La protection des incapables majeurs et le droit du mandat - Nicole Gallus - E-Book

La protection des incapables majeurs et le droit du mandat E-Book

Nicole Gallus

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Beschreibung

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet pour comprendre la protection des incapables majeurs.

Cet ouvrage fournit un éclairage pluridisciplinaire et une analyse de droit comparé belge, suisse et québécois sur les questions relatives à la protection des incapables majeurs, afin de mieux comprendre les réformes législatives réalisées et celles en préparation.
Sont ainsi développés les thèmes suivants :
− les objectifs et dispositions relatives à la personne dans la loi belge du 17 mars 2013 réformant le régime d’incapacité des majeurs ;
− l’étude de la responsabilité civile des acteurs du nouveau régime juridique dans la gestion du patrimoine des personnes vulnérables en droit belge ;
− la protection extrajudiciaire des personnes majeures vulnérables en droit belge ;
− le point de vue des juges de paix sur la nouvelle protection des personnes majeures vulnérables ;
− le mandat pour cause d’inaptitude en droit suisse ;
− le mandat donné en prévision de l’inaptitude en droit québécois.
Les contributions sont l’oeuvre de spécialistes issus du monde juridique belge, de l’Université Libre de Bruxelles, de l’Université de Montréal, de l’Université de Genève.

Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels.

À PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.

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CENTRE DE DROIT PRIVÉ – UNITÉ DE DROIT FAMILIAL

 

 

LA PROTECTION

DES INCAPABLES MAJEURS

ET LE DROIT DU MANDAT

 

 

DROIT BELGE ET DROIT COMPARÉ

 

 

Sous la direction

de Nicole Gallus

Charles-Édouard de Frésart

Nicole Gallus

Brigitte Lefebvre

Audrey Leuba

Alain-Charles Van Gysel

Thomas Van Halteren

 

 

CENTRE DE DROIT PRIVÉ – UNITÉ DE DROIT FAMILIAL

 

La collection Centre de droit privé – Unité de droit familial rassemble les actes des colloques organisés par le Centre de droit privé de l’Université Libre de Bruxelles.

 

Ouvrages parus dans cette collection :

 

Conjugalité et décès, sous la direction d’Alain-Charles Van Gysel, 2011.

Conjugalité et discrimination, sous la direction d’Alain-Charles Van Gysel, 2012.

Droit des familles, genre et sexualité, sous la direction de Nicole Gallus, 2012.

 

Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Isako www.isako.com pour le © Anthemis s.a.

© 2014, Anthemis s.a.

Place Albert I, 9 B-1300 Limal

Tél. 32 (0) 10 42 02 90 – [email protected]

 

Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre,

par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

 

Dépôt légal : D/2014/10.622/13

ISBN 978-2-8072-0113-2

La loi belge du 17 mars 2013 réformant

le régime d’incapacité des majeurs :

objectifs et dispositions relatives

à la personne

 

Nicole GALLUS

 

Avocate au barreau de Bruxelles

Chargée de cours à l’Université Libre de Bruxelles

Introduction

La loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un statut de protection conforme à la dignité humaine entrera en vigueur le 1er juin 20141.

Elle a pour objectif d’assurer une protection globale des personnes majeures incapables et plus particulièrement de trois catégories de personnes définies aux articles 488/1 et 488/2 nouveaux du Code civil, à savoir :

– le majeur qui, en raison de son état de santé, est totalement ou partiellement hors d’état d’assumer lui-même, comme il se doit, sans assistance ou autre mesure de protection, fût-ce temporairement, la gestion de ses intérêts patrimoniaux ou non patrimoniaux, et qui peut être placé sous protection si et dans la mesure où la protection de ses intérêts le nécessite. On soulignera ici que les conditions requises dans le texte sont cumulatives, tandis que « l’état de santé » auquel il est fait référence n’est pas défini plus précisément en raison du caractère évolutif du concept qui relève plus – in concreto –, de la compétence d’appréciation du médecin que de celle – in abstracto –, du législateur.

On notera encore que l’expression « gérer comme il se doit » correspond au concept classique en droit civil de la gestion « en bon père de famille »2 ;

– le mineur pour lequel, à partir de l’âge de 17 ans accomplis, une demande de placement sous protection peut être introduite s’il est établi qu’à sa majorité, il sera dans l’état visé ci-dessus. La personne visée ici est celle qui, avant la réforme, relevait du statut de la minorité prolongée3 ;

– les personnes majeures qui se trouvent dans un état de prodigalité si et dans la mesure où la protection de leurs intérêts le nécessite, la mesure ne pouvant ici être ordonnée que pour les biens et uniquement sous la forme d’une assistance4.

Cette réforme fondamentale du droit des incapables majeurs trouve son origine dans la prise de conscience de l’insuffisance du statut de l’actuelle administration provisoire limitée à la gestion des biens, à l’exclusion de tout ce qui touche aux soins de la personne ; ces derniers supposent d’autres statuts d’incapacité dont le champ d’application est limité5 ou dont la procédure est longue et complexe6, et qui sont désuets, peu respectueux des droits humains.

La multiplication et la diversité de statuts différents pour répondre aux situations de vulnérabilité étaient donc critiquées depuis longtemps en raison, essentiellement, du manque de sécurité lié au défaut d’harmonisation des protections.

Dans cette perspective, les objectifs de la réforme sont nombreux et ambitieux. Il y a une volonté de mettre fin à la diversité des statuts répondant aux situations de vulnérabilité, étant l’interdiction, la mise sous conseil judiciaire, la minorité prolongée et l’administration provisoire, doublée d’une volonté d’harmonisation et de création d’un statut uniformisé de protection qui soit conforme aux exigences du droit international.

Chapitre I

Les lignes de force de la réforme

Pour aboutir à la réalisation de ces objectifs, la réforme s’articule autour de deux lignes de force qui peuvent se définir comme suit :

– l’intégration des principes du droit international, étant la nécessité, la proportionnalité, la personnalisation et la subsidiarité de la protection ;

– l’harmonisation et la simplification de la protection par l’organisation d’un statut unique construit sur la base du modèle de l’actuelle administration provisoire élargie à la protection possible de la personne. Cette harmonisation implique l’uniformisation et, donc, la suppression progressive des autres statuts de protection.

Section 1

La mise en conformité du droit avec les textes

internationaux

La réforme vise à mettre en conformité le statut d’administration avec la Recommandation R(99) 4 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur les principes juridiques concernant la protection des majeurs incapables, adoptée le 23 février 1999, la Convention des Nations Unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées et la Recommandation CM/Rec (2009) 11 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur les principes concernant les procurations permanentes et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité, adoptée le 9 décembre 2009.

On retiendra tout particulièrement que la Convention des Nations unies du 13 décembre 2006 rappelle, en son article 1er, le principe de l’égalité de tous les droits et libertés fondamentales en faveur des personnes handicapées, étant celles qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

À cet effet, l’article 4 définit les obligations générales des États afin de garantir le plein exercice de tous les droits et libertés de toutes les personnes handicapées, sans discrimination aucune fondée sur le handicap.

L’article 12 de la Convention énonce le principe de la reconnaissance de la personnalité juridique des personnes handicapées dans des conditions d’égalité avec les autres citoyens.

Ces personnes doivent ainsi se voir reconnaître la capacité juridique comme toute autre personne, des mesures d’accompagnement adéquates devant être prises afin de permettre aux personnes handicapées de jouir de leur capacité juridique.

De même, cet article 12 énonce plus spécifiquement le droit des personnes handicapées de posséder des biens ou d’en hériter, de contrôler leurs finances et d’avoir accès aux mêmes conditions que les autres personnes aux différentes formes de crédit financier ; l’égalité implique le droit de ces personnes à ne pas être arbitrairement privées de leurs biens.

L’article 26 de la Convention impose aux États parties de prendre les mesures efficaces et appropriées pour permettre aux personnes handicapées d’atteindre et de conserver le maximum d’autonomie, de réaliser pleinement leur potentiel physique, mental, social et professionnel et de parvenir à la pleine intégration et à la pleine participation à tous les aspects de la vie.

La Recommandation R(99) 4 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe énonce également le principe essentiel – application du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine – de la capacité, l’incapacité devant être l’exception.

La nécessaire protection à apporter à la problématique des personnes incapables implique, dès lors, qu’une priorité soit donnée à la protection extrajudiciaire ou, à défaut, à une protection judiciaire individualisée, la moins invasive possible et associant la famille et l’entourage de la personne vulnérable.

Les intérêts et le bien-être de la personne doivent être privilégiés, de même qu’il échet de respecter ses souhaits et sentiments.

Sur cette base, le législateur organise notamment la préservation du cadre de vie de la personne protégée, la protection contre les abus7, le souci d’associer la personne aux décisions8 en lui permettant d’exprimer sa volonté dont il sera tenu compte.

Les principes directeurs de la recommandation énoncent également la nécessité d’entourer la protection des personnes incapables de garanties procédurales, ce que le législateur belge a réalisé par le recours à une procédure judiciaire contradictoire garante d’impartialité et de respect des droits de la défense.

Les règles relatives à la nécessité d’un certificat médical joint à la requête de mise sous statut de protection, à la rencontre de la personne incapable par le juge, au recours possible à l’expertise et aux autres mesures d’investigation correspondent également aux principes directeurs de la recommandation relatifs à la nécessité de fonder la protection sur des éléments factuels précis et reconnus. La révisabilité de la mesure, l’organisation de recours, le mécanisme de contrôle de l’exercice de la mission de l’administration, l’exigence d’une autorisation préalable du juge de paix pour certains actes ou encore, l’interdiction de toute intervention de l’administrateur pour les actes intimement liés à la personne même de l’incapable sont également conformes aux principes directeurs de la recommandation.

La Recommandation CM/Rec (2009) 11 du 9 décembre 2009 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe traitant des procurations permanentes et directives anticipées ayant trait à l’incapacité précise que ce système de protection répond exactement au principe de proportionnalité et de subsidiarité et, ainsi, encourage l’autodétermination.

La loi du 17 mars 2013 fait une large application des principes directeurs de cette recommandation.

Aux termes de ces différents textes, les personnes présentant des troubles de fonctionnement doivent rester des acteurs à part entière de la société, avoir un rôle dans les processus décisionnels et conserver leur capacité dans toute la mesure du possible.

Une mesure de protection ne peut donc être prononcée que lorsqu’elle s’avère nécessaire et dans la seule mesure de ce qui est nécessaire pour la personne vulnérable elle-même9.

Le législateur doit donc stimuler les possibilités et l’intégration sociale ainsi que la participation de la personne handicapée, le développement de son indépendance et de son épanouissement.

Il doit, dans le même temps, trouver un équilibre entre, d’une part, le respect des souhaits et de l’autonomie de la personne présentant des troubles de fonctionnement et, d’autre part, la protection de cette personne ; cette protection appropriée et efficace doit viser tant les conséquences néfastes de la vulnérabilité elle-même que celles liées aux abus possibles de tiers.

Cet équilibre implique que la mesure de protection soit personnalisée, c’est-à-dire adaptée à chaque situation particulière, la personne concernée devant se voir reconnaître un rôle approprié dans les processus décisionnels la concernant.

L’idée fondamentale est ici de rappeler que les troubles qui ont un impact sur la capacité varient considérablement d’un cas à l’autre de manière telle que l’équilibre entre autonomie et protection doit être recherché de manière distincte pour chaque situation10.

En d’autres termes, le statut juridique d’incapacité doit correspondre le mieux possible à la situation vécue dans la réalité par la personne concernée.

La réalisation de ces objectifs implique ainsi la mise en œuvre de plusieurs principes fondamentaux, étant la proportionnalité et la subsidiarité.

Le principe de proportionnalité signifie qu’eu égard à la diversité des troubles affectant la capacité selon les cas d’espèce, l’équilibre doit être recherché en fonction de chaque situation particulière.

Il s’impose de prendre en considération la nature concrète des troubles, mais également l’encadrement et les soins donnés par l’entourage, car cet encadrement peut rendre la protection judiciaire inutile ou moins nécessaire.

Cette exigence est exprimée par le principe de subsidiarité aux termes duquel la protection la moins invasive et, donc, la plus respectueuse de l’autonomie doit être préférée11.

La subsidiarité de la protection judiciaire se situe sur un double plan : d’une part, par rapport aux soins donnés par la famille, l’entourage, le réseau social, les associations concernées et, d’autre part, par rapport à la protection extrajudiciaire.

La protection extrajudiciaire, essentiellement par la voie du mandat12, doit, en effet, être préférée précisément en raison de son caractère moins attentatoire à l’autonomie.

Pour des motifs identiques, la protection judiciaire par voie d’assistance sera préférée, dans la mesure du possible au regard des exigences de la protection, à la représentation13.

Les principes de proportionnalité et de subsidiarité impliquent que la mesure de protection doit être susceptible à tout moment d’adaptation, modification ou cessation, soit d’office, soit à la requête de la personne protégée, de sa personne de confiance, de l’administrateur, de tout intéressé ou du procureur du Roi14.

De même, cette protection doit faire l’objet d’une évaluation au plus tard dans les deux ans après l’ordonnance prononçant la mesure15.

Dans le même ordre d’idées, le juge peut à tout moment, d’office ou sur demande, remplacer l’administrateur ou modifier ses pouvoirs16.

Section 2

L’harmonisation et la simplification de la protection

L’objectif est de résoudre tant la problématique de la personne vulnérable au seul plan personnel ou au seul plan patrimonial, que celle de la personne incapable de manifester une volonté non seulement sur le plan patrimonial, mais également pour tout ce qui touche aux décisions personnelles.

Une solution doit ainsi pouvoir être apportée aux difficultés anciennes touchant aux actes strictement personnels ou aux actes mixtes, c’est-à-dire les actes personnels présentant des effets patrimoniaux.

L’objectif se réalise par l’élaboration d’un statut unique de manière telle que les autres statuts d’incapacité applicables aux majeurs et aux mineurs prolongés deviennent sans objet et seront supprimés selon un calendrier transitoire défini par la loi17.

Harmonisation et simplification conduisent, en effet, à proscrire tout système juridique dans lequel coexistent plusieurs modèles de protection dès lors que cette multiplication des régimes engendre complexité et confusion.

Le législateur entend donc construire un cadre cohérent unique que le juge – le juge de paix –, pourra moduler en fonction des situations particulières afin, précisément, d’assurer une protection adaptée, personnalisée.

Outre le rôle fondamental du juge de paix, le législateur souligne encore le rôle de tous les autres acteurs concernés : la famille, le réseau social, les services et associations, ainsi que la personne de confiance qui joue un rôle d’intermédiaire veillant à ce que la personne protégée soit effectivement associée aux décisions la concernant et qui sera son porte-parole lorsque cette personne n’est pas en mesure d’exprimer elle-même une volonté.

L’harmonisation par la simplification des règles applicables apparaît comme un gage de sécurité juridique pour la personne protégée, mais également pour son entourage et pour les tiers qui sont susceptibles de traiter avec la personne vulnérable.

Il s’agit ici de protéger les tiers qui contracteraient avec une personne protégée ou à protéger et qui doivent être clairement informés de son statut, mais également de protéger la personne vulnérable – et son entourage –, en leur donnant la garantie que cette personne est protégée contre ses propres actes et contre les abus de tiers.

Pour réaliser cet objectif, la loi du 17 mars 2013 construit un statut unique de protection sur la base du modèle de l’administration provisoire élaboré par la loi du 18 juin 1991 déjà réformée par la loi du 3 mai 2003, en veillant à élargir son champ d’application à la protection possible de la personne.

Chapitre II

Les principes de base de la réforme

L’application des principes de proportionnalité, de subsidiarité, d’harmonisation et de simplification conduit à l’élaboration d’un nouveau statut organisé autour de neuf principes de base18 :

– une nette distinction entre le statut de la personne majeure et le statut de la personne mineure ;

– la référence à l’actuelle administration provisoire des biens des majeurs incapables comme base du statut unique de protection, sous réserve de modification et aménagement indispensables ;

– l’attention accordée à la distinction entre les soins à la personne et la gestion des biens ;

– l’adaptation de la terminologie dans le respect des droits des personnes vulnérables ;

– la revalorisation du rôle de la personne de confiance ;

– l’association accrue de la personne handicapée au processus décisionnel dans les matières qui la concernent et en fonction de ses facultés ;

– le rappel de la règle générale de la capacité qui constitue le droit commun, l’incapacité étant l’exception ;

– la primauté de la protection extrajudiciaire sur la protection judiciaire ;

– la définition précise des règles de droit transitoire.

Section 1

Distinction entre le statut du majeur et du mineur

Cette nette distinction trouve son fondement dans la différence fondamentale entre minorité et majorité.

La minorité est une période identique pour toutes les personnes, non pathologique, mais liée à l’âge, limitée dans le temps et pendant laquelle la maturité se développe progressivement. Cette période s’inscrit dans un cadre spécifique d’éducation et de formation où l’aspect patrimonial est souvent subsidiaire.

La majorité est une période où la capacité est, en principe, entière avec, parfois, une vulnérabilité variable selon les cas, temporaire ou irréversible, totale ou non et dont les causes sont très différentes.

La capacité ou l’incapacité du majeur doit, dès lors, nécessairement être évaluée in concreto puisqu’elle tient à des motifs divers qui ne sont pas, par eux-mêmes, liés à l’âge de la personne.

Ces majeurs vulnérables qui, symboliquement, ne peuvent être assimilés à des « enfants » – cette assimilation est perturbante pour la vie sociale et l’intégration de la personne19 – ont, le plus souvent, des revenus, un patrimoine.

Aussi, la protection patrimoniale est essentielle, ainsi que la protection de la personne qui doit toutefois se faire, dans la mesure du possible, en respectant l’autonomie et en tenant compte par ailleurs de l’absence de tout contexte éducatif.

Si certaines similitudes existent entre le statut des mineurs et celui des majeurs incapables, notamment au regard des mécanismes de protection mis en œuvre, il reste que la volonté du législateur a été, pour les motifs énoncés ci-avant, d’éviter toute confusion en distinguant nettement les deux matières dans la structure même du Code civil.

Section 2

L’administration provisoire comme base du nouveau statut

de protection

Le statut unique issu de la réforme se fonde sur celui de l’actuelle administration provisoire.

L’administration provisoire permet, en effet, de définir un régime « sur mesure » – quant à l’étendue de l’incapacité, quant au choix du mode de protection (assistance ou représentation) et quant au choix de l’administrateur – et, donc, de respecter l’autonomie de la personne vulnérable par l’adaptation du statut à ces particularités20.

Dans cette adaptation, l’intérêt de la personne protégée doit être le motif déterminant tant pour la définition du contenu du statut – étendue de l’incapacité et mode de protection – que pour le choix de l’administrateur.

Ce même intérêt prépondérant explique que, pour les mineurs qui seront placés sous statut d’administration – le statut de minorité prolongée étant abrogé –, le législateur choisit de ne pas désigner nécessairement les père et mère comme administrateurs21.

L’enfant, dès 17 ans, qui sera placé sous régime d’administration lorsqu’il atteindra l’âge de 18 ans ne sera plus sous autorité parentale. Un équilibre doit donc être trouvé entre son autonomie – fût-elle relative – et la confiance qui doit être maintenue en faveur des parents.

Aussi, le juge de paix conserve un pouvoir d’appréciation de manière telle que les parents ne seront pas nécessairement désignés comme administrateurs.

Lorsqu’ils le sont toutefois, ils exerceront leur fonction d’administrateur avec un formalisme moins lourd, leurs obligations étant notamment allégées quant à la reddition de comptes22.

Pour assurer le « sur-mesure », la loi va élaborer des mesures nouvelles ou reprendre des mesures déjà présentes dans l’administration provisoire, sur le plan, notamment, de la procédure.

À cet égard, on peut notamment citer :

– la possibilité pour la personne vulnérable, avant toute procédure et alors qu’elle est encore capable d’exprimer sa volonté, de désigner « préventivement » la personne qu’elle souhaite voir choisie comme administrateur ou comme personne de confiance si une protection judiciaire s’avère nécessaire ; cette déclaration peut également contenir l’énoncé des principes que les personnes choisies devront respecter dans l’exercice de leur mission23 ;

– l’encadrement du certificat médical qui doit, sauf urgence ou impossibilité absolue, être obligatoirement joint à la requête. L’article 1241 du Code judiciaire indique qu’un arrêté royal établira un formulaire type de certificat médical circonstancié précisant au minimum la possibilité ou l’opportunité d’un déplacement de la personne à protéger, son état de santé, l’incidence de cet état de santé sur la gestion des intérêts patrimoniaux et la possibilité de prendre connaissance du compte rendu de gestion, les soins requis, les conséquences de l’état de santé sur le fonctionnement selon la classification internationale de fonctionnement, du handicap et de la santé adoptée par l’Assemblée mondiale de la santé ;

– la requête introductive de la procédure de mise sous statut de protection devra également avoir un contenu détaillé. L’article 1240 du Code judiciaire prévoit l’établissement d’un modèle de requête par arrêté royal afin de donner toutes les informations nécessaires sur la situation familiale de la personne vulnérable, ses conditions de vie, la nature et la composition de son patrimoine, l’identité des possibles personnes de confiance, ainsi que des suggestions sur le choix de l’administrateur et la nature ou l’étendue de ses pouvoirs ;

– enfin, le juge de paix a la possibilité de recueillir les renseignements utiles sur la situation familiale, morale et matérielle de la personne protégée auprès de l’entourage de celle-ci et des personnes qui se chargent des soins quotidiens de la personne ou qui l’accompagnent. Il peut également demander au procureur du Roi de prendre les mesures utiles avec l’intervention du service social compétent ou désigner un expert médecin ; il peut, enfin, se rendre à l’endroit où se trouve la personne et entendre toute personne apte à fournir des informations24.

Section 3

L’attention prêtée à la distinction entre les soins

à la personne et la gestion des biens

On ne peut transposer purement et simplement à la personne les règles relatives à la gestion des biens, car, dans ces deux hypothèses, l’atteinte à l’autonomie est différente25.

Il convient, par ailleurs, de tenir compte des différences dans les situations : tantôt, il ne sera pas nécessaire de prendre des mesures de protection pour la personne, car la gestion patrimoniale est seule en cause, tantôt seule la protection de la personne sera nécessaire, tantôt, enfin, il faudra une protection pour la personne et pour les biens avec, de préférence, un seul administrateur pour les deux domaines, sauf, toutefois, si les intérêts de la personne à protéger exigent deux administrateurs et sauf s’il n’y a pas de personne de confiance ; en ce cas en effet, on craint un risque d’abus si une seule personne est à la fois administrateur de la personne et administrateur des biens.

La loi précise ici qu’une seule personne peut être administrateur de la personne, à l’exception des parents de la personne protégée, tandis que plusieurs administrateurs des biens peuvent être désignés26.

En cas de pluralité d’administrateurs, une présomption d’accord entre eux vis-à-vis des tiers de bonne foi permet à un administrateur d’accomplir seul l’acte. Un régime particulier est par ailleurs prévu pour les décisions touchant à la fois à la personne et au patrimoine : l’accord de l’administrateur de la personne et de l’administrateur des biens est requis pour accomplir les actes juridiques et prendre les décisions concernant à la fois la personne et les biens de la personne protégée ; à l’égard des tiers de bonne foi, chaque administrateur est censé agir avec l’accord de l’autre quand il accomplit seul un acte27.

Les règles du choix de l’administrateur par le juge de paix sont définies à l’article 496/3 nouveau du Code civil.

À défaut de déclaration de préférence, l’administrateur de la personne est – par priorité – choisi parmi les parents, le conjoint, le cohabitant légal, la personne vivant maritalement avec la personne protégée, un membre de la famille proche, une personne qui se charge des soins quotidiens de la personne à protéger ou qui l’accompagne dans ses soins ou une fondation privée qui se consacre exclusivement à la personne protégée, toujours en tenant compte de l’opinion de celle-ci, ainsi que de sa situation personnelle, de ses conditions de vie et de sa situation familiale.

L’article 190 de la future loi portant des dispositions diverses en matière de justice28 ajoute, dans les règles de choix de l’administrateur, la possibilité de désigner une fondation d’utilité publique qui dispose, pour les personnes à protéger, d’un comité institué statutairement chargé d’assumer des administrations.

Les mêmes critères de choix s’appliqueront pour la désignation de l’administrateur des biens lorsque celui-ci est une personne différente de l’administrateur de la personne ; dans la liste des choix préférentiels, l’article 496/3 nouveau du Code civil ajoute la possibilité de désigner le mandataire.

Section 4

L’adaptation de la terminologie

Symboliquement, la réforme supprime les termes jugés « infantilisants » comme « tutelle », « pupille » et les remplace par des termes plus neutres comme « administrateur » ou « personne protégée ».

Les termes nouveaux choisis ont l’avantage d’une plus grande neutralité et d’un accent particulier mis sur l’objectif de protection de la personne vulnérable.

Section 5

La revalorisation de la personne de confiance

La personne de confiance est celle qui intervient en qualité d’intermédiaire entre l’administrateur de la personne, l’administrateur des biens et la personne protégée, ainsi qu’entre celle-ci et le juge de paix et qui exprime, dans les cas prévus par la loi, l’opinion de la personne protégée si celle-ci n’est pas en mesure de le faire elle-même ou qui l’aide à exprimer son opinion si elle n’est pas en mesure de le faire de manière autonome, et qui, enfin, veille au bon fonctionnement de l’administration29.

La personne de confiance est désignée par la personne protégée, une déclaration de préférence anticipée étant possible30.

À défaut et eu égard au rôle fondamental de la personne de confiance, le juge de paix examine, même d’office, la possibilité d’en désigner une31.

La mission de la personne de confiance est définie à l’article 501/2 du Code civil dans les termes suivants :

« La personne de confiance soutient la personne protégée. Elle entretient, dans la mesure du possible, des contacts étroits avec la personne protégée et se concerte régulièrement avec son administrateur.

La personne de confiance reçoit tous les rapports relatifs à l’administration. Elle est tenue au courant par l’administrateur de tous les actes relatifs à l’administration et peut recueillir auprès de lui toutes les informations utiles à ce propos. Dans les cas prévus par la loi, la personne de confiance exprime les souhaits de la personne protégée, si cette dernière n’est pas en mesure de les exprimer elle-même. La personne de confiance aide la personne protégée à exprimer son avis, si cette dernière n’est pas en mesure de l’exprimer de manière autonome. Si la personne de confiance constate que l’administrateur faillit manifestement à sa mission, elle demande au juge de paix de revoir l’ordonnance… »

Il s’agit tout à la fois d’œuvrer pour le respect de l’autonomie et de la volonté de la personne protégée, d’assurer un contrôle de l’exécution de sa mission par l’administrateur32, ainsi que de participer à l’évaluation et l’adaptation du statut de protection en fonction des modifications possibles des facultés de l’intéressé.

D’une manière assez confuse, l’exposé des motifs de la loi aborde également le cas particulier de la personne handicapée mentale qui dispose encore de ses parents ou de l’un d’eux, lesquels souhaitent pouvoir prendre du recul à la fois en raison de leur âge, mais aussi dans un espoir d’autonomie de leur enfant devenu adulte, mais resté vulnérable.

On ne comprend, en effet, pas très bien comment le législateur entrevoit la mission d’une personne de confiance dans ce cas.

Tantôt elle semble venir apaiser les parents qui veulent pouvoir prendre ce recul tout en ayant la garantie que quelqu’un veillera sur leur enfant – et, dans ce cas, la personne de confiance semble plutôt devoir avoir la confiance des parents que de la personne à protéger. Tantôt elle apparaît comme celle qui prendra le relais des parents en suite d’un choix de la personne protégée elle-même. Tantôt, encore, le législateur semble envisager la possibilité d’une « phase de transition » au cours de laquelle les parents, autrefois administrateurs, confient cette mission devenue trop lourde à un tiers et deviennent alors la personne de confiance comme pour maintenir le lien ou assurer une continuité, tout en gardant un œil attentif sur le bien-être de la personne protégée.

Si l’on peut comprendre l’idée générale sous-jacente, il semble qu’une certaine confusion soit entretenue quant au rôle respectif de chacun dans une telle situation, ce qui n’est sans doute pas dans l’intérêt de la personne protégée.

Section 6

L’association de la personne protégée au processus

décisionnel

Cette association est déjà prévue dans des lois spéciales telles que la loi sur les droits du patient ou la loi relative aux expérimentations sur la personne humaine, ainsi que dans les conventions internationales33.

La personne protégée doit être informée de manière appropriée des décisions à prendre la concernant et doit, dans la mesure du possible, avoir l’opportunité d’exprimer son opinion, laquelle doit être prise en considération en fonction de sa capacité de compréhension34.

En l’absence d’une telle capacité, c’est à la personne de confiance qu’il appartient d’intervenir.

Selon les travaux préparatoires, lorsque la personne vulnérable n’est pas capable de discernement ou n’est pas apte à exprimer son opinion, la personne de confiance doit « pouvoir le faire à sa place » et « traduire la volonté » de la personne protégée35.

Si on comprend le souci de respect de l’autonomie et d’association de la personne vulnérable au processus décisionnel, il reste qu’on ne peut qu’être étonné de la mission ainsi donnée à la personne de confiance d’exprimer, interpréter – sinon deviner ou même inventer ? –, une volonté que la personne concernée ne peut plus manifester.

Comment peut-on garantir que la personne de confiance pourra effectivement remplir cette mission délicate dans le respect exclusif de la personne vulnérable ? On notera que la seule réserve à l’association de la personne vulnérable concerne la gestion des biens pour les personnes dont l’état de santé altère gravement et de façon persistante les facultés d’assumer dûment la gestion des intérêts patrimoniaux, ces états de santé devant faire l’objet d’une liste établie par arrêté royal sur avis conforme de l’ordre des médecins et du Conseil supérieur national des personnes handicapées36. Sauf appréciation contraire du juge de paix, les personnes dont l’état de santé correspond aux pathologies reprises dans la liste seront sous régime de représentation, sans qu’il soit requis de définir l’étendue précise de leur incapacité.

Section 7

Le rappel du droit commun de la capacité, l’incapacité

devant demeurer l’exception

L’attention particulière du législateur au principe de la capacité part du constat que la plupart des décisions qui mettent actuellement une personne sous un statut d’incapacité la rendent généralement totalement incapable juridiquement. Tel est le cas de la mise sous minorité prolongée et de l’interdiction, mais aussi de la plupart des personnes sous administration provisoire dont l’ordonnance initiale n’opère que rarement la distinction entre les actes que la personne pourrait accomplir seule et ceux pour lesquels elle ne le pourrait pas. Ce constat va à l’encontre de l’idée d’une protection « sur mesure » souhaitée par le législateur.

Une telle situation ne semble pas non plus respecter l’article 12 de la Convention des Nations Unies du 13 décembre 2006 qui se base sur la capacité juridique. Le point 2 de cette disposition énonce, en effet, un principe de reconnaissance pour toutes les personnes handicapées de la capacité juridique dans tous les domaines, par souci d’égalité avec les autres personnes.

L’idée est donc de reconnaître la pleine capacité aux personnes affaiblies, mais d’organiser une protection de ces personnes précisément en raison de leur faiblesse.

L’exposé des motifs de la nouvelle loi reprend, dès lors, les passages du point 4 de l’article 12 de la Convention des Nations Unies précitée, pour en conclure que :

– les mesures de protection doivent être appropriées, dans le respect des conventions internationales et, notamment, correspondre aux besoins de la personne ;

– ceci, dans le respect des droits, des volontés et préférences de la personne concernée ;

– dans le but de prévenir les abus, mais aussi les conflits d’intérêts, voire les tentatives de captation ;

– avec une durée dans le temps qui soit la plus brève possible ;

– et sous le contrôle d’un organe compétent, indépendant et impartial, telle une instance judiciaire.

En conséquence, le législateur a voulu réaffirmer que le juge compétent devra vérifier « minutieusement » si l’intéressé est capable de gouverner sa personne et ses biens et qu’il sera tenu de se prononcer expressément sur la capacité.

En l’absence d’indication expresse d’incapacité dans l’ordonnance organisant le statut de protection, la personne protégée reste capable37.

Dans le même temps, un équilibre doit être trouvé avec les nécessités de protection « à la carte ».

La mise en œuvre effective de cet objectif se traduit par l’élaboration de règles nouvelles qui peuvent se résumer en six principes :

– la priorité est donnée à la protection extrajudiciaire sous forme de directives anticipées, de mandat ;

– à défaut de protection extrajudiciaire, le juge de paix mettra en place une protection judiciaire en se prononçant expressément sur son étendue – la personne ou/et les biens – et en examinant par priorité la possibilité d’une assistance plutôt que d’une représentation. Le régime de l’assistance moins attentatoire à l’autonomie est en effet préféré à celui de la représentation et s’applique, à défaut d’indication contraire dans l’ordonnance organisant la protection38. La combinaison de ces deux premiers principes conduit à la création possible de huit statuts différents selon que la personne ou les biens sont seuls concernés ou que la protection vise les deux domaines et selon que cette protection se réalise par assistance et/ou représentation39.

On peut, en effet, avoir :

• une assistance pour la personne seule ;

• une représentation pour la personne seule ;

• une assistance pour le patrimoine seul ;

• une représentation pour le patrimoine seul ;

• une assistance pour la personne et une représentation pour le patrimoine ;

• une représentation pour la personne et une assistance pour le patrimoine ;

• une assistance pour la personne et pour le patrimoine ;

• une représentation pour la personne et le patrimoine.

Les choses peuvent encore se compliquer, puisque tant dans le domaine de la personne que dans celui des biens, représentation et assistance peuvent se cumuler selon les actes à accomplir.

On ajoutera encore que la protection extrajudiciaire peut être combinée avec une protection judiciaire.

On n’oubliera pas enfin40 qu’une mesure de protection judiciaire peut être prise d’office par le juge de paix saisi dans le cadre d’une demande s’inscrivant dans la protection de la personne des malades mentaux sur pied de la loi du 26 juin 1990 ou dans l’hypothèse d’un internement.

L’objectif – légitime – de réalisation d’un statut sur mesure risque donc de se révéler fort complexe au regard de la multiplicité des situations différentes, en fait et en droit ;

– le juge de paix peut à tout moment mettre fin à la protection judiciaire ou en modifier le contenu. Une évaluation est en toute hypothèse réalisée au plus tard deux ans après le prononcé de l’ordonnance de mise sous administration41 ;

– en cas d’opposition d’intérêt, un administrateur ad hoc chargé d’assister ou de représenter la personne protégée est désigné par le juge de paix ou par le juge saisi du litige, d’office ou à la requête de la personne de confiance, de tout intéressé ou du procureur du Roi42 ;

– pour permettre un « travail sur mesure », le certificat médical circonstancié qui doit, sauf urgence ou impossibilité absolue, être joint à la requête de mise sous administration fait l’objet d’un encadrement strict par arrêté royal : on y intègre une liste de points sur lesquels le médecin doit se prononcer43. Le juge de paix doit, par ailleurs, recueillir les renseignements utiles des personnes proches de la personne à protéger : la famille, mais également les personnes assurant les soins, les services sociaux44… ;

– enfin, pour aider le juge de paix dans l’élaboration d’une protection « sur mesure », une liste des principaux actes concernant la personne et les biens est insérée dans la loi et il appartient au juge de se prononcer expressément sur la capacité ou l’incapacité de la personne protégée d’accomplir ces actes45. L’idée qui fonde l’élaboration de cette liste à remplir par le juge de paix est que le placement sous un statut de protection n’implique pas comme tel une impossibilité de manifester sa volonté ou une incapacité de manifester sa volonté. Les deux notions sont différentes : on peut être capable, mais dans l’impossibilité de manifester sa volonté, notamment pour des causes physiques ; on peut aussi avoir la possibilité de manifester sa volonté, mais sans que cette volonté soit libre et réfléchie.

Il importe donc – au regard de la règle générale de la capacité – de constater l’impossibilité pour chaque acte précis46.

Section 8

La priorité donnée au régime de protection extrajudiciaire

L’application aux actes patrimoniaux des principes de nécessité et de subsidiarité complétant le principe d’autodétermination oblige le législateur à rendre les procurations permanentes et les directives anticipées prioritaires par rapport aux autres mesures de protection47.

La protection judiciaire n’est, dès lors, prononcée que lorsque et dans la mesure où le juge de paix en constate la nécessité et l’insuffisance de la protection légale ou extrajudiciaire existante.

En cas de nécessité, la protection extrajudiciaire peut se poursuivre tout en étant complétée par une protection judiciaire48.

Cette règle met en œuvre la recommandation CM/Rec (2009) 11 du Conseil de l’Europe du 9 décembre 2009 sur les principes concernant les procurations permanentes et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité.

Section 9

Le droit transitoire

Compte tenu de la complexité de la mise en œuvre de la réforme, la loi nouvelle entrera en vigueur le 1er juin 2014.

Les personnes placées sous administration provisoire par application de la loi ancienne seront, si aucune nouvelle mesure de protection n’est ordonnée, soumises automatiquement aux règles nouvelles deux ans après l’entrée en vigueur de la loi49.

Dans les deux années suivant ce premier délai, le juge de paix procédera, d’office si nécessaire, à une évaluation de l’incapacité de la personne protégée selon le droit nouveau.

En l’absence de nouvelles mesures de protection, la mesure de placement sous conseil judiciaire prendra fin de plein droit au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi.

Enfin, toujours en l’absence de nouvelles mesures de protection, la minorité prolongée ou l’interdiction seront, de plein droit, converties en un nouveau statut de protection au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi ; le tuteur ou les parents deviendront d’office administrateurs50.

Chapitre III

La protection de la vulnérabilité dans le domaine

des actes personnels

Comme précisé dans l’analyse des principes fondamentaux de la réforme, le nouveau statut de protection est envisagé dans une perspective globale permettant de répondre à la vulnérabilité de la personne concernée, tant du point de vue de son patrimoine que du point de vue des décisions concernant sa personne.

Seul ce second volet – personnel –, nous intéresse ici, l’accent étant mis sur la modification que le droit des incapables est appelé à connaître dans ce domaine en droit civil, mais également en droit médical, puisque, sur ce plan, les atteintes aux droits de la personnalité – intimité, intégrité physique, maîtrise de la personne sur son corps… – sont particulièrement importantes.

Section 1

La liste des actes personnels pour lesquels l’incapacité

doit être expressément indiquée

La règle de droit commun étant celle de la capacité, le juge de paix qui ordonne une mesure de protection judiciaire concernant la personne doit indiquer expressément dans son ordonnance les actes personnels que la personne protégée est incapable de poser ; à défaut d’indication dans l’ordonnance, la personne protégée reste capable.

Pour permettre l’élaboration d’un statut sur mesure et pour réaliser l’équilibre indispensable entre le respect de la capacité et la nécessité d’une protection, l’article 492/1 nouveau du Code civil donne une liste d’actes personnels pour lesquels le juge de paix doit se prononcer expressément sur la capacité de la personne protégée. Il s’agit d’une liste minimale, le juge pouvant la compléter par d’autres dispositions.

En droit civil, ces actes personnels repris dans la « check-list » sont ceux qui touchent le plus au droit de la personnalité :

– le choix de la résidence ;

– le consentement au mariage comme prévu aux articles 75 et 146 du Code civil ;

– l’intentement d’une action en annulation du mariage et la défense contre une telle action (art. 180, 184 et 192 C. civ.) ;

– l’introduction d’une demande de divorce pour désunion irrémédiable sur la base de l’article 229 du Code civil et la défense contre une telle demande ;

– l’introduction d’une demande de divorce par consentement mutuel visée à l’article 230 du Code civil51 ;

– l’introduction d’une demande de séparation de corps visée à l’article 311bis du Code civil et la défense contre une telle demande ;

– la reconnaissance d’un enfant conformément à l’article 327 du Code civil ;

– l’exercice, soit en demandant, soit en défendant, des actions relatives à sa filiation visé au livre Ier, titre VII, du Code civil ;

– l’exercice de l’autorité parentale sur la personne du mineur et l’exercice des prérogatives parentales52 ;

– la déclaration de cohabitation légale conformément à l’article 1476, § 1er, du Code civil et la déclaration d’y mettre fin conformément à l’article 1476, § 2 ;

– la déclaration en vue d’acquérir la nationalité belge ;

– l’exercice des droits visés par la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel ;

– l’exercice du droit de réponse visé par la loi du 23 juin 1961 ;

– la demande de changement de nom ou de prénom conformément à la loi du 15 mai 1987.

Sur le plan médical53, l’article 492/1, § 1er, nouveau du Code civil retient quatre types d’acte et décision de nature personnelle qui devront, s’il échet, faire l’objet d’une indication précise d’incapacité de la personne vulnérable dans l’ordonnance la plaçant sous régime de protection :

– l’exercice des droits prévus par la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ;

– le consentement à une expérimentation sur la personne humaine conformément à l’article 6 de la loi du 7 mai 2004 relative aux expérimentations sur la personne humaine ;

– le consentement à un prélèvement d’organe visé à l’article 5 (prélèvement sur personne vivante) ou 10 (prélèvement après décès) de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d’organes ;

– l’exercice du droit de refuser la réalisation d’une autopsie sur son enfant de moins de 18 mois, conformément à l’article 3 de la loi du 26 mars 2003 réglementant la pratique de l’autopsie après le décès inopiné et médicalement inexpliqué d’un enfant de moins de 18 mois54.

Section 2

La réponse à l’incapacité prononcée

Au départ de cette liste précisant l’incapacité éventuelle de la personne vulnérable pour les actes personnels repris à l’article 492/1, § 1er, nouveau du Code civil, on pourrait penser qu’un régime d’assistance – règle de droit commun55 – ou de représentation – régime subsidiaire – se met en place.

En réalité, le mécanisme de protection – il faudrait dire « les mécanismes » – est beaucoup plus complexe au terme de différentes dispositions dont l’agencement dans la loi n’est pas toujours d’une clarté ou d’une cohérence suffisantes.

Il faut, en effet, en cas de déclaration expresse d’incapacité, combiner plusieurs hypothèses différentes : l’interdiction de toute assistance ou représentation, l’autorisation dérogatoire, le régime de l’avis, l’intervention d’un tiers autre que l’administrateur, l’intervention du tuteur ou, encore, la modification de certaines lois particulières.

§ 1. L’interdiction de toute assistance ou représentation

par l’administrateur

L’article 497/2 du Code civil contient une liste d’actes considérés comme à ce point personnels que toute assistance ou représentation par l’administrateur est exclue.

L’application n’est pas simple, puisque la liste de l’article 497/2 est beaucoup plus étendue que celle de l’article 492/1 et mêle des actes personnels de droit civil, des actes patrimoniaux et des actes relevant du droit médical.

En droit civil, à titre exemplatif, la liste de l’article 497/2 du Code civil retient, en plus des actes visés à l’article 492/1, des actes tels que le consentement à l’adoption ou à l’établissement de la filiation, le choix de la résidence conjugale ou la disposition du logement familial.

En droit médical, la liste de l’article 497/2 est fort longue puisqu’elle vise toutes les atteintes à l’intégrité physique et psychique, l’intimité de la personne, c’est-à-dire des actes pour lesquels toute intervention de l’administrateur, sous quelque forme que ce soit, est exclue.

Il s’agit :

– du consentement à une stérilisation ;

– du consentement à un acte de procréation médicalement assistée visé par la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes ;

– de la déclaration d’avoir la conviction constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l’acte de naissance, visée à l’article 62bis, § 1er, du Code civil ;

– de la demande d’euthanasie visée aux articles 3 et 4 de la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie ;

– de la demande de pratiquer un avortement visée à l’article 350 du Code pénal ;

– du consentement à des actes qui touchent l’intégrité physique et la vie intime de la personne protégée, sans préjudice des dispositions dérogatoires reprises dans des lois particulières ;

– du consentement à l’utilisation de gamètes ou d’embryons in vitro à des fins de recherche, visé à l’article 8 de la loi 11 mai 2003 relative à la recherche sur les embryons in vitro ;

– de l’exercice du droit de refuser la réalisation d’une autopsie sur son enfant de moins de 18 mois visé à l’article 3 de la loi du 26 mars 2003 réglementant la pratique de l’autopsie après le décès inopiné et médicalement inexpliqué d’un enfant de moins de 18 mois ;

– du consentement à un prélèvement de sang et de dérivés du sang visé à l’article 5 de la loi du 5 juillet 1994 relative au sang et aux dérivés du sang d’origine humaine.

Si l’incapacité a été prononcée pour ces actes de nature médicale, ceux-ci ne pourront jamais être posés par l’administrateur.

La comparaison des articles 492/1 et 497/2 conduit donc à retenir deux hypothèses possibles.

Dans une première hypothèse, la personne vulnérable a été expressément déclarée incapable pour un ou plusieurs actes figurant dans la « check-list » de l’article 492/1 nouveau du Code civil, mais qui ne sont pas repris dans la liste de l’article 497/2.

Ces actes pourront être accomplis par l’administrateur, le plus souvent moyennant l’autorisation spéciale préalable du juge de paix.

Cette autorisation est notamment requise pour la modification de la résidence de la personne protégée ou pour la représentation en justice ou, encore, pour l’exercice des droits du patient sur la base de la loi du 22 août 2002.

En droit médical, le nouvel article 499/7 du Code civil organise un contrôle préventif des actes juridiques liés à l’exercice des droits du patient.

L’exercice de ces droits par l’administrateur suppose, en effet, l’autorisation spéciale préalable du juge de paix.

Le juge de paix peut alors autoriser l’exercice de tous les droits liés à un traitement médical déterminé, et ce, afin d’éviter que l’administrateur ne doive requérir une autorisation pour chaque décision médicale dans le cadre d’un seul et même traitement.

L’urgence constitue, par ailleurs, une exception à cette exigence de contrôle préventif : dans la mesure où le retard dans la prise de décision peut être préjudiciable à la personne protégée, l’administrateur peut exercer les droits sans autorisation préalable du juge de paix ; en ce cas, il doit informer sans délai le juge de paix, la personne de confiance et l’administrateur des biens de son intervention56.

Dans une seconde hypothèse, les actes pour lesquels la personne vulnérable est incapable et qui sont dans la liste de l’article 497/2 du Code civil ne peuvent pas être accomplis par l’administrateur.

Dès lors, d’autres mécanismes de protection vont jouer.

§ 2. L’autorisation dérogatoire donnée à la personne vulnérable

elle-même

Les actes personnels relevant du droit familial – consentement au mariage, action en annulation de mariage, action en divorce ou en séparation de corps, déclaration de cohabitation légale, reconnaissance d’enfant – pourront toujours, nonobstant la déclaration d’incapacité, être accomplis par la personne protégée elle-même, moyennant une autorisation du juge de paix57.

Il s’agit ici d’une application du principe de proportionnalité et du respect de l’autonomie décisionnelle face à des états de vulnérabilité évolutifs.

La personne protégée a donc la possibilité de saisir le juge de paix selon la procédure des articles 1241 et 1246 du Code judiciaire pour obtenir l’autorisation d’accomplir l’acte s’il apparaît qu’elle a la capacité d’exprimer sa volonté selon l’appréciation qui sera faite par le juge.

§ 3. Le régime de l’avis

Pour l’adoption, la reconnaissance et l’opposition à une action en recherche de maternité ou paternité, la personne vulnérable dont l’incapacité est constatée par le juge de paix lors de la mise en place du statut de protection ou par le juge saisi du litige ne doit pas consentir.

Elle est entendue uniquement pour avis, soit directement, soit à l’intervention de la personne de confiance.

En toute hypothèse, l’administrateur n’intervient pas58.

§ 4. Intervention d’un tiers autre que l’administrateur

Pour le choix de la résidence conjugale et la disposition du logement familial, l’administrateur n’intervient pas, puisque le régime primaire donne pouvoir au conjoint.

L’article 214 du Code civil permet à un seul conjoint de fixer la résidence conjugale lorsque l’autre est dans l’impossibilité de manifester sa volonté.

De même, l’article 220, § 1er, du Code civil permet à un époux de se faire autoriser judiciairement à passer seul les actes visés par la protection du logement familial définie à l’article 215, lorsque le conjoint est dans l’impossibilité de manifester sa volonté59.

De même encore, lorsqu’une personne vulnérable est incapable d’exercer l’autorité parentale ou les prérogatives liées à l’état des personnes, c’est l’autre parent seul qui le fera60.

À défaut de seconde filiation, la tutelle sera organisée61.

§ 5. Intervention du tuteur

Cette hypothèse vise la situation particulière du refus d’autopsie de l’enfant de moins de 18 mois dont le décès inopiné est médicalement inexpliqué.

Si le ou les titulaires de l’autorité parentale sont incapables d’exercer l’autorité parentale, la décision est prise par le tuteur.

§ 6. Modification de lois particulières

La loi du 17 mars 2013 modifie certaines lois particulières et tout spécialement la loi du 22 août 2002 sur les droits du patient.

Le régime de représentation de la personne vulnérable est modifié afin de rappeler que l’exercice des droits relève en premier lieu de la personne elle-même si elle est apte à exprimer une volonté.

À défaut, le mandataire choisi par elle – dans le cadre de la loi sur le droit du patient – intervient.