La politique du complot - Georges Ingange Ikyo Bangwa - E-Book

La politique du complot E-Book

Georges Ingange Ikyo Bangwa

0,0

Beschreibung

Le parcours historique et politique de l’État congolais est marqué par des crises politiques, où l’élite politique, obnubilée par le pouvoir, a adopté la politique du complot comme stratégie principale. Nous nous interrogeons sur les raisons de cette prédominance du complot politique dans le système politique congolais et sur les événements déclencheurs. Les réalités politiques du Congo ont évolué dans un contexte où le complot politique est devenu une pièce maîtresse pour la gouvernance du pays, tissant une toile complexe dans la gestion des affaires de l’État.

 À PROPOS DE L'AUTEUR

Georges Ingange Ikyo Bangwa est docteur et professeur en Sciences politiques et administratives à l’Université de Kinshasa où il dispense des cours sur les Systèmes politiques des pays africains et les questions spéciales de sociologie politique. Parallèlement, il exerce en tant que chargé de recherche à l’Institut Africain d’Études Prospectives (INADEP).

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 326

Veröffentlichungsjahr: 2024

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Georges Ingange Ikyo Bangwa

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La politique du complot

Comprendre sans apprendre

l’histoire politique du Congo

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Georges Ingange Ikyo Bangwa

ISBN: 979-10-422-3590-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À ma mère,

Antoinette Ngoy Elobanga,

pour ton amour et ton efficacité de mère,

extrême reconnaissance.

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Le débat soulevé parfois, par la question du complot en politique est d’une ancienneté et d’une ampleur telle que l’on peut se demander à l’heure actuelle, s’il est opportun d’en reprendre, une fois de plus pour analyser la photographie du système de fonctionnement de la politique en République démocratique du Congo (RDC).

Les faits sociaux à en croire Georges Burdeau, acquièrent ainsi un caractère politique dès lors que, dans la collectivité où ils produisent l’idée s’impose que d’une part, ils importent à son avenir et, d’autre part, il convient d’exercer sur eux un contrôle réfléchi. Par cette idée, elle les incorpore consciemment à sa structure politique, c’est-à-dire cet agencement de phénomènes et de relations sur lequel elle entend exercer son action. Le fait social est politiquement valorisé par son intégration à l’image que la société se fait d’elle-même en tant qu’elle se pense responsable de soi1.

Si le caractère politique d’un phénomène social n’est pas donné comme la teneur d’un corps minéral en manganèse ou sa masse moléculaire, il appartient au politologue de déterminer une notion du politique susceptible de rendre compte du processus qui, du fait social, fait un phénomène politique.

La fonction politique dans le contexte d’une vie en société apparaît ainsi du même ordre que les fonctions par lesquelles est assurée physiquement la survie des espèces et que, pour cette raison, on qualifie de véritable nutrition ou reproduction. L’exercice de la fonction politique est la condition fondamentale de la survie de la société.

La société ainsi constituée des gouvernants et des gouvernés pour son fonctionnement ne se maintient à coup sûr qu’en réduisant les tensions qui la déchirent, en surmontant les antinomies qu’elle recèle, en contrariant les forces de dissociation que suscitent l’égoïsme et l’aveuglement de ses membres.

Depuis la nuit des temps, la réalité du fonctionnement de la politique au Congo, au Zaïre ou en RDC, semble être la même. Depuis Berlin le 26 février 1885, acte géniteur du futur État congolais jusque le 30 juin 1960, le jour de la pleine souveraineté du Congo comme État, ce parcours le situer dans le temps, il donne lieu à une histoire incommensurable, un événement difficile à surmonter comme une montagne, mais vers la marche politique pour la conduite de son destin, il est et il reste le même.

Le parcours politique de l’État congolais est caractéristique des crises politiques, d’incompétence due à la mauvaise foi manifeste et aiguë de la classe ou l’élite politique, et surtout du désir permanent du complot politique culminant avec le souci effréné d’argent.

Georges Burdeau pense que la politique est ce qui maintient ensemble les hommes en vue d’une certaine fin2. Cette fin pour le Congo est devenue un horizon lointain, du fait que soixante-quatre ans après l’indépendance, personne ne soit parvenu à comprendre réellement le vrai sens de l’hymne national, qu’il s’agisse de « Débout congolais » ou de « la Zaïroise ».

Le Congo marque toujours le pas. Lorsqu’il s’agit de comprendre la théorie du complot, julien Freund nous offre un modèle d’analyse qui semble adéquate pour expliquer la réalité politique. Le concept d’ennemi politique, donc pas de politique sans ennemi. Mais qu’est-ce qu’un ennemi politique ? C’est l’autre que l’on combat non qu’il est individu ou une personne particulière, mais en tant qu’il appartient à une unité politique. Il est constitué par l’ensemble des membres d’une collectivité que les membres d’une autre collectivité combattent au nom des intérêts de leur collectivité, avec la possibilité d’user dans certaines conditions de la violence physique3.

Politiquement, l’ennemi est une collectivité qui met en question une autre collectivité. Le brigand tue pour son intérêt personnel, l’ennemi politique pour sauvegarder l’existence de la collectivité qui est le bien commun de ceux qui y vivent.

Toute organisation politique dans la société est dominée par l’existence de l’État. C’est de sa structure que dépend le statut des pouvoirs publics, c’est sa constitution qui commande le jeu régulier de la vie politique.

Le destin humain, dit-on, transcende inévitablement la particularité des divisions et des unités politiques. Si l’homme ne peut pas se comprendre lui-même en dehors de la politique, celle-ci ne se laisse non plus comprendre indépendamment de l’aventure humaine qui la dépasse.

Devant ces incohérences de l’homme politique congolais, n’est-il pas tout à fait possible d’accréditer pour la pertinence de cette analyse, la thèse de Machiavel basée sur la conception pessimiste de l’humanité, à savoir qu’il faut supposer d’avance les hommes méchants, et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu’ils en trouveront l’occasion.4

 

Pour cette même raison, il serait déraisonnable de considérer la politique comme une activité déchue ou comme une aliénation au sens purement marxiste. Même si on la regarde comme la valeur inférieure dans l’économie d’une hiérarchie, elle appartient malgré au champ du raisonnable, c’est-à-dire sa chute précipiterait l’humanité dans la folie, surtout maintenant que l’organisation traditionnelle qui est l’État fait face à des défis majeurs comme le rôle accru des entreprises multinationales, l’évolution de la technologie, l’émergence de la thèse extrémiste et la montée du terrorisme international.

L’analyse des faits a démontré qu’aucune institution n’est parfaite ni même un acheminement vers la perfection car les meilleures institutions s’usent et se dégradent, entreprendre pour un homme politique une œuvre au service de la collectivité, c’est dépasser le présent pour affronter la durée.

Tout gouvernement digne de son nom se donne pour tâche de travailler pour l’avenir, pour la prospérité, même s’il ne le déclare expressément, répugner à la politique, c’est donc ne plus croire en l’avenir, en l’homme, c’est aussi mépriser l’humanité.

Certes, toute action politique joue avec la peur, tripote des intérêts, mais elle est aussi un service d’honneur et suscite le dévouement. La vérité politique n’est donc pas dans le juste milieu, elle exige de l’audace, de la prévision et du courage de se salir. La pureté est de pensée, c’est-à-dire qu’elle n’est jamais qu’une exigence et un orgueil individuel. Autrui est appel d’un compromis, on pense seul, on agit et surtout on vit avec les autres et au milieu d’eux.

Julien Freund dans sa réflexion sur la philosophie politique se pose la question de savoir, faut-il réformer les hommes et les institutions pour enrayer ce qu’il appelle faux problème ? La plupart des malentendus sur la politique ont pour origine la confusion entre essence et signification, sous couvert de la pédagogie ; on croit et on affirme que le but de la politique serait de rendre l’homme meilleur (les théories du progrès depuis XVIIIe Siècle n’ont fait que renforcer cette thèse), alors qu’en fait, par son essence même, la politique a pour tâche d’organiser uniquement le mieux possible les conditions extérieures et collectives propres à donner l’unité politique et aux membres qui y vivent les meilleures chances de répondre à ce qui est ou à ce qu’ils considèrent individuellement comme leur vocation5.

Pour mieux comprendre les contours de l’État afin de minimiser des imperfections y afférentes, certains auteurs ont développé des thématiques nécessaires, ce ne serait donc pas la coexistence en soi d’un nombre déterminé d’individus sur un territoire donné qui est à la base de la constitution de l’État, mais l’existence d’une norme fondamentale qui la conditionne.

Dans cet ordre d’idée, Hans Kelsen soutient que la communauté de pensée, de sentiments et de volontés, la solidarité d’intérêt ou l’on veut voir le principe de son unité sont, non pas des faits, mais de simples postulats d’ordre éthique ou politique que l’idéologie nationale ou étatique donne pour réalités grâce à une fiction si généralement reçue qu’on ne la critique même plus. En vérité, le peuple n’apparaît un, en un sens quelque peu précis, que du seul point de vue juridique, son unité normative résulte, au fond, d’une donnée juridique, la soumission de tous ses membres au même ordre étatique. Par cette allégeance commune, en effet, les actes de ces individus du moins ceux qui tombent sous la prise des règles de cet ordre rentrent dans un système normatif. Et c’est cette unité de multiples actes individuels, et elle seule, qui en réalité, constitue le peuple élément de cet ordre social particulier, l’État. Le peuple n’est donc point contrairement à la conception naïve que l’on s’en fait un ensemble, un conglomérat d’individus, mais uniquement un système d’actes individuels déterminés et régis par l’ordre étatique6.

C’est un fait aujourd’hui incontesté que, dans les temps les plus reculés, il n’existait à peu près aucune différenciation à l’intérieur des groupements humains. Le groupe formait une unité homogène et indécomposable dont l’individu ne se dégage que lentement.

Il serait excessif de déduire que la société est d’abord unité collective avant d’être association d’individus car, pour qu’il y ait société, il faut au moins que celle-ci soit pensée, fut ce de façon tout à fait rudimentaire, par ceux qui y participent.

Dans le contexte précis d’une société politique, les différents acteurs sont guidés et déterminés par les intérêts et les différents gains qui en résultent dans le fonctionnement du système politique. Ce qui explique la nature même des stratégies le plus souvent couronnées par le complot politique.

L’univers politique est comparable à un océan où les requins nagent à chaque instant, seule la prudence semble être de mise car dans ces eaux troublantes à navigation difficile, chacun ne jure que par l’élimination de l’autre. Le complot politique apparaît comme un instrument essentiel de contrôle des rouages politiques et une technique nécessaire pour étouffer un adversaire politique le plus encombrant.

Ce qui crée la communauté, ce n’est pas un calcul, encore moins un marché, c’est la rencontre des autres sur le chemin que nous vivons et la reconnaissance en eux de l’esprit qui nous anime. Que c’est donc là quelque chose de plus profond que des traditions mercantilistes à savoir : division du travail, association dans la lutte et le pillage, partage des risques et des profits dans lesquelles on prétend trouver l’origine du sentiment de communauté7.

Robert Bedinter estime quant à lui qu’il n’y a pas dans l’État de droit démocratique de modèle, il y a des principes, ce qui n’est pas la même chose. Il n’y a pas pour parvenir à l’État de droit démocratique de recettes, il y a d’expériences avec des conséquences que l’histoire a permis de dégager8.

L’histoire politique du Congo n’est que le reflet d’une volonté nébuleuse de la gestion politique auréolée par des coups et des préjugés politiques qui n’ont pas permis de bâtir un État stable sur le plan politique et socio-économique. Les acteurs politiques, depuis la table ronde de Bruxelles du 20 janvier 1960 jusqu’aux consultations politiques du 2 novembre 20209 ne se préoccupent et continuent de se préoccuper que de la lutte pour le positionnement politique.

Après la révocation réciproque du 5 septembre 1960, entre le président Joseph Kasavubu et le Premier Ministre Patrice Lumumba, le parlement acquis au Premier ministre a défié le président en lui refusant le vote de confiance pour son mentor Joseph Iléo, le président du Sénat et le nouveau formateur du gouvernement. Cet échec pour le président Joseph Kasavubu ouvrit la voie au conclave de Lovanium, au cours duquel les nationalistes majoritaires au parlement n’ont pas réussi à reprendre le pouvoir. Au cours de ces assises, le modéré Cyrille Adoula a été désigné Premier ministre avec comme objectif primordial d’ouvrir des négociations avec les sécessionnistes du Katanga et du Sud Kasaï.

 

L’histoire politique du Congo rend fou, décourage les observateurs, déroute les initiatives, étonne les passionnés et confond les inconditionnels. Toutes ces anecdotes démontrent tout simplement le niveau de désarroi et le degré de déception quand il s’agit de parler de la politique au Congo ou de la classe politique congolaise. Les choses se font de la même manière et les acteurs politiques posent les mêmes actes, comme s’ils proviennent des mêmes écoles de formation politique qui les poussent à regarder dans la même direction, et pourtant le contexte n’est pas le même, les époques différentes et les rôles sociaux changeant, mais l’attitude et le comportement politique demeurent comme le radical du mot dans la grammaire française. C’est une habitude, une culture, une anomalie, une identité, une génétique, un modèle de vie, un stéréotype ou tout simplement un péché congolais ?

Comment peut-on comprendre que Justin Marie Bomboko, Premier ministre des Affaires étrangères, puisse influencer politiquement Mandungu Bulanyati, Kalonji Mutambay, Mboso Nkodia Mpuanga, Mende et pourtant ils ont vécu à des moments différents ? Comment expliquer la théorie de dédoublement des partis politiques sur le fait qu’avant l’indépendance, il y avait PSA/Gizenga, PSA/Kamitatu, MNC/Lumumba, MNC/Kalonji et aujourd’hui il existe quatre UDPS, soit UDPS/Tshisekedi, UDPS/Kibasa, UDPS/Tshibala, UDPS/Mubake, pendant que nous vivons au XXIe siècle, un siècle différent de celui de ces pionniers de l’indépendance ?

En nous situant dans le diapason de l’histoire et de la réalité politique du Congo, le complot politique constitue et demeure la toile de fond ainsi que le guide de son système de gestion de la cité. Ces relations que ce pouvoir anonyme (le modèle et l’envie) entretient avec le pouvoir politique organisé méritent de retenir davantage l’attention des politologues. C’est le mobile même de notre détermination et la source de notre motivation pour écrire ce livre.

Il s’agit de chercher à mettre en lumière les variables qui créent et provoquent les crises politiques qui occasionnent les éléments structurants et déstructurants qui conduisent au complot politique permanent ou saisonnier dans le système politique congolais.

Ces voies ne peuvent-elles être bien explorées que lorsque les acteurs politiques congolais dépassent les préjugés pour agir avec conscience et altruisme ? En politique, selon l’imaginaire congolais, il n’y a pas de « prêt à porter ». Il n’y a même pas de patron sur lequel on peut calquer. Comment peut-on expliquer l’ancrage du complot politique dans le système politique congolais ? Quel en serait l’élément déclencheur ?

Le domaine de l’histoire politique subit souvent à nos yeux des critiques par le fait de son caractère anecdotique, descriptif, récitatif, biographique et psychologique, voire journalistique.

Il s’agit des écueils observés dans beaucoup de disciplines des sciences sociales, surtout la science historique. L’habitude s’est instaurée depuis les chroniques de retenir certains faits, de les sérier, de les placer dans une chronologie et d’en établir la filiation en guise d’explication.

L’histoire coloniale ne procède pas autrement, et nous avons hérité, on croit par ainsi rendre la réalité qu’elle nous paraît à l’œil nu.

Comme on le disait, le positivisme veut que l’historien se méfie des théories, de la théorie qui pourtant aiderait à voir plus loin. Par cet élan, l’historien préfère l’empirique parce qu’il a le souci du document et les sens du concret. Et cependant, qui plus que l’historien devrait prêter l’attention à cette célèbre remarque de Karl Marx : « toute science serait superflue si l’apparence et l’essence des choses se confondaient »10.

Dans ce même ordre d’idée, Benoit Verhagen stigmatise le fait sur la correspondance entre le passé et l’esprit collectif de stimuler cette prise de conscience du passé récent et du présent en cours, d’établir une conscience.11

Samba Kaputo renchérit lorsqu’il pense que la conscience individuelle ou collective est le rapport entre l’objectivité et la subjectivité : ainsi, convient-il de prendre connaissance des avis subjectifs des témoignages oraux, de les confronter aux faits en vue de dégager l’esprit collectif de la société étudiée.12

 

 

 

 

 

Chapitre I

L’organisation politique coloniale

 

 

 

Pour rester tout près de l’organisation de ce livre, plus les aspects ayant provoqué les crises politiques et qui ont permis la manifestation sans ambages du complot politique sont privilégiés.

 

.1. La stratégie politique

de la naissance de l’État Indépendant du Congo

C’est dans un contexte mercantiliste que les organisations sociales du roi Léopold II se mirent à la conquête du Congo, avec en avant plan la mise en valeur de la civilisation des peuples n’ayant pas encore été transformés par le manque d’écriture.

D’après A. Nouschi, l’histoire politique de la colonisation lui donne pour objet la contradiction sociale politique principale : l’implantation de la colonisation sous sa forme la plus large modifie singulièrement les données de la vie politique de la colonie. L’histoire de la colonisation étudie donc les mutations et ses transformations du milieu politique colonial, les tensions politiques, les revendications des colonisés, les moyens d’action des uns et des autres13.

Le fait colonial a apporté, il est vrai des transformations en agissant sur les contradictions profondes, mais la colonisation a opéré ces transformations en agissant sur les contradictions locales existantes sans les supprimer totalement.

 

L’histoire politique de la colonisation doit donc décrire et expliquer au niveau de la structure politique, les affrontements qui ont eu lieu entre européens et africains, mais elle doit étudier aussi les affrontements des Africains entre eux14.

Quoiqu’il en soit, nombreux auteurs ont souligné l’exponentiation de la dimension économique sur la capacité des conquêtes de l’Afrique.

Pour sa part, Hubert Deschamp explique les circonstances qui ont déclenché la conquête de l’Afrique comme suit15 :

la découverte du Congo par Stanley avec les conséquences comme la fondation de poste par l’Association internationale africaine de Léopold II ;

l’attitude de Bismarck encourageant l’expansion de la France pour la détourner de l’Alsace et Lorraine ;

prenant part elles-mêmes, le souci de l’Angleterre de ne pas se distancier, du Portugal de ne pas perdre ses positions et de les consolider à l’intérieur :

le désir et l’initiative de l’Italie naissante et surpeuplée pour acquérir des zones d’influences et d’expansions.

Après avoir compris l’importance de l’outre-mer comme source des débouchés et des matières premières, le roi Léopold II se passionne pour les explorations et convoque du 12 au 19 septembre 1876, la conférence de géographie de Bruxelles au cours de laquelle Émille Baning rédigea l’acte de naissance de l’Association internationale pour l’exploration et la civilisation de l’Afrique centrale, qui délimite une zone couvrant en gros le futur Congo et possédant un drapeau bleu à étoile d’or16.

Pour beaucoup d’historiens et politologues, l’Association Internationale du Congo (AIC) en sigle a été créée à partir de ces circonstances.

Les différents va-et-vient effectués par des explorateurs et des chercheurs, surtout les anthropologues ont permis au roi des Belges d’avoir des données de bases suffisantes sur le Congo, notamment sur la civilisation matérielle, l’organisation sociale, la structure politique, l’origine de la population. Les peuples autochtones du Congo qui n’ont pas pu développer des contacts avant l’arrivée du colonisateur ne se sont pas préoccupés de ces mouvements des explorateurs comme Diego Cao, Livingstone, Henri, M. Stanley et Savorgna de Brazza.

Ce comportement jugé de fin stratège attribué au roi Léopold II, Kita le décrit en ces termes : le roi Léopold II, ce monarque qui règne sur la Belgique, durant toute la seconde moitié du 19e siècle et le début du 20e siècle, se distingue par son intelligence remarquable et son ouverture d’esprit, ses vues très larges et ses ambitions très hautes. Il s’avère un fin diplomate et surtout un homme d’affaires avisé. C’est pour sortir sa forte personnalité du cadre étroit que lui offre son petit pays et pour satisfaire ses ambitions que Léopold II rêve d’expansion et des conquêtes17.

Si les tentatives en Asie, au Japon et en Amérique latine, ont échoué, son intelligence et surtout son habileté diplomatique lui permettent de se faire attribuer un royaume par les puissances, malgré les ambitions de plusieurs d’entre elles, malgré la faiblesse de ses moyens, malgré la répugnance de la plupart de ses sujets à la seconder dans ses entreprises18.

En rapport avec la ténacité du roi, Nguyandila écrit en effet : « on ignore encore de l’Association internationale du Congo et de la date de sa constitution. On la voit entre 1882 à 1884 arborer le drapeau de l’Association internationale africaine, conclure des accords avec les chefs indigènes et solliciter la reconnaissance de gouvernements étrangers »19.

Le roi Léopold II usa de son poids diplomatique et de son influence sur les monarchies européennes pour s’adjuger cet empire qui est le Congo.

La conférence de Berlin s’ouvrit sous l’égide du chancelier allemand Bismarck le 15 novembre 1884 pour se clôturer le 26 février 1885. C’est pendant ces travaux que les négociations continuent entre les différentes puissances afin d’obtenir d’elles, la reconnaissance de l’Association internationale du Congo en sigle AIC comme un État souverain.

Cette vision est partagée aussi par Mambi Tunga Bau qui écrit : « le 22 avril 1884, les États-Unis sur base d’une erreur d’appréciation reconnurent le drapeau de l’AIC comme celui d’un gouvernement ami. Il fut de même pour l’Allemagne le 20 novembre 1884. Les États-Unis croyaient que l’Association internationale du Congo était un État formé à la manière des États-Unis, c’est-à-dire pour les Américains, il s’agissait d’une association des États nègres, c’est pourquoi ils avaient soutenu sans réserve l’avènement de l’État au Congo à travers le soutien à l’adhésion de l’AIC, à l’acte général de la conférence de Berlin20. »

M. Sanford, représentant des États-Unis à la conférence de Berlin, ne cessait de rappeler : « le gouvernement des États-Unis a été le premier à rendre hommage public à la grande œuvre civilisatrice du roi Léopold II, en reconnaissance du drapeau de l’Association internationale du Congo comme celui d’un gouvernement ami. Heureux de voir cet exemple suivi par les puissances du vieux monde. Il lui reste à exprimer le vœu de voir bientôt couronner cette œuvre par la participation de l’Association des actes de la conférence. »

La Belgique était représentée à la conférence par le comte Van der Straten-Ponthoz, celui-ci n’avait aucun lien avec l’Association internationale du Congo qui, elle était présidée par le colonel Strauch, et réussit mandat par le roi Léopold II le 15 février 1885 en ces termes : « nous, Léopold II, roi des Belges comme fondateur de l’Association internationale du Congo, donnons par les présents pleins pouvoirs à M. Strauch, président de l’Association de signer l’acte d’accession au traité général adopté par la conférence de Berlin21. »

Le 23 février 1885, la conférence reçut la notification de l’Association internationale du Congo comme étant un État souverain par toutes les puissances représentées à Berlin. C’est en cette qualité que le 26 février 1885, date de la clôture des travaux de la conférence, elle signa l’acte de la conférence des mains du colonel Strauch, président de l’Association internationale du Congo.

Ainsi, voici la déclaration en écrivant au prince Bismarck dans une lettre datée du 23 février 1885, M. Strauch dit : « l’Association internationale du Congo a successivement conclu avec les puissances représentées à la conférence de Berlin (moins une), des traités qui, parmi leurs clauses contiennent une disposition reconnaissant son pavillon comme celui d’un État ou gouvernement ami. La réunion et les délibérations de l’éminente Assemblée qui siège à Berlin sous votre haute présidence ont contribué à hâter cet heureux résultat. La conférence à laquelle j’ai le devoir d’en rendre hommage, voudra bien j’ose espérer, considérer l’avènement d’un pouvoir qui se donne la mission exclusive d’introduire la civilisation et le commerce au centre de l’Afrique, comme un gage de plus des fruits que doivent produire ses importants travaux ».

Les principales clauses de l’acte de Berlin sont22 :

la liberté de commerce dans le bassin du Congo prolongé jusqu’aux deux océans, la liberté d’établissement, la tolérance religieuse, la protection des populations indigènes et l’obligation d’améliorer leurs conditions morales et matérielles ;

l’interdiction de l’esclavage et la répression de la traite des noirs sur terre et sur mer ;

la faculté pour les États de se proclamer neutres,

la liberté de navigation sur le Congo et ses affluents ;

la nécessité de l’occupation effective d’un territoire pour qu’elle soit valable.

Après la reconnaissance internationale ayant couronné son succès diplomatique, le roi Léopold II fut autorisé par le parlement belge à devenir le chef de l’État fondé en Afrique par l’association internationale du Congo23.

Pour louer son courage et faire couronner ses efforts qui le permirent de réaliser cette grandiose œuvre, le roi Léopold II écrit au chef du gouvernent belge : « mes peines n’ont pas été stériles, un jeune et vaste État dirigé de Bruxelles a pris pacifiquement place au soleil, grâce à l’appui bienveillant des puissances qui ont applaudi à ses débuts. Des Belges l’administrent, tandis que d’autres compatriotes, chaque jour plus nombreux, y font déjà fructifier leurs capitaux »24.

C’est l’État indépendant qu’il s’agit et qui est au centre de toute une théorie du complot mercantiliste, sous prétexte d’une pseudo civilisation n’ayant existé que dans l’imaginaire. Le roi Léopold II prit le titre de souverain de l’État indépendant du Congo le 30 avril 1885.

La notion de souveraineté de l’État se distingue en deux à savoir : la souveraineté interne et la souveraineté externe.

Dans le cadre de la souveraineté interne, eu égard au statut particulier qui venait d’être doté au roi Léopold II, il sied d’en prendre en charge la souveraineté interne. Le dalloz définit la souveraineté interne comme « le droit de commander » à tous les nationaux et de formuler des ordres à l’égard des toutes les personnes qui se trouvent sur le territoire et par conséquent de tous les droits, de tous les intérêts et de toutes les choses qui s’y rattachent25.

Le 1er juillet 1885, la constitution de l’État indépendant du Congo fut proclamée à Vivi par Sir Francis de Winton, le premier administrateur général du Congo.

Le 1er août 1885, le roi Léopold II notifiait son avènement aux puissances étrangères présentes à Berlin. Il prend l’engagement de la neutralité d’un nouvel État.

 

.2. Les chantiers du complot politique

Dans cette entreprise léopoldienne, les entreprises économiques et d’autres agents joueront un grand rôle. Les visées économico-financières sont devenues prioritaires pour accomplir la mission sacrée et l’objectif primordial du roi.

Ainsi, dans une lettre aux secrétaires généraux qui étaient ses ministres, le roi affirme lui-même : « mes droits sur le Congo sont sans partage, ils sont le produit de mes peines et de mes dépenses »26.

D’après Cornevin, ce n’est pas la découverte de l’intérieure de l’Afrique ni l’abolition de la traite qui le préoccupent, mais bien une organisation supranationale qu’il puisse manœuvrer à sa guise, de façon à prendre pied fermement au centre de l’Afrique, y installer les intérêts belges, mais aussi et surtout se créer un empire personnel, pour satisfaire sa soif de création et de pouvoir, en faisant fructifier la considérable fortune personnelle (15 millions de francs or) que lui aurait légué son père27.

Les contradictions cumulées par sa stratégie de gestion de l’EIC expliquent en partie les causes latentes de cette politique du complot.

La relégation au second plan des valeurs humaines, les châtiments corporels infligés aux villageois dans les provinces de l’Équateur et Mai-ndombe (Bikoro, Bolomba, Ingende, Kiri, Makanza), pour n’avoir pas respecté le quota de Kilo et litre soit de copal, soit de latex de caoutchouc, tel qu’exigé par les agents coloniaux28.

 

Il convient de signaler l’intérêt du roi Léopold II à l’espace compris entre les deux lacs Tumba à l’Équateur et Maï-ndombe. Certains scientifiques n’ont pas hésité à parler de la mer intérieure en pleine forêt équatoriale, il s’agit du domaine de la couronne du roi lui-même.

D’après Elikya Mbokolo, non seulement dans cette partie du territoire de l’EIC, on trouvait une importante quantité de copal, mais aussi, une espèce de liane contenant un liquide comparable au mercure. Même dans la commission d’enquête de 1904, le passage sur les deux provinces à part le Kongo-central et la province de Stanleyville a suffi pour l’éclairage de ces trois hauts magistrats29.

Les différents abus du roi, surtout la perception des droits ad valorem et l’esclavage, poussèrent les puissances présentes à Berlin à se réunir pour la mise sur pied de la commission d’enquête.

La campagne menée par le journaliste Edmond Morel depuis la ville de Liverpool, dénonçant ce qu’on a appelé « le caoutchouc rouge » (red rubber en anglais) fut le véritable détonateur ayant mis à l’embarras, les puissances de Berlin qui décidèrent d’aller aux extrêmes. Pendant ce temps, Liverpool a été considérée comme la capitale de la contestation anti léopoldienne30.

L’ampleur des dégâts causés par les agents de l’EIC et son niveau d’alerte surtout dans les monarchies européennes amenèrent à l’extrême.

Le 24 juillet 1904, on annonce une « constitution d’une commission internationale » dirigée par trois magistrats, dont le choix devait satisfaire les diverses successibilités, celles évidemment et en premier lieu du roi souverain. En effet, par décret du 23 juillet 1904, le roi Léopold II avait nommé les membres de cette commission d’enquête composée de Jansens (Belge, avocat général à la Cour de cassation de Belgique), le Baron Nisco (Italien, Président a.i du Tribunal d’appel de Boma), E. Schumacher (Suisse, conseiller d’État et chef du département de la justice de Lucerne en Suisse)31.

En rapport avec la méthodologie de travail de la commission, voici ce que Henri Pirenne écrit : « les membres de la commission d’enquête quittèrent Anvers le 5 septembre 1904 pour arriver à Boma le 5 octobre 1904. Ils restèrent 18 jours à Boma, le 26 octobre 1904 ils arrivèrent à Matadi, le 26 octobre à Kisantu et le 27 octobre, ils atteignent Léopoldville où ils restèrent jusqu’au 31 octobre 1904.

Le 1er novembre 1904, ils embarquèrent sur le fleuve Congo, où ils visitèrent tour à tour Bolobo du 7 au 12 novembre, Lukolela et Bikoro du 20 au 24 novembre, du 25 au 30 novembre les concessions (Anglo Belgian induarubber exploration company) en sigle ABIR à l’Équateur. À partir du 15 janvier 1905, ils furent à Bosembo, Nouvelle Anvers, Mokoto, Lisala, Basoko, Yakusu pour arriver à Stanleyville le 26 janvier 1905. Le 13 février 1905, la commission retourna à Boma où elle s’embarqua pour Anvers. Le 15 mars 1915, le roi Léopold II reçut les membres de la commission d’enquête, mais le rapport écrit ne fut remis au souverain que le 31 octobre 1905, soit 7 mois et demi après l’épreuve32.

Après un long parcours qui conduisit les membres de la commission d’enquête internationale de l’embouchure (Boma-Banana), épine dorsale considérée comme un horizon de l’éternel voyage vers l’océan atlantique jusqu’aux fins fonds du majestueux fleuve Congo (chutes de Wagenia) en passant par le site d’Henri Morton Stanley sur le fleuve (plantes médicinales d’Eyala), deux sites seulement ont le plus choqué les toges noires.

Il s’agit du massacre des indigènes selon Elikya Mbokolo, à Ikoko-Monginda, village des riverains situé à 12 km de Bikoro, sur le littoral du lac-Tumba et la cité de nouvelle Anvers où l’administrateur belge en poste avait ordonné d’enterrer vivante une femme enceinte, après avoir fusillé devant le public son mari33.

Le rapport qui contenait plusieurs chapitres, notamment sur le régime foncier et la liberté du commerce, les impositions, les expéditions militaires, les concessions, les enfants recueillis, le recrutement des soldats et des travailleurs, la justice, sera déposé au roi en retard.

Ce retard, selon Lobho Lwa Djugu Djugu fut interprété dans les milieux officiels de l’EIC, comme un effort des membres de la commission, leur souci de vérité et leur sérieux de rémunération fastidieuse des dates et des lieux mais en réalité, le retard pouvait être considéré comme une preuve de l’embarras que leurs découvertes avaient causé dans les milieux officiels de l’EIC34.

Après la publication du rapport de la commission d’enquête internationale, la crise politique demeurée jusque-là latente, prit l’allure d’un blocage avec la montée en puissance des partisans de la thèse annexionniste et aussi le grand capital, qui tous défendirent l’idée de l’annexion de l’EIC à la Belgique comme pour confirmer la nette incapacité du roi Léopold II à gérer son empire.

Pour Mambi Tunga, “c’est à la faveur du testament du 2 août 1889 que le roi Léopold II légua ses droits sur l’État indépendant du Congo à la Belgique. Le traité du 28 novembre 1907 formalisa le droit de cession à l’EIC et le Congo devient une colonie belge dont la loi du 18 octobre 1908 organise le pouvoir”35.

L’annexion de l’EIC à la Belgique fut réalisée par la loi du 18 octobre 1908 approuvant le traité de cessions du 28 novembre 1907 et l’acte additionnel du 5 mars 1908. C’est à partir du 15 novembre 1908 que la Belgique administra elle-même ce qui devint une colonie belge.

Le premier État indépendant du Congo avait été cédé à la Belgique par le traité du 28 novembre 1907 et l’acte additionnel du 5 mars 1908 approuvé par une loi du 18 octobre 1908, en vertu de l’article 68 de la constitution belge. L’État indépendant était annexé, il ne pouvait l’être plus, le régime colonial était un régime d’assujettissement qui, en outre, refusait aux résidents Congolais ou Belges, la qualité de citoyen nanti de droits politiques. Tous se trouvaient avoir pour souverain maître ce parlement qu’ils n’élisaient pas, nous étions ainsi sujets sans être citoyens36.

Le ministre des Affaires étrangères, M. Wigny, restait ainsi fidèle à son propre enseignement. L’article premier du traité de cession du 28 novembre 1907 stipulait : “sa majesté le roi souverain déclare céder à la Belgique la souveraineté des territoires composant l’État indépendant du Congo avec tous les droits et obligations qui y sont rattachés”37.

 

.3. Les positions partagées de la thèse annexionniste

En 1901, la date de l’emprunt 1890, l’opinion publique belge fut saisie de l’annexion.

Le journal bruxellois “le Messager de Bruxelles” publia une critique du projet de l’annexion sans doute, il faudrait mieux repousser l’annexion du Congo, car les colonies d’exploitation ne représentent que le pillage, la spoliation et la sauvagerie toute pure sous le couvert du beau nom civilisation. Mais enfin, si la Belgique se laisse entraîner dans cette voie funeste, s’il lui plaît d’avoir des colonies qu’au moins ces colonies à elle, qu’elle puisse les organiser et les surveiller à sa guise »38.

Dans l’éventualité d’une annexion, l’inquiétude fut grande en ce qui concernait l’absolutisme monarchique avec lequel le roi Léopold II dirigeait le Congo. Ce qui explique le projet de loi d’annexion coulé en un système gouvernemental correspondant entièrement à ses vues et lui assurant la direction des affaires du Congo.

Contre toute attente, l’opinion publique belge se préoccupe de plus en plus de ses problèmes identitaires, les difficiles rapports de cohabitation entre les deux frères ennemis : les Wallons et les Flamands. En terre congolaise, ils pourraient se supporter mutuellement, étant donné que les piliers de la colonisation furent les agents qui ont joué un rôle moteur dans sa phase de matérialisation.

Pour le même souci lié à l’absolutisme, la loi du 18 octobre 1908 dit charte coloniale stipule : « le Congo a une personnalité distincte de celle de la métropole. Il est régi par des lois particulières. L’actif et le passif de la colonie demeurent séparés. En conséquence, les services de la rente congolaise demeurent exclusivement à la charge de la colonie à moins qu’une loi n’en décide autrement »39.

Cet article fait application de l’article 1er de la Constitution belge stipulant que : « les colonies, possessions d’outre-mer ou protectorats que la Belgique peut acquérir sont régis par des lois particulières ». Dans la pratique, une dualité budgétaire existait et la Belgique prenait en charge certaines dépenses du Congo ou exposées pour lui40.

De toute évidence, aussi bien l’opinion publique belge que les grandes puissances ayant siégé à Berlin ont souscrit sans nuance à l’annexion du Congo à la Belgique.

Le Parlement de 1908 avait le souci et non celui naïvement exposé par de Lannoy d’empêcher « l’exploitation du pays sujet par le pays souverain »41.

Mais cette volonté, s’est-elle en fait réalisée ? A-t-elle même pu se réaliser par la seule magie de l’article 1er de la charte ? Il semble bien que la responsabilité est négative42.

Au niveau interne de l’État indépendant du Congo, la faiblesse de l’État s’accentue à la suite de l’accumulation primitive pour le nouveau système qui étend dans la colonie sa domination progressive. Il s’agit d’une époque carrément de transition, c’est-à-dire celle de passage d’un type de société politique à un autre. Cette période est caractérisée par des contraintes, de violence, des travaux forcés.

Dans le souci d’organisation, il y a eu l’occupation administrative effective dans un contexte de la lutte contre l’émiettement des collectivités locales pour la réalisation du projet colonial, la reconnaissance des chefferies et l’amorce de la politique des secteurs, la tentative de restitution d’anciennes unités politiques, la lutte contre la domination récente qui s’achève vers 191743.

La faiblesse de l’État, dans ses premières années, a entraîné le recours à des gouvernements des sociétés concessionnaires. À cette époque sont liées la fameuse « affaire Congolaise » et la résistance désespérée pour la survie des populations locales (révoltes des mbudjas, opposition dans les concessions de l’ABIR et le domaine de la couronne).

L’agitation sociale liée au refus de la domination, l’exploitation après les décrets sur l’impôt de capitation et aussi les cultures obligatoires et le recrutement forcé sont autant d’indices qui ont pu démontrer les abus du pouvoir de l’EIC. Les détracteurs s’en servirent pour accabler la gestion du roi Léopold II.

L’impact des accusations d’Edmond Dene Morel et le « Congo reforme Association » ayant fait de Liverpool la capitale de la contestation anti- Léopold II a eu des échos au-delà des frontières de la Belgique. L’indignation, qui a été exprimée par beaucoup de monarchies en Europe surtout, entama le moral du roi Léopold II, car son prestige s’amenuisait par cette espèce d’humiliation de la monarchie la plus prestigieuse d’Europe.

Très choqué par cette perte de prestige aussi bien de la Belgique que du roi lui-même, il ne se remettra pas de ce moral au rabais. Léopold II mourut le 23 décembre 1909.

En guise de conséquence, la famille royale décida de ne pas organiser des obsèques officielles, c’est ainsi que le roi Léopold II fut inhumé en catimini sans la moindre délégation.

Dans ce cas précis, le complot politique est apparu à partir de l’implication des États ayant pris part à la conférence de Berlin comme gage de la stabilité du territoire de l’EIC. La conquête de la campagne de Liverpool en constitue un détonateur ayant servi de prétexte à ces puissances qui n’ont pas bien apprécié l’acquisition du territoire du Congo par le roi Léopold II.

La politique est une lutte. Elle peut aussi prendre les aspects du combat, d’abord parce que la guerre, qui est tout de même un acte politique peut se transformer en combat, mais aussi parce que l’épreuve de force peut se jouer sur plan diplomatique.