La Dame de Monsereau - Ligaran - E-Book

La Dame de Monsereau E-Book

Ligaran

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Extrait : "AURILLY, entrant : Cet appartement est-il prêt ? le feu dans les deux chambres ?... Bien ! A-t-on enlevé partout les verrous et les fermetures intérieures ?... Bien ! Maintenant, retenez ceci : Une personne va venir occuper cet appartement ; si quelqu'un de vous cherche à voir et à connaître cette personne, le cachot ! Il serait possible que vous entendissiez du bruit, des cris... Prenez garde ! car celui de vous qui répondrait soit à un signal, soit à un cri..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

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Seitenzahl: 177

Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335054736

©Ligaran 2015

Prologue
Distribution

CHICOT.

HENRI III.

BUSSY.

MONSOREAU.

LE DUC D’ANJOU.

SAINT-LUC.

LE BARON DE MÉRIDOR.

NICOLAS DAVID.

GORENFLOT.

LA HURIÈRE.

BONHOMET.

LE DUC DE MAYENNE.

LE DUC DE GUISE.

QUÉLUS.

DE NANCEY.

AURILLY.

MAUGIRON.

ANTRAGUET.

SCHOMBERG.

MONSIEUR DE LORRAINE.

LIVAROT.

D’ÉPERNON.

RIBÉRAC.

UN HUISSIER.

UN ÉCUYER.

DEUX VALETS.

DIANE.

LA DUCHESSEY.

MADAME DE SAINT-LUC.

GERTRUDE.

L’étang de Beaugé

Une salle basse du château de Beaugé, en Anjou ; bois sculptés ; tentures de cuir d’Espagne ; lourdes tapisseries. Portes à gauche et à droite. À gauche, au fond, pan coupé avec portes donnant sur un vestibule éclairé par des cires rouges. Au fond, large fenêtre à trois vantaux vitrés, donnant sur l’étang de Beaugé. – Horizon d’arbres noirs. Fin d’hiver.

Scène première

Aurilly, valets, à l’ouvrage.

AURILLY,entrant

Cet appartement est-il prêt ? le feu dans les deux chambres ?… Bien ! A-t-on enlevé partout les verrous et les fermetures intérieures ?… Bien ! Maintenant, retenez ceci : Une personne va venir occuper cet appartement ; si quelqu’un de vous cherche à voir et à connaître cette personne, le cachot ! Il serait possible que vous entendissiez du bruit, des cris… Prenez garde ! car celui de vous qui répondrait soit à un signal, soit à un cri venant de cet appartement, celui-là serait regardé comme traître, et, pour les traîtres, il y a mieux qu’un cachot dans la justice de monseigneur le duc d’Anjou !

(Les Valets s’inclinent.)

Scène II

Les mêmes, un écuyer.

L’ÉCUYER

Maître Aurilly, on entend le pas des chevaux sur la chaussée.

AURILLY

C’est bien ! Vous m’avez tous compris ?… Qu’on n’entende plus un souffle, qu’on ne distingue plus une ombre dans le château, jusqu’à l’arrivée de monseigneur ! Allez !

(Les Valets se retirent.)

L’ÉCUYER,rentrant

Maître Aurilly, la litière s’arrête devant le perron du château. J’en vois descendre…

AURILLY

C’est bon !… Retirez-vous, chez moi, et n’en sortez que si j’appelle.

(L’Écuyer sort ; Aurilly le suit et forme la porte.)

Scène III

Diane, un homme masqué, puis Gertrude.

DIANE

Je ne ferai plus un pas, si vous ne répondez à mes questions ! (L’Homme lui désigne la salle.) Où suis-je ?…

(L’Homme ne répond rien.)

GERTRUDE

Du calme, mademoiselle ! nous voici probablement arrivées où l’on voulait nous conduire, et nous allons trouver à qui parler.

(Pendant ce temps, l’Homme sort.)

DIANE,abattue, à elle-même

Oh !…

GERTRUDE

Eh bien, il est parti ?… il ferme la porte ?… Ah ! par exemple !

DIANE

Je meurs d’effroi !

GERTRUDE

Ah ! mais je vais me fâcher, à la fin ! Attendez !… (Elle va heurter à la porte, en criant.) Monsieur !… Holà !… Au secours ! au secours ! (À Diane.) Vous allez voir.

DIANE

Gertrude, prends garde !

GERTRUDE

Bah ! mademoiselle, il faut en finir ! (Elle frappe avec fureur.) Au meurtre ! au feu !

DIANE

On vient.

GERTRUDE

J’en étais bien sûre ! (Apercevant Aurilly.) Encore un homme masqué !

Scène IV

Les mêmes, Aurilly, masqué.

DIANE

Monsieur, je suis la baronne Diane, l’unique enfant du baron de Méridor, le compagnon d’armes du roi François Ier, Sommes-nous si loin de chez mon père, qu’on me méconnaisse ou qu’on ose m’offenser ?… Je me rendais au château du Lude, chez une parente. Pourquoi vos gens ont-ils arrêté ma litière ? Pourquoi m’a-t-on détournée de mon chemin ? De quel droit les cavaliers qui m’ont amenée ici ont-ils maltraité et chassé mes serviteurs ? Qui sont ces misérables, et qu’êtes-vous, vous-même ?… Où suis-je, ici ? où suis-je ?

AURILLY

Chez vous, madame ?

DIANE

Voilà une raillerie…

AURILLY

Daignez commander, madame. Il vous suffira de frapper avec le marteau de cette porte, pour faire accourir à vos ordres un serviteur qui ne quittera point ce vestibule.

GERTRUDE

On nous garde à vue !

DIANE

Enfin, que veut-on faire de moi ?

AURILLY

Vous traiter comme une reine !

(Il salue et sort.)

Scène V

Diane, Gertrude.

DIANE

J’aimerais mieux des menaces !… Gertrude, tu ne dis plus rien !

GERTRUDE

Ah ! mademoiselle, nous sommes dans un piège !

DIANE

Dont il n’est pas difficile de deviner l’auteur !

GERTRUDE

M. le comte de Monsoreau ?

DIANE

Qui serait-ce, sinon lui ?… Depuis que je le connais, je connais le malheur !

GERTRUDE

Mais, mademoiselle, M. de Monsoreau n’avait pas besoin de vous enlever, puisqu’il peut vous voir librement à Méridor, puisqu’il vous a demandée à votre père, et que votre père ne vous a point refusée !

DIANE

Oui ; mais j’ai refusé, moi !

GERTRUDE

Vous avez eu tort, peut-être.

DIANE

Qu’en sais-tu ? Voudrais-tu nier l’inexplicable épouvante qui me saisit quand, pour la première fois, j’entendis prononcer à Méridor ce nom de Monsoreau ? Pressentiment sans doute, puisque je n’avais pas encore aperçu le comte. Et, depuis que je l’ai vu, sais-tu pourquoi tout mon cœur se glace quand il s’approche de moi, quand je sens s’attacher sur moi son regard avide et fourbe ?… Non, tu ne le sais pas, Gertrude ? Eh bien, tu vas le savoir. Te souviens-tu du jour ou nos bûcherons me rapportèrent au château, mourante, évanouie ?

GERTRUDE

Si je m’en souviens ! M. le baron faillit expirer de douleur en vous voyant si pâle, et pourtant vous n’étiez qu’un peu lasse. C’était le jour où M. de Monsoreau chassa pour la première fois dans la forêt de Beaugé.

DIANE

Eh bien, oui ! M. le duc d’Anjou venait de l’envoyer dans cette province, qu’il administre en son nom. Jusque-là, j’avais vécu bien heureuse à Méridor, au milieu de mes fleurs, de mes brebis et de mes cygnes, idolâtrée de mon vieux père, et rendant cet amour à tout ce qui m’entourait, aux oiseaux du ciel, aux fauves des bois. Tout m’aimait aussi, et ma biche Daphné quittait ses halliers profonds pour venir manger dans ma main. Un matin, j’entends le cor et l’aboi des chiens dans les forêts voisines. C’était, comme tu l’as dit, la première chasse du nouveau gouverneur. Curieuse, je cours jusqu’à la grille du parc, et j’aperçois Daphné poursuivie, haletante ; derrière elle, toute la meute, et, au même instant, un cavalier, animant son cheval noir, rapide comme la tempête ; c’était M. de Monsoreau qui chassait la pauvre Daphné… Je criai : « Grâce !… » Il était passé sans m’entendre !

GERTRUDE

Ah !

DIANE

Pour interrompre cette poursuite qui me déchirait le cœur, j’essayai de retrouver le comte ou l’un de ses veneurs. J’avançai à travers le bois, guidée par les bruits de la chasse. Parfois j’entrevoyais, toujours fuyant, la malheureuse Daphné déjà lasse. Une fois, elle passa près de moi en bramant tristement, comme pour me dire adieu. J’avançais oubliant ma fatigue, appelant, lorsque, enfin, je me trouvai dans l’allée de vieux chênes qui conduit au château de M. le duc d’Anjou, au bord du vaste étang de Beaugé. Je repris haleine, j’écoutai. Tout à coup gronda un tourbillon d’aboiements, de fanfares et de cris… La chasse revenait ; et, de l’autre côté de la nappe immense, la biche bondit hors du bois, et se lança dans l’eau comme pour venir à moi. Je la regardais, les larmes aux yeux, les bras tendus. Elle nageait de toutes ses forces, au milieu des chiens prêts à la saisir. M. de Monsoreau parut alors à la lisière du bois et sauta à bas de son cheval. Sans doute il m’avait vue, il m’avait entendue supplier, car il courut à un bateau dont il détacha rapidement l’amarre : il allait sauver ma pauvre Daphné. Déjà il la touchait, écartant ses ennemis féroces, quand soudain je vis briller un éclair : il avait tiré son couteau de chasse. L’éclair disparut avec, la lame, qui se plongea tout entière dans le cœur du pauvre animal. Daphné poussa un gémissement lugubre, et glissa morte dans l’eau, rougie de son sang ! Moi, je fis quelques pas pour fuir cet horrible spectacle, et j’allai tomber évanouie dans les bruyères, où je fus trouvée le soir par nos gens. Ah ! Gertrude depuis ce jour, chaque fois que j’ai revu le comte, – appelle-moi bizarre, injuste et folle, – il y avait, entre lui et moi, ce cri, ce sang, cette agonie !

GERTRUDE

Mais, mademoiselle, il ignorait que la pauvre Daphné fût votre favorite ; et ce qu’il a fait, tout chasseur le fait comme lui, sans crime.

DIANE

Oui, peut-être.

GERTRUDE

Le comte vous aime trop, il vous respecte trop pour risquer de se faire mépriser et haïr. Une violence, vous ne la lui pardonneriez pas ; un enlèvement, à quoi bon ?… Ne suis-je pas là pour vous défendre ?

DIANE

Bonne Gertrude !… Cependant cette violence, ce rapt, nous ne pouvons les contester, et ils ont un auteur.

GERTRUDE

Voulez-vous connaître mon idée, mademoiselle ?

DIANE

Parle.

GERTRUDE

Vous avez été invitée, avec votre père, à Angers, il y a un mois, à cette fête que donna M. de Monsoreau à M. le duc d’Anjou, frère de notre roi Henri III.

DIANE

Une bien splendide fête !

GERTRUDE

Où se trouvait réunie toute la noblesse de la province, où vous fûtes bien regardée, bien admirée !

DIANE

Oui, je me souviens d’un regard opiniâtre qui pesa étrangement sur moi toute la soirée.

GERTRUDE

Quel regard ?

DIANE

Continue.

GERTRUDE

M. de Monsoreau est un peu jaloux, c’est naturel, puisqu’il vous aime. M. de Monsoreau, dis-je, eut, le lendemain, avec M. de Méridor, votre père, un long entretien, d’où M. le baron sortit assez préoccupé.

DIANE

C’est vrai.

GERTRUDE

À la suite de cet entretien, votre père décida précipitamment votre départ pour la terre du Lude.

DIANE

Tu as raison.

GERTRUDE

Eh bien, mademoiselle, j’en conclus que vous aurez, à cette fête, produit une impression trop vive sur quelque seigneur du voisinage ; que M. le comte s’en sera aperçu, et que, craignant une rivalité dangereuse pour lui, dangereuse pour vous peut-être, il aura conseillé à votre père de vous éloigner de Méridor. Voilà pourquoi nous allions ce soir au Lude ; voilà pourquoi aussi des hommes masqués ont arrêté la litière, chassé vos gens, et pourquoi nous sommes ici.

DIANE

Chez ce rival de M. de Monsoreau ! chez un homme capable d’un guet-apens si lâche ! Mais, en vérité, Gertrude, rien n’est effrayant comme ta supposition !… Où sommes-nous ?… Il faut le savoir

GERTRUDE

Patience ! ne perdons pas la tête ! Et d’abord, mademoiselle a-t-elle remarqué que, pour venir dans cette chambre, nous n’avons monté que cinq marches ?

DIANE

Oui.

GERTRUDE

Donc, nous sommes au rez-de-chaussée, en sorte que, si ces fenêtres…

DIANE

Si ces fenêtres ne sont pas grillées, veux-tu dire ?

GERTRUDE

Et si mademoiselle a du courage…

DIANE

Si j’en ai ? Tu verras !

GERTRUDE

Chut !… Ah ! il y a une autre chambre là. Attendez ! (Elle y porte le flambeau, tandis que Diane cherche à ouvrir les volets de la fenêtre.) Laissez-moi faire.

(Diane a ouvert les volets ; on aperçoit le paysage sous un nuage d’abord, puis il s’éclaire, l’étang resplendit.)

DIANE,avec joie

Pas de grilles !

GERTRUDE

Oui, mais de l’eau qui baigne les murs.

DIANE

De l’eau ! un étang immense !… Oh ! mais je me reconnais, c’est l’étang de Beaugé.

GERTRUDE

Nous sommes donc au château ?

DIANE

Nous sommes chez M. le duc d’Anjou !

GERTRUDE

Eh bien, mademoiselle ?

DIANE

Eh bien, Gertrude, l’homme dont le regard sinistre, dont l’attention dévorante m’ont torturée pendant toute la fête c’était le duc d’Anjou !

GERTRUDE

Oh !

DIANE

Le tyran redouté de toute la province, le sombre débauché au pâle visage, le frère tout-puissant du roi, qui a peur de ses complots et de ses crimes !

GERTRUDE

Silence ! silence !…

DIANE

Mais nous sommes dans sa maison, en son pouvoir ! c’est lui qui a tendu ce piège infâme ! Gertrude, il faut sortir d’ici.

GERTRUDE

C’est tout ce que je demande ; mais comment ?

DIANE,regardant la chambre voisine

Ici, une chambre sans issue… Ici, leurs espions, leurs gardes… Là…

(Elle montre la fenêtre.)

GERTRUDE

La mort !

DIANE

La mort, c’est souvent le salut !… Il me semble à présent que les murs me menacent, que des yeux de flamme me surveillent ; je ne puis plus penser, je ne respire plus, j’ai peur ! Enfermons-nous ! enfermons-nous !

GERTRUDE

Rien ! pas un verrou ! pas une clef ! Ils ont tout prévu, mademoiselle !

DIANE

Ô mon père ! mon bon père ! tu me défendrais !

GERTRUDE

Et dire qu’on est femme ! qu’on n’a pas la force, qu’on n’est rien !… Il y a là-bas, tenez, à cent toises, un bateau dans les saules, je le vois ; si j’étais un homme, je l’irais chercher à la nage !

DIANE

Oh ! mon Dieu !

GERTRUDE

Qu’avez-vous ?

DIANE

Je suis éblouie, je suis folle !

GERTRUDE

Mais quoi donc ?

DIANE

Il me semble que je vois remuer ce bateau.

GERTRUDE

Oui, il marche !

DIANE

Il avance !

GERTRUDE

Et ces ombres qui se meuvent sur la lisière du bois… des amis, peut-être !

DIANE

Ou le prince !

GERTRUDE

Il ne se cacherait pas ainsi. Voyez comme cette barque cherche l’obscurité, voyez comme ces ombres glissent mystérieusement dans les roseaux, sous les saules.

DIANE

Un cheval a henni.

GERTRUDE

Oh ! la lune se cache, je ne vois plus rien.

DIANE

Moi, j’entends l’aviron !

GERTRUDE

Tout près !

DIANE

Ferme cette fenêtre !

UNE VOIX,au-dehors

Gertrude !

DIANE

Qu’y a-t-il ?

GERTRUDE

Mon nom !

DIANE

Qui donc est là ?

Scène VI

Les mêmes, Monsoreau.

MONSOREAU,paraissant par-dessus le balcon

Un ami !

GERTRUDE

M. de Monsoreau !

DIANE

Lui !

MONSOREAU

Ne m’attendiez-vous pas, mademoiselle, puisqu’il s’agit de votre honneur ?

GERTRUDE,bas, à Diane

Voyez-vous !

MONSOREAU

On vient de m’apprendre, à Méridor, la trahison dont vous êtes victime. Des ravisseurs masqués vous enlevaient : j’ai couru, je les ai poursuivis, j’ai retrouvé vos traces. Ne craignez plus rien, mademoiselle, me voici !

DIANE

Je vous suis reconnaissante, monsieur.

MONSOREAU

Donnez-moi vos ordres, mademoiselle : j’ai en bas une barque ; dans le bois, j’ai de bons serviteurs avec mes meilleurs chevaux. Nul ne m’a vu, nul ne me soupçonne. Ne perdons pas de temps, partons !

DIANE

Où me conduisez-vous ?

MONSOREAU

À Méridor !

DIANE

Chez mon père ?

MONSOREAU

Vous pouvez l’embrasser dans trois heures !

DIANE

Oh ! monsieur, si vous disiez vrai !

MONSOREAU

Êtes-vous prête ?

DIANE,hésitant

Monsieur !…

MONSOREAU

Les instants sont précieux… Le prince n’est pas au château ; mais demain, peut-être, il arrivera. Fuir au grand jour, impossible ! Et, le prince une fois arrivé, je ne pourrai plus rien pour vous, que risquer en vain ma vie, comme je la risque en ce moment avec l’espoir de vous sauver.

DIANE

Vous risquez votre vie ?

MONSOREAU

Sans doute, puisque le prince m’appelle son ami, et que je le trahis pour vous ! S’il pouvait soupçonner que je suis ici, il me ferait assassiner demain !

GERTRUDE

Ah ! mademoiselle, croyez-le !

DIANE,à elle-même

Le secours me fait autant peur que le danger !

MONSOREAU

Est-ce par faiblesse que vous hésitez ? est-ce par défiance ?… J’espérais mieux de mon dévouement.

DIANE

Vous venez de Méridor, dites-vous, averti, envoyé par mon père… Comment n’est-il pas venu avec vous ?

MONSOREAU

Ici ! chez Son Altesse ! j’aurais souffert qu’il s’exposât ainsi ! Passe pour moi !… mais votre père…

DIANE

Mais il pouvait m’écrire ; une ligne de lui m’eût persuadée, je VOUS suivais ! (Monsoreau tire par un mouvement rapide une lettre de son pourpoint.) Il a écrit, n’est-ce pas ?… Donnez !

(Elle tend la main.)

MONSOREAU,qui a réfléchi et caché la lettre

Non, mademoiselle, il n’a pas écrit !… Pouvait-il croire qu’un ami dévoué, un libérateur, vous fût à ce point suspect ?

GERTRUDE

Écoutez ! des pas !… on vient !

DIANE

Monsieur le comte !…

(On frappe.)

MONSOREAU

Je suis perdu, et sans vous sauver !

(On frappe.)

GERTRUDE

Ici, monsieur, ici !

(Elle le cache dans la chambre voisine. On frappe toujours. Diane tombe assise.)

Scène VII

Les mêmes, Monsoreau, caché ; Aurilly, masqué

GERTRUDE,ouvrant

Quoi ?… qu’y a-t-il ?

AURILLY,montrant une lettre

Mademoiselle !…

DIANE

De quelle part venez-vous ?

AURILLY

Prenez la peine de lire.

DIANE

Je ne lirai pas cette lettre sans savoir de qui elle vient. Je la refuse.

(Aurilly pose la lettre sur le coussin devant Diane et sort.)

Scène VIII

Les mêmes, Monsoreau.

GERTRUDE,lisant

« À la belle Diane de Méridor. »

DIANE

Jette dehors ce papier.

MONSOREAU

Lisez-le, lisez-le, mademoiselle, au contraire !

(Gertrude le décachette précipitamment et le donne à Diane.)

DIANE,lisant

« Un malheureux prince, éperdu d’amour, vous a offensée, et veut obtenir sa grâce. Ce soir même, à dix heures, il viendra la demander à vos pieds. »

MONSOREAU

Ce soir !…

GERTRUDE

À dix heures !…

(On entend sonner l’horloge de château.)

MONSOREAU

Neuf heures trois quarts sonnent à Beaugé, et le duc est très exact, mademoiselle, à ses rendez-vous d’amour !

DIANE

Ah ! quelle torture !

MONSOREAU

Et pour Diane de Méridor, qui est si belle, il est capable de devancer l’heure. Tenez, voyez-vous ces lumières à travers le bois ?

GERTRUDE

C’est vrai !

MONSOREAU

Les flambeaux de son escorte !

GERTRUDE

Mademoiselle ! mademoiselle ! je vous en supplie…

DIANE,immobile

Je voudrais fuir, impossible !

(On entend une rumeur, un son de cloches lointain.)

MONSOREAU

Le duc entre au château ; une minute encore, il sera trop tard !

(Il place un meuble devant la porte.)

DIANE

À moi, Gertrude ! à moi !

GERTRUDE

Me voici ! me voici !

(Elle la soulève et l’entraîne vers le balcon.)

MONSOREAU,jetant le voile de Diane dans l’étang

Son voile ! ils la croiront morte, cela vaut mieux ainsi !

(Il disparaît à son tour.)

Scène IX

Aurilly, puis le duc d’Anjou.

AURILLY,frappant en dehors

Ouvrez ! ouvrez ! ne craignez rien, c’est monseigneur. (La porte est ébranlée. Aurilly entre par l’autre porte, et, la trouvant sans lumière, va voir dans la chambre voisine, puis dérange le meuble Entrent des Écuyers avec des flambeaux, puis le Prince.) Personne, monseigneur ! (Il court à la fenêtre ouverte.) Disparue !

LE DUC,entrant, et regardant au balcon

Son voile flottant sur l’eau ! morte ! morte !

(Il se détourne épouvanté.)

Acte premier
Premier tableau

Un grand cabinet, attenant à la galerie de l’hôtel de Cossé-Brissac. Portes au fond, à gauche et à droite, Illumination splendide.

Scène première

Maugiron, assis ; Schomberg, Saint-Luc, puis Quélus.

SCHOMBERG,entrant avec Saint-Luc

Ah ! mon cher Saint-Luc, tes noces sont magnifiques ! Mais, sais-tu, quand je vois un homme se marier, c’est plus fort que moi, j’étouffe !

SAINT-LUC

Pauvre Schomberg ! dans ce cabinet tu vas pouvoir respirer… (Apercevant Maugiron.) Tiens ! tu es déjà ici, Maugiron ?

MAUGIRON

Oui ! je me suis sauvé… La mariée est trop belle ! et j’attends ici Quélus, qui est aux prises avec M. de Brissac, ton beau-père.

QUÉLUS,entrant

Ah ! messieurs, quel beau-père !… (Apercevant Saint-Luc.) Pardon, mon brave Saint-Luc, mais voilà sept fois que ce cher M. de Brissac me demande si le roi viendra honorer de sa présence… Est-ce qu’on sait jamais si le roi viendra ou si le roi ne viendra pas !

(Ils rient.)

Scène II

Les mêmes, Jeanne.

JEANNE,entrant

Comment ! le roi ne viendra pas ? Mais, messieurs, on m’a promis le roi !

SAINT-LUC

C’est vrai, mes amis ; rassurez madame de Saint-Luc.

QUÉLUS

Ai-je dit le roi, madame ?… La langue m’a fourché ; nous parlions de M. le duc d’Anjou, et je disais ; « J’espère qu’il ne viendra pas ! »

JEANNE

Mais on m’a promis aussi M. le duc d’Anjou.

SAINT-LUC,bas

Ma chère Jeanne !

JEANNE

Pourquoi ne le verrait-on pas ?

QUÉLUS

Parce que, madame, nous n’avons aperçu ici aucun angevin.

SCHOMBERG

Dieu merci !

JEANNE,étonnée

Dieu merci ?

SAINT-LUC,lui faisant signe

Hum ! hum !

QUÉLUS

Madame de Saint-Luc, qui nous arrive de son couvent toute fraîche et toute charmante, ne connaît pas encore les habitudes de la cour angevine. Sachez, madame, que M. le duc d’Anjou ne fait jamais un pas sans éclaireurs, sans une petite avant-garde de sbires, de coupe-bourses et de coupe-jarrets !

JEANNE

Oh !…

QUÉLUS

Un Antraguet, un Ribérac, un Livarot ou un Bussy quelconque.

JEANNE

Louis de Clermont, seigneur de Bussy, un coupe-jarret !

SAINT-LUC,à Jeanne

Quélus veut rire.

QUÉLUS,gravement

Pas le moins du monde. Ainsi, madame, comme on n’aperçoit pas céans M. de Bussy, le tranche-montagne, il est certain qu’on n’y apercevra pas M. d’Anjou.

JEANNE

Il est encore temps !

SAINT-LUC,bas, à Jeanne

Taisez-vous donc !

JEANNE

Hein ?

QUÉLUS

Plaît-il ?

SAINT-LUC,à Quélus

Madame de Saint-Luc se plaint du temps.

JEANNE

La chaleur ici, la neige dehors !

SCHOMBERG

Il ne fait jamais beau, les jours de noces.

SAINT-LUC

Voilà mon beau-père qui-se dirige de ce côté.

QUÉLUS

Il veut peut-être savoir si le roi honorera…

SAINT-LUC,avec intention

Il cherche quelqu’un.

QUÉLUS