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Extrait : "SOPHIE : Alors, madame, il ne faudra pas de poisson ? MADAME MALINGEAR, assise à droite du guéridon et travaillant : Non !... Il a fait du vent toute la semaine, il doit être hors du prix... Mais tâchez que votre filet soit avantageux. SOPHIE : Et pour les légumes ?... On commence à voir des petits pois. MADAME MALINGEAR : Vous savez bien que les primeurs n'ont pas de goût... Vous nous ferez un chou farci"
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Seitenzahl: 73
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335055108
©Ligaran 2015
Un salon bourgeois chez Malingear : piano à gauche, bureau à droite, guéridon au milieu.
RATINOIS.
MALINGEAR.
ROBERT.
FRÉDÉRIC.
UN TAPISSIER.
UN MAÎTRE D’HÔTEL.
CONSTANCE, femme de Ratinois.
BLANCHE, femme de Malingear.
EMMELINE, fille de Malingear.
ALEXANDRINS, femme de chambre de madame Malingear.
JOSÉPHINE, femme de chambre de madame Ratinois.
SOPHIE, cuisinière de Malingear.
UN CHASSEUR EN LIVRÉE.
UN DOMESTIQUE.
UN PETIT NÈGRE.
Madame Malingear, Sophie, un panier sous le bras.
Alors, madame, il ne faudra pas de poisson ?
Non !… Il a fait du vent toute la semaine, il doit être hors de prix… Mais tâchez que votre filet soit avantageux.
Et pour légumes ?… On commence à voir des petits pois.
Vous savez bien que les primeurs n’ont pas de goût… Vous nous ferez un chou farci.
Comme la semaine dernière ?…
En revenant du marché, vous apporterez votre livre. Nous compterons.
Bien, madame.
Elle sort par la droite.
Madame Malingear, Malingear.
C’est moi… Bonjour, ma femme !
Tiens… tu étais sorti ?… D’où viens-tu ?…
Je viens de voir ma clientèle.
Ta clientèle ! Je te conseille d’en parler… Tu ne soignes que les accidents de la rue, les gens qu’on écrase ou qui tombent par les fenêtres.
Eh bien, ce matin, on est venu me chercher à six heures… chez moi… J’ai un malade.
C’est un étranger, alors ?
Non… un Français.
C’est la première fois, depuis deux ans, qu’on songe te déranger.
Je me lance.
À cinquante-quatre ans, il est temps ! Veux-tu que je te dise : c’est le savoir-faire qui te manque, tu as une manière si ridicule d’entendre la médecine !
Comment ?…
Quand, par hasard, le ciel t’envoie un client, tu commences par le rassurer… Tu lui dis : « Ce n’est rien ! c’est l’affaire de quelques jours. »
Pourquoi effrayer ?
Avec ce système-là, tu as toujours l’air d’avoir guéri un bobo, une engelure !… Je connais plusieurs de tes confrères… de vrais médecins, ceux-là ! quand ils approchent un malade, ce n’est pas pour deux jours ! Ils disent tout de suite : « Ce sera long, très long ! » Et ils appellent un de leurs collègues en consultation.
À quoi bon ?…
C’est une politesse que celui-ci s’empresse de rendre la semaine suivante… Voilà comment on se fait une clientèle !
Quant à moi, jamais !
Toi, avec ta bonhomie, tu as perdu peu à peu tous tes clients… Il t’en restait un… le dernier… un brave homme…
M. Dubourg… notre voisin ?
Il avait avalé une aiguille, sans s’en douter… Tu le traites quinze jours… très bien !… ça marchait… Mais voilà qu’un beau matin tu as la bêtise de lui dire : « Mon cher M. Dubourg, je ne comprends rien du tout à votre maladie. »
Dame !… quand on ne comprend pas !…
Quand on ne comprend pas… on dit : « C’est nerveux !… » Ah ! si j’étais médecin !…
Quel charlatan tu ferais !…
Heureusement que la Providence nous a donné vingt-deux bonnes mille livres de rente, et que nous n’attendons pas après ta clientèle. Qu’est-ce que c’est que cette personne qui est venue ce matin ?…
Elle se rassied.
C’est… c’est un jeune homme…
De famille ?
Oui… il a de la famille… Tiens, prends ces quatre mille francs.
Pour quoi faire ?
Nous avons fait renouveler notre meuble de salon, et c’est aujourd’hui que le tapissier doit venir loucher sa note.
Ah ! c’est juste… Eh bien, ce client ?
Elle se lève.
Ah ! que tu es curieuse !… C’est un cocher de la maison qui a reçu un coup de pied de cheval… la !
Un cocher ?… Mon compliment !… Demain, on viendra te chercher pour le cheval.
Plaisante tant que tu voudras ! mais je suis enchanté d’avoir donné mes soins à ce brave garçon… En causant avec lui, j’ai appris des choses…
Quoi donc ?
On jase sur notre maison.
Sur nous ?… Que peut-on dire ?
Pas sur nous ; mais sur ce jeune homme qui vient tous les jours faire de la musique avec ta fille.
M. Frédéric ? dont nous avons fait connaissance l’été dernier aux bains de mer de Pornic ?
On dit que c’est le prétendu d’Emmeline. Hier soir, chez le concierge, on a même fixé le jour du mariage.
Ah ! mon Dieu !
Tu vois qu’il est quelquefois bon de soigner les cochers.
Que faire ?…
Il faut trancher dans le vif… Certainement M. Frédéric est très gentil, très distingué…
Ah ! charmant !
Et c’est fort aimable à lui de venir tapoter notre piano sept fois par semaine ; mais il faut qu’il s’explique… Il est temps, grand temps !…
Comment ?…
Emmeline est triste… elle ne mange plus.
Si je faisais venir le médecin ?
Le médecin ?… Eh bien, et moi ?
Ah ! oui, c’est juste !… (À part.) C’est plus fort que moi… je n’ai aucune confiance en lui !…
Hier, pendant que M. Frédéric chantait un duo avec ta fille, j’ai surpris des regards… très lyriques !
Je t’avoue que j’avais songé à lui pour Emmeline.
Parbleu ! moi aussi. Il me plaît beaucoup, ce garçon… et s’il est d’une bonne famille…
Mais il ne se prononce pas…
Sois tranquille… voici son heure… tu vas le voir apparaître avec son petit cahier de musique. (Apercevant Frédéric.) Voilà !
Les mêmes, Frédéric, puis Emmeline.
Madame… monsieur Malingear…
Monsieur Frédéric…
Comment vous portez-vous, ce matin ?…
Très bien.
Parfaitement.
Parle-lui.
Oui ; laisse-moi saisir un joint.
Je ne vois pas mademoiselle Emmeline… serait-elle malade ?
Non, mais…
Je lui apporte une romance nouvelle… un titre charmant : le Premier Soupir.
Hum !…
Oui. (Haut.) Monsieur Frédéric, vous êtes un bon jeune homme… et vous ne trouverez pas mauvais que nous vous demandions, ma femme et moi, cinq minutes d’entretien.
À moi ?…
Sur un signe de Malingear, on s’assied.
Monsieur Frédéric, vous avez trop d’esprit pour ne pas comprendre que vos visites assidues dans une maison…
Bonjour, papa !
Chut !… ma fille !
Frédéric se lève.
Vous nous disiez, monsieur, que cette romance faisait fureur ?…
De qui est la musique ?
D’un Suédois.
Comment s’appelle-t-elle ?
Le Premier Soupir.
D’une mère…
Pour son enfant.
Ah ! que ce titre est long !
Emmeline, j’ai oublié mon coton sur l’étagère, dans ma chambre, va me le chercher.
Oui, maman.
Elle sort ; Frédéric se rassied.
Je vous disais donc que vos visites assidues, dans une maison où il y a une jeune fille, pouvaient paraître étranges à certaines personnes… Et, ce matin encore, un de mes clients… un…
Un banquier…
Mais, monsieur… il me semble que ma conduite a toujours été…
Parfaite… je le reconnais… Mais, vous savez, le monde est prompt à interpréter…
Maman, voilà ton coton.
C’est un fort joli sujet de romance… cette mère près du berceau de sa fille… et qui soupire.
C’est délicieux.
On en ferait presque une pendule… en bronze.
Emmeline, j’ai cassé mon aiguille à broder, va m’en chercher une autre.
Oui, maman… (À part.) Voilà deux fois qu’elle me renvoie ! Oh ! il y a quelque chose !
Elle disparaît.
Je vous disais donc que le monde était prompt à interpréter les démarches les plus naturelles, les plus innocentes… Mais il est de la sagesse d’un père de couper court à ces vagues rumeurs par une explication nette et franche.
Très bien !
Ce que nous attendons de vous, c’est une réponse loyale.