Le Collectivisme - Henri La Fontaine - E-Book

Le Collectivisme E-Book

Henri La Fontaine

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Comment passer de la forme capitaliste de la production à la forme collective ou collectiviste ? Tel est le problème qui devrait préoccuper tous ceux qui s’intéressent réellement à l’amélioration du sort des foules humaines.  Tous les hommes politiques, tous les administrateurs publics, tous les penseurs devraient ne songer qu’à cet unique et redoutable problème. Il faudrait qu’en un identique et géant élan d’amour pour tous les déshérités et tous les miséreux, les moindres bonnes volontés se liguent, se soutiennent, s’additionnent.
Malheureusement, nous vivons à une époque de scepticisme rare et de dilettantisme élégant : les gens préfèrent pleurer leurs illusions perdues que de croire à la venue de temps nouveaux. Ils dirigent obstinément leurs yeux vers la nuit qui leur enveloppe encore et se refusent à regarder derrière eux se lever les premières lueurs de l’aube prochaine.
Il faut prévoir dès lors les cataclysmes nécessaires et savoir que l’évolution, désirée par les meilleurs d’entre nous, peut devoir céder le pas à une révolution brutale et brusque.
Que serait cette révolution ? Elle serait la reprise directe, sans indemnité préalable, de toutes les richesses mobilières et immobilières accumulées entre les mains des individus isolés.
De telles reprises ont été effectuées déjà, lorsque la bourgeoisie enleva à la noblesse le sol qu’elle détenait, lorsque l’esclavage fut aboli dans les diverses contrées américaines. Il y eut des protestations, des luttes sanglantes, des massacres, des guerres, mais l’œuvre accomplie fut maintenue, car la minorité, était trop infime pour pouvoir se rebiffer utilement et victorieusement. Et ce fait a prouvé que les révolutionnaires avaient obéi à la vraie loi du progrès et que leur acte de force était un acte de justice…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Henri La Fontaine, né en 1854 à Bruxelles et mort en 1943, fut un homme politique belge, socialiste et fervent pacifiste. Docteur en droit, il s’engage pour la paix et la connaissance universelle, cofondant avec Paul Otlet l’Institut international de bibliographie et la Classification décimale universelle. Sénateur socialiste, défenseur du droit des femmes et de l’éducation, il reçoit le prix Nobel de la paix en 1913. Franc-maçon engagé, il milite toute sa vie pour un ordre international fondé sur la coopération.

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Seitenzahl: 65

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Le Collectivisme

 

 

 

 

 

 

Le Collectivisme

 

 

 

 

 

Henri La Fontaine

 

 

 

 

 

 

Humanités et Sciences

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tome 1

 

 

Aussi longtemps que les écoles socialistes sont demeurées plus spécialement critiques et théoriques, il a été de bon ton de professer pour elles un dédain inéquivoque ou de leur témoigner une sympathie toute platonique et toute littéraire.

Depuis plusieurs décades la situation s’est brusquement modifiée : le dédain s’est transformé en hostilité, la sympathie s’est transmuée en crainte. C’est que les écoles socialistes ont fait place à un parti socialiste international ; c’est que les critiques et les théories se sont cristallisées en un programme précis et net de réformes immédiates et profondes.

Un mot nouveau a été adopté qui résume admirablement la tendance de ce parti et la portée de ce programme : le collectivisme.

De plus aptes et de plus habiles que nous ont essayé de définir ce mot, pour le combattre ou pour l’exalter. Nous estimons que c’est un de ces mots dont il est difficile et périlleux de vouloir enfermer le sens en une phrase. Le collectivisme, comme du reste l’individualisme qui lui est opposé, s’expliquent, mais ne se définissent pas.

C’est cette explication que nous nous efforcerons de donner du collectivisme, bien persuadés qu’elle ne sera jamais ni complète, ni épuisée. Le collectivisme, en effet, enveloppe la vie sociale toute entière : il est intégral, suivant une expression consacrée, et il est malaisé, pour celui qui a reconnu et senti en quelque sorte la vérité du principe collectiviste, de ne pas relever ou souhaiter son ingérence dans les moindres phénomènes de l’évolution des sociétés de haute culture.

 

I.

Pour mieux caractériser le collectivisme, il est utile de montrer tout d’abord ce qui le différencie des diverses conceptions socialistes avec lesquelles, par ignorance souvent, mais plus souvent par tactique, ses adversaires le confondent pour mieux pouvoir le conspuer et le honnir.

On peut affirmer que les conceptions socialistes ont été les phases de croissance d’une idée qui est arrivée à maturité à une époque relativement récente.

Il a fallu que la graine ait germé, qu’une tige se soit élancée, que des feuilles aient surgi, que des fleurs se soient épanouies : désormais les fruits sont noués et le jour de la récolte est proche.

Ces fleurs, se sont les belles et radieuse utopies des Fourrier, des Saint-Simon, des Cabet ; ces fruits, se sont les systèmes organiques, rationnels et positifs des Colins, des Comte, des Malon.

Avant d’aboutir à ces systèmes, à la fois complexes et harmoniques, il était à prévoir que des projets informes et irréalisables seraient proposés et proclamés, que des essais infructueux et stériles seraient tentés.

C’est ainsi que l’humanité n’a cessé de procéder en toutes matières, physiques et intellectuelles. Il serait parfaitement ridicule de soutenir qu’un individu parle mal une langue parce qu’il a commencé par la baragouiner péniblement. Or, c’est là ce que les contempteurs du collectivisme ont inventé de plus ingénieux pour le discréditer.

 

Une confusion fréquente et tout particulièrement injuste est faite par eux entre le collectivisme et le communisme. Le communisme a pour règle essentielle de permettre à chaque individu de jouir de toutes choses à sa guise, selon ses besoins et selon ses caprices ; une telle règle est concevable en une contrée d’une étendue et d’une fertilité exceptionnelles, habitée par une population nomade ou pastorale excessivement réduite.

À notre époque de population dense, une seule chose, avec l’air, est encore commune dans le sens absolu de ce mot : c’est la haute mer, où il est libre à tout homme de jeter ses filets à son gré.

Le collectivisme a pour but d’assurer à la collectivité la possession éminente de tous les moyens de production et de circulation, mais aucun de ses adeptes n’a jamais réclamé pour chaque membre de la collectivité le droit d’user de ces moyens à sa fantaisie.

 

D’autres déclarent que le collectivisme est le partage égal des biens, et de compendieux chapitres ont été écrits pour mentionner l’embarras du petit mangeur devant sa pitance obligatoire, indigeste pour son estomac trop étroit, et la souffrance du gros mangeur, réduit à la portion congrue, alors que son appétit réclame et proteste.

Le collectivisme entend laisser à chacun le produit intégral de son travail et lui permettre de satisfaire librement ses besoins le plus complètement possible ; aucune distribution forcée ne sera organisée ou préconisée. C’est de nos jours que de telles choses se voient, dans les réfectoires des prisons et des casernes, et aux portes des hospices.

 

Enfin, on s’imagine volontiers que le collectivisme fera prévaloir la réglementation outrancière, imaginée par les socialistes étatistes et défendue par certains hommes qui espèrent ainsi pouvoir composer avec les tendances nouvelles et conserver le pouvoir à leur profit et au profit des leurs.

C’est là encore une erreur que les développements ultérieurs de notre étude rendront apparente et certaine. Le collectivisme n’a nul désir de revenir aux formes corporatives ou serviles de jadis : lui seul saura concilier le développement des services publics avec leur autonomie la plus large et la plus indépendante.

 

 

II.

Le collectivisme est un aboutissement : il est le résultat d’une évolution qui se poursuit depuis longtemps et qui s’affirme autour de nous avec une rare énergie. La tendance collectiviste, opposée à la tendance individualiste, domine tout le développement économique contemporain et elle se manifeste, d’une manière indubitable et précise, pour tout homme impartial qui consent à examiner les événements et à les comprendre.

Trois phénomènes bien nets et bien décisifs en témoignent autour de nous avec une force et une persistance qu’il serait puéril de nier : la concentration des grandes industries entre les mains de quelques individualités de moins en moins nombreuses, l’extension de la coopération de consommation et de production, le développement continu et grandissant des services publics.

 

Le premier de ces phénomènes, qui aboutissent tous à remettre la gestion des biens de ce monde à des collectivités de plus en plus vastes et de plus en plus disciplinées, n’est plus contesté que par des gens intéressés au maintien de l’organisation individualiste.

Il suffit de signaler l’existence de grands magasins, qui ont arraché leur clientèle aux magasins modestes et patriarcaux ; il suffit de signaler les linières, fatales aux tisserands à domicile ; il suffit de signaler les énormes distilleries, enrichies au détriment des bouilleurs de cru.

Mais ce n’est encore là que de la concentration locale en quelque sorte. Il est des concentrations nationales et mondiales, bien autrement puissantes et exemplatives. Elles prouvent d’une manière péremptoire que ce désir instinctif des masses ouvrières d’aboutir à l’organisation internationale du travail, n’est pas une vaine et mensongère utopie.

Parmi les concentrations nationales, il faut citer le trust du papier en Belgique, qui a englobé en une seule coalition tous les fabricants du pays ; il faut citer aussi le trust des charbonniers en Westphalie, qui est parvenu à limiter la production au grand détriment du public qui paie la houille à un prix plus élevé, et au grand dommage du prolétariat qui se trouve privé d’une partie de ses moyens de subsistance ; il faut citer encore l’industrie électrique qui n’est plus représentée dans l’Amérique du Nord que par deux gigantesques compagnies dont la fusion est prévue et prochaine.

Quant aux industries qui ont l’humanité entière pour tributaire et pour clientèle, il en est deux qui sont suffisamment connues pour que nous que nous puissions nous contenter de les nommer : celle de la soude et celle du pétrole.