La Sensitive - Ligaran - E-Book

La Sensitive E-Book

Ligaran

0,0

Beschreibung

Extrait : BOUGNOL, lisant : Laure ! ma chère Laure !... Enfin, nous voilà seuls!... C'est un speech que j'apprends pour réciter ce soir à ma fiancée... quand sa maman sera partie... (Montrant le portrait.) Ça, c'est le portrait de ma grand-tante, mais je me persuade que c'est ma fiancée... (Reprenant son compliment. Lisant.)"

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

• Livres rares
• Livres libertins
• Livres d'Histoire
• Poésies
• Première guerre mondiale
• Jeunesse
• Policier

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 68

Veröffentlichungsjahr: 2015

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



EAN : 9782335055368

©Ligaran 2015

Acte premier

Un salon ; porte au fond ; portes latérales ; une fenêtre au fond ; table, chaises, fauteuils, etc.

Personnages

BOUGNOL.

GAUDIN, son domestique.

ROTHANGER, rentier.

CHALANDAR, maréchal des logis.

CLAMPINAIS, idem.

EDMOND BALISSAN, professeur.

MADAME ROTUANGER.

LAURE, Sa fille.

Le premier acte, à Paris, chez Bougnol ; les deuxième et troisième, Montgeron, chez Rothanger.

Scène première

Bougnol, puis Gaudin.

Au lever du rideau, Bougnol est debout devant un pot trait de vieille femme accroché au mur. Il tient un papier à la main et récite un compliment qu’il apprend par cœur.

BOUGNOL,lisant

« Laure ! ma chère Laure!… Enfin, nous voilà, seuls !… » C’est un speech que j’apprends pour réciter ce soir à ma fiancée… quand sa maman sera partie… (Montrant le portrait.) Ça, c’est le portrait de ma grand-tante, mais je me persuade que c’est ma fiancée… (Reprenant son compliment. Lisant.) « Ne tremble pas, enfant, je ne veux pas te faire de peine. Un mari n’est pas un maître, c’est un esclave soumis et tendre… Il se jette à genoux… » (Parlé.) Ah ! non, ça, c’est une indication… « Soumis et tendre ! » V’lan ! je me jette à genoux !… (Il fait mine de se jeter à genoux et s’arrête.) Ah ! bigre !… mon pantalon me serre trop. Pourvu qu’il n’aille pas me faire des farces… À « soumis et tendre, » je vais lâcher un peu la boucle…

Il la desserre.

GAUDIN,entrant par la droite, un gros bouquet à la main

Ce sont les dames de la halle qui viennent féliciter monsieur, à l’occasion de son mariage…

BOUGNOL

Je n’ai pas le temps !… Donne-leur dix francs et dis-leur qu’elles m’ennuient !

GAUDIN

Non, monsieur…

Il va placer le bouquet sur la cheminée à gauche.

BOUGNOL

Comment, non !…

GAUDIN

Si vous voulez me le permettre, je ne leur donnerai que cent sous… et une bonne parole !… Il faut savoir prendre les masses.

BOUGNOL

Fais comme tu voudras…

GAUDIN,sortant

Ah dame ! tout le monde ne sait pas prendre les masses !…

Il disparaît.

BOUGNOL

Ça me serre encore… Reprenons mon compliment. « Laure, ma chère Laure !… Enfin, nous voilà seuls !… »

GAUDIN,rentrant avec un autre bouquet

Monsieur !

BOUGNOL

Quoi ?

GAUDIN

Ce sont les tambours de la garde nationale qui viennent féliciter monsieur, à l’occasion de son mariage…

BOUGNOL

Encore ?

GAUDIN

Je leur ai donné quarante sous… et un verre de vin !… Il faut savoir prendre les tambours !… Ah çà ! c’est donc bien décidé ?… monsieur vase marier ?

BOUGNOL

Voilà une question, par exemple !… Oui, monsieur Gaudin, je me marie… aujourd’hui, à midi !

GAUDIN

Certainement, il ne m’appartient pas de donner des conseils à monsieur… mais je ne vois pas ça d’un bon œil.

BOUGNOL

En vérité ?

GAUDIN

Si monsieur savait ce que c’est qu’une femme !

BOUGNOL

Mais je te prie de croire que je ne suis pas arrivé à trente-quatre ans…

GAUDIN

C’est nerveux, c’est capricieux… ça commande vingt courses à la minute, ça éreinte les domestiques !…

BOUGNOL

Ah ! je vois ton affaire !…

GAUDIN

Voyons, monsieur, est-ce que nous ne sommes pas heureux comme ça, tous les deux ?

BOUGNOL

Mais non !

GAUDIN

Qu’est-ce qui nous manque ?… Nous vivons ici comme deux rats dans un fromage… un fromage de quinze mille livres de rente !… Nous nous levons tard… Vous déjeunez à votre café… moi, au mien… Nous dînons en ville… chacun de son côté… car monsieur ne m’a jamais fait l’honneur…

BOUGNOL

De t’inviter ?… Il ne manquerait plus que ça !

GAUDIN

Je ne vous le demande pas : j’ai ma fierté aussi !… Une bonne femme de ménage vient tous les matins faire l’appartement… brosser vos… nos habits, cirer nos bottes…

BOUGNOL

Eh bien, et toi ?

GAUDIN

Moi ? je descends régulièrement votre bougeoir tous les soirs.

BOUGNOL

Ce n’est pas fatigant !

GAUDIN

C’est quatre étages !… D’ailleurs, monsieur sait bien que je ne suis pas entré chez lui pour travailler.

BOUGNOL

Ça, je m’en rapporte à toi…

GAUDIN

Je fais partie de l’héritage de votre oncle Corbenie, qui fous a laissé toute sa fortune… Je ne suis pas un domestique, je suis un legs… Article 3 de ses dernières volontés.

BOUGNOL,récitant

« Je lègue item à mon neveu Onésime Bougnol le nommé Gaudin, qui m’a très mal servi pendant sept ans… »

GAUDIN

Drôle d’homme !

BOUGNOL,récitant toujours

« Il est paresseux, égoïste, incapable de dévouement… »

GAUDIN

Mais…

BOUGNOL

« Mais personne ne frictionne mieux que lui les rhumatismes… »

GAUDIN

C’est vrai !… Je frictionne une demi-heure sans m’arrête !… Il y a des gens arrivés à une très haute position qui n’en feraient pas autant.

BOUGNOL

Joli talent de société !

GAUDIN

Monsieur verra, quand il aura des rhumatismes.

BOUGNOL

Mais j’espère bien ne pas en avoir !

GAUDIN

Oh ! monsieur, je ne vous donne pas trois ans… Ça vient de famille, ça, voyez-vous !

BOUGNOL

Allons, c’est bien ! (À part.) Il m’ennuie, cet animal-là !

GAUDIN

Ainsi, monsieur persiste toujours à se marier malgré les rhumatismes… qu’il aura ?

BOUGNOL

Toujours !

GAUDIN

Je crois que monsieur fera bien de réfléchir !… D’abord, êtes-vous bien sûr d’être né pour le mariage ?…

BOUGNOL

Comment, imbécile ?

GAUDIN

Ah ! monsieur, c’est que j’ai eu des renseignements par mademoiselle Pausanias… cette petite marchande de tabac avec laquelle vous passiez de longues heures à choisir des cigares…

BOUGNOL

Eh bien ?

GAUDIN

Elle prétend que vous êtes d’un caractère inégal… qu’un rien vous trouble, vous émeut… Enfin, que vous avez des vapeurs, des absences dans la conversation…

BOUGNOL

Moi ?

GAUDIN

On a bien tort de se brouiller avec ces demoiselles-là… Ça les vexe… et alors, elles jasent… elles cancanent…

BOUGNOL

Je ne comprends pas !… Qu’a-t-elle pu dire ?…

GAUDIN

Il paraît qu’un jour… à sa fête… vous lui aviez composé un petit compliment ?

BOUGNOL

Un quatrain… huit vers seulement…

GAUDIN

Vous vous apprêtiez à les lui débiter… lorsque tout à coup… drelin dindin !… un coup de sonnette !

BOUGNOL

Très violent… je m’en souviens.

GAUDIN

Et cela a suffi pour vous faire perdre la mémoire ! Vous avez pâli, vous vous êtes troublé… et vous avez bégayé toute la soirée.

BOUGNOL

C’est vrai : le moindre bruit, la moindre émotion me trouble ; ma langue s’embarrasse, et je bégaye…

GAUDIN

Ah ! vous avez là un défaut bien désagréable dans un ménage ! Voulez-vous que je vous dise, monsieur… vous êtes de la nature de la sensitive !

BOUGNOL

La sensitive ?… qu’est-ce que c’est que cela ?

GAUDIN

AIR : Restez, restez, trompe jolie.

C’est une plante singulière…
Un rien la trouble et lui fait peur :
Le vent, le soleil, la lumière,
Tout devient objet de frayeur.
Pour ses feuilles et pour sa fleur,
Tremblant toujours d’être captive.
Toujours près de s’évanouir,
C’est une fleur calme et craintive,
Oui fuit dès qu’on veut la cueillir.

(Parlé.) Eh bien, monsieur, les sensitives doivent rester célibataires, et si vous m’en croyez…

BOUGNOL

Quoi ?

GAUDIN

Vous écrirez à M. Rothanger, votre beau-père, de ne plus compter sur vous.

BOUGNOL

Est-il bête, cet animal-là !… Mais puisque je l’attends, mon beau-père ; avec ma femme et ma fiancée, pour aller à la mairie !

GAUDIN

Oh ! vous n’y êtes pas encore ! Le mariage n’est pas fait !

BOUGNOL

Puisque j’ai revêtu mon pantalon de noce, retenu trois remises et convoqué mon cousin Chalandard… un clerc de notaire qui doit me servir de témoin !

GAUDIN

Ça ne fait rien… Il faut si peu de chose pour faire craquer un mariage… et c’est quand on s’y attend le moins…

BOUGNOL

Mais qui ? qui pourrait m’empêcher de me marier ?

GAUDIN

La Providence, monsieur !

BOUGNOL

Eh ! tu m’ennuies !

Scène II

Les mêmes, Chalandard, en costume de spahi.

CHALANDARD,entrant brusquement par le fond

M. Bougnol, s’il vous plaît ?

GAUDIN

Un militaire !

BOUGNOL

Je ne me trompe pas… Chalandard

CHALANDARD