62,99 €
La planification successorale est un art délicat qui nécessite une approche pluridisciplinaire.
Outre l’état des lieux précis qu’il dresse de la question, cet ouvrage collectif clarifie les notions essentielles à la compréhension de cette matière complexe :
- il insiste sur le caractère continu de la planification successorale en débusquant les pièges tendus à chaque acte significatif de la vie courante ;
- il fait la part des choses quant à la technique périlleuse de la donation (en prônant notamment l’aménagement du régime matrimonial comme moyen de substitution);
- il contribue à anticiper le contentieux fiscal par une série d’« astuces » juridiques ;
- enfin, il fait le point sur les fondements de droit international privé en abordant la notion « d’extranéité » (mariage à l’étranger, nationalité étrangère d’une des parties, etc.) et ses répercussions de plus en plus nombreuses sur la planification successorale.
La diversité des thématiques traitées dote donc cet ouvrage d’une vision globale et transversale, essentielle pour un conseil de qualité. Le sujet intéressera bien sûr les professionnels du droit mais également tous ceux qui, de par leur activité professionnelle ou situation familiale, sont désireux d’optimiser leur succession.
Le lecteur trouvera dans cet ouvrage les clés qui lui permettront d’envisager sereinement sa succession ainsi que les aspects cardinaux à prendre en considération tout au long de sa démarche.
À PROPOS DE L'ÉDITEUR
Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
Depuis 1995, Anthemis s'est donné pour objectifs :
- de publier des ouvrages de qualité adaptés aux besoins des professionnels, quelles que soient leurs activités;
- de proposer un fonds documentaire tant sur papier que sur support électronique;
- de donner à ses publications une large diffusion en Belgique et à l'étranger;
- d'offrir un réel partenariat aux auteurs.
Nos publications sont destinées aux professions juridiques mais également aux chefs d'entreprise, aux responsables de départements de finances et de comptabilité, aux réviseurs d'entreprises, aux experts-comptables, aux assureurs, aux médecins, etc.
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Seitenzahl: 486
Veröffentlichungsjahr: 2015
LES MANUELS PRATIQUES DES FUCaM
Collection sous la direction de Patrick Jaillot
André Culot Virginie Dehalleux Emmanuel de Wilde d’Estmael
© 2013, Anthemis s.a. Place Albert I, 9, B-1300 Limal Tél. 32 (0)10 42 02 90 - [email protected] - www.anthemis.be
Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit, réservées pour tous pays.
Dépôt légal : D/2013/10.622/29 ISBN : 978-2-87455-786-6
Mise en page : MC Compo ePub : ebookme
Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Titre I. Les actes de la vie courante dans une optique de planification successorale
André CULOT
Titre II. La structuration et la planification par le contrat de mariage
Lorette ROUSSEAU
Titre III. La planification successorale par donation(s)
Virginie DEHALLEUX
Titre IV. L’anticipation du contentieux fiscal (régularisation préalable, demande deruling…)
Sophie VANHAELST
Titre V. Le droit international privé dans le cadre de la programmation successorale
EmmanuelDEWILDED’ESTMAEL
Table des matièresTitre I
André CULOT
Conseil fiscal IEC, consultant pour PricewaterhouseCoopers Professeur à l’ESSF, à l’EFP, à la Chambre belge des comptablesChargé de conférences au Mastère en gestion fiscale de la Solvay Brussels School Chargé d’enseignement au CeFIAD
Le but poursuivi par cette contribution est triple :
tenter d’initier le lecteur à la planification successorale ;attirer son attention sur les conséquences d’actes de la vie courante, parfois considérés comme habituels au moment même, mais qui peuvent finalement s’avérer dangereux et donc fiscalement onéreux le jour du décès d’une des parties ;examiner l’incidence éventuelle de la mesure anti-abus de droit sur les opérations envisagées.Il ne peut toutefois s’agir que de pistes à explorer. En effet, pour les emprunter, il sera toujours prudent de se faire accompagner d’un ou de plusieurs conseillers. Les pièges ne manquent pas.
Préparer la transmission de son patrimoine est en effet un travail de longue haleine. Transmettre son patrimoine, c’est d’abord se poser des questions quant à son patrimoine actuel. C’est le réorganiser en rectifiant parfois les erreurs du passé. C’est apprendre à mieux l’organiser et, enfin, c’est tenter d’offrir un cadeau fiscal à ses successeurs.
Pour que cette transmission soit un succès, il est toutefois requis de ne pas se fixer comme seul but final une diminution de la facture fiscale, mais bien de partir du principe que l’on veut réussir la transmission de son patrimoine. En effet, vouloir à tout prix atteindre une économie fiscale risque d’occulter tous les pièges qui, un jour ou l’autre, se refermeront sur vous ou sur vos successeurs et apporteront plus de malheur que de bonheur.
Réussir la transmission de son patrimoine, c’est sécuriser son avenir et celui de ses successeurs.
Nous n’avons nullement la prétention d’être complet. En effet, en matière de planifications successorales, chaque cas est différent et il est toujours prudent de tenir compte d’éventuels agissements ultérieurs (tant des parties que des législateurs).
Chapitre I
La nouvelle disposition est applicable aux actes ou à l’ensemble d’actes posés à partir du 1er juin 2012 (étant le premier jour du deuxième mois qui suit celui de la publication de la loi au Moniteur belge).
En d’autres termes, si l’administration fiscale souhaite faire appliquer l’abus fiscal à un ensemble d’actes juridiques, tous les actes devront avoir été posés après le 1er juin 2012.
Pour qu’il y ait abus fiscal, il faut que le contribuable (ou le défunt) ait réalisé, par un acte juridique ou par un ensemble d’actes juridiques, l’une des opérations suivantes :
une opération par laquelle il se place, en violation des objectifs du Code des droits d’enregistrement ou du Code des droits de succession, en dehors du champ d’application de cette disposition; ouune opération par laquelle il prétend bénéficier d’un avantage fiscal prévu par le Code des droits d’enregistrement ou le Code des droits de succession, dont l’octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but est l’obtention de cet avantage.Si l’administration fiscale peut démontrer que l’opération contestée rentre dans l’une ou l’autre des deux situations, il y aura abus fiscal.
Il est cependant essentiel que l’administration fiscale démontre, outre la preuve d’un ou de plusieurs actes juridiques réalisés par le contribuable ou le défunt :
soit que l’opération réalisée est contraire à l’objectif de la disposition qu’elle entend faire appliquer, et à laquelle le contribuable ou le défunt a tenté d’échapper en se plaçant en dehors du champ d’application de cette disposition;soit qu’il y a eu un avantage fiscal qui a été obtenu en violation de l’objectif d’une disposition du Code ou dont l’octroi serait contraire à l’objectif de cette disposition et dont le but essentiel serait l’obtention de cet avantage.Tant que l’administration fiscale n’aura pas apporté cette preuve de la contrariété à l’objectif d’une disposition légale, il n’y aura pas d’abus fiscal et le contribuable n’aura strictement rien à démontrer ou à apporter comme élément.
L’administration fiscale devra donc, la plupart du temps, démontrer que l’opération qui a été réalisée est contraire à l’objectif de la disposition qu’elle entend faire appliquer.
Selon la circulaire n° 4/2012 du 4 mai 2012, l’administration fiscale doit démontrer que le but et la portée de la disposition concernée ont été déjoués.
On constatera que cette circulaire précise que l’interprétation de cet objectif doit se faire d’abord en recherchant la signification du texte et ensuite, si le texte n’est pas clair, interpréter les mots et les notions utilisés, à la lumière de l’intention du législateur.
Si les objectifs des dispositions fiscales sont clairs et contenus dans les dispositions elles-mêmes, il n’y aura pas lieu d’aller plus loin. Par contre, si la lecture textuelle n’apporte aucun résultat, l’administration fiscale devra passer à la phase de l’interprétation et l’intention du législateur devra être recherchée dans les travaux préparatoires de la loi elle-même. L’incompatibilité avec les objectifs d’un article de loi doit être comprise à la lumière du concept de « construction purement artificielle » de l’opération (voy. la circulaire du 4 mai 2012).
Ce n’est que lorsque l’administration fiscale aura pu démontrer cette contrariété à l’objectif d’une disposition légale que l’abus fiscal sera avéré et que la preuve contraire devra être rapportée par le contribuable pour éviter le prélèvement conforme à l’objectif de cette disposition.
Si l’administration fiscale devait démontrer que l’opération réalisée par un contribuable entrait dans l’une des deux situations vues ci-avant et qu’elle démontrait que l’objectif de la disposition visée avait été contrarié, il appartiendrait au redevable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d’actes juridiques se justifie par d’autres motifs que la volonté d’éviter les droits d’enregistrement s’il s’agit de l’application de l’article 18 du Code des droits d’enregistrement (ou d’éviter les droits de succession s’il s’agit de l’application de l’article 106 C. succ.).
Selon la circulaire du 4 mai 2012, il faut que les motifs « non fiscaux » soient spécifiques à l’opération concernée et qu’ils ne soient pas à ce point limités qu’une personne raisonnable ne réaliserait pas l’opération pour ces motifs non fiscaux.
Dans le cadre de l’article 18 du Code des droits d’enregistrement, le contribuable doit démontrer qu’il a eu un autre but que la volonté d’éviter les droits d’enregistrement. Il n’est pas précisé qu’il doit démontrer un motif non fiscal. Il peut ainsi démontrer un but fiscal, mais autre que celui d’éviter les droits d’enregistrement. Dans le cadre de l’article 106 du Code des droits de succession, il faut que le contribuable démontre d’autres motifs que la volonté d’éviter les droits de succession.
Dès lors, si l’administration fiscale devait soulever un abus fiscal dans le cadre des droits d’enregistrement, le redevable pourrait démontrer qu’il justifie son acte par un motif d’éviter d’autres droits que ceux d’enregistrement, tels que les droits de succession et vice versa.
Lorsque le contribuable ne fournit pas la preuve contraire à l’abus fiscal, l’opération sera soumise à un prélèvement conforme à l’objectif de la disposition légale contrarié comme si l’abus n’avait pas eu lieu. Aucune amende pour fraude fiscale ne sera réclamée. En effet, l’existence de l’abus fiscal ne suppose pas une violation de la loi fiscale.
Il n’est pas prévu que le droit déjà payé pour l’opération réalisée sera imputé sur le nouveau prélèvement à effectuer, mais cette imputation sera à effectuer en vertu du principe non bis in idem.
Le prélèvement que l’administration fiscale pourra demander ne modifiera cependant pas l’acte réalisé et ce dernier continuera à exister par la suite.
Au regard du Code des droits d’enregistrement, il y a simulation lorsque la convention constatée dans un acte n’est pas celle qui a été conclue entre les parties ou que, s’agissant d’une convention visée à l’article 19, 2° ou 5°, du Code des droits d’enregistrement, l’acte est incomplet ou inexact, en ce sens qu’il ne révèle pas tous les éléments de cette convention (art. 204 C. enr.).
Il convient donc d’insister sur le fait que ne sont visées que deux hypothèses :
celle d’une convention qui, constatée dans un acte présenté volontairement à l’enregistrement ou obligatoirement enregistrable, n’est pas celle qui a été conclue entre les parties ;celle d’une convention visée à l’article 19, 2° (convention translative ou déclarative de propriété ou d’usufruit d’immeuble situé en Belgique), ou 19, 5° (acte constatant un apport à une société belge possédant la personnalité juridique), du Code des droits d’enregistrement, qui est constatée dans un acte incomplet ou inexact, en ce sens qu’il ne révèle pas tous les éléments de cette convention.C’est à l’administration qu’il appartient d’apporter la preuve lorsqu’elle soutient qu’un acte est simulé. La question de la simulation se résumant en pratique à une question de fait, le fisc est admis à faire cette preuve par toutes voies de droit, témoignages et présomptions compris, à l’exception du serment.
Ce dont l’administration doit faire la preuve, c’est du fait que l’acte apparent ne correspond pas à ce que les parties ont réellement voulu. Elle ne doit donc pas apporter la preuve d’une intention frauduleuse dans le chef des contribuables, puisque la simulation est indépendante de l’existence ou non d’une telle intention dans le chef des parties à l’acte.
En plus du fait que les parties à l’acte n’ont pas accepté toutes les conséquences de l’acte apparent, la jurisprudence exige de l’administration qu’elle démontre en quoi consiste en réalité l’opération intervenue entre les parties.
La question de savoir si un ou plusieurs actes constituent ou non une simulation est donc une question de fait laissée à la libre appréciation du juge chargé du dossier.
L’article 204 du Code des droits d’enregistrement est une disposition d’ordre public, de sorte que d’éventuelles conventions dérogatoires ne sont pas opposables au fisc et n’ont pas non plus la moindre valeur dans les relations entre les parties.
Une amende, égale au droit éludé, est encourue individuellement par chacune des parties, y compris celles de la convention simulée.
En ce qui concerne le paiement des droits éludés, les parties y sont tenues indivisiblement vis-à-vis de l’administration, contrairement à la règle qui prévaut pour les amendes.
La prescription est de 15 ans (art. 214, 7°, C. enr.).
Parmi les exemples les plus fréquents de simulation, lors de planifications successorales, on peut citer :
la donation d’un immeuble entre un oncle et son neveu déguisée en vente, c’est-à-dire le cas où l’acte présenté à l’enregistrement est une vente d’immeuble, alors que le prix stipulé dans l’acte n’a jamais été payé et ne devra pas être payé, ou alors que le prix est payé et remboursé immédiatement après ;la vente moyennant une rente viagère non payée ou systématiquement remboursée3._______________
1Pour une analyse plus complète : E. DE WILDED’ESTMAEL, « Les droits de donation et les droits de succession à l’épreuve de la nouvelle règle sur l’abus fiscal », Rec. gén. enr. not., n° 26.406 ; V.-A. DE BRAUWERE et G. DE FOY, « Abus fiscal en ingénierie patrimoniale : le tigre de papier », Rec. gén. enr. not., n° 26.407 ; P. VANDEN EYNDE, « Présomption générale d’abus de droit », Droits de succession-Lettre d’information mensuelle-Actualités en bref, n° 11/2012, décembre 2012, Kluwer ; N. GHEEL-HANDDE MERXEM, « La disposition anti-abus et les droits de donation et de succession », Rev. not. belge, 2012, pp. 511 à 514 ; Chroniques notariales, avril 2012, vol. 55, pp. 422 à 426 ; M. BOURGEOIS et A. NOLLET, « L’introduction d’une notion générale d’abus (de droit) fiscal en matière d’impôts sur les revenus, de droits d’enregistrement et de droits de succession », R.G.F., 2012/6, p. 16.
2Ces simulations seront souvent découvertes lors du décès d’une partie et de renseignements obtenus dans le cadre des enquêtes prévues aux articles 183 C. enr. et 100 C. succ.
3Dans ce cas, l’administration pourra invoquer l’article 11 C. succ. dont question dans le chapitre III.
Chapitre II
L’administration peut prouver par tous moyens de droit chaque fait qui tend à démontrer qu’un droit est exigible. Cela revient à dire qu’elle doit démontrer qu’un bien (meuble ou immeuble, corporel ou incorporel) fait partie de la masse imposable appartenant au défunt. Théoriquement, l’administration possède suffisamment de moyens. La pratique a toutefois montré que s’il était facile de démontrer que certains biens avaient appartenu au défunt à un moment donné, il en était tout autre, c’est-à-dire beaucoup plus difficile, voire impossible, de prouver que ces biens faisaient encore partie du patrimoine du défunt au jour du décès.
Aussi, conscient de cette situation, le législateur instaura la disposition de l’article 108 du Code des droits de succession5 selon laquelle certains actes suffisent à établir qu’à un moment donné, le défunt était propriétaire de tel ou tel bien et que, si la preuve contraire n’est pas rapportée, ce bien est censé toujours se trouver dans sa succession. En principe, la date des actes invoqués importe peu ; toutefois, en ce qui concerne certains biens meubles, la présomption n’existe que si l’acte ne remonte pas à plus de trois ans avant le décès.
Il faut entendre par là tout acte, au sens d’écrit, qui émane soit du défunt luimême, soit d’un tiers agissant pour le compte du défunt ou dans l’intérêt de celui-ci, et qui révèle de façon certaine que certains biens ou des valeurs déterminées ont été la propriété du défunt.
Les actes et écrits peuvent être divisés en deux groupes6:
1. les actes ou écrits qui peuvent être invoqués comme constituant dans le chef du défunt la preuve de son droit de propriété tels que:
l’acte d’achat d’un bien (meuble ou immeuble),l’acte de vente de biens en ce qu’il révèle l’encaissement d’un prix,le bordereau d’achat de titres,un acte dans lequel un tiers se déclare débiteur d’une certaine somme envers le défunt,un jugement dans lequel un tiers est condamné à payer une somme au défunt ;2. les actes ou écrits qui affirment ou impliquent la propriété du défunt, tels que:
le dépôt à découvert de titres dans une banque au nom du défunt,l’acte de nantissement d’un titre,l’acte de dépossession d’un titre,l’acte d’affectation en hypothèque d’un immeuble,le contrat d’assurance en ce qui concerne les biens assurés en qualité de propriétaire de ces biens,la déclaration de succession déposée par le défunt constatant ce qu’il a recueilli.Il faut également ajouter les extraits de comptes ou opérations (tant inscrites au débit qu’au crédit) découvertes par le biais des enquêtes prévues par l’article 100 du Code des droits de succession.
La présomption légale de l’article 108 du Code des droits de succession n’est applicable que lorsque le droit de propriété du défunt ressort d’un écrit. Il ne suffit pas que l’acte ou l’écrit laisse apparaître une présomption de propriété.
La date de l’acte établissant l’existence de biens n’a, en principe, aucune importance.
Il y a cependant une exception: lorsque les actes ou écrits révèlent l’existence de biens auxquels s’applique l’article 2279 du Code civil (p. ex., biens meubles corporels, numéraire, titres au porteur), la présomption légale de l’article 108 ne peut être invoquée que si l’acte ne remonte pas à plus de trois ans avant le décès.
Cette exception est très importante, car c’est surtout pour obtenir la déclaration de biens meubles corporels, d’argent comptant et de titres au porteur que l’administration éprouve le plus de difficulté. Elle invoque l’article 108 du Code des droits de succession qui tend essentiellement à établir l’existence de ces biens dans la succession, sans qu’elle soit tenue de fournir la moindre autre preuve.
Lorsqu’il s’agit de ces biens et que l’acte dont ils font l’objet remonte à plus de trois ans avant le décès, cet acte ne peut plus être invoqué que comme présomption simple conformément à l’article 105 du Code des droits de succession.
La présomption légale contenue dans l’article 108 du Code des droits de succession est une présomption légale juris tantum. Elle admet donc la preuve contraire.
Que doivent précisément prouver les ayants droit?
Ils doivent démontrer soit que les biens n’ont jamais appartenu au défunt – c’est-à-dire prouver que ces biens ne lui appartenaient pas, même pas au moment de l’acte qui établit la présomption – soit que les biens n’existaient plus dans le patrimoine du défunt au moment du décès.
Quant aux biens dont la propriété se transmet par la simple tradition (biens visés par l’article 2279 C. civ.), la présomption sera renversée si les intéressés établissent soit que ces biens n’étaient plus en possession du défunt lors de son décès (qu’ils étaient consommés), soit qu’ils se trouvent dans la succession sous une autre forme et que c’est sous cette forme qu’ils ont été déclarés (réemploi). Il s’agit d’un fait matériel (changement de possession) qui peut être prouvé par tous moyens.
De simples allégations ou suppositions ne peuvent renverser la présomption, il en va de même de l’ignorance des héritiers quant aux sommes touchées par le défunt ou encore de l’allégation selon laquelle la somme aurait été distribuée petit à petit7.
La vente d’un bien meuble ou immeuble constitue un acte de propriété qui, s’il est passé dans les trois ans précédant le décès, rentre dans la catégorie de ceux visés par l’article 108 du Code des droits de succession.
Le prix de vente est donc considéré par le Code comme existant toujours au décès du vendeur, sauf preuve contraire.
Il est utile de conserver, à l’attention de ses successeurs, la preuve de l’utilisation du prix de vente.
Si la somme a été réutilisée dans l’acquisition d’un autre bien, il faut conserver la preuve de l’utilisation de cette somme pour l’achat du nouveau bien.
Si la somme a été simplement utilisée pour les besoins du vendeur, il faut conserver les traces et les preuves d’utilisation (extraits de compte avec indication de l’utilisation…). De simples allégations ou suppositions ne sont pas admises.
Il en est de même pour les retraits en espèces qui, par essence, ne laissent aucune trace.
_______________
4Pour un commentaire plus exhaustif, voy. M. DONNAY, mis à jour par A. CULOT, « Les droits de succession », Rép. not., t. XV, nos 1229 et s.
5Art. 108 C. succ. – La demande des droits de succession et de mutation par décès, ainsi que des amendes pour défaut de déclaration ou pour omission de biens meubles et immeubles, est, jusqu’à preuve contraire, suffisamment établie par les actes de propriété, passés par le défunt à son profit ou à sa requête. Toutefois, à l’égard des biens meubles auxquels s’applique l’article 2279 du Code civil, la présomption légale établie par l’alinéa qui précède n’existe qu’à la condition que les actes ne remontent pas à plus de trois ans avant le décès ; dans le cas contraire, l’existence desdits actes ne peut être invoquée par l’administration que comme élément de présomption, conformément à l’article 105.
6Pour une énumération plus exhaustive, voy. M. DONNAY, mis à jour par A. CULOT, op. cit., t. XV, n° 1246.
7M. DONNAY, mis à jour par A. CULOT, op. cit., t. XV, n° 1239, et la nombreuse jurisprudence citée.
Chapitre III
Les articles 9, 10 et 11 tendent à prévenir et à combattre la fraude. Ils traduisent la volonté du législateur d’empêcher que, de son vivant, le défunt ne dispose de ses biens au profit des personnes auxquelles il entend laisser sa succession, et ce à l’abri de tout impôt ou moyennant le paiement d’un droit d’enregistrement inférieur au droit de succession qui aurait été normalement exigible.
Dans les grandes lignes, les opérations visées présentent les caractéristiques d’une opération à titre onéreux, mais elles ont pour effet de substituer à la propriété de biens devant normalement se trouver dans la succession du défunt des droits viagers qui s’éteignent par le décès de celui-ci. En se réservant l’usufruit ou un autre droit viager, le défunt a conservé « certains » droits sur les biens, qui étaient les siens, mais ces droits qui se substituent à son droit de propriété sont viagers.
Ces opérations sont :
l’acquisition à titre onéreux de biens meubles ou immeubles, ou l’immatriculation de titres, en usufruit au nom du défunt et en nue-propriété au profit d’un tiers (art. 9 C. succ.) ;le partage ou l’acte équipollent à partage dans lequel il est attribué au défunt un usufruit, une rente ou tout autre droit devant cesser à sa mort, en contrepartie de ses droits en propriété (art. 10 C. succ.) ;la vente, la cession ou l’abandon à titre onéreux de biens meubles ou immeubles par le défunt à un héritier ou à une autre personne avec réserve d’usufruit, ou moyennant l’abandon de l’usufruit d’un autre bien ou encore moyennant la stipulation à son profit d’un droit viager quelconque (art. 11 C. succ.).Si, dans ces trois cas, les conditions d’application visées infra (§ 2) sont réunies, le bien sur lequel a porté l’opération est censé dépendre, en pleine propriété, de la succession du défunt et le cocontractant de celui-ci est réputé légataire du bien. La loi considère en effet que l’opération renferme une libéralité par le défunt au profit de son cocontractant. Cette libéralité est assimilée à un legs.
Il s’agit, dans chacun de ces cas, d’une présomption légale (juris tantum) qui peut être renversée, en tout ou en partie, par le contribuable. En d’autres termes, les intéressés peuvent prouver que l’opération ne déguise pas une libéralité. En vertu de l’article 13 du Code des droits de succession, la preuve contraire peut être fournie par tous moyens de droit commun, témoins et présomptions compris.
Dans les cas visés ci-dessus, le cocontractant du défunt est présumé légataire, sauf s’il est à même de prouver que l’opération ne déguise pas une libéralité. Cette présomption légale obéit aux conditions suivantes.
Les conventions ou opérations visées doivent être à titre onéreux ou, du moins, présenter ce caractère. Ainsi, l’article 9 n’est pas applicable si l’acquisition par le défunt pour l’usufruit et par son héritier pour la nue-propriété procède d’une donation ou d’une succession. L’article 11 est de même hors cause en cas de donation par le défunt avec réserve d’usufruit ou à charge de lui payer une rente.
Dans ces cas, il n’y a pas de fraude (sous la forme d’une libéralité déguisée) puisque l’opération elle-même se présente sous le caractère de libéralité.
Les articles 9, 10 et 11 visent tant les conventions enregistrées que les conventions non enregistrées. Ils sont applicables, que les conventions portent sur des meubles ou sur des immeubles et quelle que soit la date à laquelle la convention est intervenue, donc même plus de trois années avant le décès.
Pour que l’une des présomptions légales des legs soit applicable, il est nécessaire que le cocontractant du défunt visé aux articles 9, 10 et 11 ait survécu au défunt stipulant (art. 14, 1°, C. succ.).
En outre, ce cocontractant doit appartenir à l’une des catégories des personnes visées à l’article 33, alinéas 1er, 2 et 3 (art. 14, 2°, C. succ.), à savoir :
les héritiers, peu importe qu’ils viennent à la succession ou qu’ils en soient exclus par une disposition testamentaire ou contractuelle, ou qu’ils renoncent à la succession ;les légataires et donataires, peu importe qu’ils acceptent le legs ou la disposition contractuelle faite en leur faveur ou qu’ils y renoncent, sans distinction entre les légataires et donataires universels, à titre universel ou à titre particulier. Pour déterminer si le cocontractant a la qualité d’héritier, de légataire ou donataire, il faut se placer au jour du décès ;les personnes interposées visées aux articles 911, dernier alinéa, et 1100 du Code civil. Pour que les articles 9, 10 et 11 puissent être appliqués aux personnes interposées, il est requis que la présomption d’interposition existe aussi bien au jour de la convention visée par la loi qu’au jour de l’ouverture de la succession.Les biens qui ont fait l’objet des opérations visées par les articles 9, 10 et 11 sont censés se retrouver en pleine propriété dans le patrimoine du défunt et le cocontractant est considéré comme légataire de ces biens.
Il en résulte que ces biens doivent être déclarés dans la succession dans leur état et d’après leur valeur au moment du décès.
Cela est certainement vrai lorsque l’augmentation de valeur des biens est due uniquement à un cas fortuit. Qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’immeuble et que l’augmentation de valeur provient de travaux d’amélioration apportés aux biens ou de la construction de nouveaux ouvrages sur les biens transmis, travaux exécutés après l’opération9?
Si une acquisition en usufruit par une partie (p. ex., le père) et en nue-propriété par une autre partie (p. ex., le fils) peut s’avérer dangereuse, elle peut aussi constituer un mode de planification successorale.
En effet, si, au jour du décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire10 peut apporter la preuve qu’il avait l’argent nécessaire pour payer la valeur de sa nue-propriété et qu’il prouve qu’il l’a effectivement payée, l’article 9 du Code des droits de succession ne sera pas applicable.
Rappelons que la preuve devra être rapportée au jour du décès de l’usufruitier, peu importe la date de la convention. Il sera donc prudent de conserver précieusement cette preuve (p. ex., les extraits de compte).
Dans la mesure où c’est l’usufruitier qui finance toute l’opération, il serait peut-être opportun de faire précéder l’acte de vente d’une donation indirecte par l’usufruitier au nu-propriétaire de la somme nécessaire au paiement de la nue-propriété.
Nous attirons l’attention sur le fait qu’en l’espèce, nous envisageons l’acquisition d’un bien appartenant à une personne autre que le donateur de la somme nécessaire au paiement du prix.
Lors de la signature du compromis de vente constatant une telle opération, il faut impérativement vérifier si le nu-propriétaire n’est pas l’héritier, le légataire ou une personne interposée de l’usufruitier.
Dans la négative, retenir que la présomption de l’article 9 du Code des droits de succession jouera néanmoins au décès de l’usufruitier, même si le nu-propriétaire n’est pas héritier, légataire ou donataire au jour de la signature du contrat, mais bien au jour du décès de l’usufruitier. En effet, cette condition se vérifie uniquement au jour du décès. La rédaction ultérieure d’un testament par l’usufruitier désignant le nu-propriétaire, ne fût-ce que comme légataire particulier, suffit à faire jouer l’article 9 du Code des droits de succession.Dans l’affirmative, pour éviter que l’article 9 ne soit applicable, il faut que le nu-propriétaire puisse prouver le jour du décès de l’usufruitier qu’il disposait des sommes suffisantes pour payer la valeur de la nue-propriété et que ces sommes ont bien été versées au vendeur. À ce propos, il est fait remarquer que la simple mention dans l’acte que le nu-propriétaire a payé sa part du prix est insuffisante pour renverser la présomption. Le tiers devra prouver qu’au moment de l’opération, il avait l’argent nécessaire et qu’il l’a affecté à l’acquisition. Cette preuve doit donc être faite en dehors de l’acte.Il faudra être particulièrement attentif au fait que :
cette preuve pourra être réclamée plusieurs années après la convention puisqu’il n’y a pas de délai pour une application éventuelle de l’article 9 du Code des droits de succession ;l’article 9 du Code des droits de succession joue tant pour l’acquisition d’un bien meuble que d’un bien immeuble.L’article 9 du Code des droits de succession prévoit le cas de la fiction et l’article 13 prévoit que les parties peuvent apporter la preuve contraire de cette fiction, par toutes voies de droit.
Cette preuve contraire a été précisée par l’administration fiscale dans une décision du 13 décembre 200711.
L’administration fiscale admet depuis lors que la preuve contraire à la présomption soit apportée par une donation préalable des fonds par l’usufruitier au nu-propriétaire. Il importe peu que la donation ait lieu plus ou moins longtemps auparavant. Il suffit de prouver que les fonds ont été donnés avant le paiement par le nu-propriétaire de sa partie dans le prix d’acquisition. Seule la simultanéité du don et du paiement lors de l’acquisition conforterait la présomption de taxation.
La nouvelle circulaire n° 8/2012 du 19 juillet 2012 (version 2) précise au contraire que serait un abus fiscal l’acquisition d’un bien en démembrement usufruit/nue-propriété, dans le cas où le nu-propriétaire utiliserait pour acquérir sa part des fonds donnés par l’usufruitier à cet effet, peu importe que ce don soit enregistré ou non.
Cette nouvelle position de l’administration fiscale n’est pas acceptable et est rejetée par la majorité des auteurs12.
L’objectif de l’article 9 du Code des droits de succession est de taxer un actif qui ne se trouve pas dans la succession du défunt et qui provient d’une opération (l’acquisition en démembrement usufruit/nue-propriété) qui déguise une libéralité. C’est donc cette acquisition qui doit être le déguisement de la libéralité, du fait que ce serait l’usufruitier qui aurait payé lui-même la nuepropriété directement au vendeur. L’administration fiscale a clairement défini l’objectif de l’article 9 dans sa décision du 13 décembre 2007, précisant, à raison, qu’un don simultané à l’acquisition n’emporterait pas la preuve contraire à la présomption de taxation, mais, au contraire, la renforcerait. Par contre, la preuve d’un don préalable rencontrerait l’objectif de l’article 9, le renversement de la présomption étant alors réalisé (il n’y aurait pas de déguisement de libéralité lors de l’acquisition démembrée, puisque le don aurait eu lieu auparavant, de façon non cachée).
L’administration fiscale a, en d’autres termes, déjà fait part depuis longtemps de ce qu’elle estimait être l’objectif de l’article 9, en définissant les possibilités de preuves de renversement de la présomption qui respecteraient cet objectif (on ne peut pas imaginer que, dans sa circulaire précédente, l’administration fiscale ait précisé une possibilité de preuve contraire qui irait à l’encontre de la loi).
La nouvelle notion de l’abus de droit ne changera dès lors rien à la situation passée, puisque, pour qu’il y ait un tel abus, l’administration fiscale doit démontrer que l’opération contestée va à l’encontre de l’objectif de la disposition légale. Il ne serait pas concevable qu’au gré du temps ou des humeurs, l’objectif d’une disposition légale soit modifié.
La donation d’un immeuble à un parent d’un degré éloigné par rapport au vendeur peut s’avérer onéreuse en droit de donation.
En effet, la donation d’un immeuble situé en Belgique est obligatoirement et donne lieu à la perception des droits de donation. Un acte notarié est d’ailleurs requis par le Code civil (art. 931).
Certains préféreront la vente du bien dans l’hypothèse où le droit de vente (10 ou 12,5 %) est inférieur au droit de donation (celui-ci peut aller jusqu’à 80 %). Il faudra toutefois être attentif à trois points :
le montant de la rente devra être réel, c’est-à-dire correspondre à la valeur du capital abandonné et tenir compte de la situation réelle (valeur du bien, rendement du bien, âge du vendeur, état de santé…)13 ;la rente devra être payée et la preuve devra pouvoir être rapportée ;en cas de décès du crédirentier, les rentes payées ou restant à payer, dans les trois ans précédant le décès, devront être, en principe, déclarées à l’actif de la succession sur la base de l’article 108 du Code des droits de succession.On comprendra donc immédiatement que, plus le vendeur est âgé, plus la rente sera élevée et plus les sommes à déclarer sur la base de l’article 108 du Code des droits de succession seront élevées.
Lors de la signature du compromis de vente constatant une telle opération, il faudra vérifier si le nu-propriétaire ou le débirentier n’est pas l’héritier, le légataire ou une personne interposée.
Dans la négative, retenir que la présomption de l’article 11 du Code des droits de succession jouera néanmoins au décès de l’usufruitier, même si le nu-propriétaire n’est pas héritier, légataire ou donataire au jour de la signature du contrat, mais bien au jour du décès de l’usufruitier. En effet, cette condition se vérifie uniquement au jour du décès. La rédaction ultérieure d’un testament par l’usufruitier désignant le nu-propriétaire, ne fût-ce que comme légataire particulier, suffit à faire jouer l’article 11 du Code des droits de succession.Dans l’affirmative, pour éviter que l’article 11 du Code des droits de succession ne soit applicable, il faut que le nu-propriétaire puisse prouver le jour du décès de l’usufruitier qu’il disposait des sommes suffisantes pour payer la valeur de la nue-propriété ou en cas de rente viagère qu’il existait une équivalence des prestations et que ces sommes ont bien été versées au vendeur et que la rente a été payée régulièrement.Il faudra être particulièrement attentif au fait que :
cette preuve pourra être réclamée plusieurs années après la signature de la convention, puisqu’il n’y a pas de délai pour une application éventuelle de l’article 11 du Code des droits de succession ;l’article 11 s’applique sans restriction s’il n’est pas établi, d’abord, que les prestations stipulées au profit du défunt en contrepartie des droits qu’il a abandonnés étaient réelles et sincères, en ce sens que les parties devaient les exécuter ; ensuite, qu’elles ont été effectivement exécutées. L’obligation d’exécuter et l’exécution effective forment, en effet, des éléments essentiels de la preuve de l’équivalence des prestations. La preuve que la prestation viagère a été exécutée ne suffit cependant pas toujours pour écarter entièrement l’application de l’article 11. L’opération peut, en effet, déguiser une libéralité partielle s’il n’y a pas une équivalence dans les prestations._______________
8Pour un commentaire plus exhaustif, voy. M. DONNAY, mis à jour par A. CULOT, op. cit., t. XV, nos 336 et s.
9M. DONNAY, mis à jour par A. CULOT, op. cit., t. XV, n° 349.
10En principe, et hormis les hypothèses visées aux articles 9, 10 et 11 C. succ., au décès de l’usufruitier, aucun droit de succession n’est exigible.
11Rec. gén. enr. not., 2008, n° 25.836.
12E. DE WILDED’ESTMAEL, « Les droits de donation et les droits de succession à l’épreuve de la nouvelle règle sur l’abus fiscal », op. cit. ; V.-A. DE BRAUWERE et G. DE FOY, « Abus fiscal en ingénierie patrimoniale : le tigre de papier », op. cit.
13La valeur dont il faut tenir compte pour calculer le montant de la rente est la valeur vénale et non la valeur conventionnelle.
Chapitre IV
L’immatriculation de titres nominatifs ou au porteur ou d’un compte bancaire, au nom d’une personne pour l’usufruit et au nom d’un tiers pour la nuepropriété, peut s’avérer onéreuse en ce sens qu’au décès de l’usufruitier, et si toutes les conditions énoncées sous le chapitre III, section 1, supra, sont remplies, le nu-propriétaire peut être considéré comme légataire des titres ou du compte.
Il faut impérativement vérifier si le nu-propriétaire n’est pas l’héritier, le légataire ou une personne interposée.
Dans la négative, retenir que la présomption de l’article 9 du Code des droits de succession peut également jouer au décès de l’usufruitier, même si le nu-propriétaire est héritier, légataire ou donataire de l’usufruitier au jour du décès de ce dernier.Dans l’affirmative, pour éviter que l’article 9 soit applicable, il faut que le nu-propriétaire puisse notamment prouver, le jour du décès de l’usufruitier, que l’immatriculation est la matérialisation d’une donation antérieure par le futur défunt de la nue-propriété des biens immatriculés avec réserve d’usufruit par le défunt.Il faudra être particulièrement attentif au fait que :
il résulte à l’évidence de l’exposé des motifs de la loi du 11 octobre 1919 (art. 5) – l’actuel article 9 – que, par cette disposition, le législateur a aussi visé les placements d’argent (comptes en banque, prêts) effectués au nom du défunt pour l’usufruit et au nom du tiers pour la nue-propriété. La remise de fonds à un notaire (ou à une banque) chargé de les placer, comme il est dit ci-avant, réalise la situation visée par la loi. Par conséquent, l’impôt successoral est exigible sur les fonds – ou sur les créances provenant de l’emploi prévu – et ce, encore que la remise ait eu lieu plus de trois ans avant le décès ;en ce qui concerne les titres au porteur ou nominatifs, la présomption établie par l’article 9 s’attache non seulement à l’acquisition à titre onéreux de ces biens, mais aussi au fait matériel de l’immatriculation des titres nominatifs ou au porteur au nom du défunt pour l’usufruit et au nom d’un tiers pour la nue-propriété. Par conséquent, cet article est susceptible d’être appliqué lorsque des titres appartenaient en pleine propriété au défunt avant l’immatriculation et que le dépouillement du défunt et l’enrichissement du tiers sont la conséquence de l’immatriculation. À cet égard, il est sans importance que l’immatriculation s’accompagne d’une opération à titre gratuit ;du reste, cette immatriculation n’est soumise à aucune condition de forme ; il n’est pas requis, notamment, que les titres au porteur soient préalablement convertis en titres nominatifs. Ainsi, l’article 9 peut trouver application lorsqu’il s’agit de numéraire ou de valeurs qui appartenaient au défunt et qu’il avait déposés en banque à son nom pour l’usufruit et au nom d’un tiers pour la nue-propriété.Monsieur et Madame Xavier, mariés sous le régime légal de la communauté, ont un fils et sont titulaires d’un compte en banque sur lequel se trouvent 2.500 euros.
Au décès de Monsieur, la moitié de cet argent est recueillie par son épouse à concurrence de l’usufruit et par son fils pour la nue-propriété.
Comme cela arrive fréquemment, souvent parce que le fils ne souhaite pas toucher au compte, il laisse à sa maman les pleins pouvoirs sur les sommes ainsi transmises et laisse immatriculer le compte au seul nom de sa mère.
Quelques années plus tard, la maman décède à son tour et le fils recueille l’ensemble des avoirs se trouvant sur le compte qui était ouvert au nom de la maman.
L’administration va considérer que ce dernier doit payer les droits de succession sur la totalité des sommes déposées sur le compte en banque au nom de sa mère sans pouvoir en déduire les 1.250 euros provenant de la succession de son père. Le fils sera donc redevable à deux reprises des droits calculés sur la nue-propriété de cette somme, à savoir une première fois à l’occasion du décès de son père et ensuite, une seconde fois, dans la succession de sa mère.
En effet, l’administration va considérer qu’il s’est opéré une confusion entre les sommes détenues en pleine propriété par la maman et celles sur lesquelles elle ne dispose que de l’usufruit, de sorte qu’il est devenu impossible de déterminer avec précision quels sont les biens dont le fils avait la nue-propriété de ceux qui appartenaient en pleine propriété à la maman.
Il aurait donc été prudent de rédiger un inventaire reprenant une liste exhaustive de tous les biens appartenant en pleine propriété à la maman et de tous ceux sur lesquels elle ne dispose que d’un droit d’usufruit. Néanmoins, lorsque l’inventaire a trait à une somme d’argent, son caractère probant va diminuer, en raison du caractère fongible de l’argent, au fur et à mesure que la maman va effectuer des mouvements bancaires sur son compte, de sorte qu’après plusieurs années, l’utilité de l’inventaire sera presque réduite à néant.
La solution consisterait plutôt en l’ouverture, dès le moment du décès, d’un compte en banque au nom de la maman en usufruit et du fils en nuepropriété. De la sorte, les sommes sur lesquelles la mère ne disposait que d’un droit d’usufruit resteront toujours bien individualisées par rapport à celles dont elle avait la pleine propriété, et l’administration ne sera jamais en droit de réclamer le moindre droit de succession supplémentaire sur le million recueilli par les enfants dans la succession de leur papa.
Il va de soi que ce compte servirait uniquement à la gestion des sommes provenant de la succession afin d’éviter toute confusion entre les biens provenant de la succession et ceux appartenant en propre à la maman.
Aux termes de l’article 110 du Code des droits de succession sont considérés, pour la perception du droit de succession, comme appartenant au défunt pour une part virile, sauf preuve contraire réservée tant à l’administration qu’aux redevables, les titres, sommes, valeurs ou objets quelconques déposés dans un coffre-fort tenu en location – ou considéré comme tel par les articles 1022 et 1023 – conjointement ou solidairement par le défunt et par une ou plusieurs autres personnes, ainsi que les choses détenues et les sommes dues visées à l’article 99.
Sont considérés comme appartenant en totalité au défunt, sauf preuve contraire, les titres, sommes, valeurs ou objets quelconques qui sont placés dans un coffre fermé, pli ou colis cacheté, déposé, au nom du défunt seul, chez une des personnes physiques ou morales désignées à l’article 97, ou qui se trouvent dans un coffre-fort tenu en location – ou considéré comme tel par les articles 1022 et 1023 – par le défunt seul.
La preuve contraire à ces présomptions de propriété peut être administrée par toutes voies de droit, témoins et présomptions compris, à l’exception du serment.
Chapitre VI
Le but poursuivi est essentiellement de diminuer l’impact des droits de succession mais également de faire en sorte que les parents (ou toute autre personne, un oncle ou une tante par exemple) conservent la gestion des biens donnés, ainsi que les revenus.
La société de droit commun peut doit être constituée entre au moins deux personnes, soit :
les parents (mais alors ils ne doivent pas être mariés uniquement sous un régime de communauté) ;un parent et un tiers ;les parents et les enfants mais alors avec participation minime pour les enfants ;un oncle et son neveu (ce dernier avec une participation minime) ;…La constitution de la société de droit commun permet ainsi :
de créer un patrimoine indivis, sans droit fiscal de mutation (droit d’enregistrement) si ce patrimoine est mobilier19. L’acte sous seing ne pose aucun problème. L’instrument est donc particulièrement adapté pour la mise en société d’un portefeuille de valeurs mobilières ;d’organiser la gestion du patrimoine social, la maintenant entre les mains des ascendants (de l’oncle ou de la tante). Les parents (l’oncle ou la tante) conservent la gestion des biens entrés en société. La gérance statutaire protège l’ascendant (l’oncle ou la tante) dont le mandat ne peut être révoqué, sauf motifs graves ;d’assurer la répartition du patrimoine social, en cas de liquidation de la société, sans coût fiscal de mutation si le patrimoine est mobilier (le droit fiscal de partage ne concerne que les indivisions immobilières auxquelles il est mis fin – art. 109 C. enr.) et à un coût fiscal de mutation réduit (1 % de la valeur vénale des biens) si, dans le patrimoine indivis, existent un ou des immeubles.Dans la mesure où le donateur se réserve un usufruit sur les parts données, la transmission se réalise par une donation authentique (notariée). Le choix d’un notaire belge ou étranger dépendra des circonstances.
Il est toutefois rappelé :
qu’une donation de biens meubles passée devant un notaire étranger, si elle n’entraîne pas de droits d’enregistrement en Belgique, peut entraîner des droits de donation dans le pays du notaire ; il faudra également être attentif à la résidence fiscale des parties ;que toute donation non enregistrée reste soumise aux droits de succession dans l’hypothèse du décès du donateur dans les trois ans de la donation (ce risque est parfois couvert par une simple assurance) ;que, si la donation est enregistrée au taux réduit, le délai de trois ans disparaît ;qu’il faudra toutefois être attentif à ce que représentent les parts de la société car, en Région wallonne, il existe des restrictions à l’obtention des taux réduits et une donation de parts de société de droit commun est considérée, à juste titre, comme une donation de ce qui est représenté au travers desdites parts (on parle de transparence).Enfin, la donation peut être assortie des clauses habituelles en la matière et notamment, le droit de retour conventionnel (art. 951 et 952 C. civ.) et la constitution éventuelle d’un droit d’usufruit sur les parts données au profit du donateur (pour lui permettre d’exercer le droit de vote attaché aux parts données), avec accroissement ou réversion en faveur du conjoint…
La gestion des biens mis en société est réglée par le parent donateur désigné gérant à vie. Il ne possède plus qu’un nombre infime de parts (une suffit), mais, compte tenu des statuts, possède un véritable droit de veto sur toutes les décisions.
Les revenus sont attribués au(x) parent(s) s’ils le souhaitent par le biais de la réserve d’usufruit.
Si le décès du donateur a lieu dans les trois ans de la donation, les biens donnés seront censés être légués aux différents donataires et les droits de succession seront exigibles sauf enregistrement de la donation au taux réduit.
Si le donateur décède plus de trois ans après la donation, l’usufruit s’éteint, il ne faudra déclarer dans la succession du parent décédé que la part qu’il possède encore dans la société de droit commun.
Les autres parts appartiendront en pleine propriété aux enfants (ou neveux) (sauf une éventuelle réversion d’usufruit) sans droits de succession.
La mise en place d’une société de droit commun n’a pas de but fiscal, ne permettant pas de réduire ou de supprimer l’impôt. Cette société est totalement transparente en ce qui concerne l’impôt des personnes physiques et n’évite en rien les droits de donation ou les droits de succession. Ce n’est que par le biais d’une donation des parts de cette société de droit commun qu’il y aurait un tel avantage fiscal.