La légende de Sarah - Tony Dinand - E-Book

La légende de Sarah E-Book

Tony Dinand

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Beschreibung

Maxime en pleine crise familiale se sépare d'Hélène et plutôt que de se laisser sombrer, part chez Eric, son ami d'enfance dans la région de Naples, pour tenter de se reconstruire. Apres avoir fortuitement rencontré Monsieur René, qui lui a fait découvrir un livre abîmé par la boue et la pluie, dans lequel Sarah l'inconnue, parle d'une légende népalaise sur le pouvoir du pardon, de la rédemption et du lotus bleu d'Uptalini, il va au fil des mois découvrir cette splendide région napolitaine, loin de sa montagne Sainte Victoire, et retrouver le goût d'exister chez Regina et Eric. Savourant cette joie de vivre simplement, il oubliera ses propres tourments, tournera une page de sa vie, rompra avec ses habitudes et fera tout pour rendre heureux Mathieu son fils, qui a souhaité vivre chez lui.

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Seitenzahl: 285

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Du même auteur :

— “Voyages intérieur” 2018

— “Chroniques Provençale” 2020, vol. 1 Photographies et textes

— “Chroniques Provençale” 2020, vol. 2, Photographies et textes

— “Il aimait tant ses collines” roman février 2020

— “Le pouvoir des cinq terres” roman mai 2021

— “Vents maudits” roman Janvier 2022

— “Les étranges clés de Monsieur Juliano” roman juin 2022

— “ Montagne Sainte Victoire” chroniques 2022

— “Tu aurais pu être mon frère” roman mai 2023

"Le bonheur, c'est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles.”

Gandhi

Sommaire

Préambule

Ne plus être mal accompagné …

Avant de partir …

La grande randonnée

Un rencontre décisive …

La légende d’Uptalini

Partir …

L’amour et l’amitié …

Regina

Coïncidences …

Profiter de l’instant …

Un sentiment d’accomplissement …

Confidences …

Une nuit étoilée pleine d’espoir …

Retour

Dans le silence des étoiles

La dernière rupture

Légèreté et destin

Julia, un rayon de soleil

Préambule

C’est ma vie se disait Maxime dans ce demi-sommeil qui l’envahissait doucement, l’engourdissait presque.

Il venait de s’allonger de tout son long sur le haut du monticule herbeux qui reste à l’abri des grandes roches au-dessus de Plan d’en Chois.

Il s’était mis dans l’herbe sèche en écoutant les derniers criquets de l’automne, en pensant qu’il passerait un joli moment à regarder les nuages qui jouaient sur les hauteurs. Sa respiration s’était ralentie, il fermait les yeux, le monde du rêve éveillé lui appartenait et il savourait ce plaisir d’être seul dans les vents du matin…

Tout tient dans la paume de la main, la vie, les jours qui passent, les bonheurs, les espoirs et les malheurs.

Maxime ne voulait pas croire aux hasards, les instants fortuits étaient pour lui, comme des nécessités conduites par ses actions, ses bons vouloirs et parfois par ses inactions et son manque de courage.

Il s’était toujours senti acteur de son destin, décideur de ses actes, et savait qu’il supporterait toutes les conséquences de ce qu’il avait librement décidé, même si cela pouvait être difficile.

Pour lui, tout avait un sens dans la nature, de la plus petite bête que l’on ne voit pas, jusqu’aux plus grandes montagnes et jusqu’à ce ciel insondable qu’il aimait observer pendant les belles nuits sans nuages.

Les événements majeurs comme les plus petits instants avaient une finalité, et n’existaient que parce que l’homme avait pris connaissance de sa nature profonde, de son existence réelle, et qu’il devait se mettre debout devant l’adversité pour vaincre ses démons, comme pour dire à ce monde infini qu’il existait, et qu’il trouverait sa place et son bonheur sur ce petit bout de terre où il était né.

Il aimait la vie, il adorait les voyages, il voulait découvrir.

Mais comme beaucoup, il s’était laissé emprisonné dans le dédale d’une vie tortueuse, faite de mariage, de naissance, de travail, de succès et d’abandons, d’amitiés et d’amour, et aussi de peur et de sensations qu’il ne maîtrisait pas toujours.

Il s’était marié jeune, avait profité d’une jeunesse dorée, avait eu un fils qu’il adorait, mais la vie à des secrets que l’on ne perce pas facilement et s’était retrouvé seul, sans emploi, et de surcroît dérouté de tant d’adversité, alors qu’il avait toujours cru que vivre c’était décider et avancer.

Il avait fait bien des détours, pris des chemins de traverse pour respecter ses convictions, fait en sorte de ne jamais être abandonné, et finalement, ironie de ce sort qu’il avait toujours rejeté, avait divorcé, pour devoir maintenant se reconstruire. Il avait le sentiment profond d’avoir reculé et devait faire désormais des efforts pour sortir de cette situation qu’il n’aimait guère.

Dans quelques jours, il s’en irait en Italie, près de Naples où résidaient ses amis les plus chers.

C’était décidé, tout avait été organisé et prévu, les billets d’avion réservés, les valises bouclées, il avait fait ce choix improbable à ses yeux, il y a quelques temps en arrière, de partir … Le jour venu, il avait embrassé son fils avant qu’il ne reparte chez sa mère, il avait rangé l’appartement comme s’il ne devait pas y revenir, et billets en poche regardait celui du retour en se disant que ce serait bien s’il n’y avait pas de retour prévu.

Il voulait aller loin, comme dans une aventure inconnue, pour lui, pour oublier ici …

Marignane, l’aéroport, le ciel bleu, il faisait beau et sentait qu’il n’avait plus d’attache, il regardait une dernière fois son ciel de Provence, rentrait dans le hall, présentait ses billets et une fois dans les couloirs qui mènent à la salle d’embarquement, se disait qu’il avait l’impression de franchir les barrières du temps, que ce qui était derrière ne lui appartenait plus, qu’il allait découvrir enfin un autre monde pour remplacer celui qu’il venait juste de quitter.

Il était dans l’avion, ce jour où le volcan sicilien, l’Etna, imposant et coléreux, avait explosé une fois de plus.

Il venait d’arriver à l’aéroport de Naples, pour cette période de quelques mois, il voulait se mettre en retrait du monde et des mauvais événements qui l’avaient atteint.

Avec ce nuage de fumée au dessus du tarmac, il avait une fois de plus eu cette impression un peu vague que c’était un signe, comme un soulagement.

Il arrivait là où il avait envie d’être, et la nature lui disait que lorsque tout explose, il y a forcément une accalmie après.

Les tensions humaines comme les volcans créent des bulles qui explosent, il faut les comprendre pour éviter les dangers et faire baisser la pression.

Il se savait un peu chez lui, là aussi où il était sûr de revoir un ami très cher, qu’il n’avait jamais oublié, et il avait fait tout ce chemin pour aller jusqu’au pied du Vésuve, ce volcan toujours actif près des champs phlégréens, où il avait déjà ressenti les colères d’une terre sauvage dans un voyage touristique précédent, là où cet ami s’était définitivement installé, dans un élan d’amour et de passion pour sa femme.

Ce voyage était au fond une excuse pour s’enfuir et en même temps pour se retrouver, ailleurs, dans des conditions qui lui conviendraient, sans contraintes, sans peurs.

De cet ami il n’avait gardé qu’un vague souvenir, mais souvent ils s’étaient téléphonés pour prendre des nouvelles, et il avait une excuse toute trouvée pour tenter de le revoir et d’effacer ce temps qui avait coulé entre eux, une vraie excuse pour s’éloigner d’ici, peut-être aurait-il la chance de retrouvailles inattendues.

Depuis toujours il se sentait un peu italien, de cette Italie du sud qu’il aimait tant.

Les environs de Naples, la côte Amalfitaine, le bleu de la Méditerranée vu depuis les hauteurs de Ravello, la joie de vivre, les sorties en scooter, les rues étroites de la ville aux relents de pauvreté, et Positano la belle qui se baigne dans le bleu sur cette côte découpée, et qui attire tant de touristes du monde entier.

Il y avait succombé aussi, mais ce n’est pas pour cette belle ville balnéaire qu’il était venu. Il avait besoin de changer de vie, d’évacuer toutes ces dernières périodes compliquées quand un changement important arrive dans son existence, et qu’il faut gérer tous les problèmes familiaux en même temps, et apprendre à oublier pour se reconstruire.

Et puis, il y avait encore cette histoire de Sarah qui l’avait intrigué, il avait le sentiment que cette inconnue lui avait laissé un message, et que cette rencontre avec Monsieur René n’avait pas été fortuite, la vie vous réserve toujours des surprises.

Cette côte aux couleurs saphir et émeraude qui l’appelait, celle des riches touristes du monde entier, avec toutes ces petites villes somptueuses, Sorrento, Amalfi, ces paysages si romantiques, tout était prétexte à découverte, à l’envie, à goûter, à aimer la vie en quelque sorte.

Il le ferait en étant enfin seul et libre d’aller où il voulait et quand il voudrait, c’était cette liberté qui lui importait le plus à l’heure actuelle.

Il s’en était persuadé depuis toujours, son esprit rêveur et son imagination lui disait qu’il faisait le lien avec ces gens d’avant sur cette terre d’Italie, il pensait vraiment appartenir à cette ancienne civilisation qui avait été ensevelie par les cendres - Pompéi n’était pas loin - peut-être n’était-ce qu’une invention de son esprit voyageur, mais il était venu trouver ses réponses.

Il voyait la région napolitaine un peu à l’image de toutes les zones de montagnes côtières qu’il avait fréquentées, il y trouvait de telles forces et de telles beautés qu’il la pressentait comme un moyen de mieux comprendre qui il était, et se refaire une santé morale forte et trouver quelques réponses à ses doutes, le satisferaient amplement.

Comme toujours, depuis qu’il avait découvert qu’il était un être issu de civilisations différentes - ses grands-parents étaient des émigrés et sa maman était italienne de souche - il avait lu et absorbé des milliers d’informations à propos de ces régions qui l’attiraient comme un aimant au point d’y retourner plusieurs fois de suite dans sa vie d’errance et de recherches.

Il y avait toujours un « là-bas » à explorer, un « là-bas » qui lui donnerait des réponses, et il courait vers son destin sans savoir s’il allait vraiment les trouver, tout à son bonheur de découvrir, de se perdre dans ses recherches sans fin.

Maintenant, considérant que la vie était trop courte, il avait décidé qu’elle serait une fête permanente qui lui ferait voir le monde, qui l’amènerait à découvrir d’autres univers que le sien et s’enrichir au contact de personnes fantastiques comme il aimait à le penser.

Au fond de lui, il pensait toujours à ce but essentiel qu’il avait décidé de suivre quand il était adolescent, quand il s’était promis de ne jamais oublier les heures heureuses de son enfance, et vivre pleinement et sereinement les temps présents avec leurs cohortes d’ennuis, même si l’avenir était trop incertain, et sans jamais perdre en route ce qui lui paraissait si important, la famille et les vrais amis.

Ces valeurs étaient profondément ancrées dans son coeur, c’est ce qui le tenait debout, indéfiniment, quelques soient les problèmes à affronter.

Pour tout cela, il voulait que les siens, partagent ses points de vue, comprennent ce besoin irrépressible d’aller à l’autre bout du monde pour se retrouver.

Chaque action de sa vie allait dans ce sens, il resterait éternellement fidèle à ses sentiments et à ses convictions et faisait toujours tout pour les convaincre qu’il avait raison.

Il pensait n’avoir jamais eu de mal à se faire entendre, mais les événements récents lui donnèrent tort quand Hélène refusa de partir avec lui cette première fois, quand il lui demandait de trouver un point d’accord entre eux deux, pour se retrouver et réapprendre à s’aimer.

L’Italie qu’elle aimait elle aussi, aurait pu être un lien entre eux deux pour refaire un pas l’un vers l’autre.

Mais il en fut autrement …

— Tu veux toujours aller loin, aller ailleurs, j’en ai assez ! avait-elle crier ce jour.

Le temps était à l’orage, il faisait lourd dans l’appartement, les volets clos, les murs sombres, et la nuit qui débutait, tout était réuni pour qu’éclate un mini drame à l’échelle de leur cellule familiale.

C’était un jour de début de semaine compliquée, ils devaient tous les deux remplir des papiers pour les inscriptions de leur fils en faculté, et ni l’un ni l’autre ne s’y était attelé.

Leur fils, Mathieu, était parti en soirée avec ses amis pour fêter leurs bonnes notes au baccalauréat et dormait chez l’un d’eux.

La tension montait déjà depuis le repas du midi vite avalé, un repas sommaire fait de restes sans goût, des morceaux d’un filet de poulet mal accompagné de légumes cuits sans sauce, juste un repas pour un malade. Maxime c’était un peu énervé …

Maxime levant les bras;

— C’est franchement à vous dégoûter de manger pareille nourriture, aucun goût, c’est dégueulasse avait-il lancé très fort.

Hélène avec son regard courroucé;

— Si ça ne te convient pas, tu n’as qu’à aller ailleurs ! Lui avait-elle répondu en colère, j’en ai marre de tes réflexions !

Lui, en tapant sur la table;

— Tu crois peut-être que tu ne m’en fais pas des réflexions, il n’y a rien qui va en ce moment, j’ai beau essayer, tu ne m’entends pas ou tu fais semblant de ne pas m’entendre, et en plus tu as toujours raison ! Moi aussi j’en ai plus que marre !

Elle, les deux poings sur les hanches;

— Je te trouve gonflé de me dire ça, et si tu n’es pas content tu n’as qu’a aller voir ailleurs, répétait-elle d’une voix aigüe pleine de colère, je ne suis pas un restaurant !

Lui, regard acide et respiration courte;

— En plus ça fait des mois que ça dure, on ne peut jamais discuter avec toi !

Tu n’es même plus capable d’avoir un peu d’attention pour moi, on ne fait même plus l’amour, c’est pour dire !

Maxime bouillait, retenait tout de même ses mots, il avait tant de colère au fond de lui, qu’il aurait été capable de dire n’importe quoi, mais préférait se taire.

— Tais-toi ! se disait-il silencieusement, il serrait les poings et mordait sa lèvre inférieure jusqu’à avoir mal.

Un lourd silence s’installait dans la pièce, seul le bruit de la rue avait percé les murs et rampait vers eux comme pour les titiller un peu plus, brisant ce silence lourd.

Il n’y avait plus d’amour dans cette pièce, il avait été remplacé par des regards sombres, de la colère, des gestes imprécis, des claquements de doigts sur la table.

Ce repas était devenu un supplice pour Maxime, il s’était toujours cru à l’abri des éclats intempestifs et avait toujours fait en sorte de tempérer les discussions qui montaient dans les tours.

Il avait préféré les silences ou les acquiescements pour ne pas se heurter au caractère trop entier de sa femme.

Ce jour-là, il s’en rappellerait toujours, la méchanceté dans les mots prenait un échelon supplémentaire, chacun épiant les réactions de l’autre.

Les yeux d’Hélène, ces yeux qu’il aimait tant, couleur de la mer calme quand elle était heureuse, presque bleu des îles quand elle débordait de joie et d’amour surtout pour Mathieu, devenaient tout à coup bleu intense comme une mer qui se déchaine sous l’orage.

Il savait tout-à-coup que quelque chose d’important allait se passer, comme un pressentiment qu’il percevait en plongeant dans ses pupilles comme s’il descendait au fond de son âme.

Elle n’était plus la même.

Hélène n’avait pas trouvé mieux que de mettre à la poubelle ce qu’il y avait dans son assiette et s’était assise en face lui, les bras croisés.

Debout face à lui, droite comme un I, les mains crispées sur ses avant-bras, les ongles livides prêts à lui percer la peau, elle était devenue étrangement calme, comme avant la tempête.

— Je ne t’aime plus Maxime ! j’en ai assez ! lui avait-elle dit avec force.

Ses yeux brillants le fusillaient directement comme deux mitraillettes, la peau de son visage était devenue blême de colère et de ressentiment.

Se libérant enfin de tout ce qui ne lui convenait plus désormais, elle agitait ses mains, et ses avant-bras brassaient maintenant l’air à toute vitesse à chaque mot, elle semblait avoir envie de frapper encore et encore.

Rien ne l’arrêterait plus, comme si elle avait déjà tout décidé, comme si un démon l’avait possédée et qu’elle ne maîtrisait plus ses mots et son corps.

Maxime avait ressenti cette force négative qui l’avait envahie, il ne pouvait pas lutter contre tant d’énergie dirigée contre lui.

Aussi pour calmer le jeu et les angoisses, il se reculait sur sa chaise, levait les bras au ciel et lui dit doucement de se calmer.

— Me calmer, tu en as de bonnes toi !

Avec toi, jamais plus je ne serai calme, tu m’entends maintenant, jamais plus !

C’est fini, j’en ai marre, je ne t’aime plus … Je ne t’aime plus, répétait Hélène avec une voix éraillée … Tu comprends ? Suis-je assez claire ? avait-elle fini par lui crier en insistant bien sur chaque mot.

Voilà, tout avait été dit, comme si toute une vie commune de presque vingt ans, avait tout-à-coup pris une claque, balayée en quelques mots remplis d’une haine sournoise, un désamour né d’une vie peut-être trop rectiligne.

Il ne l’avait pas vu venir ainsi, il avait seulement ignoré tous les signes avant-coureurs de ce désarroi qu’il n’avait alors pas compris. Au fond de lui-même il pensait que tout ça ne serait que broutilles, que tous leurs petits désaccords s’oublieraient et passeraient avec les années.

Les mois puis les années avaient fait leur oeuvre.

L’ignorance des instants difficiles, les non-dits trop souvent présents, les activités parallèles des uns et des autres, les absences, les dénis quand l’un ou l’autre tentait de savoir, les nombreuses obligations, les vraies incertitudes avaient tué leur amour de jeunesse, il semblait qu’il n’y avait plus de réelle communication, et avec le temps c’était l’ennui qui s’était installé.

Ils vivaient l’un à coté de l’autre, mais chacun à sa façon avait oublié d’aimer chaque jour, tout simplement, et surtout avait oublié de le dire.

Maintenant il était trop tard, une mésentente douce et amère s’était installée, les vilains mots prenaient plus souvent la place des mots d’amour, et chacun finissait par ignorer doucement l’autre.

— J’ai compris avait dit calmement Maxime, ne t’énerves pas plus longtemps, je comprend ce que tu veux et je n’ai pas envie de te dire de vilaines choses.

Maxime était exaspéré de cette situation, qu’il n’avait pas vu venir, il s’était laissé déborder lentement, il avait toujours eu l’impression que rien ne pouvait arriver, et que quelques mots suffisaient toujours pour calmer les situations les plus houleuses.

Mais là, il n’arrivait plus à gérer et dans son désarroi acceptait le verdict annoncé quand elle lui avait dit qu’elle ne l’aimait plus.

C’est cela qui le mettait dans un état second, il acceptait sans comprendre vraiment, après tant de temps passé ensemble, ce ne pouvait pas être possible.

L'amour ne pouvait pas s'être envolé après tant d’années de complicité, et avec Mathieu leur fils, l’enfant voulu qui avait fait tout leur bonheur.

Pris par ce désarroi qu’il ne maîtrisait plus, il laissait une vague d’émotion grimper jusqu’à son cerveau, il finissait par saisir toutes ces situations mal vécues, ces non-dits permanents et répétitifs, ces allusions le concernant quand il n’était pas là.

Il voyait se dérouler toute une vie à mille à l’heure et son esprit ne réagissait plus, il n’avait plus d’arme pour se défendre, et son amour pour Hélène et Mathieu, ne suffisait plus à combler ce vide qui s’était créé entre eux deux, par habitude, par négligence peut-être.

Il se sentait un peu coupable, mais ne savait pas de quoi. Alors, ultime réflexe de défense, il battait en retraite en acceptant ce qu’elle lui disait si violemment.

Il s’était détendu, le visage calme mais déterminé, se reculait de la table en faisant glisser sa chaise, mettait ses deux bras en l’air et croisait les mains derrière la tête et la regardait lui aussi, droit dans les yeux en lui disant calmement.

— Je partirai dès demain ! Je ne sais pas où, ni comment, mais je ne serai plus là !

Toi, tu as certainement trouvé mieux ailleurs je suppose, et je ne compte plus pour toi !

Et Mathieu, tu y as pensé ?

— Laisse-le où il est, il n’a pas besoin de savoir ce qui se trame ici ! Et je te laisse imaginer ce que tu veux, ça m’est complètement égal !

Elle s’était levée, débarrassait son assiette, la lavait et laissait Maxime en plan avec son couvert.

La peau de son visage était devenue rouge par plaque, elle bouillait de l’intérieur, sachant que l’irréparable était arrivé.

Maxime à bout de nerfs se contenait, se bagarrant contre lui-même pour ne pas lui reprocher quoi que ce soit, mais n’y tenant plus lâchait quelques paroles qu’il ne pouvait contenir plus longtemps.

— Tu as un amant depuis combien de temps ? lançait-il de façon incontrôlée.

— Aller vas-y, rajoute en encore, continue ! J’en ai marre de tes façons de faire et de douter, ça suffit, on ne peux plus continuer comme ça !

Pour cette fin de phrase, ce n’était plus la colère qui avait le dessus, elle l’avait dit avec une sorte d’ironie méchante, elle s’était calmée en prononçant ces mots comme si c’était un soulagement.

Elle semblait attendre ce dernier instant de rupture qu’elle souhaitait, ces derniers mots qui feraient basculer leurs destins.

Depuis l’évier, elle s’était retournée et rapprochée de la table où Maxime était encore assis, les deux bras posés autour de son assiette, il était sans réaction devant ce regard courroucé qu’elle lui envoyait.

Le bleu de son regard, si clair habituellement, était devenu couleur tempête, quelques petites veines rouges étaient apparues dans le blanc.

Le regardant franchement de face, elle lui balançait ces trois mots qui défaisaient leur vie commune.

— Je veux divorcer !

Lançait-elle comme un défi, debout devant la table qu’elle retenait de ses deux mains.

Abasourdi par cette proposition sans échappatoire, Maxime essayait de réfléchir, en vain il restait figé et finissait par prononcer cet arrêt de mort pour leur amour.

— Oui, je crois qu’il ne nous reste plus que cette solution !

Un silence salutaire s’était immédiatement installé, le monde n’existait plus autour d’eux, comme deux protagonistes fatigués d’un combat trop intense, ils prenaient quelques secondes de repos avant de repartir au combat.

— Et bien, allons-y ! lui dit-elle d’un ton décidé.

Il la regardait se calmer, il savait qu’il avait enfin dit les mots qu’elle attendait et qui finissent par apaiser.

Elle s’était à nouveau assise, le bleu de ses yeux avait perdu leur intensité, elle semblait plus calme, elle réfléchissait elle aussi …

— Finalement tu as raison, ce sera mieux ainsi, et pour Mathieu ce sera plus facile plutôt que nous voir nous déchirer.

Tout-à-coup, tous les ressentiments s’étaient envolés, le calme était revenu, la tension si forte pendant ces dernières heures avait fait place au silence, à la réflexion, leurs mondes respectifs venaient de basculer.

Ne plus être mal accompagné …

Quelques mois plus tôt, en pleine crise de scepticisme, pris par le démon de la bougeotte, envahi par une irrépressible envie de fuir, Maxime s’était empressé d’appeler son vieil ami Eric.

Il y avait longtemps qu’il ne l’avait pas vu, il savait que chez lui il pourrait s’éloigner de toute cette saloperie de vie qui le dévorait, détruisant ce qu’il avait de plus beau en lui, sa jeunesse, son couple.

Il lui avait demandé s’il pouvait passer quelques temps avec lui, il devait sortit d’ici, s’aérer disait-il.

Décidé à mettre ses projets en route, décidé à fuir le coté malsain de cette rupture, maintenant certaine, il était allé réserver un billet dans la petite agence en bas de sa rue. Il partirait bientôt de Marseille pour Naples.

Il partirait loin chez ses amis, il s’évaderait quelques temps pour se refaire une santé.

Il allait devoir l’annoncer à son fils, bientôt, toujours avec ce sentiment de culpabilité qui le poursuivait.

Comment arriverait-il à se justifier ? Mathieu serait-il capable d’accepter cette situation sans véritable souffrance ?

Cette fois il partirait seul, cette année avait été une année trop terrible.

Depuis sa dernière confrontation avec Hélène, Maxime était dans un état de doute permanent, d’absence pour lui-même et les autres, il se sentait vide et avait besoin de se reconstruire.

Après avoir accepté ce divorce et constaté que l’amour n’était plus au rendez-vous et que la séparation avec Hélène était devenue inéluctable, il avait pris les affaires en main, et avait choisi un avocat pour que cette séparation soit actée et la moins douloureuse possible, ce qui fut le cas fort heureusement.

Il avait respecté ses promesses, et avait fait en sorte que chacun d’eux puissent trouver l’harmonie d’une vie de famille déconstruite.

Il s’était discrètement rapproché de leur grand fils Mathieu, lui avait expliqué avec beaucoup de patience qu’il n’en pouvait plus, que sa mère avait souhaité ne plus vivre dans la même maison, et qu’ils allaient prendre une difficile décision de séparation, qui aurait des conséquences sur leurs vies à tous les trois.

Mathieu n’avait pas été surpris outre mesure, il avouait à son père qu’il voyait la situation se dégrader, qu’il ne sentait plus l’accord parfait entre ses parents.

Il lui disait aussi que depuis quelques mois les comportements de sa mère n’étaient plus aussi attentionnés, il était devenu un homme maintenant qu’il venait d’avoir presque dix-huit ans, et elle lui faisait souvent comprendre à demi-mots qu’il était libre, qu’il pouvait prendre ses propres décisions.

Il n’avait pas toujours compris, mais ressentait ces désordres moraux quand on n’a plus de certitude, et que l’un des parents vous envoie ses propres peurs.

— Tu sais papa, j’avais bien senti que quelque chose ne tournait plus rond entre vous, Maman ne te parlait plus et vous ne faisiez plus rien ensemble.

Je trouvais que la maison devenait triste.

Il disait ces choses qu’on avoue comme un soulagement, son visage calme respirait une certaine fraîcheur, une innocence précieuse, le ton de sa voix laissait penser qu’il ne souffrait pas, que l’évidence s’était imposée et que dans cette époque où tout change si vite, il n’aurait de toute façon pas voix au chapitre, que les grands savaient ce qu’ils faisaient, la liberté de chacun était à ce prix.

Il se rappelait ces moments où il se sentait si seul, qu’il n’osait pas intervenir dans leurs conversations indifférentes.

Il ne se sentait pas à sa place dans cette maison qui n’abritait que des parents en pleine discorde. Il en souffrait en silence, il pleurait parfois la nuit, quand dans le noir, lui revenaient des images des sorties qu’ils faisaient tous les trois, au cinéma, au restaurant, et qu’il savait maintenant que tous ces bons moments ne seraient plus que des souvenirs.

Souvent, il avait les yeux tristes, sa voix était cassée comme résignée, il ne pleurait pas, mais une larme apparaissait au coin de son oeil droit, quand ils les entendait élever la voix.

Dans ces instants violents, Maxime avait compris que tout serait écrit désormais, rien ne pourrait plus les faire revenir en arrière, rien ne pourrait modifier le passé, et il était inutile de se battre contre des temps qui n’étaient plus, et qui avaient déjà produit des effets, bon ou mauvais, qu’il ne pourrait apprécier que bien longtemps après.

Mathieu vivait chez Hélène, depuis leur séparation.

Par convention entre eux, il avait été de bon ton de laisser l’enfant avec sa mère, même si Maxime avait réclamé une garde alternée, qu’Hélène s’était empressée de refuser jusqu’à la majorité de son fils.

Dans l’appartement presque vide, en père attentif et soucieux du bien-être de son fils, il l’avait invité à dîner, comme si tout cela pouvait être normal. Il sentait bien le désarroi de ce jeune devant ce vide qui lui paraissait anormal, qu’il semblait accepter.

Mathieu s’était levé, il regardait par la fenêtre de l’appartement.

La rue était vide à cette heure, toutes les familles devaient être réunies pensait-il, avec un brin d’amertume qui lui faisait plisser le front.

Cela se voyait tellement sur son visage, il était tendu, comme sur le qui-vive alors que rien ne l’oppressait, rien ne l’obligeait.

— Il me semble vide ton appartement Papa, tu ne t’y ennuies pas trop ? … Tout est blanc, tout est sans vie.

Quand tu étais à la maison tu décorais, tu mettais tes photos au mur, tu les changeais et j’aimais bien quand tu repeignais les murs pour changer d’univers comme tu disais !

— Oui, je me souviens, surtout le jour où tu m’as demandé de repeindre ta chambre en deux couleurs, un rouge foncé à la tête de ton lit et un jaune autour de la fenêtre, en me certifiant que tu y serais mieux ainsi, et très vite dès le lendemain, tu as épinglé tes posters sur les murs, la couleur avait disparu et tu t’étais justifié en disant que les murs n’étaient pas faits pour rester éternellement vides.

— Je me rappelle bien que tu avais été en colère ! … Mathieu souriait, il avait retrouvé ce visage décontracté plein d’innocence joyeuse, avec cette certitude d’avoir eu raison, à l’époque c’était sa chambre à lui, il en faisait ce qu’il voulait.

— Ce n’était pas de la colère, j’avais poncé tous les murs, rebouché tous tes trous d’épingles, nettoyé les taches au plafond, et aussitôt tu avais recommencé sans même me dire que tu étais content de mon travail. Tu me concéderas quand même qu’il y avait de quoi me froisser …

— Ce serait aujourd’hui, je ferais autrement !

— Bonne conclusion fils ! Toi aussi les événements te font changer d’opinion, tu analyses les faits, tu comprends, tu deviens un homme.

Le visage de Mathieu s’était subitement éclairé, et ce n’était pas la lumière de l’extérieur, mais le seul fait de savoir qu'il pouvait enfin être compris et qu’il pouvait s’en ouvrir, qui lui avait donné cette sorte d’aura lumineuse que portent les gens heureux.

Maxime le regardait tendrement, sans le fixer, il voyait ce fils qui lui rappelait sa propre jeunesse, n’était-il pas à son image, un peu son double ? Toujours debout devant la fenêtre, il lui semblait grand, si grand, plus de quinze centimètres de plus que lui, il avait l’impression d’avoir achevé son oeuvre, il voyait en lui un homme comme il avait toujours eu envie qu’il soit.

Il avait les yeux et la forme du menton de sa maman, et pour le reste du visage, il n’y avait que le front et la forme du nez et des oreilles - petites mais bien ourlées - qu’il avait hérités de lui.

Il était beau, un Éphèbe aurait-on dit en d’autres temps, un corps svelte et musclé par les exercices qu’il faisait chaque semaine en salle de sport, il était un de ces gamins, bien dans son époque, bien dans son corps, sportif, à l’aise certainement avec son monde, maintenant plein de ressources et prêt à en découdre avec la vie.

Il était un beau jeune homme, et Maxime en était fier.

S’approchant de lui, il posait doucement sa main sur son épaule comme pour le soutenir dans cet effort qu’il faisait pour parler, pour dire ses sentiments.

— Ne sois pas inquiet fils, l’existence est changeante pour tout le monde, mais elle est belle assurément, et tu as une longue vie devant toi, pour tout voir et comprendre. Chaque chose en son temps comme on dit souvent.

— Je ne sais pas si le monde sera aussi beau que tu le dis, quand je vois tout ce qu’il se passe, ça craint parfois ! Mathieu laissait ses craintes déborder, mais son père reprenait le cours de sa conversation en laissant ces problèmes de société en suspend, il avait bien d’autres soucis à régler avant.

— Tu sais … j’ai bien eu du mal à accepter cette décision, mais elle reflète l’aboutissement de tout ce que nous n’avions pas réussi ensemble, avec ta maman.

Elle n’avait pas les mêmes centres d’intérêts que moi, nous n’avions plus envie de partager les mêmes émotions, c’est ainsi que nous devions prendre des chemins qui se séparent, sans haine, sans regret et maintenant que c’est fait, je vis autrement, la décoration ça n’est pas important, ce qu’il faut imaginer, c’est ce qu’il y a dans le coeur.

— Je ne suis pas inquiet, je regarde comment les choses vont et viennent, et j’essaye d’en tirer des leçons, que ça me serve à moi aussi plus tard, si… Songeur, il s’était arrêté là dans sa phrase, il en avait assez dit.

Curieusement malgré sa jeunesse, il se faisait des réflexions sensibles, inquiètes qui disaient sa maturité.

Campé sur ses jambes, il avait repris sa posture un peu rigide devant la fenêtre, la nuit avançait à grands pas maintenant.

— N’oublies jamais que je t’aime, tu es un garçon formidable Mathieu, personne ne pourra t’enlever ça !

Et maintenant tu as toute la vie devant toi pour décider de ton chemin, pour en faire ce que tu souhaites vraiment, tu es le maître à bord !

— Facile à dire Papa ! Je n’ai que dix-huit ans et j’ai besoin de toi et de maman !

Il va falloir que je vous consulte séparément pour prendre les bonnes décisions dont tu me parles, et je n’ai pas vraiment l’impression que c’est si simple que tu me le dis.

Mathieu était un garçon sensé, plein d’énergie, jusque là il avait mené une vie d’étudiant sans soucis, réussissant ses examens, profitant de ses amis, des sorties, du bon temps des vacances sans les parents.

Du haut de son mètre quatre vingt sept, il était un grand gaillard bien charpenté, ses yeux clairs qu’il avait hérités d’Hélène transperçaient ceux qui le regardaient trop longtemps.

Il avait cette certitude de la jeunesse, cette façon directe de communiquer qui vous met mal à l’aise quand vous n’êtes pas en accord avec lui, ou qui vous émerveille, par la clarté de ce bleu qui rappelle les îles lointaines, et vous met dans une position d’entente totale comme si seul son regard suffisait à vous convaincre.

— Nous serons toujours à tes côtés, tu le sais ! lui répondait Maxime. Personne ne peut nous remplacer, tu le sais aussi, et même si nous ne te répondons pas en même temps, tu auras toujours nos avis et tu décideras en ton âme et conscience.

Nous t’aimons vraiment et je te le répète, nous te soutiendrons toujours !

Les choses essentielles avaient ainsi été dites, seule la situation changeait parce que physiquement ses deux parents ne vivraient plus ensemble, mais il devait l’accepter.

Il retournait sur sa chaise, Maxime avait mis la table rapidement avec le peu de couverts qui lui restait, chacun un verre, un couteau, et une fourchette.

— Ce soir ce sera soirée pizza, je n’ai pas eu le temps de faire la cuisine, alors je suis passé chez Aldo et il m’a fait deux pizzas comme tu les aimes.

— Au moins maman ne pourra pas me dire que le soir ce n’est pas bon pour la santé de manger autant, et les pizzas d’Aldo sont les meilleures, elles me font