La Syrie - Collectif - E-Book

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EditorialIl est habituel de distinguer les Pères grecs et les Pères latins. Or, on oublie souvent les Pères syriaques, dont la langue vient de l’araméen et qui, de ce fait, avaient un accès plus direct à l’Écriture. Il est vrai que leurs textes ne sont pas toujours traduits : ceux d’Éphrem commencent à l’être, ceux de Philoxène de Mabboug, de Jacques de Saroug… le sont moins. De plus, la Syrie est aujourd’hui un pays déchiré, alors qu’entre le iiie et le viie siècle, elle était une contrée florissante, marquée par le christianisme, sans oublier que S. Paul s’est converti sur le chemin de Damas et que c’est à Antioche que les disciples du Christ ont reçu le nom de « chrétiens », autant dire que la Syrie a eu un rôle important aux débuts du christianisme. Nous remercions Colette Pasquet, qui a réalisé ce numéro de Connaissance des Pères, consacré à la Syrie chrétienne en complément du numéro 37 de CPE. Dans un article d’ouverture, elle en rappelle l’apport, tant pour la traduction de la Bible que pour le monachisme et les controverses christologiques, et elle précise quels étaient les lieux stratégiques de l’époque. Puis, Lucas Van Rompay envisage Eusèbe, évêque d’Émèse, une figure originale du ive siècle, dont il met en évidence l’apport exégétique et herméneutique. À la suite en quelque sorte d’Origène, Eusèbe compare les versions hébraïque, grecque et syriaque (la Peshitta) de la Bible, et s’intéresse particulièrement au texte de la Genèse. Il prend également en compte la dimension historique et présente des commentaires qui ne seront pas sans inspirer l’école d’Antioche, Jérôme, le monde syriaque et arménien. Frédéric Alpi s’attache, ensuite, à une autre figure d’évêque, antichalcédonien cette fois, celle de Sévère d’Antioche, qui a fortement marqué le vie siècle. Jean-Noël Guinot, spécialiste de Théodoret de Cyr, rappelle quel est son apport et montre comment il a été façonné par les moines syriens, les anachorètes essentiellement, dès son plus jeune âge. Il envisage également, dans son article, les autres formes de monachisme, tant les cénobites que les stylites. Finalement, Henri Hugonnard-Roche retrace l’histoire du monastère de Qenneshre qui fut un haut lieu de culture grecque et syriaque, où les textes des Pères grecs, en particulier des Cappadociens, furent traduits en syriaque, étudiés, commentés. Jacques d’Édesse en est l’un des illustres représentants.
Marie-Anne VANNIER

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« Lorsqu’arrive le soir, rassemble tes pensées et médite sur tout le cours de la journée ; observe la sollicitude providentielle de Dieu envers toi ; considère la grâce qu’il a mise en oeuvre en toi sur toute l’étendue de la journée ; considère le lever de la lune, la joie de la lumière du jour, toutes les heures et les instants, les divisions du temps, la vue des différentes couleurs, le bel agencement de la création, la course du soleil, la croissance de ta propre stature, comment ta propre personne a été protégée ; considère le souffle des vents, les fruits mûrs et variés, comment les éléments contribuent à ton confort, comment tu as été préservé des accidents, et toutes les autres activités de la grâce. Quand tu as médité sur tout cela, l’émerveillement devant l’amour de Dieu envers toi jaillira en toi, et la gratitude pour ses marques de grâce bouillonnera en toi.

Réfléchis aussi, au cas où tu aurais fait quelque chose qui est contraire à ces marques de grâce ; demande-toi : “Ai-je fait quoi que ce soit pour irriter Dieu aujourd’hui ? Ai-je dit ou pensé quoi que ce soit qui ne s’accorde pas avec cette volonté qui m’a créé ?” et si tu prends conscience que tu as fait quelque chose pour lui déplaire, mets-toi debout et prie un petit moment, remercie pour toutes les grâces que tu as reçues tout au long de ton service de la journée, et présente une supplication pour ce que tu as fait de mal. De cette façon tu dormiras en paix et sans péché. »

Jean D’APAMÉE, extrait de la Lettre à Hésychius, traduction de S. Brock, Prière et vie spirituelle, Bellefontaine, Spiritualité orientale, n° 90, 2011.

Sommaire

La Syrie

CPE n° 151

Éditorial — Marie-Anne VANNIER

La Syrie, à l’époque patristique — Colette PASQUET

Eusèbe, l’évêque presque oublié de la ville de Homs et la diffusion de ses écrits — Lucas VAN ROMPAY

Sévère d’Antioche — Frédéric ALPI

Théodoret de Cyr et le monachisme syrien — Jean-Noël GUINOT

Qenneshre et la tradition des lettres gréco-syriaques — Henri HUGONNARD-ROCHE

Actualité des Pères de l’Église

Éditorial

Il est habituel de distinguer les Pères grecs et les Pères latins. Or, on oublie souvent les Pères syriaques, dont la langue vient de l’araméen et qui, de ce fait, avaient un accès plus direct à l’Écriture. Il est vrai que leurs textes ne sont pas toujours traduits : ceux d’Éphrem commencent à l’être, ceux de Philoxène de Mabboug, de Jacques de Saroug… le sont moins. De plus, la Syrie est aujourd’hui un pays déchiré, alors qu’entre le IIIe et le VIIe siècle, elle était une contrée florissante, marquée par le christianisme, sans oublier que S. Paul s’est converti sur le chemin de Damas et que c’est à Antioche que les disciples du Christ ont reçu le nom de « chrétiens », autant dire que la Syrie a eu un rôle important aux débuts du christianisme.

Nous remercions Colette Pasquet, qui a réalisé ce numéro de Connaissance des Pères, consacré à la Syrie chrétienne en complément du numéro 37 de CPE. Dans un article d’ouverture, elle en rappelle l’apport, tant pour la traduction de la Bible que pour le monachisme et les controverses christologiques, et elle précise quels étaient les lieux stratégiques de l’époque.

Puis, Lucas Van Rompay envisage Eusèbe, évêque d’Émèse, une figure originale du IVe siècle, dont il met en évidence l’apport exégétique et herméneutique. À la suite en quelque sorte d’Origène, Eusèbe compare les versions hébraïque, grecque et syriaque (la Peshitta) de la Bible, et s’intéresse particulièrement au texte de la Genèse. Il prend également en compte la dimension historique et présente des commentaires qui ne seront pas sans inspirer l’école d’Antioche, Jérôme, le monde syriaque et arménien.

Frédéric Alpi s’attache, ensuite, à une autre figure d’évêque, antichalcédonien cette fois, celle de Sévère d’Antioche, qui a fortement marqué le VIe siècle.

Jean-Noël Guinot, spécialiste de Théodoret de Cyr, rappelle quel est son apport et montre comment il a été façonné par les moines syriens, les anachorètes essentiellement, dès son plus jeune âge. Il envisage également, dans son article, les autres formes de monachisme, tant les cénobites que les stylites.

Finalement, Henri Hugonnard-Roche retrace l’histoire du monastère de Qenneshre qui fut un haut lieu de culture grecque et syriaque, où les textes des Pères grecs, en particulier des Cappadociens, furent traduits en syriaque, étudiés, commentés. Jacques d’Édesse en est l’un des illustres représentants.

Marie-Anne VANNIER

La Syrie, à l’époque patristique[1]

Le territoire que l’on désigne dans l’Antiquité comme Syrie et qui couvre tout l’Ouest et le Nord du Croissant fertile, le Levant, fut toujours un lieu de rencontres et d’échanges. Ce fut le berceau de la révolution néolithique et des premiers villages et le phénomène urbain s’y est répandu très vite depuis la Basse-Mésopotamie. La région était au croisement des routes qui joignaient l’Égypte puis l’Arabie au sud, l’Anatolie au nord, la Mésopotamie et le plateau iranien à l’est et la Méditerranée à l’ouest. Avec les produits commerciaux, circulaient les langues, les écritures, les images, les cultes, les idées. Dès la plus haute Antiquité, cet ensemble a été sous l’influence d’une part des empires mésopotamiens, d’autre part de l’Égypte, auxquels s’ajouta au IIe millénaire l’empire hittite d’Anatolie. Au début du Ier millénaire, les cités phéniciennes se développent sur la côte, tandis que dans l’actuelle Syrie, des populations de langue araméenne se cristallisent en petits royaumes rapidement conquis par les Assyriens. Cette conquête, paradoxalement, et les déportations de populations araméennes dans tout l’empire, ont assuré la diffusion de la langue araméenne, devenue lingua franca à travers tout le Proche-Orient. La région fit successivement partie de l’Empire assyrien, puis néo-babylonien, puis perse achéménide avant la conquête par Alexandre. La diffusion de la langue et de la culture grecques, pour profonde qu’elle ait été, n’a pas éradiqué cet héritage multiculturel et l’araméen restait largement en usage dans certaines régions, sous des formes un peu différentes. C’est cette région particulièrement riche qui a été le lieu de la première christianisation : c’est à Antioche que les membres de la communauté des fidèles du Christ ont été appelés pour la première fois christianoi.

La Syrie, province de l’Empire romain d’Orient

En 27 avant J.-C. la Syrie est intégrée à l’Empire romain. Elle est successivement divisée en différentes provinces et, à l’époque patristique, tout le Proche-Orient, y compris la Haute-Mésopotamie et la province d’Arabie (ancien royaume nabatéen) forment le diocèse d’Orient, une division administrative civile, dont la capitale est Antioche de l’Oronte, et dont l’Église héritera, les patriarcats se coulant dans le moule de l’administration civile de l’empire[2].

La région à qui nous donnons au VIe siècle le nom de Syrie correspond à peu près aux trois provinces romaines suivantes :

– la province de Syria I avec pour capitale Antioche[3], une ville très vaste pour l’époque, fondée en 300 avant J.-C., ainsi que d’autres cités comme Alep ou Gabala ;

– la province de Syria II (Syria Salutaris) dont l’une des villes importantes était Apamée. C’est semble-t-il aux environs d’Apamée que se trouvait le monastère de Mar-Maron, qui est à l’origine de la fondation de l’Église maronite. Apamée était connue comme un centre réputé d’enseignement philosophique (moyen et néo-platonisme) ;

– la province de Phoenicia Libanensis où se trouvaient Damas, Palmyre et surtout Émèse, une cité reconnue elle aussi comme un centre d’enseignement philosophique avec Némésius d’Émèse, l’un de ses évêques Eusèbe d’Émèse, étant lui-même philosophe et exégète.

À l’époque romaine vivait également dans ce territoire une forte diaspora juive qui s’était établie en ces terres comme d’ailleurs sur tout le pourtour du monde méditerranéen. Cette présence explique l’expansion rapide du christianisme autour d’Antioche en particulier. Édesse, capitale du petit royaume d’Osrhoène au tournant de l’ère chrétienne, avait notamment une importante population juive, peut-être 10 % de sa population totale. C’est sans doute au sein d’une population juive christianisée d’Édesse que la Bible a été traduite de l’hébreu en syriaque (araméen d’Édesse) dès les premiers siècles de notre ère, ce qui fait de la Peshitta, la version syriaque de l’Ancien Testament, la seule autre version faite dans l’Antiquité, à part la Septante, qui ait été traduite depuis l’hébreu.

Deux traits marquent le christianisme syrien dans l’Antiquité tardive :

• Le développement, en même temps que celui du monachisme cénobitique de type égyptien, de formes de retrait du monde originales et extrêmes : acémètes (qui rejetaient le sommeil), dendrites (qui vivaient dans les arbres), brouteurs (qui se nourrissaient seulement d’herbe et de baies), reclus (qui se faisaient murer dans une tour), stationnaires (qui restaient debout)… Les plus connus sont sans doute les stylites, qui établissaient leur demeure en haut d’une colonne dont ils ne descendaient pas. S. Syméon, qui a fondé cette forme d’ascèse, est sans doute le plus célèbre mais il a initié un vaste mouvement et on trouve encore des colonnes de stylites renversées dans des villages abandonnés de Syrie du Nord.

• La Syrie a été un haut lieu d’affrontements théologiques et christologiques. Dès les origines, des formes théologiques diverses s’y sont développées comme le marcionisme, la pensée de Bardesane, le manichéisme. Très tôt, une littérature de controverse y voit le jour dont un bel exemple est formé par les Hymnes contre les hérésies d’Éphrem de Nisibe[4]. Ce sont surtout les conciles christologiques du Ve siècle qui divisèrent la chrétienté de Syrie durablement. Les tenants de la théologie antiochienne, en la personne du patriarche de Constantinople, Nestorius, et de son maître Théodore de Mopsueste, furent condamnés en 431 lors du concile d’Éphèse. Mais leurs partisans restèrent implantés pendant des décennies en Syrie et ce n’est qu’à la fin du siècle qu’ils furent chassés d’Édesse et se réfugièrent dans l’empire perse à Nisibe.

Plus durable fut la fracture née du concile de Chalcédoine. À Éphèse, Cyrille d’Alexandrie avait fait adopter la formule « une seule nature (mia physis) du Verbe incarné ». En 451, à Chalcédoine, le 4e concile réaffirma la persistance des deux natures humaine et divine du Christ après l’incarnation et condamna la doctrine de l’unique nature. À l’orthodoxie chalcédonienne, s’est opposé un courant monophysite ou plutôt miaphysite[5]. Si le concile de Chalcédoine a été unanimement accepté dans les patriarcats de Rome et de Constantinople, ainsi que généralement de Jérusalem, et presque unanimement rejeté par les habitants du patriarcat d’Alexandrie, celui d’Antioche, en Syrie, s’est durablement divisé. Les patriarches ont penché tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, Sévère d’Antioche (patriarche de 512 à 518) étant le dernier titulaire antichalcédonien reconnu par l’empire : il fut finalement démis et exilé en Égypte en 518. Les empereurs ont essayé d’imposer le concile, de trouver des moyens termes. Vers 542, l’impératrice Théodora, épouse de Justinien, fit consacrer deux évêques antichalcédoniens, Jacques Baradée (Jacob Burde´aya, « la guenille » car il devait se déguiser en mendiant pour échapper à la police de l’empire) pour Édesse et Théodore d’Arabie pour Bosra. Jacques se consacra dès lors et jusqu’à sa mort à la constitution et à l’organisation d’une Église antichalcédonienne (parfois appelée à cause de lui Église « jacobite »), consacrant diacres, prêtres, évêques et même deux patriarches successifs d’Antioche, fondant ainsi durablement une hiérarchie concurrente de celle de l’Église officielle chalcédonienne. Jusqu’à nos jours, ces deux Églises « d’Antioche et de tout l’Orient » ont vécu une histoire parallèle, doublées depuis l’époque moderne chacune d’une Église sœur catholique. Si au départ la divergence était essentiellement théologique (Sévère d’Antioche écrivait en grec et l’Église chalcédonienne a aussi été araméophone), des aspects culturels s’y sont mêlés, ainsi que des formes de rejet du joug byzantin. L’opposition s’est peu à peu aussi cristallisée sur un plan culturel, les chalcédoniens, sous l’influence de Constantinople, adoptant de plus en plus le grec comme langue culturelle et liturgique (c’est l’Église « grecque orthodoxe ») et les antichalcédoniens le syriaque, l’araméen chrétien issu du dialecte d’Édesse (Église « syro-orthodoxe »[6]). Cette dernière a poussé des rejetons dès l’Antiquité tardive en Mésopotamie, dans l’Empire perse[7], puis à l’époque moderne en Inde et maintenant en diaspora dans le monde entier.

Quelques lieux importants de la Syrie romaine[8]

Antioche, Αντιοχεια, Antakiyè[9]

Fondée sur l’Oronte à 25 kilomètres de la mer, par le lieutenant d’Alexandre le Grand, Seleucus I Nicator en 300 avant J.-C., elle avait une grande superficie : seules Rome, Alexandrie et Séleucie-Ctésiphon étaient plus étendues.

Elle a été le siège d’une école de rhétorique réputée dirigée par le sophiste Libanios. Une importante communauté juive y résidait. Elle est restée la capitale de l’Orient jusqu’à la fondation de Constantinople. En 538, le roi sassanide Chosroès I la ruina presque entièrement et déporta ses habitants en territoire perse. L’empereur Justinien la rebâtit mais des tremblements de terre fréquents entraînèrent une désaffection et une perte d’influence de la ville. Les faubourgs de la ville portent des noms araméens et attestent d’une présence de population de langue araméenne bien installée aux alentours de la ville. C’était une ville cosmopolite où tous les peuples et toutes les religions se côtoyaient.

Cette cité de Syrie à l’époque romaine, aujourd’hui en Turquie, reste le siège titulaire des patriarches syro-orthodoxes, syro-catholiques, maronites, grec-orthodoxes, melkites et même latins (des Croisades jusqu’en 1953) qui s’honorent de porter le titre de patriarche d’Antioche, même si leur siège épiscopal est Damas, Beyrouth…

Émèse, Homs

Cette ville se situe dans la plaine fertile à l’est du fleuve Oronte et existerait depuis les premiers siècles avant J.-C. Elle fut très tôt évangélisée[10]. Pierre et Jean seraient passés par Émèse car cette ville se trouve sur une des routes romaines qui mènent à Antioche. Elle était le siège d’un évêché suffragant de Damas avant le concile de Nicée (325). Au IVe siècle la ville se signale par deux auteurs, Némésius d’Émèse et Eusèbe d’Émèse. Le philosophe Némésius écrivit un traité important, Traité sur la nature de l’homme (De natura hominis), traité d’anthropologie chrétienne qui a circulé en Syrie jusqu’au VIe siècle avant d’être diffusé très largement. Il est cité pour la première fois dans les Ambigua de Maxime le Confesseur (628-634). Une version syriaque est attestée mais n’a pas été retrouvée, il existe une version arménienne du VIIIe siècle, une traduction arabe effectuée sur le grec datant du IXe siècle, une traduction géorgienne du XIe siècle. Eusèbe d’Émèse, évêque de la cité, était né à Édesse et semble contemporain d’Éphrem. Il avait reçu une bonne éducation, connaissait parfaitement le grec et peut-être le syriaque. Il est l’auteur de commentaires bibliques et en particulier d’un commentaire de la Genèse dont nous possédons actuellement le texte en arménien. Romanos le Mélode, hymnographe de l’Église byzantine (VIe siècle) célèbre par ses kontakia, est né à Émèse. L’évêque d’Émèse Julien fut banni avec le patriarche Sévère d’Antioche en tant qu’évêque monophysite/miaphysite en 519.

Qenneshré et son monastère

Cette localité au nord de la Syrie sur la rive orientale de l’Euphrate se trouve en face de Hiérapolis (Jirbas-Jarablus) à quelques encablures de Batnan (Serug, Suruç) sur la même rive, et de Mabboug sur l’autre rive. Cette localité a été souvent confondue avec celle de Qinnasrîn Al-Hâdhir (Chalcis Al-Iss) au sud-ouest d’Alep.

Le monastère a été au VIe voire au VIIe-VIIIe siècle un centre intellectuel et spirituel majeur pour la chrétienté monophysite ou jacobite. Ce monastère important qui a pu compter plus de 300 moines est parfois appelé du nom de son fondateur Jean Bar Aphtonia. Au VIe siècle, Jean était entré au monastère Saint-Thomas à Séleucie de Piérie à côté d’Antioche, monastère qui avait la réputation de donner la meilleure formation en grec de toute la Syrie. Vers 530, un certain nombre de moines de ce monastère doivent le quitter en raison des persécutions impériales envers les monastères non chalcédoniens. Ils s’installèrent à Qenneshré et Jean fut nommé abbé. Le monastère comportait une école et un scriptorium, c’était le lieu « où on apprenait le grec et les Saintes Écritures ». C’est dans ce monastère que se formèrent les principaux patriarches[11] ou l’élite du clergé de l’Église monophysite/miaphysite. Il était aussi renommé pour son travail de traductions du grec vers le syriaque. Dans cette école étaient aussi enseignées la philosophie et même l’astronomie. « Qenneshré n’était pas seulement un lieu de copie et de traduction mais aussi un lieu de réflexion… On y pratiquait une exégèse originale enrichie de savoirs profanes, où l’étude de l’Organon d’Aristote servait à former de véritables logiciens[12]. »

Qal`at Sem`an et Deir Sem`an

À 30 kilomètres au nord-ouest d’Alep se trouve les vestiges du monastère construit au Ve siècle autour de la colonne de saint Siméon l’Ancien. Un martyrion cruciforme verra le jour un peu plus tard autour de la seconde colonne du saint. Ces constructions attestent le rôle majeur joué dans la vie de la chrétienté de Syrie à cette époque par ce moine, des foules venant de son vivant de tout l’empire, d’Orient et d’Occident, le visiter et implorer son intercession. Théodoret de Cyr lui-même participa à ce pèlerinage. Si les archéologues continuent à analyser ces vestiges de bâtiments monastiques[13], d’autres chercheurs se sont intéressés au lien spirituel entre les stylites et la communauté ecclésiale, soulignant son originalité[14].

Apamée Qal`at al-Madhiq

Située sur l’Oronte à près de 90 kilomètres au sud d’Antioche, Apamée fut l’une des principales cités grecques de Syrie où se développa, au IIe siècle après J.-C., un enseignement philosophique néoplatonicien (Numénius et Jamblique y ont enseigné). C’est la capitale de la province de Syrie II.

Au Ve siècle, des groupes ascétiques marqués par la tradition philosophique de ce lieu se réunirent autour d’une figure spirituelle, Jean d’Apamée[15] ou Jean le Solitaire. Aux Ve et VIe siècles, la Syrie Seconde dont Apamée est la capitale est divisée entre partisans ou adversaires du concile de Chalcédoine[16]. Cette région jouera un rôle dans la restauration de l’orthodoxie chalcédonienne sous Justin I (518-527) et Justinien (527-565) grâce en particulier à l’influence du monastère de Saint-Maron.

La cité a été brûlée et saccagée par le roi sassanide Chosroès II en 611, puis abandonnée au tout début de l’islamisation, elle est tombée en ruines. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un gros village.

* * *