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"Le club des cinq – Ombres et lumières d’une série enfantine" vous entraîne dans l’épopée de cinq héros intrépides, explorant des passages secrets, des labyrinthes et des grottes pour finalement émerger dans la lumière. Cette aventure incarne bien plus qu’une simple quête : elle dévoile la symbolique profonde de la lumière en tant qu’archétype universel, ancré dans notre inconscient collectif. À travers ce récit, Enid Blyton offre une lecture subtile de la psychologie enfantine, invitant à un voyage initiatique riche en mystères et en révélations.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dès son enfance,
Michel Montebello s’est passionné pour la bande dessinée – Tintin, Astérix, Gotlib, Gaston Lagaffe – ainsi que pour la littérature jeunesse, avec des auteurs tels qu’Enid Blyton, Jules Verne ou Hector Malot. Animé par le désir de renouer avec cet univers de l’enfance, il est devenu professeur des écoles. Fort de cette vocation, il a entrepris une analyse approfondie de la série Le Club des Cinq, sujet qu’il avait déjà exploré dans le cadre d’une maîtrise de lettres.
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Seitenzahl: 199
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Michel Montebello
Le club des cinq
Ombres et lumières d’une série enfantine
Essai
© Lys Bleu Éditions – Michel Montebello
ISBN : 979-10-422-5135-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
On n’a plus à présenter la série du CLUB DES CINQ écrite par Enid Blyton : qui de nous n’a pas eu une seule fois un de ses livres en main ?
C’est véritablement un « phénomène » culturel et commercial auquel nous avons affaire avec cette série. La série britannique d’origine allait jusqu’à abolir les frontières linguistiques pour faire un de tous les enfants américains, anglais, français, allemands, italiens…
Pourtant, si l’œuvre d’Enid Blyton a pu avoir un succès retentissant, la critique parcimonieuse, en l’occurrence, était et reste peu amène jusqu’à être même méprisante.
Elle escamote et oblitère le fait Club des Cinq en essayant de le réduire, par des effets de manche, à un épiphénomène dont l’importance est inversement proportionnelle à son succès.
L’œuvre restait là intacte et offerte : personne, à notre connaissance, n’avait voulu ou osé en franchir les limites du récit, les frontières du mystère.
Lire autrement l’œuvre de Blyton, via Le Club des Cinq, s’avère être une tâche à plus d’un égard difficile : toute œuvre enfantine ne s’en laisse pas aussi facilement conter. À cent lieues des soliloques universitaires, notre démarche était d’arrimer le récit à quelques haltes, où nous pouvions l’examiner là en toute quiétude, sans nulle contrainte.
La démarche que nous proposons et qui nous semble originale, est celle d’un parti pris : le détour et les itinéraires que nous proposons étant dûment signalisés et banalisés, il serait aisé à certains de prétendre ou de feindre de voir, pour ces quelques chemins empruntés, la quintessence de l’œuvre, et aussi facile à d’autres de nous montrer et de nous guider à travers tant de chemins non parcourus. Néanmoins, si les galaxies sont infinies, et si les espaces sont vertigineux, qui peut croire que tout un chacun n’a pas son domaine réservé qui lui est secret, dans lequel toute parcelle de terre est une part de vérité ?
Nous ne revendiquons là que le fragment d’un discours : le discours du possible. Nous avons essayé de voir en quoi la série du CLUB DES CINQ n’était pas don du ciel ou fruit du hasard.
Au-delà de grilles de lecture convenues, il nous a paru intéressant de montrer que l’œuvre blytonienne ne délivrait pas aussi facilement tous ses secrets.
En fait, l’extrême lisibilité du récit et même sa limpidité pouvaient faire croire, dans l’esprit de certains, à une âme vide, inhérente à ce récit, ou alors à une pauvreté que l’on convient vite d’apprécier lorsqu’on ne veut pas approfondir la question.
En d’autres lieux, la ligne claire d’Hergé, créateur de Tintin, ne provoquait-il pas les mêmes réactions : l’effet de réalisme, d’où sa grande lisibilité, des dessins et du schéma narratif pourtant si simple en apparence, n’était perçu, un moment donné, que comme pauvreté et conformisme.
À l’instar de l’œuvre d’Hergé, l’œuvre blytonienne va bien plus loin qu’une certaine linéarité « soi-disant » pauvre au premier abord, car elle nous fait accéder à un jeu de miroirs tout à fait surprenant.
Comment ne pas être étonné par les oppositions et les contradictions multiples qui se recoupent tout au long de notre lecture du CLUB DES CINQ ? De la connaissance au mystère, de la science aux superstitions, de l’École à l’Aventure, au-delà de tout a priori, c’est dans une véritable construction, aux mille et un couloirs, pièces et cachettes, que nous vous menons !
Que l’aventure commence !
En fait, le roman d’aventures a toujours été étroitement lié au voyage. Que l’on pense aux aventures de Tintin ou à celles du capitaine Nemo, lorsqu’on pense aventures, on imagine aussitôt des cadres exotiques ou étrangers, et des héros sans cesse en mouvements dans des situations hasardeuses et « impossibles ». Blyton choisit, elle aussi, de faire voyager ses héros du Club des Cinq. Ces derniers, dans la plupart des épisodes, quittent le domicile familial et partent dans un lieu qui leur est nouveau.
« L’aventure » devient un véritable concept dans la bouche des héros du Club des Cinq. On en parle, on l’attend, on la sent, on la craint… On est demandeur : « Préparez aventure palpitante » écrivent les garçons aux filles (La Locomotive du –, p. 13) mais on la veut, parfois, à une certaine dose, telle Annie : « Pas trop d’aventures », dit Annie (– en roulotte, p. 20), « Je ne veux courir aucune aventure cette année, dit Annie. J’en ai assez des mystères et des périls. Je veux seulement m’amuser » (– au bord de la mer, p. 10).
Tout début de roman de Blyton nous fait assister, nous lecteurs spectateurs, à une sorte de mise en scène d’une pièce dans laquelle tous les ingrédients doivent être réunis pour que l’aventure puisse commencer. Les Héros nous font savoir qu’ils sont entrés en scène pour nous interpréter une aventure. Quand tous les acteurs de l’histoire ne sont pas encore là, il faut être lucide, l’aventure ne peut s’accomplir : « Sans eux, il ne nous arrivera pas la moindre aventure » (– se distingue, p. 19). Pourtant, même quand tout est en place, rien n’est assuré : « Que voulez-vous, l’aventure n’est pas toujours garantie d’office, ce serait trop beau ! » semblent-ils dire : « Que veux-tu qu’il nous arrive, surtout ici, sur ce plateau désert ? » (– va camper, p. 89) Quand nos acteurs-héros sont en doute devant le cadre-décor qu’on leur a planté (« Que veux-tu qu’il nous arrive, surtout ici, sur ce plateau désert ? ») (– va camper, p. 89), c’est l’auteur lui-même qui vient nous rassurer et nous prévenir qu’il ne faut pas trop prendre à la lettre ce que nous racontent les héros. (« Non, le Club des Cinq ne devait pas s’ennuyer ces vacances-là. ») (– en embuscade, p. 46).
L’heure de l’aventure, c’est aussi cet instant confus, où l’on sent que quelque chose de décisif est en train de se jouer. Cela correspondant, chez Blyton, à un moment d’initiative privilégiée, d’action, qui aura pour cadres des souterrains, passages secrets… jusqu’à un lieu déterminé où se cachent trésors et brigands. Ce moment d’aventure est trop fugitif pour qu’on ne prenne pas le « train » en marche : « Vite, réveille-toi, si tu veux entrer dans l’aventure avec nous, c’est le moment » (Le Club des Cinq, p. 193).
Mais toute aventure a une fin et les héros sont fatigués : « Tous les enfants se sentaient terriblement las après une telle aventure » (– et les saltimbanques, p. 237). Les héros de Blyton, même s’ils sont las après l’épisode qui vient de s’achever, aiment l’aventure parce qu’elle ne présente aucun danger sérieux.
L’aventure blytonienne nous est toujours servie avec son antidote : la sécurité ! Les issues aux moments dramatiques et les retours de situation sont écrits dans les faits, ils sont, en soi, surprenants mais ils sont prévisibles car Blyton n’a jamais omis, au cours du récit, de le jalonner d’éléments « utilisables » (passages, clefs, personnes…). Le moyen, et d’autant plus si le lecteur est perspicace, balise l’aventure, en atténuant l’imprévisibilité du contenu.
Une aventure balisée est-elle pour autant, chez Blyton, banalisée ?
Blyton choisit de réécrire l’aventure telle qu’elle la conçoit.
Le lecteur doit avoir, tout en lisant, l’impression de se raconter une histoire qui lui offre quelques risques sans danger.
C’est la version « moderne » du conte que nous offre Blyton, qui, tout en renouant avec le merveilleux, a le don de « faire vrai ».
Le personnage, chez Blyton, qui fait corps avec le récit, est une composante essentielle à la lisibilité du récit et à son effet de réalisme.
Les personnages d’un récit forment ainsi un ensemble organisé selon une structure propre à chaque récit.
Prenons exemple à partir de deux aventures du CLUB DES CINQ, de façon à tirer les lignes générales spécifiques au système des personnages.
Le Club des Cinq et les gitans
Tous les personnages de l’aventure sont, ici, répertoriés. Tous sont reliés les uns aux autres. Mais certains sont reliés plusieurs fois à d’autres : ce sont les personnages clefs (ainsi le Club des Cinq, Jo, Mesnil, Le Rouge).
D’autres restent secondaires, passifs : ils ne se « relient » pas avec d’autres mais sont reliés, Jeannot, Maria, la vieille gitane.
Ce roman s’articule et donc repose sur trois personnages, l’un factice englobant les membres du Club, les deux autres étant Jo et Mesnil Le Rouge.
Le Club des Cinq aux sports d’hiver
On notera l’importance, dans cette aventure, de quatre personnages clefs : Le Club des Cinq bien sûr, Mme Gouras, Miette et Mme Thomas, autour desquelles gravitent des acteurs secondaires, tel Joanes, fils de Mme Gouras, qui sera une aide précieuse dans le dénouement de l’enquête, grâce à ses chiens.
En moyenne, chaque système de personnages dans le récit de Blyton compte près d’une quinzaine de personnages. Très peu d’entre eux n’ont qu’une valeur figurative : ainsi le vendeur de glaces, le gardien de l’étang… Ce système facilite bien sûr la « reconnaissance » par le lecteur des personnages, qui sont étalés, à la façon de cartes, un à un, sous les yeux du lecteur.
Ce système exclut, par conséquent, toute vie ou société parallèle inconnue du club, ce qui peut produire chez le lecteur cette impression de villages vides sans âme, sans aucun piéton, promeneur, sans aucune vie active, circulation…
Quoique le récit ne soit pas uniforme chez Blyton, on peut dégager un premier canevas possible commun à tous les épisodes de la série.
Chaque roman de la série compte environ vingt et un chapitres. En moyenne, sept chapitres servent à planter le décor, à nous présenter les principaux personnages et l’investissement (installation, reconnaissance) des lieux de vacances par les membres du Club.
La seconde partie, de deux à six chapitres, est consacrée à faire progresser le récit sur le chemin de l’aventure, par des éléments divers susceptibles d’enclencher le mystère.
La dernière partie prend en compte, dès que les bandits ont été reconnus en tant que tels, tous les chapitres restants, et qui se résument à la lutte directe contre ceux-ci.
On peut dégager cinq grandes séquences résumant l’agencement narratif des épisodes blytoniens.
1 – Le mystère est produit soit par :
A – a) légende, histoire ;
b) gitans, (le) monde du cirque ;
c) nouvelle personne embauchée : répétiteur, domestique, cuisinière ;
d) faits étranges.
B – Faits particuliers propres à enclencher l’aventure : vol, découverte d’un plan, faits troublants, enlèvements, disparition…
C – Visite, exploration du lieu soupçonné.
D – Enfants, prisonniers dans ce lieu.
E – Délivrés : fin de l’épisode.
La durée d’une aventure n’excède généralement pas quatre jours et quatre nuits car la nuit a, ici, toute son importance.
Dernière nuit d’une aventure du Club des Cinq.
Le temps peut être brouillé (brumes, tempête) lors d’une aventure, et s’éclaircir au dénouement.
Ce qui peut donner ce schéma général de la dernière nuit de tout épisode du Club des Cinq.
Comme l’écrit P. Hamon dans Un discours contraint (p. 137, points seuil) :
« La motivation systématique des noms propres et des surnoms des lieux et des personnages constitue également un important facteur de lisibilité du texte. »
On remarque que Blyton donne une valeur de nom propre à des termes génériques. C’est en fait le retour aux sources, à l’étymologie la plus simple de tous nos noms de lieux.
Ce procédé donne une transparence totale aux noms et donne aux jeunes lecteurs les meilleurs moyens de retenir tel ou tel nom.
Ainsi, orthographiquement, la majuscule avalise la transformation du nom générique en nom propre : « Le Vieux Château » (– aux sports d’hiver, p. 20), « Le Cap des Tempêtes » (La Boussole du –, p. 35), « La ferme du Grand Chêne » (– va camper, p. 317), « La vallée des Peupliers » (– va camper, p. 173).
Lorsque la transparence n’est pas totale et qu’elle résulte d’une fonction, d’une histoire, les enfants se posent des questions.
Ainsi :
Pour « Le Cap des Tempêtes », les enfants : « Pourquoi l’appelle-t-on ainsi ? Le mauvais temps y est-il fréquent ? » (La boussole du –, p. 66).
« Il s’appelle le lac Vert, à cause de la couleur de l’eau. » On nous dit même que les enfants ressentent pleinement si tel ou tel a le nom qu’il mérite. (– va camper, p. 129.)
Et les enfants ont vite fait de comprendre pourquoi tel lieu a tel nom : « Le Pic du Corsaire… voilà une maison qui me paraît vraiment bien nommée, déclara François. J’imagine que ce devait être un refuge idéal pour les corsaires et les contrebandiers qui, autrefois, ne pouvaient manquer fréquenter ce pays. » (– et les papillons, p. 23.)
Au sujet du Mont-Perdu : « La situation isolée et son éloignement de tout centre lui avaient autrefois valu son nom ». (– et les saltimbanques, p. 14)
De la colline des Chouettes : « Ce n’est pas étonnant que l’endroit se nomme la colline des Chouettes, dit François, ce doit être un repaire de ces bêtes-là. » (– en péril, p. 86.)
Moins systématiquement, le même procédé peut s’appliquer, non pas à des lieux, mais à des personnes.
Ainsi,
Pierre Lenoir est « … tout noir : yeux, cheveux et sourcils ». (– en péril, p. 86.)
Mesnil le Rouge est « un géant aux cheveux couleur de flamme ». (– et les gitans, p. 134.)
On se rend compte, en tout cas, que Blyton structure d’une façon bien rationnelle un récit qu’on pouvait croire improvisé ou innocent. Il convient, pour l’auteur, d’écrire une histoire solidement charpentée, même si le récit en est celui d’une aventure supposée hasardeuse.
Du choix de titres, au système de personnages, chaque élément ou facteur de lisibilité tient une place dans la construction d’un récit, qui s’écrit comme par enchantement. L’auteur semble même se jouer d’un récit qu’il maîtrise pourtant parfaitement.
On connaît l’importance du conte dans l’inconscient enfantin.
B. Bettelheim, psychologue pour enfants, a montré que les contes de fées décrivent une situation que les enfants reconnaissent inconsciemment au passage, et informent des épreuves à venir, des efforts à accomplir. De son côté, Mircea Eliade écrit (Initiations, rites, sociétés, p. 12, Idées – Gallimard) que « Les scénarios initiatiques, même camouflés comme ils sont dans les contes sont l’expression d’un psychodrame qui répond à une nécessité de l’être humain ».
On reconnaît ainsi au conte une valeur éducative indéniable dans le sens où les grandes valeurs éternelles lui sont communiquées de façon consciente ou inconsciente.
L’immense succès de la série du CLUB DES CINQ ne trouve-t-il pas une de ses explications dans le fait qu’elle diffuse inconsciemment des schémas initiatiques ?
Eliade nous éclaire sur le rôle de l’initié (id. op. cit. p. 12) : « À la fin de ses épreuves, le néophyte jouit d’une tout autre existence qu’avant l’initiation : il est devenu un autre […]. Pour avoir le droit d’être admis par les adultes, l’adolescent doit affronter une série d’épreuves initiatiques : c’est grâce à ces rites et aux révélations qu’ils comportent, qu’il sera reconnu comme un membre responsable de la société. »
Les enfants du Club obéissent à la même logique. Lorsqu’ils partent, seuls, en vacances et qu’ils vivent une aventure de plus, ils s’initient progressivement à la vie et reviennent, chez eux, avec plus d’autorité et de dignité qu’au départ, puisqu’ils ont servi les intérêts de la société en faisant arrêter quelques malfrats.
Les enfants du Club ressentent bien cette nécessité de partir et d’être seuls : « Lorsque nous sommes ensemble, sans grande personne, nous prenons toutes nos responsabilités » (– et le vieux puits, p. 38).
La quête du Club des Cinq correspond aux rites initiatiques ancestraux. Dans un premier temps, il y a séparation d’avec la mère.
Dans un second temps vient la mort initiatique.
Les lieux de prédilection de celle-ci seront obscurs et souterrains pour signifier la descente aux enfers. Les grottes seront un des lieux les plus adéquats pour montrer la régression et le retour aux sources.
Le troisième temps, celui de la renaissance, est en fait celui de la reconnaissance par la société, qui reconsidérera l’enfant.
Mais bien plus que la reconnaissance, le but de la quête initiatique est la connaissance. Blyton l’oppose à celle des écoles, des livres et des institutions éducatives.
Blyton pense que le savoir classique handicape plus qu’il n’aide l’enfant. Ce dernier doit vivre des expériences, franchir des obstacles, c’est-à-dire accomplir les rites de la vie, autrement dit une véritable initiation.
Ce qui frappe souvent le lecteur des aventures du club, c’est de voir l’existence à chaque épisode (sauf un ou deux), d’enfants compagnons ou ennemis du Club des Cinq.
Au fil des pérégrinations du Club, on rencontre une fillette, Jo la gitane.
« “Elle ne sait pas lire, s’exclama François étonné. Elle ne sait sans doute pas écrire ?” Jo secoua la tête. “Maman a essayé de m’apprendre à lire, dit-elle, mais elle n’est pas très savante. À quoi ça sert ? C’est plus utile de savoir attaquer des lapins ou pêcher du poisson !” […] Sur un certain plan, elle était très ignorante et sur d’autres, elle paraissait connaître parfaitement la vie » (– et les gitans, p. 98).
Cet autre portrait témoigne de la contradiction blytonienne en ce domaine :
Blyton réfute le savoir scolaire et prône le savoir donné par l’expérience de la vie, mais ici, François, qui est son « interlocuteur » privilégié, se scandalise, à la limite, du fait que Jo soit presque illettrée. Jo, au début de cette aventure, déplaira plus d’une fois aux membres du Club, par ses manières trop peu distinguées. Elle sera alors mise à l’épreuve et devra montrer dans les moments difficiles son courage et son honnêteté.
Nous entendons maintenant, à la fin de l’aventure, le jugement des membres du Club :
« Elle est merveilleuse ! C’est la fille la plus courageuse que j’ai jamais connue ! […] » (id., p. 153)
« Jo aura sa chance, maintenant, répondit le brigadier. » (id., p. 188)
La reconnaissance ne vient donc pas seulement des enfants du Club mais aussi de ce que la société a comme plus digne représentant : un brigadier de gendarmerie. Nous avons, dans le cas de Jo, l’exemple d’une enfant passée d’un stade à l’autre : c’est en fait, l’itinéraire d’une véritable initiation qui s’est jouée sous nos yeux, le Club et ses membres étant, ici, micro-société prenant en compte les charges et les devoirs de la société.
À l’instar de Jo, que d’enfants battus ou simples ne sachant ni lire ni écrire, ou sauvages, sans parents proches, ou mal élevés ou trop puérils, ne rencontre pas le Club ?
Ce qui unit tous ces enfants est, semble-t-il, leur situation sociale dans la société. Leur cellule familiale est permissive ou inexistante.
Elle a rendu possible leur « égarement » social.
Ce n’est pas le cas des membres du Club qui sont, eux, équilibrés, instruits, courageux, justes et honnêtes. Ils ne ressemblent plus à des enfants : ils sont l’image de la sagesse pour leurs compagnons.
Ceux-ci éprouvent le besoin d’être guidés, aimés et considérés. Ils ressentent d’instinct que les membres du Club sont en mesure de le faire. Mais les membres du Club vont mettre leurs compagnons à l’épreuve afin que ces derniers fassent preuve de courage et de grandeur d’âme. C’est à ce moment seulement que ces compagnons pourront être reconnus comme des amis à part entière du Club.
Le Club s’est substitué à la société pour initier « ses » enfants à l’école de la vie.
S’aventurer dans des lieux et contrées inconnus paraît être un des moments clefs du processus initiatique. L’expédition et l’exploration sont les rites de la grand-messe d’initiation qu’est l’aventure blytonienne. Toute aventure appelle à l’exploration, sans qu’il y ait cependant une expédition systématique.
On explore, chez Blyton, à un moment où les éléments du mystère sont en place, et où les lieux à investir vont dévoiler ce qu’ils y cachent. Ces lieux finaux ne sont pas vierges de toute visite puisqu’ils sont le repaire de malfrats, mais les lieux pour y accéder sont, pour ceux qu’emploie le Club des Cinq, encore inexplorés.
L’exploitation semble présenter un moment essentiel dans l’aventure blytonienne. On comprend alors bien le cri d’exclamation poussé par Edmond, compagnon du Club :
« Il allait prendre part à une exploration ! » (– et le vieux puits, p. 141) Le Club s’étonne que certains n’aient pas l’âme d’explorateur :
« Claude admira le garçon qui avait pu résister à l’envie d’explorer le souterrain » (– se distingue, p. 142).
Cette soif énorme d’explorer, véritable soif de connaissances, ne correspond-elle pas à la faim féroce dont font preuve les enfants tout au long de ces aventures ?
Chez Blyton, toute exploration aura sa découverte ultime : un trésor, un prisonnier…
Mais les héros ne savent pas toujours quel est le but de leur exploitation. L’exploitation blytonienne en fait quelque chose d’artificiel : la grande exploration hasardeuse des premiers explorateurs est très loin de ces opérations parfaitement bien contrôlées et maîtrisées. Cette maîtrise s’instaure jusque dans l’ordre d’entrée dans les lieux à explorer. Ainsi François se retrouve être toujours le premier à fouler le sol des lieux initiateurs à explorer.
Explorer chez Blyton, c’est « bien chercher » pour découvrir. Blyton veut-elle ainsi nous faire comprendre que la connaissance est la récompense d’une volonté de travailler, d’agir ?
Typologie de quelques aventures du Club
Le passage est symbole d’angoisse, d’une attente inquiète, d’une impatience à satisfaire des désirs. La grotte est le lieu initiateur par excellence.
Pénétrer dans la caverne, c’est revenir à l’origine. Mais les grottes blytoniennes ont le bonheur d’être un havre de paix : on n’y rencontre pas de bêtes malfaisantes et on s’y trouve très bien. « Les quatre enfants entrèrent dans une autre grotte qui ressemblait plutôt à une pièce habitable » (– au bord de la mer, p. 138).
En effet, la grotte blytonienne est bien accueillante : soit elle ressemble à une pièce, soit elle est suffisamment éclairée (car phosphorescente), soit elle paraît à l’avance aménagée.
Il en est de même de tous les autres lieux initiateurs (tours, châteaux…) même si, à la première occasion, ils peuvent vous inquiéter car ceux-ci sont toujours empreints d’un air mystérieux ou d’un aspect légendaire.
La logique de l’auteur est que l’on cache ce qui doit rester secret (que ce soient des trésors, des personnes enlevées, des secrets militaires, des plans…). Or, tout ce qui est secret est, chez Blyton, inévitablement précieux, donc on ne pourra cacher que ce qui est précieux. La curiosité des enfants n’est ainsi pas inopportune, elle se fait qualité et rouage essentiel de l’aventure.
En découvrant trésors et autres, les enfants ne s’enrichissent jamais matériellement (tout est restitué à chaque fois) mais ils améliorent d’autant leurs connaissances et cet accès à la culture va se révéler « payant » : il ouvrira toutes les portes à la reconnaissance du monde adulte.
Nos enfants, si instruits et si distingués, comme on l’aime à le dire dans les aventures, ont encore à faire pour devenir… parfaits, car il n’y aurait bien sûr plus de mystères si les enfants n’avaient plus besoin de découvrir, de connaître, de savoir. Leur imperfection latente les rend donc plus humains et plus accessibles aux jeunes lecteurs.