La Conciergerie - épisode d'une vie obscure - Ligaran - E-Book

La Conciergerie - épisode d'une vie obscure E-Book

Ligaran

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Beschreibung

Extrait : "J'avais seize ans, lorsque je vis pour la première fois la Conciergerie. Quelle prison c'était alors ! une prison de l'ancien régime, belle d'horreur, hideuse de poésie ! un amas de cachots ; un dédale de corridors sombres et de voûtes infernales ! Du front vous touchiez la poutre qui écrasait le guichet d'entrée ; ployé en deux, vous aviez peine à le franchir. Un réverbère, à la clarté rouge, brûlait éternellement sous le porche."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

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Seitenzahl: 46

Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335087222

©Ligaran 2015

La Conciergerie

(ÉPISODE D’UNE VIE OBSCURE.)

J’avais seize ans, lorsque je vis pour la première fois la Conciergerie. Quelle prison c’était alors ! une prison de l’ancien régime, belle d’horreur, hideuse de poésie ! un amas de cachots ; un dédale de corridors sombres et de voûtes infernales ! Du front vous touchiez la poutre qui écrasait le guichet d’entrée ; ployé en deux, vous aviez peine à le franchir. Un réverbère, à la clarté rouge, brûlait éternellement sous le porche. Là, il y avait encore des faces noires de geôliers, des paquets de clefs retentissantes, des barreaux de fer obstruant l’air et la lumière ; je m’en souviendrai toujours : de telles images ne périssent point dans la mémoire ; elles projettent leur ombre sur toute une vie. Elles forment un homme, ou l’écrasent, font germer son intelligence, ou la tuent. Les plus tendres et les plus amères de mes pensées se reportent vers ces voûtes obscures.

Mille huit cent quinze et la Conciergerie, deux traces profondes, ne s’étaient point effacées en 1831, sous des chagrins qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ou de décrire, sous l’expérience cruelle d’une vie sans protecteur et sans lien ; sous des regrets et des désappointements que nous croyons notre apanage, et qui sont le lot de tous ; sous le poids de quinze autres années solitaires, agitées ou douloureuses.

Je voulus visiter encore ce cachot où j’avais passé deux mois ; c’était un besoin d’âme, un retour vers des temps écoulés, vers des biens perdus, vers ceux qui vivaient en 1815, et auxquels je survivais seul. Dieu sait, en quinze années, que de tombes surgissent autour de l’homme ! La grille où ma mère avait pleuré devait me parler d’elle ; cette obscurité, confidente de mes timides et profondes tendresses, allait rouvrir dans mon cœur une source d’émotions, que le monde glace sans la tarir. Je me trompais. Le temps, qui change les hommes, bouleverse les pierres. La prison de 1815 avait disparu ; je vis la nouvelle Conciergerie de 1831, et ne retrouvai plus ma geôle : ce fut une douleur pour moi.

Où étiez-vous, Conciergerie noire et lugubre, témoin impassible de toute la révolution ; escaliers tortueux, couloirs suintant d’une humidité de sépulcre ? Voici une prison qui ressemble à un hospice bien tenu : cette poésie funèbre s’est évanouie ; tout s’est civilisé. Le changement social, qui met aujourd’hui de niveau la roture et la noblesse, la boutique et le salon, est venu donner un aspect identique à la maison de châtiment et à la retraite du malheureux que recueille la charité publique ; la santé des hommes respectée, leur repos et leur sommeil protégés ; leur vie, même criminelle, soigneusement conservée ; attestent le progrès éternel des sociétés, qui se perfectionnent en paraissant se suicider. J’avouai l’amélioration ; mais combien j’eusse voulu me retrouver, quelques heures seulement, dans cette cave, où mille huit cent quinze m’avait jeté, pauvre enfant, accusé sans preuve, criminel d’état en suspicion, chétive victime de ces précautions politiques qui ont, à tort et à travers, frappé des têtes glorieuses et obscures, sans parvenir à leur but, sans soutenir les républiques ruineuses ou les trônes tombants !

Je suis fâché d’être obligé de parler de moi. Dès que vous entrez dans cette route égoïste, votre personnalité vous saisit et vous domine ; elle vous entraîne malgré vous. Comment expliquer ce que vous avez à dire, le présenter sous son vrai jour ; l’offrir dans sa réalité ; sans se livrer à cet insupportable détail de circonstances toutes individuelles ? Le moi devient votre tyran, il vous presse en dépit de vous-même ; il vous enivre de sa nécessité, et vous accable de son poids. Au surplus, rien d’héroïque ne se mêle, j’en préviens d’avance, aux évènements que je vais raconter. S’il est question de moi, ce n’est point ma faute. Je roulai ballotté par la tourmente politique, comme le brin de paille qu’emporte l’ouragan ; il s’empara de ma vie, et fut sur le point de la briser, mais je ne le provoquai pas ; si je le bravai, ce fut enfantillage romanesque, plutôt que force et courage. Que l’on se garde d’imputer à un vain amour-propre, à un besoin puéril de me mettre en scène, les souvenirs que je vais tracer. Je placerai sous les yeux du lecteur la Conciergerie de 1815 en contraste avec celle de 1831 ; deux prisons séparées par quinze années, deux points de comparaison carieux entre deux époques si rapprochées et si diverses. Que l’on cherche là, et non dans une sotte personnalité, le véritable intérêt de ce récit.

Au mois d’avril et de mai 1815, il y eut plusieurs conspirations dans Paris : mal tramées, mal tissues, préparées par des insensés, aidées par les hommes qui devaient les punir ; car c’est là le dernier raffinement de la politique. Je ne me doutais point que mon nom figurerait dans ces listes. Mon père, mutilé et en retraite, vivait avec sa famille, dans une solitude profonde, à l’extrémité de Paris. Là le fracas des guerres, des triomphes, des défaites, des monarchies réformées, abattues, relevées, nous arrivait comme le tumulte d’une grande ville en proie aux flammes, bruit au loin, et réveille l’ermite dans son rocher. J’étais, je l’avouerai, beaucoup plus occupé de l’Allemagne, par madame de Staël, livre qui venait de paraître, que de toutes les conspirations de l’Europe. Mes études étaient terminées ; mon père, jugeant bien l’état du monde civilisé, surtout celui de la France, n’y vit que fortunes croulantes, positions incertaines, avenir menaçant, nuages et foudres, couronnes aussi chancelantes que la hutte du paysan sur les Alpes, quand souffle l’orage. Je ne voulais pas le croire ; la sagacité de sa vieillesse était prophétique !