L'Occultisme hier et aujourd'hui - Ligaran - E-Book

L'Occultisme hier et aujourd'hui E-Book

Ligaran

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Extrait : "L'occultisme n'est pas l'étude de tout ce qui est caché à la science, c'est l'étude des faits qui, n'appartenant pas encore à la science (je veux dire : à la science positive au sens d'AUGUSTE COMPTE), peuvent lui appartenir un jour. Les faits occultes sont en marge ou dans le vestibule de la science, s'efforçant de conquérir le droit de figurer dans le texte du livre ou de franchir le seuil à ce que ces faits cessent, un jour, d'être occultes pour devenir ..."

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Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335034929

©Ligaran 2015

Quand j’ai été sollicité de faire une troisième édition du Spiritisme devant la Science, j’ai mieux aimé ajourner cette publication et entreprendre le livre que je donne actuellement sur l’Occultisme hier et aujourd’hui.

Le titre de mon premier livre a été justement critiqué, d’abord parce qu’il reproduisait (à mon insu) le titre d’un livré, déjà paru en 1883, de M. Delanne, ensuite parce que j’y détournais le mot « spiritisme » de son sens étymologique étroit.

J’ai hésité pour le remplacer entre Le Merveilleux préscientifique et L’Occultisme. Ce dernier m’a paru meilleur. Mais il a besoin, lui aussi, d’être bien défini pour ne pas prêter à confusion : c’est ce que je m’efforce de faire dans la première partie.

Dans le Spiritisme devant la Science, j’avais surtout étudié la partie de l’occultisme qui a été récemment « désoccultée » : l’occultisme d’hier. Ceci constitue la deuxième partie du présent livre.

Quant à l’occultisme d’aujourd’hui, qui forme ma troisième partie, c’est le développement de l’Étude dont j’ai publié le plan dans la Revue des Deux Mondes (1er novembre 1906) : on retrouvera ici les mêmes idées et les mêmes conclusions que dans cet article, étayées peut-être sur un peu plus de preuves.

On se fera d’ailleurs rapidement une idée assez complète de tout le livre en parcourant la table des matières et en lisant les conclusions.

Montpellier, 25 mars 1907.

PREMIÈRE PARTIEDéfinitions, historique, difficultés de cette étude

CHAPITRE PREMIER.– DÉFINITIONS ET HISTORIQUE.

CHAPITRE DEUXIÈME.– DIFFICULTÉS QUE PRÉSENTE L’ÉTUDE DES PHÉNOMÈNES OCCULTES.

CHAPITRE PREMIERDéfinitions et historique

I.– 1. DÉFINITION DE L’OCCULTISME ET DES PHÉNOMÈNES OCCULTES.

II.– 2. HISTORIQUE.

3. Période du magnétisme animal.

4. Période du spiritisme.

5. Période actuelle.

III.– 6. CE QUE N’EST PAS L’OCCULTISME.

7. Sciences traditionnelles des mages, théosophie, spiritisme.

8. Surnaturel et miracle.

IDéfinition de l’occultisme et des phénomènes occultes

1. L’occultisme n’est pas l’étude de tout ce qui est caché à la science, c’est l’étude des faits qui, n’appartenant pas encore à la science (je veux dire : à la science positive au sens d’AUGUSTE COMTE), peuvent lui appartenir un jour.

Les faits occultes sont en marge ou dans le vestibule de la science, s’efforçant de conquérir le droit de figurer dans le texte du livre ou de franchir le seuil du palais. Mais il n’y a aucune contradiction logique à ce que ces faits cessent, un jour, d’être occultes pour devenir scientifiques.

CHARLES RICHET les appelle métapsychiques. Comme en réalité ils sont vraiment psychiques, j’aimerais mieux les appeler juxta ou préscientifiques.

IIHistorique

2. L’amour du merveilleux a existé de tous temps.

L’attraction vers le mystère scientifique n’a été l’apanage d’aucune époque. Les siècles les plus sceptiques sont même souvent les plus crédules.

Comme le remarque PAUL DE RÉMUSAT, MESMER faisait son entrée à Paris l’année même où VOLTAIRE y venait mourir. À ce moment, « on aimait sans doute très peu les miracles, mais chacun avait soif de merveilles ».

« L’axiome est celui-ci, vient de dire EMILE FAGUET : l’homme a besoin de croire à quelque chose qui n’est pas prouvé ; ou, en d’autres termes, il a besoin de croire à quelque chose à quoi l’on ne peut croire qu’en y croyant ». Car l’homme est « un animal mystique ».

On peut diviser en trois périodes les étapes du merveilleux préscientifique dans le dernier siècle : la période du magnétisme animal, la période du spiritisme et la période actuelle.

3Période du magnétisme animal

On fait en général partir cet historique de MESMER. Mais BINET et FÉRÉ ont fait remarquer que « le mesmérisme se rattache à une tradition qui s’est développée vers le milieu du XVIe siècle ». C’est dans les ouvrages de PARACELSE qu’on trouverait déjà la première trace de la doctrine qui « attribuait à l’homme le pouvoir d’exercer sur ses pareils une action analogue à celle de l’aimant » (magnes). Quoi qu’il en soit, c’est de Mesmer (1734-1815) que date l’essor prodigieux du magnétisme animal.

Dès 1766, MESMER étudiait dans sa thèse de doctorat, à Vienne : l’influence des planètes sur le corps humain. Frappé, en 1774, des expériences du P. HELL, « jésuite, professeur d’anatomie », qui « guérissait des maladies au moyen de fers aimantés », il installe chez lui une maison de santé, dans laquelle il magnétise et électrise, puis il renonce (1776) à ces deux agents, magnétise directement les gens et arrive à Paris en 1778. C’est l’âge du baquet.

« Au milieu d’une grande salle, dit BERSOT, est une caisse circulaire en bois de chêne, élevée d’un pied ou d’un pied et demi, qu’on nomme le baquet. Ce baquet renferme simplement de l’eau et dans cette eau divers objets, tels que verre pilé, limaille, etc., ou encore ces mêmes objets à sec, sans que rien soit électrisé ou aimanté. Le couvercle est percé d’un certain nombre de trous, d’où sortent des branches de fer coudées et mobiles. Dans un coin de la salle est un piano-forte ; on y joue différents airs sur des mouvements variés, surtout vers la fin des séances. On y joint quelquefois du chant. Les portes et les fenêtres de la salle sont exactement fermées ; des rideaux ne laissent pénétrer qu’une lumière douce et faible. Les malades en silence forment plusieurs rangs autour de ce baquet et chacun a sa branche de fer qui, au moyen d’un coude, peut être appliquée sur la partie malade. Une corde passée autour de leur corps les unit les uns aux autres. Quelquefois on forme une seconde chaîne en se communiquant par les mains, c’est-à-dire en appliquant le pouce entre le pouce et le doigt index de son voisin… Les malades sont magnétisés à la fois par les branches de fer, par la corde, par l’union des pouces, par le son du piano ou de la voix qui chante. En outre, le magnétiseur, fixant les yeux sur eux, promène devant leur corps ou sur leur corps sa baguette ou sa main… ». Alors se passent des scènes étranges de convulsions, d’assoupissement, de pleurs, de hoquet, de rires. « Tous sont soumis à celui qui magnétise… Le maître de cette foule était ici MESMER, vêtu d’un habit de soie lilas ou de toute autre couleur agréable, promenant sa baguette avec une autorité souveraine ; là, DESLON avec ses aides, qu’il choisissait jeunes et beaux. Les salles où ces scènes se passaient avaient reçu, dans le monde, le nom d’enfer à convulsions ».

Le 12 mars 1784, le roi nomme une commission, composée de membres de la Faculté et de l’Académie des sciences, pour examiner le mesmérisme.

Dans le Rapport (de BAILLY), cette commission condamne la théorie du fluide animal et conclut que tout, dans ces expériences, se ramène aux trois facteurs : imagination, attouchement, imitation.

 

Le marquis de PUYSÉGUR procède de MESMER, mais découvre de nouveaux faits curieux. Il voit, le 8 mai 1784, « s’endormir paisiblement » un homme qu’il avait magnétisé : « il parlait, s’occupait très haut de ses affaires ». C’était le premier exemple de somnambulisme provoqué. Pendant le sommeil, le sujet voit si le magnétiseur veut. Il magnétise un arbre et, par l’intermédiaire de cet arbre, il agit sur un très grand nombre de sujets. « Les malades affluent autour de mon arbre ; il y en avait ce matin plus de cent trente. C’est une procession perpétuelle dans le pays ; j’y passe deux heures tous les matins, mon arbre est le meilleur baquet possible ; il n’y a pas une feuille qui ne communique la santé. » Pour éveiller le sujet, il lui louche les yeux ou l’envoie embrasser l’arbre qui l’a endormi tout à l’heure et qui maintenant le désenchante.

Puis PETETIN (1787) étudie divers états de catalepsie produits par le magnétisme. L’abbé DE FARIA endort sans passes ni gestes, en disant « Dormez » d’une voix forte et d’un ton impératif. « C’est de lui, dit encore DECHAMBRE, que date la vulgarisation de cette agréable et éminemment utile faculté qu’ont les magnétiseurs de donner à un breuvage le goût qui leur plaît, de changer l’eau en lait et la piquette en vin de Champagne ».

Les expériences de DUPOTET, FOISSAC, etc., conduisent au Rapport présenté par HUSSON, à l’Académie de médecine (21 et 28 juin 1831), an nom d’une commission nommée dix ans auparavant. Les recherches sont toujours égarées par les applications thérapeutiques prématurées et les dons de divination gratuitement accordés aux somnambules. Malgré les conseils très sages qui terminent ce Rapport de HUSSON on s’obstine dans la même voie et on recherche toujours les effets merveilleux du magnétisme. Et alors les savants démontrent l’inexactitude de ces phénomènes mal observés, prématurés ou ridicules et, par un raisonnement illogique mais naturel, ils généralisent leur appréciation et concluent à la fausseté du magnétisme tout entier, sans chercher à y démêler le vrai et le faux.

C’est là l’œuvre malheureuse de la seconde commission nommée par l’Académie de médecine (à l’instigation du magnétiseur BERNA) qui aboutit au Rapport de DU BOIS d’Amiens (12 et 17 août 1837) et au concours instituant un prix de trois mille francs « à la personne qui aurait la faculté de lire sans le secours des yeux et de la lumière » ; concours dont aucun des candidats ne remplit le programme et à la fin duquel, sur la proposition de DOUBLE, l’Académie décida qu’à partir de ce jour (1er octobre 1840) elle ne répondrait plus aux communications concernant le magnétisme animal, de même que l’Académie des sciences regarde comme non avenues les communications relatives à la quadrature du cercle et au mouvement perpétuel.

Je ne sais rien de plus instructif pour tout le monde que cette condamnation solennelle et définitive d’une question que, deux ans après, BRAID va faire entrer dans la science positive.

4Période du spiritisme

Il paraît qu’au IVe siècle les chefs d’une conspiration contre l’empereur VALENCE interrogèrent les tables magiques, en employant des procédés analogues à ceux des spirites actuels.

Parmi les faits anciens de spiritisme, « l’un des cas les mieux observés est celui qu’a raconté le Dr KERNBR dans son livre Die Seherin von Prevorst qui a été traduit par le Dr DUSART, probablement sur la traduction anglaise de Mme CROWE. KERNER a observé des raps et des mouvements sans contact dès 1827, quand il avait auprès de lui Mme HAUFF. On trouve des phénomènes du même genre dans tous les récits de maisons hantées ; il y en a qui remontent à des époques très éloignées et il existe des arrêts de divers Parlements résiliant des baux pour cette cause. On les critiquait à la fin du XVIIIe siècle ».

Tout cela constitue la période préhistorique de la question.

 

En fait, c’est en 1847, en Amérique (au moment même où BRAID désoccultait le magnétisme animal), dans le village d’Hydesville (État de New-York), que les nouveaux faits se révélèrent.

Une nuit, un M. WEEKMAN entend frapper à sa porte, ouvre, ne voit personne, entend frapper encore, ouvre de nouveau sans rien voir et, fatigué de cette scène qui se renouvelle, quitte la maison. IL est remplacé par le Dr JOHN Fox et sa famille, composée de sa femme et de deux de ses filles, l’une de quinze ans, l’autre de douze ». Ce sont les misses Fox qui deviennent les héroïnes de cette maison hantée, d’où est sorti tout le spiritisme.

Les bruits se reproduisent dans la maison, mystérieux, inexplicables ; les misses les attribuent naturellement à l’âme d’un individu décédé dans la maison et, « avec un courage au-dessus de tout éloge, engagent une conversation avec le personnage ». Pour cela, « la fille aînée de M. Fox s’avise de frapper dans ses mains plusieurs fois en invitant le bruit à lui répondre. Il répond en effet. La mère survient et engage la conversation ; elle entend dire l’âge de ses enfants. – Si tu es un esprit, frappe deux coups. – Deux coups sont frappés. – Es-tu mort de mort violente ? – Deux coups. – Dans cette maison ? – Deux coups. – Le meurtrier est-il vivant ? – Deux coups. En convenant avec l’esprit qu’on récitera un alphabet et qu’il frappera pour désigner la lettre voulue, on apprit que l’interlocuteur s’appelait Charles Rayn, qu’il avait été enterré dans la maison même par le meurtrier, que sa femme était morte depuis deux ans et qu’il avait laissé cinq enfants encore tous vivants. Peu à peu, on convint avec lui de certaines abréviations pour causer plus vite et, quand la famille Fox déménagea pour se rendre à Rochester, l’esprit déménagea avec elle. Enfin, au bout de quelque temps d’un commerce assidu avec cet esprit, la famille Fox fut en état d’en évoquer d’autres. Les trois femmes conduisirent tout. En février 1850, on constate authentiquement les mouvements des tables où les esprits résident et autour desquelles on fait le cercle obligé, les mains sans bras qui frappent les assistants, la vue d’un fluide grisâtre et toute espèce de bruits, d’agitations et de phosphorescences dans la pièce où l’opération a lieu. La famille Fox se transporta alors à New-York, où l’attendaient les plus grands succès ».

On discutait. Mais, comme dit JULES ROIS, « personne ne niait que ces demoiselles américaines ne fissent, au propre et au figuré, beaucoup de bruit. Partout où elles passaient, le vacarme suintait des murs ».

Le juge EDWARDS, qui assistait aux expériences, fut frappé « de la connaissance que les esprits qu’il interrogeait avaient de ses propres pensées », de ses « plus secrètes pensées ». « Grâce aux coups dans les murs et aux mouvements des objets, les esprits se mirent à prêcher en Amérique les vérités spirites ». « Trois commissions de savants se déclarèrent vaincues. La population de l’État de New-York menaça de lyncher cette famille inquiétante. Il n’en fallait pas plus pour que le goût des tables parlantes traversât les mers ! ».

D’Amérique, la chose passa d’abord en Allemagne par une lettre d’un habitant de New-York à un habitant de Brême. On indiqua les procédés à employer et ce fut immédiatement appliqué.

« Plusieurs personnes se mirent autour d’une table dans la position cabalistique, de manière que le petit doigt de chaque personne touchât le petit doigt de la personne voisine, et l’on attendit. Bientôt les dames poussèrent de grands cris, car la table tremblait sous leurs mains et se mettait à tourner. On fit tourner d’autres meubles, des fauteuils, des chaises, puis des chapeaux, et même des personnes en faisant la chaîne autour de leurs hanches ; on commanda à la table : danse, et elle dansa ; couche-toi, et elle obéit ; on fit sauter des balais, comme s’ils étaient devenus les chevaux des sorciers ».

En France, ces faits furent annoncés par une brochure de GUILLAUD : Table qui danse et table qui répond. Les expériences commencent en 1853 à Bourges, Strasbourg et Paris.

« Sous la pression des mains rangées autour d’elle avec méthode, la table ne se contenta plus de tourner et de danser, elle imita les diverses batteries du tambour, la petite guerre avec feux de file ou de peloton, la canonnade, puis le grincement de la scie, les coups de marteau, le rythme de différents airs ».

Il faut lire dans BERSOT le tableau de cet « âge héroïque des tables tournantes ».

« Ce fut une passion et tout fut oublié. Dans un pays spirituel, dans des salons ordinairement animés d’une conversation piquante, on a vu, pendant plusieurs mois, des Français et des Françaises, qu’on accuse, d’être légers, assis des heures entières autour d’une table, sérieux, immobiles, muets, les doigts étendus, les yeux obstinément fixés sur un même point et l’esprit obstinément fixé sur une même idée, dans une attente pleine d’angoisses, tantôt se relevant épuisés par des efforts inutiles, tantôt, si un mouvement se déclarait, si un craquement s’entendait, troublés et jetés hors d’eux-mêmes, poursuivant le meuble qui fuyait. Il n’y eut pas d’autre occupation et d’autre conversation pendant tout un hiver. Il veut un beau moment, le moment de la première ferveur, de la confiance et de l’enthousiasme qui font réussir. Quels triomphes modestes de ceux qui avaient du fluide ! Quelles humiliations de ceux qui n’en avaient pas ! Quel feu pour propager la religion naissante ! Quelle affection entre adeptes ! Quelle indignation contre les esprits forts ! ».

Avec des coups conventionnels, la table non seulement répondait oui et non, mais lit ensuite toutes les lettres de l’alphabet. Puis on attacha un crayon au pied d’une table légère qui écrivit. « Puis on se servit pour cet usage de guéridons plus petits, de simples corbeilles, de chapeaux et enfin de petites planchettes spécialement construites pour cet usage et qui écrivent sous la plus légère impulsion ».

On découvre alors que, dans ces expériences, le rôle de tous les assistants n’a pas la même importance. Certains comparses sont peu utiles, d’autres sont nécessaires ; on appelle ces derniers médiums : « personnes dont la présence, dont l’intermédiaire était nécessaire pour obtenir les mouvements et les réponses des tables parlantes ».

Les expériences se multiplient. Le médium opère seul : « sa main, entraînée par un mouvement dont il ne se rend pas compte, écrit, sans le concours de sa volonté ni de sa pensée, des choses qu’il ignore lui-même et qu’il est tout surpris de lire ensuite »…

« En ce temps-là », dit JULES BOIS (c’est l’Évangile spirite qui s’inaugure), des expérimentateurs de marque se réunissent rue des Martyrs : notamment TIEDMEN MARTHÈSE, gouverneur de Java et cousin germain de la reine de Hollande ; l’académicien SAINT-RENÉ TAILLANDIER, professeur à notre Faculté des lettres ; SARDOU père et fils, FLAMMARION… « Une simple table devint le réceptacle de tous les grands esprits de l’humanité. Galilée y coudoyait saint Paul et Voltaire se réconciliait avec Jeanne d’Arc ».

Un soir, « M. SARDOU conduisit à une des séances du groupe M. RIVAIL, teneur de livres au journal l’Univers », d’autres disent ancien vendeur de contremarques. « Homme gros et pratique, il éclata de rire aux premiers coups frappés ». Puis il s’intéressa à la chose et un jour « les esprits déclarèrent : il faut que RIVAIL mette en ordre et publie nos révélations ». – Il accepte, devient l’apôtre de l’Église spirite sous le nom resté célèbre d’ALLAN KARDEC et rédige le Livre des esprits. Il expose tout ce qu’il appelle la philosophie spiritualiste « selon l’enseignement donné par les esprits supérieurs à l’aide de divers médiums ». Ce livre, « dicté, revu et corrigé par les esprits », eut un très grand succès et, comme le fait remarquer PIERRE JANET, devint, à partir de ce moment, le guide des esprits eux-mêmes, qui ne font plus que le commenter.

On fit alors parler et écrire tous les grands esprits, depuis Gutenberg jusqu’à Jean l’Évangéliste.

CAMILLE FLAMMARION vient de raconter quelques-unes de ses séances (1861) chez ALLAN KARDEC.

« On se réunissait tous les vendredis soirs au salon de la Société (parisienne des Études spirites), passage Sainte-Anne, lequel était placé sous la protection de Saint-Louis. Le président ouvrait la séance par une invocation aux bons Esprits… Après cette invocation, un certain nombre de personnes assises à la grande table étaient priées de s’abandonner à l’inspiration et d’écrire… On ne faisait aucune expérience physique de table tournante, mouvante ou parlante. Le président ALLAN KARDEC déclarait n’y attacher aucune valeur. À la même époque, et depuis plusieurs années déjà, mon illustre ami VICTORIEN SARDOU, qui avait quelque peu fréquenté l’observatoire, avait écrit, comme médium, des pages curieuses sur les habitants de la planète Jupiter et produit des dessins pittoresques et surprenants ayant pour but de représenter des choses et des êtres de ce monde géant. Il avait dessiné les habitations de Jupiter. L’une de ces demeures met sous nos yeux la maison de Mozart ; d’autres, les maisons de Zoroastre, de Bernard Palissy, qui seraient voisins de campagne sur cette immense planète… J’écrivis, de mon côté, des pages sur l’astronomie signées Galilée ».

Puis (1868) arrivent les phénomènes de matérialisation. « Grâce à l’intermédiaire obligé du médium, qui jouait ici un rôle assez difficile à préciser, on fit mouvoir des objets que personne ne touchait, on fit écrire des crayons qui se levaient et se dirigeaient tout seuls, on fit apparaître des écritures sur des ardoises enfermées dans des boîtes scellées ; enfin, on fit voir aux fidèles stupéfaits des bras, des têtes, des corps qui apparaissaient dans l’air au milieu d’une chambre obscure… Tantôt on photographiait ces apparitions, tantôt on les moulait… M. REYMERS, de la Revue spirite, nous a envoyé gracieusement une caisse de pieds et de mains d’esprits, moulés avec de la paraffine »…

5Période actuelle

Tous les siècles sont égaux devant l’attrait du merveilleux. Il est certain qu’aujourd’hui on admet, on aime et on cherche le merveilleux avec autant d’ardeur que dans les siècles précédents.

J’ai déjà cité le livre de JULES BOIS, dans lequel on trouvera le résumé de tout ce qui a été fait dans ces derniers temps, depuis les mages modernes comme le SAR PELADAN-MERODACK et les théosophes qui, ayant un jour besoin d’une pince à sucre, matérialisent, d’un geste aérien, une pince à cornichons (l’idée créatrice n’ayant pas été très nette dans l’esprit de l’opératrice, Mme BLAVATSKY), jusqu’aux lucifériens, ironiquement représentés par LEO TAXIL, BATAILLE et DIANA VAUGUAN, – depuis les envoûtements d’amour et de haine jusqu’aux « marchands d’espoir », les devins et les chiromanciens comme Mme DE THÈBES, la Papesse du Tarot, la Voyante de la rue des Halles et le zouave JACOB « qui professait la theurgie », – depuis Mme DE GIRARDIN passant les dernières années de sa vie avec les esprits de Mme de Sévigné, de Sapho, de Molière, de Sedaine, de Shakespeare et Victor-Hugo, faisant parler les tables au bord de la mer, jusqu’à VICTORIEN SARDOU, construisant, grâce aux esprits, sur du papier, de petits palais en notes de musique, et la célèbre musicienne AUGUSTA HOLMÈS recevant des messages de l’au-delà, – depuis PAUL ADAM, souffrant « pendant plus d’un an des assauts d’une larve, qui lui dictait de troublants conseils JEAN LORRAIN entraîné dans l’ombre par les « mains froides » des esprits et la reine VICTORIA pleurant à la mort du médium « qui la faisait s’entretenir avec le prince-consort », jusqu’à ces séances de spiritisme « médiocres et stercoraires » que HUYSMANS appelait « les goguenots de l’au-delà » !….

Si donc notre époque diffère des précédentes, ce n’est certes pas par un moindre entraînement pour le merveilleux ; c’est uniquement par la tendance à revêtir tout cela d’une apparence scientifique Du « surnaturel de pacotille » que nous avons aujourd’hui la caractéristique, dit MARCEL PRÉVOST (Figaro 26 août 1906), est « l’abus des prétentions scientifiques ».

Ce qui a changé, c’est le costume des augures et des prophètes. Avec la même dévotion, on acceptait autrefois les révélations des dieux et on accepte aujourd’hui celles de la science ou de ce qui en porte le titre et se présente en son nom.

Comme il avait ses temples et ses livres saints, le merveilleux a aujourd’hui ses journaux, ses revues, ses sociétés savantes et ses congrès. Il est l’objet de ce que l’on appelle, d’ailleurs très improprement, les sciences psychiques.

Tout ce qui paraît sous ce titre est immédiatement accepté avec respect, bientôt avec foi, par les esprits les plus réservés, malgré l’étrangeté et l’invraisemblance des faits. Tout ce qui porte l’étiquette scientifique fait partie du coran de notre XXe siècle.

Dès 1891, PAULHAN signalait (le Nouveau mysticisme), dans la formation d’un esprit nouveau, le rôle important joué par « un mysticisme qui, loin de repousser l’esprit de la science, la recherche volontiers ». Voilà la véritable caractéristique à ce point de vue : tous les siècles ont aimé le merveilleux, l’ont recherché, étudié ; le nôtre adapte à ce goût éternel des méthodes nouvelles et veut en faire un objet de science.

Il est certain que l’étude de l’occultisme a pris une allure beaucoup plus sérieuse et plus scientifique. Des hommes comme AKSAKOFF, W. CROOKES, DARIEX, DURAND DE GROS, GIBIER, DE GRAMONT, PIERRE JANET, O. LODGE, LOMBROSO, MAXWELL, MYERS, OCHOROWICZ, CHARLES RICHET, DE ROCHAS, SABATIER, STAINTON MOSES, R. WALLACE, DE WATTEVILLE, ZOELLNER… ont apporté dans ces expériences l’esprit et la méthode positives.

En 1893, c’était bien un signe du temps et presque une révolution universitaire, j’ai accepté de présider, à la Faculté de Montpellier, une thèse sur les Phénomènes psychiques occultes. Il y avait peut-être quelque hardiesse à patronner ainsi un « Essai d’officialisation du merveilleux ». Dans ce travail, ALBERT COSTE, avec une érudition très sûre, une critique très vive et un esprit littéraire très cultivé, mettait les choses au point, faisait « le procès-verbal de l’état actuel de la question ».

Peu avant ce travail (1891), DARIEX, voulant établir et continuer en France l’œuvre de la Société des recherches psychiques, fondée à Londres, créait les Annales des sciences psychiques, qui n’ont cessé de paraître depuis et où l’on trouve la plus riche documentation sur toutes ces questions. Dans une Lettre-Préface qui ouvrait le premier numéro de cette publication, CHARLES RICHET disait : « il s’agit de faire passer certains phénomènes mystérieux, insaisissables, dans le cadre des sciences positives ».

Voilà en effet quel doit être l’objectif de la science dans ses rapports avec l’occultisme.

 

De l’historique qui précède ressort en effet cette conclusion que, si l’amour du merveilleux reste le même à travers les âges, la nature de ce merveilleux change constamment et que ces changements ne répondent pas à un mouvement circulaire avec retour à la même place (à la façon de l’écureuil), mais à un mouvement incessant de progrès en avant. La plupart des phénomènes étudiés comme occultes il y a un demi-siècle ne le sont plus aujourd’hui et sont devenus scientifiques. La science, qui n’est jamais finie, envahit tous les jours le domaine de l’occultisme dont les frontières reculent sans cesse et qui est ainsi comme la terre promise de la science.

Ainsi, de même que l’astrologie et l’alchimie sont aujourd’hui remplacées par l’astronomie et la chimie, bien des phénomènes qui autrefois appartenaient à la sorcellerie, c’est-à-dire à l’occultisme (anesthésies, convulsions, épidémies saltatoires…), ont définitivement pénétré dans la science et appartiennent aux psychoses, à l’hystérie ou au somnambulisme. Nous verrons (c’est un des buts de ce livre) que le magnétisme animal est devenu scientifique sous le nom d’hypnotisme, que les tables tournantes, le cumberlandisme avec contact, la baguette divinatoire, une série de phénomènes médianiques ont cessé d’être des phénomènes occultes…

On voit ainsi que, s’il y a toujours un occultisme, les phénomènes étudiés sous ce nom varient d’une époque à une autre et qu’il y a par conséquent intérêt à mettre de temps en temps la question au point, afin que le public ait un guide ou tout au moins un point de départ précis pour la lecture et la critique des innombrables publications qui paraissent tous les jours sur ces sujets.

Il est d’autant plus nécessaire d’établir ainsi le bilan actuel de l’occultisme que le public a de la tendance à généraliser hâtivement ; de ce que beaucoup de phénomènes, autrefois occultes, sont aujourd’hui définitivement admis par la science positive, on conclurait volontiers au caractère également scientifique de tous les autres phénomènes occultes comme les matérialisations ou la télépathie.

SURBLED rappelle quelque part ce mot d’un mage : « l’hypnotisme nous sert de coin ; nous passerons tous derrière CHARCOT ». Non. C’est là une erreur. N’entre pas dans la science qui veut. Le jour où un groupe nouveau de phénomènes occultes aura été analysé et fixé comme l’hypnotisme l’a été par CHARCOT, l’occultisme perdra un chapitre et la science positive en gagnera un. Mais ce travail de contrôle doit être fait, non en bloc pour tous les phénomènes occultes, mais en détail et successivement pour chaque groupe. Ni les travaux de CHARCOT sur l’hypnotisme, ni ceux de PIERRE JANET sur les tables tournantes ne justifient certaines affirmations des occultistes contemporains qui ont un retentissement considérable sur le grand public, comme en témoigne le récent jugement de Saint-Quentin, sur lequel je reviendrai.

Rien de plus utile que la délimitation précise du champ actuel de l’occultisme Caria base de toute science vraie est la connaissance des limites exactes de son domaine acquis, des terres inconnues à découvrir au-delà et de la méthode avec laquelle chacun doit s’efforcer de reculer ces limites et de « désocculter l’occulte ».

IIICe que n’est pas l’occultisme
6

Pour préciser encore la définition donnée plus haut de l’occultisme, il faut insister sur ce qu’il n’est pas et faire quelques distinctions nécessaires pour éviter les confusions.

Pour n’avoir pas précisé ces distinctions dans mon « Spiritisme devant la science », j’ai été fortement houspillé de divers côtés.

« Nous regrettons, a dit BECKER, que M. le Dr GRASSET, pour parler du spiritisme, ait cru devoir prendre les renseignements, non chez les spirites, mais dans l’ouvrage de PAPUS intitulé l’occultisme et le spiritualisme. Il est vraiment étrange de constater qu’un professeur se trompe à ce point ; car enfin les théories spirites ne sont point celles des occultistes, et il est déplorable de voir une semblable confusion s’établir presque officiellement ».

Et PAPUS : « dès le début de son travail, GRASSET commet une confusion qui se retrouvera dans toute son étude ; c’est la classification erronée des écoles spiritualistes. Faute de patience pour se reconnaître dans un domaine, nouveau pour lui, le professeur va mêler dans une même salade les occultistes, les spirites et même les catholiques psychistes comme GASTON MÉRY… J’entends déjà les récriminations que va s’attirer l’auteur, pour avoir donné un de nos ouvrages comme exposé de la doctrine spirite ! ! ! mais je suis un occultiste, cher professeur, une horreur d’occultiste en style spirite ».

Ces critiques ne m’ont pas beaucoup ému parce que je crois que la question n’en est encore qu’à l’étude des faits. On se demande encore ce qui existe ou ce qui n’existe pas et le moment ne me paraît pas venu de choisir, dans la « salade » des théories proposées, celle qui convient le mieux. Mais il y a un fait certain et que je reconnais, c’est qu’on ne précise jamais assez le sens des mots que l’on emploie.

7Science traditionnelle des mages, théosophie, spiritisme

Il est tout d’abord facile de voir que le sens dans lequel je prends le mot occultisme est différent de celui que lui donne PAPUS (le docteur ENCAUSSE) dans son Traité élémentaire de science occulte.

Pour cet auteur et ceux qui pensent comme lui, l’occultisme « partout identique dans ses principes » est un « code d’instruction » qui « constitue la science traditionnelle des mages ». C’est « une tradition de très haute antiquité dont les théories n’ont pas varié dans leur base essentielle, depuis plus de trente siècles ».

Dans l’introduction de son livre sur l’occultisme et le spiritualisme, le même auteur expose bien ses principes et l’origine de la science occulte.

« La voie, dit-il, qui nous a conduit à nos conceptions actuelles, concernant l’Homme, l’Univers et Dieu, est loin d’être nouvelle, puisqu’elle se rattache à ces idées enseignées dans les temples d’Égypte dès 2600 avant Jésus-Christ et qui ont constitué plus tard le platonisme et, en grande partie, le néoplatonisme… Beaucoup de ces chercheurs se sont adressés à cette antique philosophie des Patriarches, des Initiateurs égyptiens de Moïse, des Gnostiques et des Illuminés chrétiens, des Alchimistes et des Rose-Croix, qui jamais n’a varié dans ses enseignements à travers les siècles et qui explique aujourd’hui aussi facilement les faits du spiritisme et de l’hypnose profonde qu’elle expliquait, lors de la dix-huitième dynastie égyptienne, les rapports du Khâ et du Khou, du corps physique et du corps lumineux dans leur action sur le Baï, sur l’Esprit intelligent. Cette philosophie est connue actuellement sous le nom d’occultisme ».

Ce groupe de connaissances sort évidemment du cadre ordinaire de nos sciences.

Quand on s’efforce de discuter les litres d’un groupe de nos connaissances à l’existence scientifique, même éventuelle, on ne peut admettre, comme moyens de démonstration, que l’observation, l’expérimentation, la déduction ou l’induction.

Comme le dit très bien MAXWELL, « l’analogie et les correspondances n’ont pas dans la logique ordinaire la même importance… D’autre part, il ne me paraît pas prudent de considérer comme l’expression de la vérité l’interprétation ésotérique des livres hébraïques. Je ne vois pas pourquoi j’aurais abandonné la croyance en leurs affirmations exotériques pour celle de leurs gloses talmudistes et kabbalistes. J’ai peine à croire que les Rabbis du Moyen Âge, ou leurs prédécesseurs, contemporains d’Esdras, aient eu une notion plus exacte de la nature humaine que nous-mêmes. Leurs erreurs en physique ne sauraient être cautions valables de leur exactitude en métaphysique. La vérité ne saurait être utilement cherchée dans l’analyse d’un livre très beau, mais très vieux ».

« L’occultiste, dit JULES BOIS, ne peut pas se résigner à n’être, comme tout le monde, qu’un chercheur modeste et simple, un fidèle expérimentateur ».

Je ne m’occuperai pas non plus de la théosophie. Ce « curieux mouvement mystique que les enseignements de Mme BLAVATSKY, du colonel OLCOTT et de Mme ANNIE BESANT ont fait naître en Europe et en Amérique » n’est qu’une sorte de religion (une religion irréligieuse dit JULES BOIS), mais n’a rien à voir avec les procédés de la science positive.

Dans mon esprit, le mot « occulte » n’a donc rien de commun avec les mots « dissimulé », « réservé aux initiés », « ésotérique », « hermétiste »….

On peut étudier les phénomènes occultes, jusqu’aux plus complexes comme les matérialisations, sans être occultiste au sens que je viens d’indiquer et sans être théosophe. On peut également les étudier sans être spirite.

C’est là une seconde distinction à faire : il ne faut pas confondre le spiritisme avec l’occultisme (tel que je le définis).

Le spiritisme est une théorie (que je discuterai plus loin) admise par certains auteurs pour expliquer les faits de l’occultisme. Mais on peut étudier les faits sans adopter cette théorie. On peut faire tourner les tables, on peut être médium, on peut même essayer des transmissions de pensée ou des matérialisations, sans évoluer les esprits. Un des buts principaux de ce livre est précisément de prouver la nécessité, qui s’impose à tous les chercheurs sérieux, d’étudier séparément les théories et les faits.

8Surnaturel et miracle

Enfin la question du surnaturel est, elle aussi, absolument distincte de la question de l’occultisme. Le surnaturel, non seulement n’est pas de la science (ce qui le rapproche de l’occulte), mais il n’en sera jamais, et ne peut pas en être ; ce n’est pas du préscientifique (et par là il se sépare absolument de l’occulte).

Comme je l’ai dit ailleurs, le surnaturel n’appartient pas à la biologie et n’est pas par suite de mon domaine. J’ai toujours été grand et convaincu partisan de la séparation complète entre nos divers modes de connaissances. C’est affaire aux théologiens et non aux biologistes de dire et de discuter si, dans un certain nombre de cas plus ou moins analogues à ceux que j’étudie ici, il y a eu intervention d’êtres surnaturels : anges, démons, divinité.

GOUPIL « ne comprend pas » cette manière de voir et la combat : « tout d’abord, dit-il, les théologiens ne sont pas plus avancés que nous et ils n’ont pas démontré l’existence du surnaturel. On ne comprend pas le surnaturel… ».

C’est précisément parce qu’on ne comprend pas scientifiquement le surnaturel que je ne veux pas m’en occuper, ne voulant faire œuvre que de science positive. Que les théologiens aient ou non démontré l’existence du surnaturel, ceci n’est plus mon affaire, puisque je sépare la théologie et la biologie.

Tout chapitre qui, du domaine de la théologie, passe dans celui de la biologie, cesse par là même d’appartenir au surnaturel. Donc, je peux maintenir que la question des anges et des démons reste une question théologique et pas du tout une question biologique. La biologie l’ignore.

Je peux par suite maintenir ces « cloisons étanches » entre nos divers groupes de connaissances, ces Limites de la biologie auxquelles je tiens d’autant plus qu’elles m’ont valu des horions et des sarcasmes dans des camps philosophiques bien opposés, de la part de LE DANTEC et de GASTON MÉRY par exemple.

Je tiens d’ailleurs à faire remarquer qu’en parlant ainsi je ne crois en rien diminuer la valeur de nos connaissances sur le surnaturel. Je dis seulement que cette connaissance est d’un ordre différent de l’ordre scientifique et qu’un miracle susceptible d’être, un jour ou l’autre, scientifiquement expliqué ne serait plus un miracle ; que par suite le surnaturel et le miraclene sont ni scientifiques ni préscientifiques, qu’ils ne rentrent donc pas dans les phénomènes occultes que j’étudie dans ce livre.

 

Le terrain me parait être maintenant bien nettement circonscrit et défini. Je limite l’occultisme à l’étude des phénomènes qui 1° n’appartiennent pas encore à la science, 2° peuvent sans contradiction logique en faire partie plus tard. D’un mot, c’est le merveilleux préscientifique.

CHAPITRE DEUXIÈMEDifficultés que présente l’étude des phénomènes occultes

I.– COMPLEXITÉ DU DÉTERMINISME DES EXPÉRIENCES.

9. Les phénomènes occultes ne peuvent pas être reproduits à volonté.

10. Cependant ce déterminisme expérimental existe et doit par suite être recherché.

II – FRAUDES DES MÉDIUMS.

11. Fraudes en général.

12. Fraudes volontaires et conscientes.

13. Espiègles et névrosés.

14. Exemples de fraudes. Fraudes inconscientes.

15. Conclusions. Précautions à prendre.

IComplexité du déterminisme des expériences
9Impossibilité de reproduire à volonté les phénomènes occultes

On voit, par le chapitre précédent, combien les questions de l’occultisme intéressent tout le monde, combien l’attention est attirée de tous côtés sur leur constatation et leur critique.

Pourquoi donc ce travail de contrôle n’est-il pas encore fait et terminé ? Comment y a-t-il encore de l’occulte, alors que beaucoup de ces faits sont affirmés et ont été observés, non seulement par des hommes d’une absolue et indiscutée bonne foi, mais par des hommes qui, comme WILLIAM CROOKES et CHARLES RICHET par exemple, sont de vrais savants, savent ce que doivent être une méthode et une expérience scientifiques (ils l’ont prouvé par leurs découvertes dans d’autres domaines de la science) ? En quoi et pourquoi la question apparaît-elle donc si difficile ?

La raison de cela est simple. C’est que les phénomènes occultes ne peuvent pas être reproduits à volonté et que par suite on ne peut pas leur appliquer les procédés habituels et rigoureux du contrôle scientifique.

D’abord il faut un médium, c’est-à-dire un individu particulier, à aptitudes spéciales. On ne peut donc pas, à tout coup, avec n’importe qui, faire une expérience dans un laboratoire, quelque bien outillé qu’il puisse être. De plus, quand on a le médium, l’expérience ne réussit pas toujours ; il y a une contingence dans les résultats, une complexité, et, disons-le, un mystère dans le déterminisme, qui multiplient les échecs et enlèvent aux réussites une partie de leur valeur.

MAXWELL, qui, plus que tout autre, s’efforce de soumettre l’étude de ces phénomènes à la « discipline scientifique », reconnaît qu’au moins en apparence ces phénomènes sont « rebelles à cette discipline ».

On peut en effet observer, mais non expérimenter. « Pour expérimenter, il faut connaître les conditions de fait dont l’existence et la réunion ont pour conséquence un autre fait ; or, nous ne connaissons que très imparfaitement ces conditions de fait, antécédents nécessaires du phénomène cherché. Nous sommes dans la situation de l’astronome qui peut placer son œil à l’oculaire de sa lunette et observer le ciel, mais qui ne peut provoquer la production d’un phénomène céleste déterminé ». Ajoutons que la comparaison n’est valable qu’en l’appliquant à la période où l’astronomie n’était pas encore une science mathématique.

Si les savants « veulent a priori établir les conditions de leurs expériences, ils risquent fort de n’avoir aucun résultat appréciable ».

CHARLES EICHET, lui aussi, déclare que « la difficulté d’avoir des expériences précises l’a « longtemps embarrassé » et il ne craint « pas de dire que maintenant encore, après de longues années d’études, elle » lui « paraît des plus sérieuses. De fait, à mesure qu’on multiplie les précautions, les mensurations, les contrôles, il semble qu’on atténue l’intensité des phénomènes… Les instruments scientifiques sont en effet rarement en usage dans les expériences… Il ne faut pas oublier que l’introduction d’une instrumentation nouvelle dans un cercle où s’étaient pratiquées antérieurement, sans instruments, des expériences régulières, apporte tout de suite un très grand trouble et que, par ce fait même, dans la plupart des cas tout phénomène cesse aussitôt… Tout changement aux habitudes des séances paralyse pour un temps les phénomènes… L’immixtion d’une personne nouvelle dans les cercles spiritiques apporte, dit-on, le même trouble que l’introduction d’un appareil nouveau… Il est même possible que la mentalité des expérimentateurs exerce une influence décisive sur la marche des phénomènes. Le scepticisme, le doute, le manque de confiance dans les médiums apportent peut-être une sorte d’action paralysante… L’autre objection, non moins grave, c’est que, dans des conditions identiques, les résultats ne sont pas toujours identiques ; de sorte que l’expérience ne peut pas être répétée à volonté… Le spiritisme n’est pas encore arrivé à la période scientifique d’expérimentation. Cette incertitude des conditions jette l’incertitude sur la science même. »

10Ce déterminisme expérimental existe cependant et doit par suite être recherché

La constatation de CHARLES RICHET est très juste et j’ai tenu à montrer avec quelle conscience elle est faite par ceux qui paraissent les plus indulgents à l’occultisme. C’est bien là une difficulté très réelle dans l’étude de l’occultisme. Mais ce n’est pas une difficulté insurmontable, une fin de non-recevoir définitive.

Si ces phénomènes existent vraiment, ils ont leur déterminisme. Ce déterminisme est complexe, encore inconnu ; mais il existe, si ces faits sont réels. Il ne faut donc pas désespérer de le découvrir. En tout cas, on a le droit de le rechercher.

Pour expliquer cette impossibilité actuelle d’expérimenter sur ces phénomènes, MAXWELL dit : « on veut convaincre en indiquant les conditions précises de l’expérience ; les gens que l’on veut convaincre ainsi sont justement ceux qui sont le plus mal préparés à juger des conditions où les expériences psychiques se réalisent. Ce sont des physiciens ou des chimistes et la matière vivante ne réagit pas comme la matière inorganique ou comme les substances chimiques. » Rien de plus juste. Elle réagit différemment, mais elle réagit fatalement, elle aussi ; donc, avec un déterminisme précis.

Il y a bien des phénomènes biologiques dont on connaît le déterminisme et qu’on sait reproduire. Toute la physiologie est basée sur l’expérimentation, plus encore que sur l’observation. Le déterminisme biologique est évidemment beaucoup plus complexe et par suite plus difficile à analyser que le déterminisme physicochimique. Mais il n’est pas inaccessible aux procédés d’étude de la science positive. CHARLES RICHET le sait et l’a démontré plus que quiconque.

Même, parmi les phénomènes biologiques, les phénomènes psychiques, qui sont beaucoup plus complexes, peuvent être scientifiquement étudiés.

PAPUS oppose, par les caractères indiqués plus haut, le fait psychique au fait physiologique. Ceci n’est exact que si on fait du mot psychique un synonyme d’occulte. Mais c’est là un sens que je me refuse à accepter. Je crois plus sage de laisser aux mots « psychisme » et « psychique » leur ancien sens traditionnel et classique : j’appelle psychiques un acte, un phénomène… dans lesquels il y a de la pensée, de l’intelligence. C’est dire que je ne donne pas à ce mot le sens qu’il a dans le litre du livre de MAXWELL ou des Annales de DARIEX.

En conservant ainsi au mot psychique son sens étymologique, on ne peut plus l’opposer au mot scientifique. Car on peut bien dire qu’il y a aujourd’hui une étude expérimentale et scientifique du psychisme, des fonctions et des faits psychiques, voire même des centres psychiques.

D’ailleurs, ce qui s’est passé pour l’ancien occultisme (celui que j’étudierai dans la deuxième partie de ce livre), pour les phénomènes, autrefois occultes, aujourd’hui « désaffectés, est singulièrement instructif. Pour l’hypnotisme, pour les tables tournantes, pour le cumberlandisme avec contact… il faut bien un sujet, un médium, et cependant on est arrivé à en connaître le déternisme expérimental et à les faire entrer dans la science positive.

En tout cas, il ne faut pas se lasser de le redire parce que là est le nœud de la question, l’existence des phénomènes occultes ne sera scientifiquement et définitivement établie que quand on aura fait pour eux ce que CHARCOT et BERNHEIM ont fait pour l’hypnotisme, quand on en aura fixé le déterminisme.

Il y a trois ou quatre ans, CHARLES RICHET m’écrivait : « j’ai par devers moi, depuis quelques mois, quelques faits qui me semblent délier toute critique. Ils n’ont qu’un tort, c’est d’être non répétables et uniques, de sorte que ce n’est pas encore le moment scientifique et je ne les publie pas. »

On ne saurait mieux dire. Il faut arriver à la constatation du fait scientifiquement répétable ; jusque-là il n’y a rien de fait.

IIFraudes des médiums
11Fraudes en général

Une autre difficulté, grave entre toutes, vient encore décourager les travailleurs : ce sont les fraudes des médiums.

Il ne faut rien exagérer et il serait ridicule de poser d’emblée, comme un axiome, que tous les médiums fraudent et surtout de dire qu’ils fraudent toujours, alors même qu’ils sont convaincus d’avoir fraudé quelquefois. Mais enfin il est certain que les fraudes existent et sont fréquentes.

Elles sont d’ailleurs de deux genres : les unes sont conscientes et volontaires, les autres sont involontaires et inconscientes. MAXWELL en admet aussi de mixtes : il y en a en effet de conscientes involontaires.

Ainsi certains sujets veulent tromper, trompent sciemment. D’autres trompent uniquement par leur psychisme inférieur désagrégé dans la transe : ce sont des fraudeurs polygonaux. Toute personne d’absolue bonne foi qui fait tourner une table est un fraudeur inconscient. Enfin d’autres trompent polygonalement, mais s’en aperçoivent avec leur centre supérieur O.

On voit que, dans certains de ces cas, je détourne le mot fraudes de son vrai sens. Il n’y a fraude, à proprement parler, que s’il y a intention de tromper. Or, il est évident que le médium qui trompe uniquement avec son polygone n’a aucune intention de tromper ; de même pour l’escamoteur qui dissimule, de son mieux, son truc, mais ne prétend pas faire de l’occultisme et ne dissimule pas qu’il a un truc.

Je maintiens le mot, avec ces réserves, parce qu’il est bon de grouper dans un même chapitre toutes ces causes d’erreur, qui sont le plus tenace cauchemar de tous ceux qui étudient ces phénomènes.

12Fraudes volontaires et conscientes

La fraude volontaire et consciente est celle du professionnel des foires et des représentations, du prestidigitateur, de tous ceux qui ont des trucs. Dans le paragraphe de la lecture de la pensée, je parlerai de quelques expériences faites dans ces conditions.

Comme ces trucs sont souvent très difficiles à reconnaître par le spectateur, alors même que le prestidigitateur lui-même en avoue l’existence, toutes les expériences faites avec des sujets de ce genre, avec les professionnels des foires ou des théâtres, sont a priori frappées de suspicion.

Je rappellerai quelques faits, restés célèbres à ce point de vue.

En 1892, le Daily Telegraph raconta les expériences absolument extraordinaires faites à l’Alhambra de Londres par ANNIE ABBOTT the little Georgia Magnet, qui mettaient « en évidence » chez ce sujet « un pouvoir qui l’eût certainement conduite au bûcher si elle eût vécu au temps de l’inquisition ». Le « petit aimant » secoue violemment de droite et de gauche une chaise et un homme vigoureux qui résiste ; six hommes ne peuvent pas la soulever de terre. Prenant une queue de billard entre ses mains ouvertes, elle se met sur un pied et sept hommes ; saisissant la queue de billard ; tentent vainement de lui faire perdre l’équilibre… – Le Dr HENRI GOUDARD assiste à ces expériences au Casino de Paris, les contrôle de très près et conclut que c’est là un médium actif entrant volontairement en transe et conservant, dans cette transe, les apparences de la veille, les relations normales avec le milieu ambiant et une grande puissance magnétique.

OLIVER LODGE a soumis tous ces « tours de force de miss ABBOTT » à une analyse très scientifique et est arrivé à démontrer que dans ces expériences il n’y avait absolument rien d’occulte ni de magnétique : tout était dû à la force et à l’habileté du sujet. Cela appartient à la prestidigitation, non à l’occultisme.

HYSLOP, après une étude très consciencieuse du cas, a confirmé les assertions de LODGE et conclu plus sévèrement : « je ne m’étendrai pas davantage sur ces tours. J’en ai dit assez pour démontrer leur caractère frauduleux et l’on ne peut que regretter que des hommes comme le Dr CHARCOT aient été complètement dupés, au point de supposer que Mrs ABBOTT exerçait une influence hypnotique inconsciente sur ceux avec qui elle expérimentait. Ses tours sont simplement de vulgaires et grossières manières de jongler avec les lois ordinaires de la mécanique. D’après mes expériences, il n’y a aucun doute que Mrs ABBOTT ne pratique couramment le mensonge ; car je l’ai prise sur le fait nombre de fois. Cela seul devrait discréditer ses prétentions, même si nous ne pouvions expliquer ces tours. »

 

KELLAR, prestidigitateur très connu, vers 1895, en Amérique et ailleurs, fait des expériences d’écriture directe avec le médium anglais W. EGLINTON, imite avec grand succès l’écriture sur ardoises et finalement se fait « fort d’imiter n’importe quel phénomène médianimique après l’avoir vu trois fois ».

 

Un des plus célèbres exemples de prestidigitateur ayant parfaitement imité les phénomènes médianiques est certainement DAVEY. Il a surtout fait des écritures directes sur l’ardoise.

HODGSON a spécialement décrit les trucs de DAVEY (que je ne peux décrire ici et que l’on trouvera dans le mémoire cité en note) dans les trois groupes suivants d’expérience : 1° l’écriture sur la surface supérieure d’une ardoise appliquée sous la table ; 2° l’écriture sur la surface supérieure de l’ardoise de dessous, quand deux ardoises étaient placées ensemble sur la table ; 3° l’écriture dans l’ardoise fermée à clé de DAVEY. HODGSON décrit notamment « la méthode habituelle qu’employait DAVEY pour substituer l’une de ses ardoises fermées à clé à l’autre » dans ce troisième type d’expérience, qui était son « invention favorite ». – Parlant de ces expériences avec les ardoises, « c’est un phénomène trop facile à frauder, dit MAXWELL, pour que j’aie jusqu’à présent essayé sérieusement de l’obtenir… J’ai moi-même, il y a fort longtemps, produit artificiellement ce genre de manifestation en fixant un crayon dans un trou sous la table et, en mettant l’ardoise en mouvement. Avec un peu d’habitude on arrive à très bien écrire. »

DAVEY a frauduleusement aussi produit des raps et des matérialisations. HODGSON décrit une séance, bien instructive, dans laquelle lui-même (HODGSON) fit le compère, entrant pieds nus, soulevant la boîte à musique en l’air, frappant le plafond avec un long bâton, touchant la main des assistants avec sa propre main (préalablement trempée dans l’eau froide), faisant raisonner un gong, faisant un fantôme avec un masque entouré de mousseline enduite de peinture lumineuse, faisant lui-même un second fantôme avec un turban et une fausse barbe et un livre lumineux… et il publie le récit palpitant de cette même séance par un spectateur naïf qui était sorti convaincu qu’il avait assisté à une vraie séance de matérialisation.

 

Dans le même travail, HODGSON parle aussi de W.S. DAVIS, de New-York, qui « a donné quelques séances considérées comme particulièrement remarquables par divers spiritualistes de New-York et de Brooklyn et dont de courts récits ont paru dans quelques journaux spiritualistes ». Il « exprima le désir de donner une séance dans des conditions rigoureuses de contrôle et de la laisser juger par un comité. Cette offre fut acceptée. » L’expérience eut lieu, réussit très bien. Le compte rendu en fut publié sous le titre « Un succès ». Or, DAVIS déclara lui-même que tout avait été de la supercherie et il dévoila ses trucs. Il décrivit notamment la manière de se faire attacher et de se détacher comme les frères DAVEMPORT…

Tous ces prestidigitateurs en imposent tellement aux spectateurs et leurs expériences ressemblent tellement à celles des médiums que certains croyants (comme T.W. dans Light du 24 octobre 1891) affirment, « sans tergiversation, que les prestidigitateurs ont utilisé le spiritisme physique. T.W. fait allusion au tour de la pièce de monnaie de Bosco, qu’il semble considérer comme impliquant la médiumnité » ; et, en parlant du fameux prestidigitateur DUPUY, il dit : « j’ai vu des expériences il y a quelques années et… je crois qu’il ne fait guère un tour sans être aidé ou supplanté par une force invisible ».

De ces déclarations que HODGSON déclare « absurdes », je conclus simplement que les prestidigitateurs peuvent admirablement imiter et reproduire les phénomènes occultes.

13Espiègles et névrosés

À côté des prestidigitateurs et escamoteurs avoués, il y a les espiègles et les hystériques qui trompent pour se moquer ou par maladie. Tels : le professeur BIANCHI qui « pour s’amuser de son confrère LOMBROSO » a « lui-même fraudé un phénomène » dans une séance avec EUSAPIA PALADINO ; et l’étudiant en médecine observé par MAXWELL, qui était un fraudeur incorrigible.

Il faut évidemment se méfier énormément, dans ces expériences, de toutes les névroses à mensonges et à tromperie : l’hystérie est au tout premier rang dans ce groupe.

14Exemples de fraudes. Fraudes inconscientes

Conscients, inconscients ou mixtes, nombreux sont les médiums que l’on a convaincus de fraude, au moins dans un certain nombre d’expériences.

Le 17 décembre 1904, est morte en Allemagne ANNA ROTHE, le « médium aux fleurs », célèbre par ses apports de fleurs et de fruits. La police prussienne et l’empereur Guillaume lui avaient fait intenter un procès retentissant, dans lequel il a été démontré qu’elle avait fraudé, au moins dans un grand nombre de circonstances. D’ailleurs « jamais elle ne consentit à se soumettre à l’examen de commissions scientifiques, dont le verdict affirmatif aurait pourtant eu pour elle une si grande valeur au moment des attaques d’une violence inouïe auxquelles elle fut en butte ». Les « pouvoirs médianiques » qui disparurent dans la prison reparurent ensuite : « raps, transe, apports de fleurs, même à son lit de malade », jusqu’à trois semaines avant sa mort.

 

Le médium australien BAILEY avait réussi, dans son pays, des apports si extraordinaires que la Société d’études psychiques de Milan l’a fait, à ses frais, venir en Europe. L’organe de la Société Luce e ombra a rendu compte des expériences faites dans cette ville.

C. DE VESME, qui a soumis ces expériences à une critique rigoureuse, constate que cette « série de dix-sept séances, paraissant s’être déroulées dans les meilleures conditions, n’a guère laissé derrière elle que de l’incertitude et de la défiance ». BAILEY opérait toujours dans l’obscurité et n’a jamais voulu être déshabillé complètement avant les séances, craignant, disait-il, de prendre froid. « Une fois, en Australie, il se laissa dévêtir complètement et il en est tombé malade ». On ne l’a jamais ligoté ; on l’enfermait dans un sac en satin noir très léger avec des manches, lui laissant les bras libres. Un jour, à Rome, en le touchant tout le long de son corps, on crut découvrir une « substance dure » que BAILEY « déclara être une loupe qu’il avait depuis des années déjà ». Or, jamais, dans les comptes rendus de la Commission de Milan, il n’est question de cette loupe. D’ailleurs on avait oublié, à Rome, de rechercher, à la fin de la séance, si la loupe existait encore ou non. Des objets apportés dans certaines séances se dématérialisaient ensuite : et jamais on n’a fouillé BAILEY après la séance. Les oiseaux qu’il « apporte » de l’Inde sont asphyxiés ou morts ; on ne peut pas obtenir des animaux n’existant pas en Italie ; la pâte que l’esprit d’une femme hindoue apporte « est complètement composée de farine, de celle qui sert à faire le pain ordinaire ». Une inscription babylonienne attribuée au roi Sargon (600 ans avant Jésus-Christ) est ensuite datée de 750 ou 760 avant Jésus-Christ (soit 150 ans avant le règne de son auteur) ; des tablettes de terre cuite avec des caractères babyloniens et des monnaies anciennes de l’Égypte et de l’Inde sont reconnues, au British Museum, pour n’être que des imitations ou des pièces « sans rareté et sans valeur, que l’on pouvait se procurer pour quelques sous… ».

Quand on veut multiplier les précautions de surveillance, on a des séances déplorables. Après l’une d’elles, BAILEY « prétextant des affaires de famille » repartit pour l’Australie… On comprend qu’ANTONIO FOGAZZARO, le romancier italien qui assista à plusieurs de ses séances, ne trouva pas « sérieuses » les manifestations médianiques ainsi obtenues.

 

SLADE, « l’un des plus célèbres médiums parus dans la deuxième moitié du siècle dernier », a fait des expériences avec AKSAKOFF, qui « déterminèrent la conversion des professeurs ZOELLNER, W.-E. WEBER, SCHEIBNER, E.-H. FICHTE » et furent « suivies de polémiques restées fameuses dans les fastes du spiritisme et auxquelles participèrent des hommes comme WUNDT, HELMHOLTZ, etc. ».

Il avait pour spécialité l’écriture directe sur les ardoises. HODGSON a montré qu’il employait des trucs analogues à ceux de DAVEY. Un jour, à Londres, « le médium venait à peine de placer sous la table l’ardoise, lorsque LANKESTER la lui arracha des mains et constata qu’elle contenait déjà de l’écriture ». Ce fut le point de départ d’un procès qui a fait beaucoup de bruit.

CHARLES ELDRED, de Clowne, a réussi de curieuses matérialisations, avec d’autant plus de garanties qu’il n’était « évidemment pas un médium professionnel ».

À Clowne, devant M. et Mme LETORT, à chacune des séances, « Arthur, le frère du médium, mort depuis longtemps, et son principal inspirateur, se matérialisant effectivement, allait et venait de la salle au cabinet en notre présence. Il resta parmi nous, chaque soir, pendant une durée de dix à quinze minutes. Il nous montra ses bras nus, nous donna des poignées de main, nous fit toucher ses magnifiques vêtements blancs et se promena à travers la pièce. » Il remit deux « lumières d’esprit… disques lumineux, ressemblant à de l’albâtre, une substance dure ayant la dimension, à peu de chose près, d’une pièce de cinq francs ». Parfois il se dématérialisait et semblait « sombrer dans le parquet… À chaque séance, huit à neuf esprits se matérialisèrent ». Dans l’un d’eux, Mme BOSSET reconnut sa mère ; dans d’autres, M. LETORT reconnaît sa vieille nourrice, son enfant… Plusieurs photographies sont prises. – À Nottingham, avec le même médium, le contre-amiral W. USBORNE MOORE voit matérialiser une de ses proches parentes récemment décédée qui avait antérieurement manifesté le désir de lui apparaître…

Mais CHARLES ELDRED était devenu un professionnel « assisté par un manager