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Retrouver les sensations et émotions que la nature peut donner sur les pentes de la montagne Sainte Victoire. Un recueil de 102 pages photos et textes pour se plonger dans les chemins et sur les collines.
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Seitenzahl: 79
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Dans l’air humide de cette première matinée de la nouvelle année, j’étais venu saluer la grande dame qui m’attirait tant. Subjuguer par la beauté des masses mouvantes des nuées grises, je m’étais laissé enveloppé dans les brumes, à mi-hauteur sur les pentes rocheuses, attendant que le soleil veuille bien faire son apparition. Patient, je savais qu’elle était là, cachée dans son enveloppe, prête à jaillir au-dessus de l’horizon aux teintes pastel. Je m’étais assis sur une roche grise, écroulée depuis les dernières pluies violentes, et je remarquais tous les changements dans les formes, les couleurs, les plantes, la terre. Rien n’était pareil depuis ma dernière visite, et je constatais une fois de plus que la nature avait fait son travail lent et minutieux de démolition, d’aplanissement. Les racines des vieux genévriers autrefois en terre, apparaissaient maintenant comme prisonnières de la roche, la souffrance s’installait sur les ramures qui avaient perdu leur feuillage, et il me semblait que les terres rouges en plaques plus nombreuses, avaient remplacé les terres nourricières d’avant. Il est dans la nature de cette terre que les choses changent, que les plantes et tout ce qui vit se déplace, disparaisse ou naisse dans ces environnements hostiles qui gardent toute leur beauté même dans les indescriptibles chamboulements dans lesquels je me sentais si petit. C’est alors qu’entre deux nuées grises fuyantes, je percevais ces quelques rayons de lumière blanche qui venaient à créer ces sublimes effets de transparence que je venais sans cesse rechercher. La montagne dévoilait alors doucement son intimité, découvrant ses parois blanches, laissant le soleil du matin caresser ses sommets, et je me laissais porter dans la poésie vaporeuse de ces quelques minutes instables.
Dans la blancheur d’un ciel sans force, Les nuées transparentes se bousculaient en venant parfois s’empiler sur les sommets de la montagne. Le vent du nord acide et violent s’était emparé de toute la voûte céleste, et bousculait sans fin les quelques trainées blanches d’une humidité venue d’un nord glacé. L’hiver était bien là, il couchait les herbes, brassait les buissons, plaquait les oiseaux au sol et seules les pierres grises, ocres, blanches parfois, résistaient aux assauts inconsidérés de ce maudit mistral. Il ne m’en fallait pas plus pour aller me réfugier dans des abris créés par les roches érodées, les courants d’air y étaient moins forts, le soleil arrivait à percer doucement, et une chaleur toute relative permettait encore à de maigres pieds de romarins de surmonter cette mauvaise journée. Dans le lointain, sur fond de ciel bleu pâle, les falaises semblaient si blanches que j’avais l’impression qu'elles s'eraient maquillées de poudre de riz à la façon des vieilles dames coquettes. Toute la montagne jaillissait dans son écrin de couleurs tendres, il n’y avait plus que les terres oxydées pour créer cette profondeur d’un décor irréel. Je restais longuement scotché devant ce spectacle, l’esprit vidé de toute idée, je m’envolais au gré des bourrasques froides, m’imaginant emporté dans les tourbillons dans ce bleu infini. Un bonheur simple, le bonheur d’un instant irréel, léger, plein de fraîcheur et de transparence me comblait au point d’oublier les frissons qui me gagnaient. La soudaineté de l’hiver conjugué à la dureté des roches créait un environnement particulièrement fantastique fait de couleurs délavées, qui rappelaient combien cette terre sauvage et indisciplinée pouvait être encore belle et attirante.
Au-delà de l’ombre épaisse sous les buissons, je sentais les bruyères et les romarins frémir encore, comme si un sang bouillonnant dans les veines de la terre profonde voulait remonter vers le ciel pur. Une vie intérieure concentrée sur les racines montrait tout l’attachement de cette nature à ses pentes caillouteuses. Même les racines mises à nu, semblaient ne pas en vouloir aux dernières pluies torrentielles, tant elles paraissaient belles dans leur dénuement. Je remarquais encore ces quelques fleurs minuscules des romarins bien à l’abri, qui permettaient aux insectes butineurs de trouver quelque nectar, pour tenir pendant toute cette longue saison. Un bourdon tout brun, s’était égaré juste à côté de moi, il volait doucement de fleur en fleur plongeant sa tête entre les petits pétales bleu violacé, il ne s’occupait pas de ma présence et fuyait rapidement vers d’autres buissons plus loin pour continuer sa quête. La montagne surgissait au-dessus de cette colline si riche en couleurs. Les tons vifs de l’été avaient fait place à une immense douceur colorée faite de brun, de terre de sienne, d’ocre et de vert tendre. Les teintes les plus vives à la belle saison n’en finissaient pas de décliner toute leur douceur en couleurs lavées au gel des matins froids, clamant à l’azur décoloré lui aussi, que rien ne les empêcheraient de rejaillir aux prochains beaux jours.
Au plus profond de la combe dégarnie, une douce chaleur emplissait tous les creux à l’abri des vents. Un silence incroyable s’était posé au milieu de cette nature saccagée par les dernières embardées du ciel. Des pierres immenses et grises semblaient crier leur désespoir, se dressant de toute leur haute taille vers ce bleu insolent d’un ciel d’hiver sans nuages. Après un long détour à travers roches, éboulis et buissons, la chaleur projetée par les falaises et le soleil m’avaient forcé à m’asseoir dans ces pentes que je ne connaissais pas. Partout l’usure des pierres oxydées avait créé de longues coulées de terre rouge, laissant à nu les grandes plaques de poudingue renversées ou brisées par les forces telluriques. Il faisait même si bon, que je m’étais assis longtemps pour regarder la montagne dans toute sa blanche splendeur. Elle semblait comme nettoyée, polie, usée par les pluies et les vents de l’hiver. Le soleil blanchissait toutes les parois, la rendant radieuse et immense à la fois. Je goûtais cet instant de solitude silencieuse, ou seul le vol d’une corneille toute noire, vint troubler mon attention. Elle faisait quelques passages au dessus de moi, puis s’élançait plus loin vers les hauteurs en quelques coup d’ailes, poussant un long cri rauque dans une dernière pirouette avant de disparaître. Dans le silence au fond de la ravine, seuls mes pas faisaient crisser les petits cailloux échappés des roches lors des derniers gels destructeurs. Sur les derniers buissons accrochés aux pierres, j’arrachais une minuscule brindille de romarin devenue presque grise sous le froid persistant des dernières nuit, et je me laissais porter par les senteurs inoubliables de cette plante odorante aux mille vertus ...
Pour qui ne l’approche que de loin, la montagne reste un secret. Elle ne donne pas tout de sa vie intense, elle ne parle pas de ses malheurs quand viennent les mauvais temps qui la rident un peu plus chaque fois. Elle vit au rythme de son propre temps en millions d’années, et n’a que faire des sentiments passagers de ces hommes parfois si peu respectueux de sa beauté. Ils disparaîtront et elle sera encore là au milieu de sa Provence. Elle voit ses chemins se creuser, elle regarde sa peau se fendre en de longues coulées sanguinolentes lorsque les pluies acides viennent ronger sa terre. Pourtant elle garde cette grandeur infinie quand les rayons du soleil viennent caresser ses hauteurs grises et majestueuses, elle resplendit alors de toute sa blancheur avec cette belle végétation verte des pins qui se courbent dans le sens des vents sur ses pentes parfois si abruptes. Elle laisse alors les vents lui parler, la frôler, et même si parfois, ils la décoiffent violemment, elle se cache alors derrière un épais manteau de nuages lourds pendant quelques journées sombres où elle épuise sa tristesse, pour enfin réapparaître dans toute sa splendeur. Tel un habit royal, le ciel d’une profondeur insoutenable l’entoure de ses teintes les plus folles, dans des bleus impossibles, que même les peintres les plus hardis n’osent pas poser sur la toile.
Bleu, le ciel était si bleu que rien d’autre ne pouvait accrocher le regard. La montagne elle-même semblait se parer richement dans sa robe de dentelles face à cette immensité si bleue, pour résister à cet attrait inconditionnel. Les ocres, lavés par les dernières pluies, s'étaient figés dans la lumière brillante d’un matin hivernal, et venaient mettre un point d’orgue à ce tableau presque idyllique. Les contrastes étaient si forts que toutes les couleurs semblaient magnifiées dans cette intensité de bout du monde. Seuls les gris des falaises immenses prenaient plus de lumière pour mieux se mettre en valeur, et venaient jouer entre le ciel et la terre, là, où un très vieux pied de genévrier avait perdu tout espoir de vivre éternellement. Il y avait tant de simplicité dans la beauté de cette matinée, que je comprenais toute l’ardeur que les peintres de la Provence mettaient dans leurs toiles si chatoyantes et chamarrées. Quel plaisir pour les yeux, quel régal aussi pour l’esprit lorsqu’au bout de cette admiration vient enfin la sage contemplation d’un instant à la fois unique et grandiose.