Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Extrait : "MADAME CHAMPBAUDET, debout et se regardant dans une petite glace à main : Je ne veux pas me flatter... non !... mais il y a des matins... quand le ciel est pur... et que ma toilette est terminée... où je me donnerais tout au plus... tout au plus trente ans. (Minaudant.) Mon petit bonnet rose me coiffe comme un bijou... J'ai l'air d'une petite fleur ; mais il ne tient pas... Sonnons ma femme de chambre."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.
LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :
• Livres rares
• Livres libertins
• Livres d'Histoire
• Poésies
• Première guerre mondiale
• Jeunesse
• Policier
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 79
Veröffentlichungsjahr: 2015
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
EAN : 9782335055962
©Ligaran 2015
PAUL Tacarel.
LETRINQUIER, rentier.
THÉODORE GARAMBOIS, employé au télégraphe.
ARSÈNE, domestique.
DUROZOIR, vieil employé.
MADAME CHAMPBAUDET, veuve (47 ans).
NINA LETRINQUIER, sœur de Letrinquier.
CAROLINE, fille de Letrinquier.
VICTOIRE, bonne.
UNE DAME VOILÉE.
INVITÉS.
La scène est à Paris.
Un petit salon octogone chez madame Champbaudet. – Ameublement confortable. – À gauche, premier plan, contre la cloison, une toilette, sur laquelle sont des flacons, des cosmétiques, une sonnette. – Au deuxième plan, une porte. – Porte d’intérieur dans le pan coupé de gauche. – Porte principale au fond, donnant sur l’escalier, que l’on voit quand la porte est ouverte. – Fenêtre au pan coupé de droite. – Porte au second plan. – Table avec tapis au premier plan de droite. – Tapis sur le parquet. – Gravures encadrées aux murs. – Chaises. – Fauteuils.
Madame Champbaudet, puis Arsène.
Je ne veux pas me flatter… non !… mais il y a des matins… quand le ciel est pur… et que ma toilette est terminée… où je me donnerais tout au plus… tout au plus trente ans. (Minaudant.) Mon petit bonnet rose me coiffe comme un bijou… J’ai l’air d’une petite fleur ; mais il ne tient pas… Sonnons ma femme de chambre.
Elle se rassied devant sa toilette et sonne.
Madame a sonné ?
Pas vous, mon garçon… Justine.
Justine ? Elle n’est plus ici… Madame l’a renvoyée hier pour inconduite.
Ah ! c’est juste. Mon Dieu, que faire ?… il va venir, (À Arsène.) Sauriez-vous attacher une épingle ?
Des fois.
Eh bien… tenez… placez-moi celle-ci… là, à gauche… et prenez garde de me piquer.
J’étais en train de faire les lampes… mais ça ne fait rien, (Il s’essuie les mains avec son tablier et coiffe madame Champbaudet en lui disant :) Madame !… un malheur… le robinet de la fontaine s’a cassé… C’est celui à l’eau filtrée… et je guette le fontainier quand il passera avec sa petite trompette… Je l’entends tous les jours vers une heure…
Aïe ! vous me piquez !
C’est pas moi… c’est l’épingle… Pour lors, madame m’autorise à acheter un autre robinet ?
Mais oui… vous m’ennuyez avec votre, fontaine !… Le coiffeur n’a rien apporté pour moi ?
Non, madame…
C’est bien… merci…
Puisque madame m’autorise… je vas guetter le fontainier.
Il sort.
Madame Champbaudet, seule.
Dans un quart d’heure Paul sera ici… Paul Tacarel, vingt-six ans… et architecte !… un front d’artiste !… Je dis-Paul parce qu’il n’est pas là… mais, quand il y est, je l’appelle monsieur Paul… J’ai toujours eu de la tenue ! Un jour, ce jeune homme… que je n’avais jamais vu… se présente chez moi et me dit : « Madame, vous avez eu le malheur de perdre monsieur votre mari, un ancien marchand de bois. – C’est vrai, monsieur. – Est-ce que vous ne songez pas à lui élever un monument ? – Pour quoi faire, monsieur ? – Mais pour consacrer sa mémoire. – Mon Dieu, je vous avoue que je n’y pensais pas… » Et c’est la vérité, jamais l’idée ne m’était venue de… Mais ce jeune architecte est si bien… si respectueux… si assidu !… Il déroule avec tant de grâce ses plans, ses devis… il les explique avec tant de charme… que, ma foi !… je me suis décidée à consacrer la mémoire de feu Champbaudet… Depuis deux mois, Paul vient tous les jours à une heure… Nous causons du mausolée… Il me regarde, je le regarde… Je m’abreuve de son souffle enivrant… car il m’aime ! une voix secrète me le dit… Mais il est comme moi… il n’ose… il n’ose se déclarer… Ah ! si j’étais homme, il me semble que j’oserais, moi !… (La pendule sonne.) Une heure !… Il va venir. (Coup de sonnette à la porte extérieure.) C’est lui !… Quelle exactitude !… Ah ! c’est de l’amour !
Madame Champbaudet, Tacarel.
Madame, je vous présente mon respect… Je ne suis pas en retard ?
Oh ! non !… Et laissez-moi vous remercier de toutes les forces de mon âme…
De quoi ?
Mais de votre ponctualité… (À part.) De la tenue ! de la tenue !
C’est mon devoir… (À part.) Elle a dû être très bien, cette femme-là… vers la pointe de 1830 !
Il va poser son chapeau sur une chaise, au fond, puis il vient placer son carton sur la petite table de droite.
Il ne me dit rien de mon petit bonnet rose, (Elle joue avec ses rubans pour attirer son attention.) Hum !
Madame, je vous apporte quelques nouveaux croquis de monuments tumulaires…
Dessinés peu vous, cela doit être ravissant !
Elle s’assied.
Ah ! madame ! (À part.) J’entends marcher là-haut… Le mari d’Aglaé n’est pas encore parti. (Haut, s’asseyant et montrant ses plans.) Voici un petit sarcophage dans le style grec… avec colonnettes, architraves, fronton et stylobate…
Ah ! c’est charmant ! le délicieux petit chalet !… Et quel serait le prix ?
Trois mille francs.
C’est trop cher !…
En voici un autre dans des prix plus doux… une simple colonne surmontée d’un buste en marbre… c’est de très bon goût.
Est-ce qu’on ne pourrait pas supprimer la colonne ?
Sur quoi poserions-nous le buste ? On ne peut pas pendre comme un réverbère.
Il rit.
C’est juste… Et… quel serait le prix ?
Dix-huit cents francs.
Oh ! c’est trop cher ?
Elle liarde avec la mémoire de Champbaudet (Haut.) Dame, quand on veut du marbre…
Mais je ne demande pas de marbre.
Oh ! très bien !… Alors je vous proposerai de la brique de Bourgogne.
Justement, Champbaudet était de la Bourgogne.
Et puis c’est gentil, c’est riant ! Comme mausolée, c’est ce qu’on fait de plus gai dans ce moment.
Voilà mon affaire ! Et… quel serait le prix ?
Douze cents francs !
Ah ! c’est trop cher !
Encore !
Mon mari était un homme simple… économe… avare même, (S’attendrissant tout à coup.) Ah ! monsieur Paul, il m’a rendue bien malheureuse… allez !
Il n’y est plus ! consolez-vous !
Si vous saviez ! Je ne pouvais pas garder de cuisinières.
Il était difficile sur la nourriture ?
Non ; il était coureur, emporté !… infidèle !…
Très bien ! il fallait me dire ça plus tôt ! Nous lui offrirons du moellon de Nanterre à treize francs le mètre…
Cube ?
Cube ! (À part.) Je n’entends plus marcher là-haut… il doit être parti.
Nous en recauserons, monsieur Paul… Je ne suis pas encore décidée.
Oh ! quand vous voudrez… Je ne suis pas pressé…
Cela ne vous dérange donc pas, de venir ainsi tous les jours chez une pauvre veuve ?
Au contraire, cela m’arrange… parce que…
Parce que ?…
J’éprouve un plaisir infini à me rencontrer avec un esprit aussi charmant que le vôtre.
Ah ! monsieur Paul… (À part.) Il va oser !
Plaisir qui s’augmente encore, s’il est possible…
Ah ! monsieur Paul !
Par la considération respectueuse qui est due à l’honorabilité de votre caractère… imposant.
Ah !… (À part.) Il n’ose pas !
Aglaé doit être seule… Impossible de m’en assurer.
Monsieur Paul… je le vois bien… vous manquez de confiance en moi !
Elle me gêne… il faut la renvoyer !
Vous me croyez le cœur sec… c’est une erreur… J’ai encore là… des trésors d’illusions.
J’ai mon moyen !
Vous me comprenez… car vous êtes artiste.
Architecte !… et, à ce titre, voulez-vous me permettre une légère observation sur l’édifice de votre coiffure ?
Mon bonnet rose !… Comment le trouvez-vous ?
À vous parler franchement, je préférais celui que vous portiez hier !
Mon bleu ?
Précisément ; le bleu, c’est la couleur du ciel !
Oh ! je vais le mettre !… je vais le mettre !… Attendez-moi, Paul… (Se reprenant.) monsieur Paul, (À part.) De la tenue ! de la tenue !
Elle entre dans sa chambre, à droite.
Tacarel, seul. Il tire de sa poche une petite trompette de marchand de robinets.
Avertissons bien vite Aglaé de ma présence… Elle demeure au-dessus… au troisième… (Il met la trompette à sa bouche et la retire.)