La Conformité bancaire au Sénégal et dans la Zone UMOA - Sylla Moussa - E-Book

La Conformité bancaire au Sénégal et dans la Zone UMOA E-Book

Sylla Moussa

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Beschreibung

Depuis juin 2022, la Commission bancaire de l’UMOA, le superviseur des banques de l’espace UMOA, a infligé des sanctions disciplinaires — blâme — et financières — jusqu’à 300 millions de francs CFA — à plusieurs banques de la Zone pour manquements à divers textes réglementaires. Ceux-ci sont relatifs au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, au dispositif de gouvernance, au dispositif prudentiel, à la réglementation sur les relations financières extérieures de l’Union…

Cela montre que plus que jamais, la conformité est au cœur des enjeux bancaires. Elle n’est pas un coût, mais un investissement qui protège une banque, sa réputation, sa stabilité financière.
Le but de cet ouvrage est d’aider les banques sénégalaises et celles de la zone UMOA à mettre en place et appliquer un dispositif de conformité qui respecte les différents textes en vigueur. Il aborde diverses thématiques comme la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la lutte contre la corruption, la mise en place d’un dispositif de gouvernance conforme aux textes en vigueur, la protection de la clientèle et des données à caractère personnel, la lutte contre l’évasion fiscale (notamment le respect de la réglementation FATCA et des dispositions de la loi de finances rectificative de juillet 2021), les comptes en devises et les comptes de non-résidents, la gestion des dysfonctionnements de conformité…

Ce livre met l’accent sur la pédagogie, avec des exemples concrets, et les bonnes pratiques locales et internationales afin d’aider les banques de la Zone UMOA à se conformer à leurs obligations réglementaires.


À PROPOS DE L’AUTEUR

Moussa Sylla est un professionnel de la conformité, avec plus de cinq ans d’expérience dans le domaine. Il a été tour à tour chargé de conformité, Responsable Service LAB/FT et Veille réglementaire, Directeur de la Conformité, dans trois banques différentes. Il est aussi l’auteur de plusieurs publications sur la conformité.
http://linkedin.com/in/moussasylla
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MoussaSYLLA

La Conformité bancaire au Sénégal et dans la ZoneUMOA

Comment les banques sénégalaises et celles de la Zone UMOA peuvent-elles mettre en place et appliquer un dispositif de conformité?

« Le coût de la non-conformité est énorme. Si vous pensez que la conformité coûte cher, essayez la non-conformité ! »

Général Paul McNulty,

ancien procureur adjoint des États-Unis

Introduction

Depuis juin 2022, la Commission bancaire de l’UMOA, le régulateur des banques de l’espace UMOA – Union monétaire ouest-africaine –, a infligé des sanctions disciplinaires – blâme – et financières pour des montants allant jusqu’à 300 millions de francs CFA à des banques de la zone pour manquements à divers textes réglementaires. Ces manquements concernent notamment les réglementations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le dispositif de gouvernance, les relations financières extérieures de l’Union, et le dispositif prudentiel. Ce montant de 300 millions représente le seuil maximal d’amendes défini par l’instruction n° 006-05-2018 du 16 mai 2018 fixant les modalités d’application des sanctions pécuniaires prononcées par la Commission bancaire de l’UMOA à l’encontre des établissements de crédit de l’UMOA. Cela montre que plus que jamais, la conformité est au cœur des exigences bancaires.

Déjà, en octobre 2003, le Comité de Bâle, dont la mission est de « soutenir la poursuite de la stabilité monétaire et financière par les banques centrales par le biais de la coopération internationale, et agir en tant que banque pour les banques centrales »1, avait publié un document intitulé « The Compliance function in banks ». Au paragraphe 2 de l’introduction, il est écrit :

« La conformité envers les lois, les règles et les normes contribue à maintenir la réputation d’une banque, et ainsi répondre aux attentes de ses clients, des marchés et de la société en général. Bien que le respect des lois, des règles et des normes ait toujours été important, la gestion des risques de conformité s’est formalisée au cours des dernières années et a émergé en tant que discipline distincte de la gestion des risques. »2

En son principe 53, « The bank’s compliance function should be independent »4, le document précité recommande que la fonction conformité au sein des banques et autres institutions financières soit indépendante et effectue des tâches exemptes de conflits d’intérêts – des tâches non opérationnelles en d’autres termes –, parce que son efficacité en découle. Cela lui permet d’accomplir son travail, sans entrave ni pression. Qu’est-ce qu’une fonction conformité indépendante ? Le Comité de Bâle la définit comme :

« Une fonction indépendante qui identifie, évalue, conseille, contrôle et effectue des reportings sur le risque de conformité de la banque, c’est-à-dire le risque de sanctions, pertes financières ou atteinte à la réputation qu’une banque peut subir en raison du non-respect des lois, réglementations, codes de conduite et normes de bonne pratique («lois, règles et normes»). »5

Les différents régulateurs des banques dans le monde étaient tenus de se conformer à ces nouvelles normes promulguées par le Comité de Bâle. Parmi eux, la Commission bancaire de l’UMOA (COBA). Elle édicta, en 2011, la circulaire 03/2011 relative au contrôle interne dans les banques de la zone UMOA6. En ses articles 27 à 29, cette circulaire traite du risque de non-conformité, ce qui représente 3 articles sur 38, un ratio très faible (un peu moins de 8 % du total).

Articles 27, 28 et 29 de la circulaire 03/2011 relative au contrôle interne dans les banques de la zoneUMOA

En 2017, la même COBA publia la circulaire 05/2017/CB/C relative à la gestion de la conformité aux normes en vigueur par les établissements de crédit et les compagnies financières de l’UMOA, qui abrogea celle de 2011 relative au contrôle interne dans les banques de la zone UMOA. La nouvelle circulaire impose, en son article 5, à l’organisme exécutif7 des banques et autres établissements financiers de la zone UMOA, de « mettre en place une fonction conformité permanente dont les activités sont exécutées conformément aux dispositions de la présente circulaire ».

L’édiction de cette nouvelle circulaire accrut l’importance de la fonction conformité au sein des banques de la zone UMOA. Elle entraîna aussi un changement de paradigme : la conformité n’était plus une option comme auparavant, mais devenait une obligation. Paradoxalement, tandis que l’on parle de plus en plus de la conformité dans la zone UMOA, il y a peu de documents disponibles pour aider les professionnels à bien effectuer leur travail. Il existe un corpus de textes réglementaires qu’il faut lire, mais une faible vulgarisation de la thématique.

Il y a quatre ans, j’avais commencé à rédiger des textes sur différentes thématiques de la conformité. J’ai eu l’idée de ce projet en constatant que je recevais beaucoup de courriels, sur le réseau social professionnel LinkedIn, de personnes souhaitant en savoir plus sur la compliance. Le premier article que je publiai s’intitulait : « Pourquoi la compliance est un bien nécessaire ? »8. J’y expliquais succinctement divers thèmes de la conformité bancaire, comme la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la protection des données personnelles et le secret professionnel, la lutte contre l’évasion fiscale, la protection de la clientèle… Après cette publication, maintes personnes me contactèrent pour que je continue le chantier afin de permettre la vulgarisation de la conformité, la rendre plus compréhensible pour les profanes et donner aux professionnels du secteur bancaire sénégalais et ouest-africain un document de référence sur le sujet.

Ce fut le début d’un passionnant travail de recherche. Rétrospectivement, je me rends compte aujourd’hui que ce chantier m’a permis d’améliorer grandement mes connaissances des différents sujets qui constituent la conformité. Cette dernière englobe plusieurs thématiques, parce qu’à la limite des droits et réglementations nationaux, communautaires et internationaux, des relations internationales, des ressources humaines, de la finance, de la comptabilité…

J’avais un jour passé un entretien dans une banque pour le poste de chargé de conformité. L’un des recruteurs me posa la question suivante : « Qu’est-ce qu’une déclaration systématique ? ». J’ignorais la réponse. Je pris alors conscience que j’avais une connaissance très réduite de la conformité et devais y remédier en m’épanchant sur les textes, en lisant des ouvrages.

Au mois d’août 2021, j’avais regroupé dans un ouvrage numérique tous mes écrits sur le sujet (je n’en avais pas encore publié la plupart, et avais réécrit et mis à jour ceux qui l’avaient déjà été). J’avais fait paraître dans un premier temps un livre électronique, parce que j’avais décidé d’adopter la démarche « Produit minimum viable (PMV) », popularisée par Eric Ries dans son livre Lean Startup.

Je procédais comme le créateur de startup à qui « le produit minimum viable aide à lancer son processus d’apprentissage par feed-back le plus rapidement possible »9. Je savais que les nombreuses suggestions et critiques des lecteurs (souvent plus experts que moi) me donneraient des pistes pour quand j’écrirais l’ouvrage physique et ainsi me permettraient de l’améliorer par rapport à la version numérique. Comme écrit encore par Eric Ries : « Les premiers produits n’ont pas à être parfaits » et « même un PMV de basse qualité peut rendre service dans la production d’un produit de très grande qualité ». Il suffit de remplacer le terme « produit » dans ces citations par celui de « livre », et vous comprendrez ma démarche.

La conformité bancaire est un métier qui recrute beaucoup aujourd’hui, la demande de spécialistes y est très forte. Je lisais, il y a quelques mois, dans un article du Wall Street Journal, « Competition for compliance officers intensifies amid regulatory pressures », que : « Les entreprises (américaines) essaient d’attirer du personnel de conformité en leur proposant des augmentations de salaire, la possibilité de faire du télétravail et des participations dans le capital de l’entreprise »10. Cette situation se présente également dans la zone UMOA ; le besoin de personnel qualifié en conformité y est aussi prégnant qu’aux États-Unis. Toutes les banques veulent recruter des experts en conformité, car elles ont compris qu’aujourd’hui, se conformer aux lois et aux réglementations est une nécessité et un moyen de jouir d’une bonne réputation auprès de leur clientèle et des régulateurs.

Cette situation est exacerbée par la vague de sanctions disciplinaires et pécuniaires contre les banques entamée depuis juin 2022, comme nous l’avons vu plus haut, par la Commission bancaire de l’UMOA.

Ces sanctions et amendes, même si anonymes pour le moment, peuvent entraîner des risques importants pour la réputation, surtout quand les noms des banques seront publiés. La question qu’une banque doit se poser est : n’est-il pas plus rentable de mettre en place une fonction conformité performante et de la doter des ressources humaines et matérielles suffisantes pour qu’elle puisse effectuer son travail, et ainsi la protéger et la préserver des sanctions et amendes ? Cela revient moins cher que d’être sanctionnée pour des montants pouvant aller jusqu’à 300 millions et se retrouver à la une des journaux et des réseaux sociaux pour de mauvaises raisons.

Très souvent, on me demande : « De quoi avons-nous besoin pour réussir dans la fonction conformité, comment devenir un bon chargé de conformité ? ». Je réponds invariablement qu’il faut toujours lire, faire preuve de curiosité, car la réglementation change tout le temps. Aussi est-il important de constamment se mettre à jour. Je ne crois pas que l’on puisse réussir dans ce domaine sans embrasser l’apprentissage permanent. J’ajoute qu’il faut aussi comprendre les produits et services qu’offre son entreprise : cela permettra d’identifier ceux qui sont les plus risqués du point de vue du risque de conformité et de concentrer ses ressources sur eux pour les mitiger. Nous reviendrons plus en détail dans cet ouvrage sur cette approche, appelée « approche basée sur les risques ».

Un analyste conformité doit comprendre que les collaborateurs des autres services se tourneront spontanément vers lui quand ils ne comprendront pas une norme, une réglementation. C’est son rôle de les accompagner ; s’il ne maîtrise pas la réglementation, il leur transmettra des informations erronées. En outre, il est important qu’il fasse preuve d’empathie et ne reste pas obtus. Cela demande de la pédagogie et une ouverture d’esprit. Il ne doit pas être laxiste dans l’application de la réglementation, mais doit toujours rester à l’écoute de ses interlocuteurs pour trouver des solutions aux problèmes auxquels ils font face, sans violer les règles en vigueur.

Au moment de terminer l’ouvrage numérique, le Sénégal avait voté la loi de finances rectificative de juillet 2021. Cette loi s’apprêtait à entraîner d’importants changements pour les banques (et même pour toutes les entreprises, avec l’obligation de tenir un registre de leurs bénéficiaires effectifs). J’ai dû presque réécrire totalement le chapitre « Lutte contre l’évasion fiscale ». Cela montre la nécessité de se tenir informé des nouvelles dispositions réglementaires, ce qui fait partie des rôles de la fonction conformité d’après la circulaire qui la régit au sein de la zone UMOA :

« Recenser les normes en vigueur

La fonction conformité doit recenser et communiquer à l’ensemble du personnel concerné les normes en vigueur régissant l’exercice des activités de l’établissement. »

Cet ouvrage est divisé en quinze chapitres :

•Brève histoire de la conformité. Nous ferons l’historique de la fonction conformité au sein des banques, et les principaux événements qui ont permis son développement et son essor.

•Présentation du Sénégal et de la zone UMOA. Nous présenterons brièvement le Sénégal et les zones UEMOA-UMOA, qui sont les cadres spatiaux de ce livre.

•L’importance du dispositif de gouvernance dans la mise en place d’une fonction conformité efficace. Un dispositif de gouvernance solide est un prérequis à l’indépendance et à l’efficacité de la fonction conformité. Le dispositif de gouvernance doit respecter les divers textes qui le régissent, relativement à la composition de l’organe délibérant et de ses comités spécialisés, le rôle des organes délibérant et exécutif, l’indépendance des fonctions de contrôle.

•La lutte contre la corruption dans les banques. Pourquoi est-il important pour les banques de lutter contre la corruption et comment peuvent-elles y parvenir ? Comment appliquer les différentes législations anticorruption dans le monde, notamment le Foreign Corruption Practices Act et la loi Sapin 2 ?

•La connaissance clientèle (KYC). L’ouverture d’un compte bancaire requiert que les banques effectuent un certain nombre de diligences appelées KYC. Comment effectuer ces diligences ? Quelle est leur importance ?

•Connaissance client et lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. Après avoir accompli les différentes diligences KYC, nous verrons comment celles-ci contribuent à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La KYC est une des bases de la cartographie des risques. A la suite de l’élaboration de cette dernière, une banque peut appliquer une approche fondée sur les risques pour lutter plus efficacement contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.

•Le programme harmonisé de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les banques. D’autres diligences sont requises pour les institutions financières afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, comme l’implication du management, la formation du personnel, la mise en place d’outils de filtrage et de génération d’alertes, la transmission de l’identité du correspondant CENTIF, la rédaction de procédures. Elles sont contenues dans l’instruction 007-09-2017.

•Comment l’État du Sénégal peut-il lutter plus efficacement contre le blanchiment de capitaux et quels bénéfices en tirera-t-il ? La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme n’est pas seulement du ressort des institutions financières. Elle doit constituer un effort collectif de l’ensemble des structures assujetties à la loi 2018-03 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Aussi l’État doit-il y contribuer en s’assurant de l’application des obligations relatives à la loi LBC/FT par tous les acteurs concernés, et en jouant son rôle dans la lutte contre la corruption.

•La lutte contre l’évasion fiscale : FATCA, CRS, dispositions de la loi de finances rectificative de juillet 2021 du Sénégal. Comment être conforme aux différentes législations mises en place pour lutter contre l’évasion fiscale ? Nous l’expliquerons dans ce chapitre.

•La protection des données personnelles et le secret professionnel dans les banques. Les banques détiennent de nombreuses et sensibles données sur leurs clients, qu’elles sont tenues de protéger conformément à la loi 2008-12 relative à la protection des données à caractère personnel au Sénégal. Elles doivent également respecter les dispositions relatives au secret professionnel. Cependant, protection des données personnelles et secret professionnel ne sont pas absolus : ils comportent des limites. Nous montrerons dans ce chapitre comment assurer cette protection des données à caractère personnel, respecter le secret professionnel et jongler avec leurs limites.

•Les obligations relatives aux comptes en devises et aux comptes de non-résidents. L’ouverture de comptes en devises ou de comptes de non-résidents dans la zone UEMOA requiert des diligences particulières que nous clarifierons dans ce chapitre.

•Les obligations relatives à la Centrale des incidents de paiement (CIP). La délivrance d’un chéquier nécessite, au préalable, un certain nombre de vérifications dans la CIP. Aussi un incident de paiement entraîne-t-il des obligations à respecter par les institutions financières. Nous évoquerons ceci dans ce chapitre.

•La protection de la clientèle au Sénégal et dans la zone UMOA. L’un des principaux rôles de la conformité est la protection de la clientèle. Comment assurer cette protection ? Quelles sont les législations en vigueur au Sénégal et dans la zone UMOA sur la protection de la clientèle ?

•La gestion des dysfonctionnements de conformité. Comment gérer les dysfonctionnements de conformité et permettre qu’ils soient, pour une banque, un moyen d’améliorer son dispositif de conformité ?

•La conduite et la réussite du changement en matière de conformité. Le but de la fonction conformité est de créer une culture de conformité pérenne et l’ancrer au sein de l’entreprise. Comment peut-elle y parvenir ? Ce sera l’objet du dernier chapitre de ce livre.

1 Voir le site de la BIS (Bank of international settlements) : https://www.bis.org/about/index.htm

2 BIS, “The compliance function in banks” (2003) : https://www.bis.org/publ/bcbs103.pdf page 7

3Ibid., page 10.

4 La fonction conformité doit être indépendante.

5Ibid., page 9.

6 Voir le texte de cette circulaire dans le lien suivant : https://www.bceao.int/sites/default/files/2017-11/circulaire_0030001.pdf

7 L’organe exécutif est composé du directeur général, des directeurs généraux adjoints, du secrétaire général et des responsables des fonctions de contrôle.

8 Voir le lien de l’article : https://www.linkedin.com/pulse/pourquoi-la-compliance-est-un-bien-n%C3%A9cessaire-moussa-sylla/

9 Eric Ries (2015), Lean Startup, page 104.

10 Mengqi Sun, « Competition for compliance officers intensifies amid regulatory pressures »,WSJ, 19 janvier 2022. https://www.wsj.com/articles/competition-for-compliance-officers-intensifies-amid-regulatory-pressures-11642623091

Chapitre I : Brève histoire de la conformité

L’une des principales activités des banques est de recevoir des dépôts du public. Cela fait que le secteur bancaire est très sensible, parce que la faillite d’une banque peut entraîner de graves problèmes économiques pour un pays et même pour le monde, pour certaines d’entre elles. Ces dernières sont appelées banques d’importance systémique globale. Elles sont au nombre de 3011 d’après la dernière liste élaborée en novembre 2022 par le Financial Stability Board (FSB), l’organisme qui a été mis en place en 2009 par le G20 et chargé de promouvoir la stabilité financière internationale. Dans la zone UMOA, il y a aussi une catégorisation des banques entre :

•les banques « normales » ;

•les banques d’importance systémique nationale12 ;

•les banques d’importance systémique régionale.

Les exigences en matière de gouvernance et de contrôle sont différentes pour les trois catégories, compte tenu de l’impact inégal de leurs difficultés ou de leur faillite sur la stabilité de la zone UMOA ou de ses États membres. Elles sont plus fortes pour les banques de la troisième catégorie que pour celles des deux premières, conformément aux dispositions de la circulaire 01/2017/CB/C relative à la gouvernance des établissements de crédit et des compagnies financières de l’UMOA, notamment en l’alinéa 2 de son article 4 sur le principe de proportionnalité :

« Un établissement bancaire d’importance systémique régionale ou nationale doit disposer d’un cadre de gouvernance adapté à son envergure et aux conséquences de sa défaillance éventuelle sur la stabilité du système financier de l’UMOA ou de son État d’implantation. »13

Au-delà de la crise économique qu’entraîne leur dépôt de bilan, plus lourdes encore sont les conséquences désastreuses que cela induit sur la confiance du public, des investisseurs. La faillite de Lehman Brothers et la crise de liquidité de la Northern Rock ont contribué à aggraver la crise économique de 2008. En 1929, après le Jeudi noir, la ruée aux guichets des banques avait également constitué un facteur amplifiant du marasme économique. Cela engendra d’importantes conséquences négatives comme la montée du nationalisme, qui déboucha sur la Seconde Guerre mondiale.

Pour prévenir la ruée aux guichets des banques observée lors de la crise des années 30, des mécanismes d’assurance des dépôts de la clientèle ont été mis en place un peu partout dans le monde. Récemment, les difficultés de la banque américaine Silicon Valley Bank ont entraîné une crainte de contagion et amené la Banque fédérale américaine – FED – à rassurer les déposants en garantissant l’intégralité de leurs dépôts.

Ce mécanisme d’assurance-dépôts est accompagné d’une plus grande régulation des banques. Après son élection à la présidence des États-Unis, Roosevelt fit voter, par le Congrès, la loi Glass-Steagall en 1933.14 Le but de cette loi était de séparer les banques de détail – plus régulées –, des banques d’investissement. Ces dernières n’étaient pas autorisées à recevoir des dépôts, pour protéger le public. En France, la première loi bancaire date de 1941.15 Au Sénégal, elle est entrée en vigueur en 1990 avant d’être mise à jour en 2008.16

Le monde n’est pas statique, mais dynamique. Les préoccupations et risques changent d’une époque à une autre, d’où la nature fluctuante des inquiétudes des citoyens et des pouvoirs publics.

Depuis les années 1970, une prise de conscience a émergé concernant les effets néfastes du blanchiment de capitaux sur l’intégrité des systèmes économiques, la capacité des États à assurer efficacement leurs différentes missions et la confiance des populations envers les gouvernements. Souvent, le blanchiment de capitaux17 découle de la corruption – l’argent qui en est issu doit être blanchi afin de pouvoir être utilisé dans le circuit économique. Supposons qu’une entreprise verse des pots-de-vin à un agent haut placé de l’État pour obtenir un contrat ou l’inciter à fermer les yeux sur un trafic illicite, il ne pourra utiliser cet argent directement dans le circuit économique – ou du moins dans les pays avec un dispositif anti-blanchiment de capitaux fort – ; il devra trouver des moyens de le blanchir. Aussi y a-t-il une conscientisation que les personnes avec un fort pouvoir décisionnaire sont plus exposées au risque de corruption, et par conséquent, à celui de blanchiment de capitaux.

L’affaire Sani Abacha, l’ancien Président du Nigéria entre 1993 et 1998, rappela cette évidence. Sani Abacha fut accusé d’avoir volé plus de 4 milliards de dollars à son pays et tenté de les blanchir dans les banques occidentales. Cela suscita une grande indignation dans le monde : comment un dirigeant peut-il voler autant d’argent à son pays et le blanchir aussi facilement ? Ces crimes économiques ne pouvaient perdurer ; il fallait prendre des mesures pour mitiger les risques élevés de blanchiment de capitaux que présentent les personnes détenant une grande influence politique. À défaut, les détournements de fonds continueraient d’être simples et leur blanchiment tout aussi aisé. Ainsi des obligations plus strictes étaient-elles requises dans le traitement des opérations de ces personnes haut placées, appelées « personnes politiquement exposées », que pour celles des individus « normaux ».

Parallèlement, des organisations comme Transparency International avaient montré, dans leurs rapports, que les deniers publics détournés par les dirigeants de pays pauvres étaient blanchis dans les banques occidentales, en toute impunité. Cela ne se limitait pas à quelques cas isolés. Cette corruption endémique privait ces États pauvres des moyens de se développer, car leurs ressources étaient accaparées par une minorité. Il y eut aussi des plaintes de diverses associations contre des dirigeants de pays soupçonnés d’acquérir illégalement des biens grâce à des détournements de fonds.

Le paradoxe est que ces dirigeants vivent dans un grand luxe alors que leurs populations végètent dans une pauvreté extrême, ne disposant pas de services basiques comme l’accès à l’éducation, la santé, l’eau, l’assainissement… La corruption entrave le développement, porte un frein à la croissance économique d’un pays, entraîne une instabilité politique. Pour inverser la tendance, il fallait lutter contre la corruption et le blanchiment de capitaux, et cela demandait des mesures strictes, et pas seulement cosmétiques, pour y parvenir.

Les États s’y attelèrent progressivement. En 1977, les États-Unis votèrent le Foreign Corruption Practices Act – FCPA. Il interdit, sous peine de sanctions et amendes, aux entreprises américaines de verser des pots-de-vin aux officiels étrangers pour obtenir des contrats, gagner des marchés ou les inciter à ne pas effectuer leur travail. Cette loi est de portée extraterritoriale parce que s’appliquant dès qu’un Américain est impliqué ou qu’une transaction est effectuée en dollars US ou s’est déroulée/a transité dans le territoire américain.

Dans le cadre de cette loi, des sanctions et amendes importantes ont été infligées à des entreprises coupables de faits de corruption.18 Pour les éviter, et prévenir les risques d’image et de réputation qui en découlent, les entreprises prirent conscience qu’elles devaient mettre en place une fonction conformité chargée de s’assurer qu’elles respectent les dispositions des lois anticorruption :

•en amont, avec l’implantation d’un dispositif anticorruption ;

•en aval, en exécutant les diligences relatives à ce dispositif.

Cette prise de conscience qu’il fallait lutter contre le blanchiment de capitaux était aussi due à la montée grandissante des cartels de la drogue. L’argent tiré de la vente de stupéfiants doit être également blanchi pour pouvoir être utilisé dans le circuit économique légal, ce qui entraîne des dangers pour l’intégrité du système économique et la sécurité publique19d’un pays. En outre, il fausse les mécanismes du marché. Dans son excellent et bien documenté livre, Money laundering and illicit financial flows, John A. Cassara montre comment le blanchiment de capitaux est l’une des causes de la spéculation foncière dans bien des parties du monde, surtout les endroits les plus désirés et à la mode. Cela prive les citoyens qui travaillent dur et gagnent honnêtement leur vie de la possibilité d’acquérir une propriété.20Comment ?

La personne qui souhaite blanchir son capital ne lésinera pas sur les moyens, peu importe le prix du bien immobilier. Pourquoi ? Parce qu’elle voudra donner une apparence de légitimité à son argent illégal en acquérant un patrimoine foncier qui lui permettra d’effacer les traces de l’origine illicite des fonds. C’est la phase d’intégration, qui est la dernière étape du processus de blanchiment de capitaux (les autres étapes sont le placement et la stratification). L’injection de tels fonds dans une économie provoque une augmentation galopante du prix des biens immobiliers, lésant les classes moyennes. Ces dernières ne disposent plus des moyens d’accéder à la propriété. Pour cela, la lutte contre le blanchiment de capitaux doit être un effort collectif ; toutes les personnes assujetties doivent jouer leur rôle, comme nous le verrons dans le chapitre « Comment le Sénégal peut-il lutter contre le blanchiment de capitaux ? ».

Avec l’essor de la mondialisation, les flux de capitaux deviennent transnationaux, ce qui signifie qu’il ne sert à rien que telle partie du monde mette en place un dispositif strict de lutte contre le blanchiment de capitaux quand telle autre partie n’a rien élaboré. Une harmonisation des législations s’avérait une nécessité si l’on voulait que le monde améliore son efficacité dans cette lutte.21

C’est ainsi que le G722, composé des 7 pays les plus riches au monde à l’époque, lors de sa réunion à Paris en 1989, mit en place le Groupe d’Action Financière – GAFI –, chargé de lutter contre le blanchiment de capitaux. Le GAFI édicta des normes appelées « recommandations », dont les premières datent de 1990. Ces recommandations ont été progressivement enrichies23au fil des années, et après les attentats du 11 septembre 2001, les aspects liés à la lutte contre le financement du terrorisme y ont été intégrés (9 recommandations supplémentaires ont été ajoutées après ces attentats).

Cela accrut l’importance de la fonction conformité au sein des banques parce que ces dernières figurent parmi les plus exposées aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Ceux-ci sont des sujets sensibles qui peuvent entraîner des risques d’image et de réputation importants. Quand une banque est épinglée pour ces faits, son image et sa réputation se voient entachées, ce qui peut faire fuir les clients et entraîner des difficultés à trouver des partenaires. Il fallait que les institutions financières mettent en place un dispositif de lutte contre ces deux fléaux. Cette tâche était dévolue à la fonction conformité.

Le monde connaît depuis quelques années une hyperinflation réglementaire, avec la tendance des législateurs à mettre en place davantage de réglementations. Cette hyperinflation réglementaire est doublée d’une plus grande exigence des régulateurs quant à l’application des textes. Si nous comparons les circulaires 03/2011, relative à l’organisation du contrôle interne dans les établissements de crédit de l’UMOA, et 05/2017/CB/C, relative à la conformité, nous nous apercevrons de l’ampleur qu’a prise la conformité au fil des années. La circulaire 03/2011 ne contient que 3 articles sur les risques de non-conformité (une demi-page au total !), tandis que celle no 05/2017 est entièrement consacrée à la conformité. Les deux disposent que les établissements de crédit doivent « mettre en place une fonction conformité permanente », mais la première ajoute que « cette fonction n’est pas forcément une unité spécifique au sein de l’organisation », ce qui n’est pas le cas de la deuxième.

Cette emphase des régulateurs sur la conformité oblige aujourd’hui les banques à lui accorder beaucoup plus d’importance. À défaut, elles seront sanctionnées lors des contrôles des régulateurs ou lorsque le non-respect de la réglementation sera découvert.

La conformité regroupe deux aspects : la prévention, qui nécessite la mise en place d’un dispositif, et son application, qui permet de détecter des situations non conformes, appelées dysfonctionnements ou incidents de conformité, et d’y remédier. Mettre en place un dispositif de conformité et l’appliquer est considéré par les régulateurs comme un signe de bonne foi.

Si malgré la mise en place d’un dispositif de conformité et son application, une banque commet des erreurs, les sanctions et amendes qui lui seront infligées seront moins sévères que pour celle qui ne l’avait pas mis en place ou l’avait fait sans l’appliquer ou en l’appliquant partiellement.

Également, l’ampleur des mesures de remédiation exigées par les régulateurs dépend de l’importance qu’accorde une banque à la conformité. Comme cela ne peut être mesuré objectivement, les éléments qui permettent de la présumer sont la mise en place d’un dispositif de conformité et son application.

Dans ce sens, le FCPA Guide 2020, produit par le Department of Justice – DOJ – et le Securities Exchange Commission – SEC – (les régulateurs chargés de la mise en œuvre du FCPA), établit que parmi les critères sur lesquels les deux organismes précités se basent pour alléger les sanctions et amendes envers une entreprise coupable de faits de corruption, figurent :

« L’adéquation et l’efficacité des programmes de conformité de l’entreprise au moment de l’infraction, ainsi qu’au moment de la décision d’inculpation ou de résolution. »24

En 2008, il y eut une crise économique mondiale dont l’une des causes est les prêts subprimes – ces prêts à taux variables accordés à des clients vulnérables, sans grande connaissance financière. D’autres scandales liés aux manipulations de devises – scandale Libor – furent dévoilés au même moment. Ces pratiques douteuses des banques suscitèrent l’indignation du public, qui exigea des régulateurs une meilleure protection des intérêts des consommateurs et des investisseurs.

Dans son discours d’investiture comme Président des États-Unis en 1933, Roosevelt s’adressa aux Américains en ces termes : « Il faut mettre fin à ce comportement dans le monde bancaire et des affaires qui trop souvent a conféré au rapport de confiance l’apparence du méfait égoïste et sans cœur ». Le mot le plus important de ce passage du discours de F. D. Roosevelt est « confiance » : elle est le moteur des relations sociales et humaines. Pour une entreprise, elle est son actif le plus précieux. Dans son livre Les 48 lois du pouvoir, Robert Greene écrit : « Protégez votre réputation comme la prunelle de vos yeux » (Loi 5). La réputation est grandement tributaire de la confiance.

Quand la confiance est brisée, les crises surgissent et ébranlent les fondements d’une société. Sans confiance, il ne peut y avoir de relation bancaire pérenne, de stabilité macroéconomique, de croissance économique forte, d’investissements à long terme. La confiance est nécessaire si on veut que les/ses affaires prospèrent. Lors des périodes de marasme économique, l’on parle toujours de restaurer la confiance parce que quand elle disparaît ou diminue, la crise s’installe puis se perpétue, ce qui entraîne un cercle vicieux. Moins il y a de confiance, moins on investit, moins on prend de risques, moins on fait preuve d’audace.

Dans leur livre Les esprits animaux (2018), les prix Nobel d’économie George Akerlof et Robert Shiller écrivent dans le chapitre 5, « Histoires » :