me préparer. Elle m’a dégoté une robe sublime, tout en noir et en dentelle. Mais toujours trop courte à mon goût.

J’appréhende énormément ce dîner, mais en même temps, je ne suis pas mécontente de le revoir. Je n’arrête pas de repenser à notre entrevue de ce samedi soir à l’Opium. Il y avait une atmosphère particulière entre nous. C’était à la fois flippant et…excitant. Ce regard me fascinait et son contact me donnait des frissons…

Me voilà arrivée au Cheddar. Je gare ma petite voiture dans le parking souterrain, et je prends l’ascenseur qui mène directement au cœur du restaurant. Les portes s’ouvrent sur une salle superbe, dans les tons marron glacé. Les tables rondes sont disposées harmonieusement, les serveurs virevoltent entre elles. Il y a déjà pas mal de monde assis en train de dîner tout en bavardant. Au vu de la décoration, je dirais que c’est un restaurant avec un certain standing. Le lustre de cristal en suspension au milieu de la pièce confirme mon impression. C’est juste magnifique, mais ça pue le luxe à plein nez. Et bizarrement, je n’imaginais pas Davis dans ce genre de lieu.

Comment je fais pour trouver notre table ? J’ai presque l’air d’une clocharde avec ma petite robe blanche au milieu de tous ces gens bien habillés. Voilà qui ne va pas m’aider à me sentir à l’aise. Je cherche où se situe l’accueil quand je sens une main glisser sur mes reins. Ce contact m’électrise instantanément et je me raidis de surprise.

— Bonsoir Lucie, me chuchote une voix douce dans le creux de mon oreille.

Je me retourne et j’aperçois Davis qui me dévisage, un superbe sourire aux lèvres. Je le fixe, bouche bée. Il est vêtu d’un jean noir et d’unechemise blanche, légèrement détachée au niveau du col, laissant deviner le haut de son torse. C’est trop…sexy. Je me mords la lèvre inférieure sans m’en rendre compte, tout en continuant de l’admirer sans pouvoir m’en détourner.

— Tu comptes rester là, debout à me regarder, ou on peut s’installer à notre table pour aller dîner ? me taquine-t-il.

Mince Lucie, réagis, t’as l’air d’une cruche là.

Je me ressaisis tant bien que mal. Il me manquerait plus qu’un filet de bave au coin des lèvres pour couronner le tableau.

— Euh…Oui pardon. Bonsoir Mr Preston.

Il rit. Ça commence bien. Il se moque de moi ou quoi ? Je n’apprécie guère ce ton moqueur. Déjà que je stresse comme une folle ! Alors s’il n’y met pas du sien, je ne vais pas m’attarder très longtemps ici. Je ne me sens vraiment pas à ma place et une étrange impression accroît les battements de mon cœur.

— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? lui demandé-je

— Toi, répond-il avec un sourire en coin. Appelle-moi Davis tout simplement. Et arrête de me vouvoyer, ça m’énerve. Je me sens vieux et je n’aime pas ça.

Je le dévisage. Ne me laissant pas le temps de répondre, il reprend :

— Ou tu peux m’appeler mon lapin, mon chou, mon chaton… ou tout autre surnom niaiseux que me donnent les femmes.

Les femmes. Ça annonce tout de suite le genre d’homme que c’est. Un coureur de jupon invétéré. Pourquoi j’ai accepté ce dîner ? Je regrette déjà.

Davis se penche pour me chuchoter :

— Mais entre nous, j’ai horreur de ça.

Sa voix résonne dans mon corps en un long frisson. Et son parfum qui emplit mes narines…c’est juste divin. Sa main ancrée dans le bas de mes reins, il nous conduit à notre table. Elle est dans un endroit reculé de la salle, plus sombre et moins bruyante.

Au milieu de la foule, disait-il.

Coincé entre le mur, et le passage des serveurs, on ne peut pas dire que la foule nous entoure. J’avoue que l’angoisse commence à me gagner petit à petit. Avec ma robe assez sexy, je me sens moins sûre de moi, de mes charmes. Je maudis Mélanie intérieurement pour m'avoir persuadé de mettre ce bout de chiffon qui me couvre à peine les cuisses! Je ne fais que tirer dessus discrètement, mais rien à faire, ça ne s’agrandit pas. Et Davis qui ne fait que de poser ses yeux sur moi ! Je peux presque sentir le poids de son regard me parcourir de la tête aux pieds pour me jauger. C’est gênant, je sens mes joues prendre feu.

Le serveur arrive pour prendre nos commandes.

— Deux coupes de champagne, annonce Davis, sans me demander mon avis.

— Euh…pas pour moi, je ne bois pas d’alcool, répliqué-je.

— Vraiment ? Tiens, c’est la première fois que je rencontre une femme qui ne boit pas du tout. Alors un jus de fruits, ça te va ?

— Oui, c’est parfait.

Le serveur repart. L’ambiance est chargée entre nous, presque électrique. Je détourne les yeux, intimidée par cet homme sublime qui se trouve en face de moi. Devant mon silence, voyant sans doute que je ne suis pas très à l’aise, il me prend la main posée sur la table et la caresse du pouce en me disant :

— Détends-toi Lucie, je ne vais pas te manger. Du moins…pas tout de suite.

Mon cœur loupe un battement et je m’arrête de respirer. Ai-je bien entendu ? J’observe Davis qui s’appuie contre le dossier de sa chaise. Lui semble totalement décontracté, un sourire craquant affiché sur ses lèvres. Le serveur revient pour nous servir nos consommations. Pendant ce temps, Davis allume une cigarette.

— Tu en veux une ? me propose-t-il.

— Non merci, je ne fume pas. Et je ne suis pas sûre que ce soit autorisé dans ce restaurant, dis-je en regardant autour de moi, sans voir un quelconque nuage de fumée.

Je porte mon verre à mes lèvres et bois une gorgée de ce délicieux cocktail.

— Putain, j’hallucine. Tu ne bois pas, tu ne fumes pas. Rassure-moi : tu baises au moins ? Parce que c’est fou ça.

Je recrache tout le contenu de ma bouche dans mon verre en manquant de m’étouffer.

Bravo Lucie, c’est très élégant ça.

Davis, quant à lui, est mort de rire. Je devrais sans doute rire aussi de cette situation cocasse pour me détendre un peu mais rien à faire, ma nervosité m’en empêche. Devant ma tête mortifiée, et sans doute rouge de honte, il se reprend et ajoute :

— Non, tu es vraiment sérieuse là ?

Je le foudroie du regard. Je refuse d’aborder ce sujet. Non, mais pour qui il se prend pour me poser ce genre de question ? On ne se connaît pas, c’est très mal venu. D’un coup, je ne me sens pas très bien, j’ai chaud et ma respiration s’accélère. Il faut que je sorte vite d’ici. Oh purée, j’ai envie d’être six pieds sous terre à ce moment-là, de disparaître de sa vue. Je ne devrais pas, mais j’ai honte de n’avoir aucune expérience sexuelle à mon âge, surtout devant cet homme qui, vraisemblablement, change de femme chaque soir.

Je me lève précipitamment de table, attrape mon sac au vol et me dirige vers la sortie, avec toute l’élégance que me permet ma tenue. Direction le parking pour m’enfuir loin d’ici, de lui. Cette soirée est un fiasco. Je n’aurais jamais dû accepter ce rendez-vous. Je me doutais qu'il aurait forcément des attentes, que ce n’était pas un simple dîner de « constat ». Mais rêveuse comme je suis, je n'ai pas su résister à son charme.

Grossière erreur !

J’entends Davis se lever aussi et crier derrière moi:

— Lucie, attends !

Je continue droit devant moi et ne l’écoute plus. Je décide de prendre les escaliers, l’ascenseur étant occupé. Arrivée dans le parking, je fais une pause et m’adosse contre le mur en béton. Je suis essoufflée, la tête me tourne alors que j’hyperventile pour retrouver une respiration normale. Je m’apprête à reprendre le chemin jusqu’à ma voiture quand une main m’attrape le poignet, me tire en arrière pour me plaquer contre le mur. Davis se tient face à moi, le regard sombre et le souffle court. Nos corps ne sont qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Je sens mon pouls qui s’emballe, mon vertige s’accentue tandis qu’une onde de panique me traverse. Que va-t-il me faire? Après tout, il reste un inconnu et nous sommes seuls dans cet endroit qui me paraît tout à coup très glauque. Je déglutis avec difficulté, la peur paralysant tout mon corps. Ses yeux aux éclats caramel se fondent dans mes prunelles, ne les lâchent pas. Je peux presque sentir son souffle s’échouer contre ma peau, tandis qu’il approche son visage du mien. Il faut que je m’éloigne de lui, mais mes pieds refusent de bouger. Je suis comme tétanisée. Par quoi ? La honte ? L’appréhension de ce que cet homme, séduisant au demeurant, mais potentiellement dangereux, pourrait me faire ?

Je baisse les yeux et retiens les larmes qui menacent de couler. Je n’ose plus soutenir son regard perçant. Mais du coin de l’œil, j’aperçois sa main suspendue dans les airs pour s’approcher de mon visage. À cet instant, je ferme les yeux. Fort. En espérant me réveiller d’un mauvais cauchemar. Mais quand je la sens se poser sur mon cou, aussi légère qu’une plume, douce et chaude, tous tremblements irrationnels cèdent. Du bout des doigts, Davis relève mon menton pour m’obliger à le regarder dans les yeux. Sa paume vient se fixer sur ma joue. Sous ce geste inattendu, je me détends un peu. S’il me voulait du mal, il n’aurait pas cette tendresse qui émane de son geste, il ne me regarderait pas de cette façon. N’est-ce pas ?

— Pourquoi est-ce que tu fuis comme ça ? Je t’ai choqué à ce point ? Ce n’est pas une honte de me dire que tu baises. Au contraire…j’adore ça, me murmure-t-il à l’oreille.

— Je…euh c’est que…

Je bafouille et j’ai juste l’impression de m’enfoncer encore un peu plus. Ce n’est peut-être pas honteux de baiser comme il dit. Mais l’inverse ? Je dois vraiment passer pour une cruche.

— Attends, ne me dis pas que…? demande-t-il d’une voix douce en me caressant le visage de son pouce. Non je ne te croirais pas, c’est impossible, ricane-t-il. Et ne prends pas cet air de vierge effarouchée !

Je ne lui réponds pas, je n’en ai pas le courage. Devant mon manque de réaction, son demi-rire idiot s’éteint soudainement. Enfin, il a compris. Le sol peut maintenant s’ouvrir sous mes pieds pour me cacher. Je suis prête.

— Parle-moi Lucie, s’il te plaît. Tu es restée muette depuis ton arrivée et d’un coup, tu pars en courant.

Je prends mon courage à deux mains et une grande inspiration avant de lui répondre :

— Tu te moques de moi… et tu me fais peur....

— Pardon, si tu l’as pris comme ça, je croyais que tu plaisantais. Je ne pouvais pas imaginer que ça existait encore… comment ça, je te fais peur?

Il marque une pause et relâche son étreinte.

— Lucie, n'ai pas peur de moi. Je ne te ferais aucun mal. Mais putain, dis-moi comment c’est possible ? Tu vis dans une grotte introuvable ? Tous les mecs sont aveugles ou quoi ? À moins que…non !Rassure-moi, tu n’es pas lesbienne au moins ?

Cette idée m’arrache un sourire timide.

— Non. Du moins, je n’ai jamais essayé non plus.

— Oh ma belle, arrête. Tu es en train d’activer mes fantasmes…grogne-t-il.

Cette fois, je souris plus largement et Davis m’imite. Il fait un pas de plus vers moi. Me voilà prisonnière, prise en étau entre le mur froid du parking et la chaleur de son corps. Le contraste est saisissant, j’en frissonne. La peur de tout à l'heure s'estompe. Mais mon rythme cardiaque, lui, continue de se déchaîner. Sa bouche se rapproche lentement, très lentement, de la mienne. C’est comme si la scène se déroulait au ralenti, pour en savourer chaque instant. Davis jauge ma réaction, attendant silencieusement mon accord. Je ne bronche pas, totalement hypnotisée par cette créature aux deux visages.

Une main vient replacer une mèche de cheveux derrière mon oreille, pendant que l’autre se pose délicatement sur ma taille. Ses lèvres se posent lentement sur les miennes, dans un baiser chaste et doux. Je ne peux plus bouger. Je crois que j’arrête même de respirer pendant quelques secondes. Sa bouche devient plus entreprenante et sa langue cherche à pénétrer entre mes lèvres. Tout un tas d’émotions grondent dans mon ventre. De la joie en passant par le stress de ne pas être à la hauteur et…l’excitation. La peur a complètement disparu. Il se colle complètement à moi et il me semble sentir son érection se presser contre mon bassin. Je gémis, laissant la place à sa langue qui vient caresser la mienne dans une danse sensuelle. Je ne pense plus à rien, je n’entends plus ce qui se passe autour. Il n’y a plus que lui et moi en cet instant. J’en oublie même ma timidité pour me laisser totalement guider par lui, par ce baiser… Avant d’être interrompus par la sonnerie de son téléphone. Davis décroche en s’éloignant. J’en profite pour me remettre de mes émotions et reprendre contenance.

Quand Davis raccroche enfin, il marche dans ma direction, l’air furieux.

— J’ai un ami qui a besoin d’aide, je dois aller le rejoindre. Désolé pour le dîner, on remet ça ?

Sans me laisser le temps de répondre, il rejoint sa voiture et démarre en trombe.

 

6

Lucie.

La nuit a été difficile, j’ai très peu dormi. Je n’ai pas arrêté de penser à Davis. Ce comportement odieux, sa question indiscrète, cette soirée loupée et…ce baiser. Pour un premier vrai baiser, c’était…plus qu’agréable. Je n’ai pas le temps de continuer à rêvasser que quelqu’un frappe à la porte. Mélanie déboule sous mes yeux interloqués, allant jusqu’à faire fuir Gypsie. Oh là, ça va être l’interrogatoire sur ma soirée d’hier, je le sens. Elle s’assoit sur le canapé, croise les jambes et me sourit de toutes ses dents en rejetant sa crinière de feu derrière elle en un mouvement rapide et efficace de la tête.

— Alors, il est où ton beau gosse ? Tu l’as caché dans ton lit ? commence-t-elle, tout excitée de savoir.

— Quoi ?

Qu’est-ce que je disais ?

— Allez ! Ne fais pas ta timide, pas avec moi. Raconte-moi tout. Je veux tout savoir, même les détails croustillants.

Mélanie, j’ai bien peur que tu sois déçue… Je lève les yeux au ciel.

— Tu sais, il n’y a pas grand-chose à dire, il ne s’est rien passé de ce que tu imagines, lui dis-je en haussant les épaules.

Je vais la rejoindre sur le canapé et prends place à côté d’elle.

— Allez avouuuuuuue je suis trop impatiente ! Il est comment physiquement ? Donne-moi plein de détails ! Il embrasse bien ?

Je soupire. De toute façon, tant que je ne lui ai pas raconté, elle va me bombarder de questions. Donc, autant arrêter tout de suite son imagination débordante avant qu’elle ne dérape.

— C’est surtout quelqu’un qui me paraît très sûr de lui. Cet homme est un vrai coureur de jupons !

— Mais on s’en fout, Lulu. Je ne te demande pas de te marier avec, seulement de t’amuser un peu. Allez, accouche !

— Bon, j’admets qu’il est vraiment canon, lui dis-je en sentant le rouge me monter aux joues quand je repense à lui. C’est vrai qu’il a un regard qui me fait complètement craquer mais…on s’est seulement embrassé…

— Quoi, c’est tout ? me répond-elle, l’air déçu.

— Oui, tu t’attendais à quoi ? Je ne vais pas coucher avec lui dès le premier soir !

— Pourquoi pas ? Lucie, merde t’as 23 ans. Éclate-toi un peu ! Le prince charmant n’existe que dans les contes de fées pour secourir des princesses en danger. Alors, arrête de rêver et profite des plaisirs de la vie.

C’est bien Mélanie, ça. Dans le fond, elle a raison, j’en ai ma claque d’être seule. J’ai besoin de la chaleur réconfortante d’un homme, d’être désirée et aimée, avoir quelqu’un sur qui me reposer. Et de découvrir tous les plaisirs charnels que me vante tant Mélanie. Mais je suis une éternelle romantique. C'est dans ma nature, c'est comme ça. Donc trouver l’homme idéal sera sans doute long et compliqué. Si toutefois ça existe.

— J'ai peut-être envie justement qu’on me traite comme une princesse. Et qui te dit qu’il en a envie, lui ?

— Tu m’as dit que vous vous étiez embrassés. Donc, tu ne dois pas le laisser indifférent. Vous vous revoyez quand ?

Elle ne s’arrêtera jamais. Cette fille est toujours trop curieuse, elle veut tout savoir. Mais je l’adore, elle me booste, me remotive quand j’ai une baisse de courage, m’écoute quand j’ai besoin de parler. C’est ma meilleure amie, ma confidente, ma sœur que je n’ai jamais eu.