L’idéalisme et la philosophie de la nature - Alfred Fouillée - E-Book

L’idéalisme et la philosophie de la nature E-Book

Alfred Fouillée

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Beschreibung

Depuis que Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre et Chateaubriand ont tourné les regards de leurs contemporains vers des spectacles dont les précédentes générations avaient à peine soupçonné la grandeur imposante ou le charme attrayant, la nature a occupé dans les œuvres de l’esprit une place de plus en plus considérable. Les poètes y ont puisé de vives et fécondes inspirations; les romanciers l’ont décrite presque avec autant de soin que les caractères de leurs personnages; les peintres en ont reproduit les couleurs puissantes, les lignes harmonieuses... Quant à la science, ses études sur le monde physique, ses analyses persévérantes et multipliées des éléments et des forces de la nature ont égalé surpassé les travaux de tous les siècles antérieurs…
A l’égard de l’explication philosophique de la nature, et en ce qui touche les problèmes relatifs à l’essence de la matière, de la force, de l’espace, du temps, combien de gens s’imaginent qu’on n’a le choix qu’entre la théorie positiviste, qui dénie à la raison toute connaissance des causes, et le matérialisme, qui ramène toutes les causes à une seule : l’atome doué de mouvement ! Combien vont répétant que les penseurs des autres écoles, obstinément renfermés dans leur moi solitaire, et volontairement étrangers au mouvement des sciences physiques et chimiques, sont incapables d’ouvrir la bouche ou de rien dire qui ait une valeur quelconque sur les plus admirables phénomènes de l’univers!
Or les penseurs qui tâchent d’interpréter la nature en se plaçant au point de vue de l’idéalisme sont aujourd’hui de trois sortes…

À PROPOS DES AUTEURS 

Alfred Fouillée (1838-1912) est un philosophe français connu pour sa notion d’« idée-force » et son adage juridique « Qui dit contractuel, dit juste ». Agrégé de philosophie en 1864, il enseigne avant de se consacrer pleinement à la recherche. Son œuvre tente de concilier positivisme et idéalisme en insistant sur le rôle actif de l’esprit. Il développe l’idée que la pensée influence la réalité par une action consciente. Son Histoire de la philosophie a été la première du genre publiée au Japon.


Jean Charles Lévêque (1818-1900) est un philosophe français spécialisé en métaphysique et esthétique. Agrégé de philosophie en 1842, il enseigne dans plusieurs lycées avant de devenir professeur au Collège de France en 1857. Il est reconnu pour ses travaux sur la science du beau et récompensé par plusieurs académies. Membre de l’Académie des sciences morales et politiques dès 1865, il laisse son nom à un prix de métaphysique. 

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Seitenzahl: 159

Veröffentlichungsjahr: 2022

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L’idéalisme et la philosophie de la nature

L’idéalisme et la philosophie de la nature

Introduction

Qu’est-ce que l’idéalisme ?{1}

L’idéalisme, si je le comprends bien, serait la doctrine qui ramène tout à la pensée, et compose toutes choses de pensées. Soit ; mais qu’est-ce que la pensée ?

La seule pensée que nous connaissions directement, c’est-à-dire la nôtre, se compose de deux choses : la chose pensante et la chose pensée, τὸ cogitans et τὸ cogitatum. Si tout se compose de pensées, nous avons donc le droit de demander : Est-ce de choses pensantes ou de choses pensées ?

Supposons que ce soit de choses pensantes, res cogitantes, semblables à moi, je dis que la chose pensante par définition, est ce que j’appelle un esprit, et non une idée. Donc, le système qui composerait l’univers de choses pensantes est spiritualisme, non idéalisme.

À la vérité, on restreint d’ordinaire le terme de spiritualisme au système qui admet non seulement l’esprit, mais encore la matière ; mais c’est là une simple habitude de langage ; et il serait étrange qu’une doctrine qui n’admettrait que des esprits, ne fût pas une doctrine spiritualiste. On serait autorisé seulement par là à distinguer deux espèces de spiritualisme : l’un dualiste, admettant esprit et matière, l’autre moniste ou unitéiste, n’admettant que des esprits à différents degrés ; et celui-ci à son tour pourrait se diviser encore en deux espèces : un spiritualisme panthéistique ou immanent n’admettant qu’un seul esprit, une seule conscience, dont les consciences finies ne seraient que les modes ; et un autre spiritualisme créationniste ou transcendant, qui au-dessus d’une conscience première, pleine et complète en elle-même, admet par participation des consciences subordonnées. Mais sous toutes ces formes, à tous ces degrés, tant que vous ne considérez que la chose pensante, c’est-à-dire l’esprit, je ne puis voir rien autre chose que le spiritualisme, et non l’idéalisme. En effet, dans tous ces systèmes, j’admets quelque chose de réel en dehors de mes idées, à savoir les autres esprits plus ou moins semblables au mien ; et quand même je nierais l’existence de la matière comme telle, par cela seul que j’admets quelque existence objective, soit des autres hommes, soit des animaux, soit de Dieu, mon système peut être appelé immatérialisme, si l’on veut ; mais c’est un immatérialisme objectiviste ou réaliste, non idéaliste.

Mais, dira-t-on, le réalisme consiste à admettre la réalité d’une substance, c’est-à-dire d’une chose effective, concrète, massive, que l’on considère comme un bloc servant de support aux phénomènes ; et l’idéalisme consiste à nier cette réalité. C’est encore une confusion de mots. En français, le mot chose a deux sens différents. Il peut signifier en effet substance dans le sens scolastique, c’est-à-dire le support ou substratum des phénomènes : c’est une question de savoir s’il y a de tels supports. Mais le mot chose peut aussi être employé dans le sens neutre, comme le τι du grec, l’etwas des Allemands, et il signifie alors tout simplement le quelque chose. Quand je dis que l’esprit est une chose pensante, je dis qu’il est un τι cogitans, un etwascogitans ; en un mot, il est ce qui pense, quelle que soit la nature de cette chose : si vous ne voulez pas qu’il soit une substance spirituelle, à plus forte raison ne sera-t-il pas une substance matérielle, puisque vous niez la matière : or un quelque chose qui pense, et qui n’est pas matière, je l’appelle esprit : une doctrine qui n’admet d’autre existence que celle-là, ne peut être appelée encore une fois que spiritualiste, et en tant qu’elle admet des esprits objectifs ou réels autres que le mien, elle est, encore une fois, objectiviste ou réaliste en cela.

Voilà pour ce qui concerne la première forme de l’idéalisme, celui qui ramènerait tout à la chose pensante. Voyons ce qui arriverait de celui qui réduirait tout à la chose pensée ? Ne serait-ce pas là pour le coup un vrai idéalisme ?

Je le veux bien ; mais regardons-y de plus près. Vous composez tout de choses pensées, c’est-à-dire d’idées : les choses n’existent qu’à la condition d’être pensées, et en tant qu’elles sont pensées, soit : mais je demande de nouveau : pensées par qui ? Par moi sans doute, cela n’est pas douteux ; mais est-ce par moi tout seul ? Je suis donc seul au monde ? Un tel système, que l’on a appelé l’égoïsme métaphysique, a-t-il jamais été soutenu par aucun philosophe, et peut-il l’être ? M. St. Mill repousse ce système expressément, et il admet comme fondée sur l’induction la plus légitime l’existence des autres esprits. On a quelquefois pensé que ce système qui nie toutes réalités hors le moi subjectif, est le système de Fichte ; mais c’est une profonde erreur. Le moi de Fichte est un moi infini, absolu, universel, non individuel. Le moi conscient n’est qu’un moment dans le développement du moi infini. Il faut que le moi absolu ait posé le non-moi, avant d’arriver au moi conscient ; de plus dans sa Doctrine du droit, Fichte démontre expressément l’existence des autres moi (die Ichten). Ainsi l’existence des autres hommes n’est mise en doute par personne. Il faut donc dire, que le monde se compose de choses pensées, non seulement par moi, mais par les autres hommes. Le même mode de raisonnement qui prouve, selon M. Mill, l’existence des autres hommes, prouverait aussi l’existence des animaux. Or les hommes sont des êtres pensants, et les animaux sont des êtres sentants. Ils n’existent donc pas seulement à titre de choses pensées ou senties, mais de choses pensantes et sentantes, et cette seconde forme de l’idéalisme se ramènera à la première. Il n’y aura donc pas seulement des idées, mais des esprits.

De plus, dans les hypothèses précédentes, nous avons supposé que l’on n’admettait que des êtres sentants et pensants, à savoir des animaux et des hommes ; et, au nom de l’idéalisme, nous avons laissé en suspens la question de l’existence des corps proprement dits. Mais il est difficile de s’en tenir là. Car ces hommes et ces animaux existent dans un monde que nous appelons corporel. Or il est difficile d’admettre que ces êtres sont réels, et que le monde qui les entoure et les soutient soit idéal ; que les animaux, par exemple, sont des choses réelles, et les végétaux des choses idéales. Ainsi des êtres réels se nourriraient de choses idéales ! un cheval réel mangerait du foin idéal ! Il n’y a aucune raison qui impose cette conséquence étrange ! On sera donc conduit à admettre la réalité des choses vivantes ; et la vie sera un mode inférieur de la conscience ; mais on pourra pousser le raisonnement plus loin : car le végétal suppose le minéral, aussi bien que l’animal suppose le végétal. On admettra donc l’existence des minéraux, par conséquent, des corps : seulement, pour rester fidèle au principe, on accordera aux derniers éléments de la matière une conscience infiniment petite, ce à quoi rien ne répugne en soi, mais ce qui n’est plus autorisé par aucune induction. Ainsi cette seconde hypothèse, en définitive, reviendra encore à la première. Le monde ne se compose pas seulement de choses pensées, mais encore de choses pensantes, et ce que nous avons dit précédemment peut être encore appliqué ici.

Les origines cartésiennes de l'idéalisme contemporain{2}

La confrontation des doctrines philosophiques aujourd’hui régnantes avec celles de nos plus grands devanciers, outre l’intérêt qu’elle présente en elle-même, permet de déterminer, par des points pris dans le temps à des distances différentes, la ligne que suit l’évolution de l’esprit humain. Rapproché du passé, le présent laisse entrevoir l’avenir. Ce que devra la science future à Descartes, nous l’avons indiqué par une rapide esquisse de ses découvertes et de sa conception du monde; ce que lui devra la philosophie, nous pouvons aussi nous en faire une idée en comparant l’orientation de sa doctrine avec celle des doctrines contemporaines. Si, d’une part, le mécanisme cartésien triomphe de plus en plus dans la science, l’idéalisme cartésien ne nous présente-t-il point aussi un autre aspect de l’univers que le premier n’exclut pas et que, de plus en plus, la philosophie devra mettre en lumière ?

I

Ce n’est point sans raison qu’on a distingué deux « cycles, » — non moins héroïques l’un que l’autre, — dans la philosophie de Descartes : le cycle mathématique et le cycle métaphysique. Le premier correspond, d’une manière générale, à la période voyageuse de son existence, où, tout en faisant la guerre, il est à la piste des travaux scientifiques, cherchant à faire connaissance avec, les savants de chaque pays pour s’initier à toutes leurs découvertes. S’il s’engage comme volontaire sous le prince Maurice de Nassau, c’est que le grand capitaine traînait après lui une escorte de mathématiciens et d’ingénieurs. Descartes aperçoit-il, à Bréda, une affiche en flamand qui renferme des signes géométriques, il prie aussitôt un de ses voisins de la lui traduire en français ou en latin : c’était un problème de géométrie dont on défiait de trouver la solution. Chacun sait comment le traducteur, qui se trouvait être un mathématicien éminent, Beckman, crut se moquer du jeune officier en lui demandant d’apporter le lendemain la solution ; et le jeune officier n’y manqua point. Plus tard, Descartes entend-il parler des Rose-Croix, cette confrérie mystérieuse dont les membres promettaient aux hommes la « science véritable, » le voilà qui se met à leur recherche. Plus tard il déclare qu’il n’a pu en rencontrer aucun, mais il leur dédie son ouvrage intitulé : Trésor mathématique de Polybius le cosmopolite ; et on a prétendu, malgré ses dénégations, qu’il faisait partie de cette confrérie, dont le but était de chercher la science en dehors de la théologie. Entre-t-il à Prague avec l’armée victorieuse, sa première pensée est de chercher la célèbre collection des instruments de Tycho-Brahé. S’il abandonne, par la suite, le métier des armes, il continue encore de voyager : il visite le nord, revient du nord au midi, parcourt l’Italie ; à Venise, il voit le mariage du doge avec l’Adriatique ; il accomplit son pèlerinage à Lorette, assiste au jubilé de Rome et s’intéresse surtout au grand concours de peuple venu des pays les plus lointains ; l’antiquité ne l’inquiète guère ; les mœurs du présent, avec leur diversité, l’occupent davantage : il semble qu’il éprouve une sorte de plaisir philosophique à voir combien tout est changeant dans le monde de l’expérience humaine, de nos lois et de nos mœurs, par opposition à ce monde immuable de la raison et des idées où il demeure toujours attaché par la pensée. Ainsi apprend-il à ne rien croire de ce qui n’est fondé « que sur la coutume, non sur la raison. » D’Italie, il rentre en France par la vallée de Suse, mais il se détourne de quelques lieues pour calculer la hauteur du Mont-Cenis, y faire des opérations météorologiques et chercher la cause des avalanches. Bientôt, à la suite d’entretiens avec le cardinal de Bérulle, Descartes prend la résolution, depuis longtemps projetée, de se livrer tout entier et définitivement à la philosophie, et cela, non pas seulement en vue de la spéculation pure, mais « pour procurer, autant qu’il était en lui, le bien de ses semblables. » Descartes, en effet, eut toujours des préoccupations pratiques autant que théoriques. Il comparait volontiers la science universelle à un arbre dont la métaphysique est la racine, la physique le tronc, et dont les trois grandes ramifications sont la mécanique, la médecine et la morale, où s’épanouissent enfin tous les fruits qu’il est donné à l’homme de cueillir. Si, plus tard, il se retire en Hollande, dans le « désert » d’un peuple affairé, c’est pour accomplir en repos ce grand dessein. « Jusqu’à ce moment, dit son biographe Baillet, il n’avait encore embrassé aucun parti dans la philosophie. » Il devait séjourner vingt ans en Hollande, changeant souvent de résidence pour se dérober aux importuns. « Il ne tient qu’à moi, écrit-il à Balzac, dans une lettre célèbre, de vivre ici inconnu à tout le monde. Je me promène tous les jours à travers un peuple immense, presque aussi tranquillement que vous pouvez le faire dans vos allées. Les hommes que je rencontre me font la même impression que si je voyais les arbres de vos forêts ou les troupeaux de vos campagnes. Le bruit même de tous ces commerçants ne me distrait pas plus que si j’entendais le bruit d’un ruisseau… Y a-t-il un pays dans le monde où l’on soit plus libre ? » La liberté et la paix de l’esprit, c’étaient les deux plus grands biens pour notre philosophe, les deux conditions de cette recherche de la vérité à laquelle il avait promis de consacrer sa vie. Aussi blâmait-il tout ce qui enchaîne la liberté du philosophe, certaines promesses ou certains vœux ; et probablement, s’il ne se maria point, ce fut pour pouvoir se donner tout entier à l’étude. Mais ce « cycle métaphysique, » qui répond au séjour en Hollande, continue d’être en même temps scientifique, quoique d’une autre manière : Descartes, en s’occupant des diverses sciences, a le continuel souci d’une synthèse finale embrassant le monde entier. De là ce fameux Traité du monde, qu’un excès de prudence lui fit supprimer à la nouvelle de la condamnation de Galilée.

On voit qu’il ne faut pas se figurer en Descartes un métaphysicien entièrement perdu, comme Malebranche, dans le monde idéal : c’est un savant ayant les yeux ouverts sur la nature entière, mais avec sa pensée idéaliste de derrière la tête. Il faut, dit Descartes, à plusieurs reprises, il faut, une fois dans sa vie, comprendre les « principes de la métaphysique, » puis étudier le monde de la pensée et le monde de l’étendue. II avoue à la princesse Elisabeth, dans une de ses lettres les plus curieuses, qu’il serait « très nuisible » de n’occuper son entendement qu’à méditer les idées métaphysiques, à cause qu’il ne pourrait si bien vaquer aux fonctions de l’imagination et des sens, » mais il est absolument nécessaire, une bonne fois, de se faire une opinion raisonnée. La « principale règle » que Descartes avait toujours observée en ses études, écrit-il encore à Elisabeth, était de n’employer que quelques heures par an aux pensées « qui n’occupent que le seul entendement, » c’est-à-dire à la métaphysique, « et quelques heures par jour aux pensées qui occupent l’entendement et l’imagination, » c’est-à-dire aux mathématiques et à la physique. Le reste du jour devait être consacré à des délassements ou à des promenades dans les champs, à l’exclusion des « conversations sérieuses »; et quant au repos de la nuit, il devait être aussi long que possible. « Je dors ici dix heures toutes les nuits, écrit-il à Balzac, et sans que jamais aucun soin ne m’éveille. Après que le sommeil a longtemps promené mon esprit dans les bois…, je mêle insensiblement mes rêveries du jour avec celles de la nuit ; et quand je m’aperçois d’être éveillé, c’est seulement afin que mon contentement soit plus parfait et que mes sens y participent ; car je ne suis pas si sévère que de leur refuser rien qu’un philosophe leur puisse permettre sans offenser sa conscience. » Les choses de la vie, en effet, qui se rapportent à « l’union de l’âme et du corps », se connaissent mal par « l’entendement et l’imagination », et « très clairement par les sens »; c’est donc en vivant qu’on a la vraie notion de la vie, qu’on se sent « une seule personne qui a ensemble un corps et une pensée. » Il conseille à Elisabeth de faire comme lui, de se laisser vivre, de ne point s’absorber trop longtemps ni trop exclusivement dans les pensées métaphysiques. Avis aux philosophes et au commun des mortels.

Cependant, puisque nous en sommes à l’heure de la métaphysique, et que Descartes lui-même nous invite à le suivre au moins une fois dans son monde de l’entendement, faisons avec lui ce grand voyage de découverte. Il ne s’agit de rien moins que des plus hauts objets de la spéculation et de la pratique : la nature de notre moi, celle de notre premier principe, enfin l’essence idéale ou réelle de la matière. Ces problèmes ultimes de la métaphysique, loin de rouler sur des abstractions, selon le préjugé vulgaire, roulent sur les réalités mêmes, y compris notre propre réalité, par conséquent sur le sens et la valeur de l’existence. De là, pour tout esprit non superficiel, leur intérêt plus dramatique que les drames mêmes de l’histoire.

II

L’idéalisme moderne, différent de l’idéalisme dogmatique qui fut celui de l’antiquité, a pour origine la « critique de la connaissance », dont la conclusion est la suivante : — Le monde de réalités que nous croyons saisir directement en elles-mêmes n’est qu’un monde représenté dans notre esprit, un monde idéal. — Descartes est le premier qui ait fait systématiquement, avant Hume et Kant, la critique de nos moyens de connaître ; et ce n’est pas son moindre titre de gloire. Il déclare dans ses principes