Le dialogue social au Luxembourg - Franz Clément - E-Book

Le dialogue social au Luxembourg E-Book

Franz Clément

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Beschreibung

L’ouvrage emmène le lecteur à la découverte des grandes composantes du dialogue social au Luxembourg. Ce pays, longtemps considéré comme un modèle dans le champ des relations professionnelles, souffre depuis quelques années d’une réelle crise institutionnelle en la matière.

Conçu comme un manuel didactique et utilement documenté, l’ouvrage y décrit les grands acteurs du dialogue social luxembourgeois, les institutions dans lesquelles ils œuvrent ainsi que les mécanismes sociaux parfois complexes dans lesquels ils évoluent.

La dimension internationale du Luxembourg accueillant près de 200.000 travailleurs frontaliers est largement prise en compte à travers tout l’ouvrage.

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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.larcier.com

© Lefebvre Sarrut Belgium SA, 2020

Larcier Luxembourg. Une marque éditée par Lefebvre Sarrut Belgium SA c/o DBIT SA7, rue des Trois Cantons - L-8399 Windhof

EAN 978-2-87998-578-7

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour ELS Belgium. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

Préface

Chers lecteurs,

Je tiens à féliciter l’auteur de cette œuvre qui a réussi à donner un aperçu complet sur le modèle luxembourgeois du dialogue social avec ses acteurs essentiels, son histoire parfois mouvementée et les défis nombreux à venir.

Dans un monde du travail qui se trouve actuellement en pleine mutation, le dialogue entre partenaires sociaux me parait d’une importance primordiale. Les entreprises et leurs salariés font face chaque jour aux défis de la digitalisation de leur production et de leurs emplois.

En tant que ministre du travail, ma tâche primaire est de trouver des réponses adéquates à tous les défis qui s’imposent. Je reste convaincu que les responsables politiques n’arriveront jamais à résoudre les crises et problèmes sans se concerter avec tous les partenaires concernés. Même si toutes les décisions ne peuvent pas toujours être prises dans le consensus de toutes les parties prenantes, le maintien du dialogue reste ma priorité.

J’ai souligné à maintes reprises que le modèle tripartite, qui est depuis de longue date considéré comme LE modèle luxembourgeois, reste pour moi malgré les discussions récentes le modèle le plus efficace.

Juste après mon arrivée au Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, j’ai pu accompagner de près le processus des élections sociales, aussi bien pour les membres de la Chambre des salariés que pour les délégués du personnel dans les entreprises. Une représentation adéquate des intérêts de tous les salariés reste à mon avis également un élément-clé pour pouvoir garantir les droits des salariés.

C’est grâce à une forte culture du dialogue que notre pays n’a pas été secoué par des mouvements de grèves importants. Les conflits sociaux qui certes existent dans certains secteurs ont toujours été résolus dans le dialogue. Voilà pourquoi je reste convaincu que le modèle luxembourgeois est un modèle à défendre.

Dan KERSCH, Ministre du travail, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire du Grand-Duché de Luxembourg

Remerciements

Plusieurs personnes nous ont apporté une aide dans la réalisation du présent ouvrage, à titres divers, avec des apports différenciés.

Nous ne saurions les mentionner toutes, mais nous tenons à adresser nos remerciements particuliers à trois d’entre elles.

Nos remerciements vont d’abord à Monsieur Dan KERSCH, Ministre du travail, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire du Grand-Duché de Luxembourg.

Nos derniers remerciements s’adressent à Monsieur Gary TUNSCH, Inspecteur principal premier en rang et à Madame Nadine WELTER, premier Conseiller de gouvernement, tous deux œuvrant au sein du Ministère du travail, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire du Grand-Duché de Luxembourg.

Liste des principales abréviations

AAT

Association des agents techniques de l’État ;

ABBL

Association des banques et banquiers Luxembourg ;

ACA

Association des compagnies d’assurances ;

ACGE

Association des concierges, garçons de bureau et de salle auprès de l’État ;

ADEM

Administration de l’emploi / Agence pour le développement de l’emploi ;

ADEPT

Association des employés publics des P&T ;

AEE

Association des employés de l’État ;

AGC

Association générale des cadres ;

AFUC

Association des universitaires au service des communes ;

ALEBA

Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance ;

ALEBA-UEP

Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance – union des employés privés ;

ALIN

Association luxembourgeoise des instructeurs de natation ;

APA

Association du personnel administratif ;

APAT

Association patronale transfrontalière ;

APBCEE

Association du personnel de la Banque et caisse d’Épargne de l’État Luxembourg ;

APCE

Association professionnelle des cantonniers de l’État ;

APFP

Association professionnelle de la fonction publique ;

APSES

Association des professions socio-éducatives et de la santé ;

ARBED

Aciéries réunies de Belvaux, Esch et Dudelange ;

ARC

Association des receveurs communaux ;

ASAM

Association des agents municipaux ;

ASBL

Association sans but lucratif ;

ASC

Association des secrétaires communaux ;

ATC

Association des fonctionnaires et employés techniques communaux ;

BIT

Bureau international du travail ;

CCILB

Chambre de commerce et d’industrie du Luxembourg belge ;

CECA

Communauté européenne du charbon et de l’acier ;

CEE

Communauté économique européenne ;

CEPS/INSTEAD

Centre d’études de populations, de pauvreté et de politiques socio-économiques / international network for studies in technology, environment, alternatives, development ;

CES

Conseil économique et social ;

CESGR

Comité économique et social de la Grande Région ;

CFDT

Confédération française démocratique du travail ;

CFL

Société nationale des chemins de fer luxembourgeois ;

CFTC

Confédération française des travailleurs chrétiens ;

CGFP

Confédération générale de la fonction publique ;

CGSLB

Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique ;

CGT

Confédération générale du travail ;

CGT-L

Confédération générale du travail – Luxembourg ;

CLC

Confédération luxembourgeoise du commerce ;

CNAP

Caisse nationale d’assurance-pension ;

CNE

Conseil national des étrangers ;

CNS

Caisse nationale de santé ;

CPTE

Comité permanent du travail et de l’emploi ;

CRD EURES Luxembourg

Centre de ressources et de documentation EURES Luxembourg ;

CSC

Confédération syndicale chrétienne ;

CSL

Chambre des salariés du Luxembourg ;

EaSI

EU Programme for Employment and social Innovation ;

EEE

Espace économique européen ;

EURES

European employment services ;

FEDIL

Fédération des industriels luxembourgeois / Business Federation Luxembourg / The Voice of Luxembourg’s Industry ;

FEP

Fédération des employés privés ;

FEP-FIT et Cadres

Fédération des employés privés – fédération indépendante des travailleurs et cadres ;

FGEC

Fédération générale des expéditionnaires et chargés techniques de l’État ;

FGFC

Fédération générale de la fonction communale ;

FGTB

Fédération générale du travail de Belgique ;

FLA

Fräie Lëtzebuerger Arbechterverband ;

FLB

Association des agriculteurs indépendants ;

FNCTTFEL

Fédération Nationale des Cheminots et Travailleurs du Transport, Fonctionnaires et Employés Luxembourgeois ;

FO

Force ouvrière ;

IRS

Interrégionale syndicale des 3 frontières ;

LACA

Luxembourg approach controllers association ;

LAV

Lëtzebuerger Arbechterverband ;

LBMIAV

Luxemburger Berg- und Metallindustriearbeiterverband ;

LCGB

Lëtzebuerger Chrëschtleche Gewerkschafts-Bond ;

L.I.R

Loi sur l’impôt sur le revenu ;

LISER

Luxembourg Institute of Socio-Economic Research ;

MEDEF

Mouvement des entreprises de France ;

NGL-SNEP

Neutral Gewerkschaft Lëtzebuerg – Syndicat national des employés privés ;

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques ;

OGB-L

Onofhängege Gewerkschaftsbond Lëtzebuerg ;

OIT

Organisation internationale du travail ;

OLAI

Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration ;

ONU

Organisation des Nations unies ;

OPC

Organismes de placement collectif ;

ORPE

Observatoire des relations professionnelles et de l’emploi (devenu ensuite l’Observatoire national des relations de travail et de l’emploi) ;

OTAN

Organisation du traité de l’Atlantique nord ;

PAN

Plan d’action national en faveur de l’emploi ;

PED

Pôle européen de développement ;

PIB

Produit intérieur brut ;

RETEL

Réseau d’étude sur le marché du travail et de l’emploi ;

SICAV

Sociétés d’investissement à capital variable ;

SLO

Syndicat du personnel d’enseignement logopédique ;

SNE

Syndicat national des enseignants ;

SNPGL

Syndicat national de la police grand-ducale Luxembourg ;

SPAL

Syndicat professionnel de l’armée luxembourgeoise ;

STATEC

Service central de la statistique et des études économiques ;

SYPROLUX

Les cheminots chrétiens ;

TICE

Syndicat des tramways intercommunaux dans le canton d’Esch ;

UEL

Union des entreprises luxembourgeoises ;

UEBL

Union économique belgo-luxembourgeoise ;

UGDA-AEEMUGDA

Union Grand-Duc Adolphe – Association des Enseignants de l’École de Musique de l’Union Grand-Duc Adolphe.

Prolégomènes

Le Grand-Duché de Luxembourg est un pays certes petit, mais dont le rayonnement à travers le monde est indéniable. Pensons simplement à son rôle moteur dans l’intégration européenne, à l’exportation récente encore de ses produits sidérurgiques de haute qualité, au développement de sa place financière internationale, aux dirigeants politiques fournis à l’Europe et aux institutions internationales qu’il accueille sur son territoire, notamment.

Néanmoins, certains de ses aspects ne sont pas toujours connus ou maîtrisés comme il le faudrait, à l’extérieur de ses frontières essentiellement. Il en va ainsi du dialogue social. Si celui-ci fait l’objet d’une connaissance certaine et évidente à l’intérieur du pays, la petite taille de ce dernier ne le rend pas forcément très visible au niveau des relations professionnelles à des niveaux supranationaux. De plus, en son sein, le dialogue social a récemment connu une période de changements, voire de crise réelle après avoir longtemps fait l’objet d’une sorte de sacralisation.

Certes, la prospérité économique de ce pays en fait un véritable havre de paix sociale. Mais d’autres raisons encore contribuent à en faire un îlot de prospérité et de paix intérieure. Les liens de proximité entre élites dirigeantes, les relations interpersonnelles, les judicieux choix politiques des dernières décennies ont indéniablement rendu plus faciles les possibilités de nouer des relations politiques et sociales harmonieuses au sein du pays.

Le Grand-Duché a toutes les caractéristiques d’une démocratie consociative au sein de laquelle les acteurs de tous bords savent faire front et cause commune pour réagir à des menaces éventuelles, surtout de nature économique, pour la solution desquelles les problèmes sont traités avec intelligence, doigté, sans débordements, avec réflexion et sens pratique.

La mondialisation semble avoir toutefois apporté récemment un bémol à la bonne tenue et à la qualité de ce dialogue social, souvent idéalisé. Depuis le début de la décennie 2010, les choses ne sont plus aussi simples qu’avant, les accords ne sont plus aussi faciles à trouver entre représentants des pouvoirs publics, des organisations syndicales et patronales. L’arrivée d’un grand nombre d’entreprises de nationalités étrangères, non accoutumées aux habitudes du dialogue social national, ainsi que l’arrivée massive depuis le milieu des années 1980 de travailleurs frontaliers et étrangers ont entraîné divers changements évidents.

Notre ouvrage a pour but de faire le point sur l’état actuel du dialogue social luxembourgeois en présentant quels en sont les acteurs, les institutions dans lesquelles ceux-ci se rencontrent et les procédures par lesquelles ils agissent et même codécident.

Nous entamerons notre propos par une inévitable introduction faisant mention de données générales sur le Grand-Duché de Luxembourg. Nous passerons en revue divers éléments relatifs à sa géographie, son histoire, ses institutions politiques et son économie. Nous avons ensuite subdivisé notre ouvrage en trois parties distinctes.

La première partie est davantage générale que les autres. Elle plante en quelque sorte le décor en montrant quels sont les grands acteurs du dialogue social luxembourgeois. On découvrira ceux-ci dans une perspective historique, tout d’abord. Il sera aussi nécessaire de se poser la question de savoir si ces acteurs ont pu, entre eux, au fil du temps, bâtir un modèle original de dialogue social. Mais il s’agira surtout de passer en revue et de détailler quelles sont les conditions de base d’un fonctionnement du dialogue social à travers des principes démocratiques et légaux évidents qui seront mises en exergue.

La deuxième partie sera cette fois consacrée aux institutions du dialogue social dans lesquelles les acteurs précédemment présentés trouvent à se rencontrer et à agir. Nous ferons apparaître les grandes institutions dites « tripartites » du dialogue social luxembourgeois en faisant mention de leurs rôles et spécificités. Nous établirons un focus sur deux institutions qui, jusqu’à ce jour, ont pu être considérées comme les institutions majeures du dialogue social national : le Conseil économique et social ainsi que le Comité de coordination tripartite. Cette seconde partie fera mention toutefois de crises récentes survenues au sein de ces institutions.

La troisième et dernière partie sera consacrée aux spécificités que le Luxembourg détient en propre et qui ont des conséquences sur le dialogue national. Nous parlerons en effet des chambres professionnelles, et de l’une d’elles en particulier : la Chambre des salariés du Luxembourg (CSL). Nous aborderons aussi le contexte transfrontalier et internationalisé du marché du travail luxembourgeois qui entraîne des originalités sur le plan du dialogue social.

Avant de laisser le lecteur parcourir les pages qui s’offrent à lui, nous souhaitons effectuer trois mises en garde.

Premièrement, nous allons parler ici de « dialogue social ». Nous aurions pu utiliser aussi l’expression « relations professionnelles » ou encore « relations industrielles ». Les diverses acceptions trouvent à se recouvrir et à entretenir entre elles de larges réalités communes. Nous avons toutefois privilégié « dialogue social » aux deux autres car cette expression se rapporte davantage à la sociologie du travail en langue française. Les auteurs et chercheurs anglo-saxons s’occupant du sujet privilégieront quant à eux les « relations industrielles » (« industrial relations » en anglais). Le « dialogue social » recouvre de façon plus particulière ce qui favorise la compréhension et l’entente entre les diverses composantes d’une société donnée. Pour l’Organisation internationale du travail (OIT), le dialogue social trouve à inclure les formes de négociation, de consultation ou même de simple échange d’informations entre représentants des gouvernements, des organisations d’employeurs et des syndicats de travailleurs sur des questions d’intérêt commun liées globalement à la politique économique et sociale menée dans un État donné. On le constatera dans les pages qui suivent, c’est bel et bien en ce sens que nous avancerons et mettrons en exergue la présentation de nos chapitres et propos. L’expression « relations industrielles », quant à elle est plus large en ce sens qu’elle étudie les différents phénomènes présents dans le monde global du travail comme les relations de travail, la gestion des ressources humaines, ou encore les politiques publiques de l’emploi, de la santé et même de la sécurité au travail.

Ensuite, nous allons parler ici de « dialogue social », d’acteurs, d’institutions et de procédures en relation avec celui-ci. Notre expérience professionnelle menée depuis plus de 23 ans dans le domaine nous a conduits, pour un pays comme le Luxembourg, à établir trois niveaux possibles de dialogue social. Le premier que nous qualifierons de « micro » concerne les relations de travail en entreprises, là où un dialogue social de base trouve à naître, essentiellement sous l’effet de l’action des délégations du personnel dans les entreprises et de la conclusion de conventions collectives de travail propres à ces entreprises. Le niveau que nous qualifions de « méso » concerne la conclusion des conventions collectives de travail au niveau de la branche ou du secteur d’activité économique. Le troisième niveau pouvant être qualifié de « macro » est constitué quant à lui d’un certain nombre d’institutions à composition tripartite qui entretiennent entre elles d’étroits liens et dont les interactions débouchent sur plusieurs activités dans le pays. C’est donc essentiellement au niveau « macro » que nous allons nous intéresser dans le présent ouvrage, même si à l’un ou l’autre moment, il apparaîtra nécessaire de faire référence à des éléments propres aux deux autres niveaux mentionnés.

Troisième et dernière mise en garde. Nous allons dans les pages qui suivent présenter, comme prévu, des acteurs, des institutions et des procédures de dialogue social. Nous allons voir en quoi ces éléments sont actuels. Ceci dit, nous ne ferons pas l’économie de leur histoire. Là où il nous a paru nécessaire de le faire, nous mettrons en exergue quelques éléments anciens, voire historiques, montrant comment les éléments présentés sont nés, comment ils ont trouvé à évoluer au cours du temps, notamment sur le plan législatif.

On peut être en droit également de se poser la question de savoir à qui le présent ouvrage s’adresse. Publié dans la collection « Vademecum » des Éditions Larcier, il y a dans les pages à lire d’inévitables aspects pratiques. Le livre pourra donc convenir à des étudiants en sociologie du travail, en sociologie des organisations, en sciences politiques, en droit, mais aussi en affaires économiques, désireux d’en savoir davantage sur un système institutionnel ayant des aspects pesant inévitablement sur des agrégats socio-économiques plus larges. Les personnes œuvrant au sein d’organisations syndicales et patronales trouveront aussi dans ces quelques pages certaines informations susceptibles de les intéresser, de même d’ailleurs que des responsables d’entreprises s’établissant au Luxembourg et désireux d’en savoir davantage sur le système de dialogue social en place dans le pays où leurs entreprises sont implantées.

Franz Clément

Docteur en sociologie

Chercheur au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER)

Esch-sur-Alzette, le 31 janvier 2020.

Introduction

QUELQUES DONNÉES CONTEXTUELLESSUR LE GRAND-DUCHÉDE LUXEMBOURG

Nous allons communiquer ici quelques données générales destinées à présenter au lecteur les principales caractéristiques générales du Grand-Duché de Luxembourg.1

Section 1

DONNÉES GÉOGRAPHIQUES GÉNÉRALES

Le Grand-Duché de Luxembourg est situé entre la Belgique, la France et l’Allemagne. Le pays couvre un territoire de 2 586 km2 qui s’étend, du nord au sud, sur une distance maximale de 82 km. La largeur maximale, d’est à en ouest, est de 57 km. Sa population totale s’élevait à près de 614 000 habitants au 1er janvier 2019, comme nous le verrons plus loin.

Le pays est partagé en deux régions distinctes. L’Oesling, au nord du pays forme une partie du massif de l’Ardenne et borde la région allemande de l’Eifel. C’est une région boisée qui couvre un tiers du territoire. On y trouve surtout des villages de hauteur. Le plateau de Troisvierges, au nord de l’Oesling, est dominé par des terres arables et contient peu de forêts. Le Gutland ou « Bon pays », au sud et au centre du pays forme le reste (68 %) du territoire. C’est une région vallonnée de campagnes et de forêts et son altitude se situe en moyenne à 215 mètres. À l’est, le Gutland est délimité par la vallée de la Moselle, un des premiers centres d’attraction du pays, essentiellement grâce à son activité viticole et, au sud-ouest, par une étroite bande formée de « terre rouge » qui compose la région du Bassin minier, siège de l’industrie sidérurgique. La zone de contact Oesling-Gutland constitue l’une des premières régions agricoles du pays grâce à ses sols riches et variés

D’un point de vue administratif, le territoire est divisé en, 12 cantons (Capellen, Esch-sur-Alzette, Luxembourg, Mersch, Clervaux, Diekirch, Redange, Vianden, Wiltz, Echternach, Grevenmacher et Remich), 105 communes et 4 circonscriptions électorales. En ce qui concerne l’administration de la justice, le Grand-Duché est divisé en 2 circonscriptions judiciaires : Luxembourg et Diekirch. Il y a 3 tribunaux de justice de paix : un à Luxembourg, un à Esch-sur-Alzette et le troisième à Diekirch. La Cour supérieure de justice est située à Luxembourg. Elle est composée de la Cour de cassation, de la Cour d’appel et du Parquet général.2

Section 2

DONNÉES HISTORIQUES GÉNÉRALES

L’année 963 marque le début de l’histoire du Luxembourg par un échange entre le comte ardennais Sigefroid et l’abbaye Saint-Maximin de Trèves portant sur le rocher du Bock, aujourd’hui situé dans la ville de Luxembourg. Sur les vestiges d’un « castellum » romain appelé « Lucilinburhuc »3, Sigefroid s’apprête à construire un château, autour duquel, au fil des siècles, une ville forteresse se développe.

L’histoire du Luxembourg est principalement dominée par des souverainetés étrangères. En 1354, le comté de Luxembourg devient duché, et gagne ainsi en prestige. En 1437, la dynastie des Comtes de Luxembourg s’éteint et le flambeau passe aux Habsbourg d’Espagne. En 1443, l’acquisition du Luxembourg par Philippe le Bon de Bourgogne sera déterminante pour son destin : intégré à l’État bourguignon, puis aux Pays-Bas, le Luxembourg sera un intermédiaire entre le royaume de France et l’empire allemand. À la mort du fils de Philippe le Bon, Charles le Téméraire, met fin au règne bourguignon et les principautés du Nord passent aux Habsbourg d’Autriche en 1715 : elles forment une confédération appelée « les Pays-Bas », auxquels le Luxembourg appartiendra jusqu’en 1839. En 1815, le Luxembourg se détache entièrement de son existence antérieure. L’acte de Vienne de cette même année crée en effet un État dont les principaux fondements reposent sur des considérations militaires, diplomatiques et juridiques. Deux souverainetés distinctes sont créées par cet acte : le royaume des Pays-Bas et le Luxembourg en tant qu’État indépendant de la Confédération germanique. Théoriquement, le Congrès de Vienne a fait du Luxembourg un État indépendant, mais Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, le rattache à son royaume. Le Luxembourg devient ainsi en fait la dix-huitième province des Pays-Bas. La période subséquente est caractérisée par l’indépendance graduelle et la naissance d’une identité plus forte du Luxembourg. La révolution belge de 1830 entama une période de trouble qui s’est achevée en 1839 par le traité de Londres. Ce traité a confirmé le statut d’indépendance du Luxembourg, conféré par le Congrès de Vienne, tout en réglant la situation entre la Belgique et les Pays-Bas. C’est à ce moment que le territoire prend sa forme actuelle.

Une grave situation économique débouche sur l’union douanière avec la Prusse par laquelle le Luxembourg devient indirectement membre du Zollverein en 1842. Economiquement, le pays connaît alors une forte croissance : on y découvre des gisements miniers, on construit des chemins de fer pour acheminer le charbon, et l’annexion de la Lorraine à l’Allemagne permet de transformer la Lorraine et le Luxembourg en un grand bassin minier. Les besoins de main-d’œuvre entraînent une forte immigration. Le traité de Londres de 1867 garantit une indépendance perpétuelle à un Luxembourg neutre. En 1918, l’union douanière du Zollverein est dénoncée ; au niveau de la coopération économique, l’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) prend la relève en 1921. Celle-ci est anéantie par l’occupant allemand en 1940, mais dès 1944, l’union du Benelux est conclue par les Gouvernements de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg. La participation du Luxembourg dans le processus de la construction européenne s’inscrit dans la politique étrangère luxembourgeoise, surtout après l’abandon de la neutralité en 1948. Cette même année, le Luxembourg est membre fondateur du pacte de Bruxelles et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). En 1952, la ville devient le siège, provisoire dans un premier temps, de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), et ainsi la première capitale de l’Europe. La CECA sera à la base d’une nouvelle période de croissance, et l’adhésion à la Communauté économique européenne (CEE) le point de départ d’une expansion économique et d’une hausse de l’immigration. Quant à la concertation internationale pour la sécurité et la paix, le Luxembourg fut un des membres fondateurs de l’Organisation des Nations unies (ONU) en signant la Charte de San Francisco en 1945. À partir des années 60, la naissance d’une grande place financière poursuit le processus d’intégration du pays à l’Union européenne et fera de la ville de Luxembourg une des villes les plus cosmopolites d’Europe. Elle permettra aussi au pays de réagir lors de la crise sidérurgique de 1974-1975. Le Luxembourg attire l’attention internationale de par sa place financière, mais c’est grâce à une forte immigration qu’il peut être considéré aussi comme un microcosme de l’Europe. De plus, de par sa petite taille, il a su garder l’image d’un pays serein et à échelle humaine par la faible distance qui sépare les habitants de leurs autorités.

Section 3

DONNÉES POLITIQUES GÉNÉRALES4

Le pouvoir législatif

L’État luxembourgeois est une démocratie représentative, sous la forme d’une monarchie constitutionnelle. Comme dans de nombreux États, la séparation des pouvoirs est souple. De même que dans toute démocratie parlementaire, il existe de nombreux liens entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ; seul le pouvoir judiciaire reste totalement indépendant.

Le pouvoir législatif repose sur l’action conjointe de la Chambre des députés, du Gouvernement et du Conseil d’État. La Chambre des députés, composée de 60 députés élus pour 5 ans au suffrage universel pur et simple et à la proportionnelle, a pour principale fonction de voter les projets de loi. Ses membres possèdent également un droit d'« initiative parlementaire » qui s’exerce par la présentation de « propositions de loi », mais qui demeure modérément utilisé. Le Gouvernement a un droit d’initiative en matière législative appelé « initiative gouvernementale », qui lui permet de présenter des « projets de loi ». Après consultation du Conseil d’État, les projets de loi sont soumis à la Chambre des députés, au sein de laquelle le Gouvernement dispose normalement d’une majorité. Après le vote du parlement, le Grand-Duc exerce ses droits de sanction et de promulgation. La procédure législative est close par la publication du texte de loi dans le recueil officiel de législation appelé « Mémorial », acte par lequel le texte reçoit force obligatoire. Le Conseil d’État est composé de 21 conseillers, formellement nommés et révoqués par le Grand-Duc, suivant les propositions faites alternativement par le Gouvernement, la Chambre des députés et le Conseil d’État. Le Conseil d’État est obligatoirement appelé à émettre son avis sur l’ensemble de la législation, c’est-à-dire sur tous les projets et propositions de loi présentés à la Chambre, et ce préalablement au vote des députés. Son rôle est d’ordre consultatif.

Le pouvoir exécutif

Le Grand-Duc est le chef de l’État. Son statut d’inviolabilité signifie qu’il ne peut être accusé ni poursuivi. L’irresponsabilité politique du Grand-Duc est complète et implique la responsabilité des Ministres. En effet, toute mesure prise par le Grand-Duc dans l’exercice de ses pouvoirs politiques doit être contresignée par un membre du Gouvernement, qui en assume l’entière responsabilité. En outre, tout acte qui nécessite la signature du Grand-Duc doit au préalable avoir été soumis à la délibération du Gouvernement. Formellement, la Constitution accorde au Grand-Duc le droit d’organiser librement son Gouvernement, c’est-à-dire d’en nommer les membres, de créer les ministères et d’attribuer les départements ministériels. Selon le texte constitutionnel, le pouvoir exécutif est donc seul compétent pour pourvoir à sa propre organisation, sans ingérence du pouvoir législatif. Dans la pratique, le Grand-Duc choisit sur base des résultats des élections l’informateur et/ou le formateur du Gouvernement, qui devient en général Premier ministre. Le formateur présente au Grand-Duc l’équipe des membres du Gouvernement. Il s’agit en général de personnalités marquantes, faisant partie des groupes politiques représentés à la Chambre des députés. Le Grand-Duc procède alors à la nomination et à l’assermentation des membres du Gouvernement. Le Gouvernement nommé présente son programme politique devant la Chambre des députés qui, par un vote positif, lui exprime sa confiance. Le Gouvernement dispose ainsi d’une majorité à la Chambre sur laquelle il peut s’appuyer. En vertu de la Constitution, le Grand-Duc a le droit de révoquer à tout moment un membre du Gouvernement, mais, en pratique, la démission d’un Ministre ou du Gouvernement entier est présentée par le Premier ministre. L’actuel Grand-Duc Henri de NASSAU règne depuis le 7 octobre 2000.

Le pouvoir judiciaire

Les Cours et Tribunaux sont chargés par la Constitution d’exercer le pouvoir judiciaire. Ils sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions. Il y a au Luxembourg deux ordres de juridictions : celles relevant de l’ordre judiciaire et celles relevant de l’ordre administratif, auxquelles s’ajoute la Cour constitutionnelle.

Section 4

LA POPULATION DU LUXEMBOURG

Voici un tableau général donnant la ventilation par sexe et par nationalités de la population résidant au Luxembourg de 1981 à 2019 :5

Tableau 1 : La population totale du Luxembourg de 1981 à 2019

Années

Population totale

Luxembourgeois

Étrangers

Proportion d’étrangers (en %)

1981

364 600

268 800

95 800

26,2 %

2001

439 500

277 200

162 300

36,9 %

2011

512 400

291 900

220 500

43,0 %

2019

613 900

322 400

291 500

47,4 %

Section 5

DONNÉES GÉNÉRALES SUR L’EMPLOI ET L’ÉCONOMIE

L’emploi

Pour l’année 2018, les chiffres suivants pouvaient être avancés6 :

Tableau 2 : L’emploi au Luxembourg en 2018

Emploi intérieur total

448 900

Salariés

422 000

Non salariés

27 000

Frontaliers non-résidents

197 000

L’emploi intérieur salarié du Luxembourg, incluant les frontaliers étrangers travaillant au Luxembourg et excluant les fonctionnaires des institutions internationales et les Luxembourgeois à l’étranger, a donc connu un nombre de près de 450 000 personnes en 2018. Il est important d’insister ici sur la situation du travail frontalier dans le pays. Ce type de travail ne cesse de se développer.

Tableau 3 : Les frontaliers au Luxembourg de 2000 à 20187

Années

Belgique

France

Allemagne

2000

24 200

46 500

16 400

2010

37 800

74 100

37 500

2018

46 700

98 200

47 200

Si les années reprises dans le tableau 3 montrent une évolution constante du nombre de travailleurs frontaliers, les données les plus récentes remontant à 2018, font état d’un nombre total de 192 100 travailleurs frontaliers. Parmi ceux-ci, 51,1 % viennent de France, 24,3 % de Belgique et 24,6 % d’Allemagne.

La problématique du travail frontalier a toute son importance, comme nous le verrons dans la troisième partie. À cet effet, il est bon de signaler qu’avec une croissance tendant vers un niveau de 3 % et des gains de productivité de l’ordre de 1,4 %, le besoin de nouveaux travailleurs étrangers au Luxembourg serait en moyenne de 9 700 personnes par an d’ici à 2030.8

La situation sur le marché de l’emploi est quant à elle la suivante sur base de données récentes :9

Le nombre de demandeurs d’emploi résidents disponibles inscrits à l’Agence pour le développement de l’emploi (ADEM) s’établissait à 15 036 unités au 31 octobre 2019. Le taux de chômage, corrigé des variations saisonnières, calculé par l’Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-Duché de Luxembourg (STATEC), s’établissait à 5,3 %.

Le nombre de demandeurs d’emploi non-résidents disponibles inscrits à l’ADEM était de 2378 unités au 31 octobre 2019, soit une baisse de 8,5 % par rapport au mois d’octobre de l’année précédente.

L’industrie

La prospérité actuelle du Luxembourg est issue d’une histoire d’industrialisation, de diversification industrielle et de désindustrialisation. À tour de rôle, ces trois processus ont contribué à la richesse du pays. Les débuts de l’industrie luxembourgeoise sont dominés, vers le milieu du XIXe siècle, par la sidérurgie. Cette prédominance persistait jusqu’au choc pétrolier vers 1974-1975, qui a transformé les habitudes industrielles du Luxembourg et a encouragé une économie de services. La désindustrialisation est accélérée, en outre, par les besoins d’externaliser des services, ce qui implique le déplacement de certaines de ces activités vers des entreprises spécialisées du tertiaire. La diversification industrielle semble s’imposer enfin en tant qu’objectif permanent de politique économique. Ces deux phénomènes, la désindustrialisation et la diversification industrielle, ont déclenché un deuxième pôle industriel, qui comprend l’industrie de la chimie, du caoutchouc et des matières plastiques.

La diversification industrielle s’est exprimée à partir de 198010 par la création de la Société nationale de crédit et d’investissement, établissement bancaire de droit public spécialisé dans le financement des entreprises luxembourgeoises, par la création encore de zones industrielles et d’une centaine de nouvelles entreprises. Ceci a eu comme conséquence une baisse de la part de la sidérurgie et une hausse de celle des autres industries sur le plan du produit intérieur brut (PIB) luxembourgeois. En 2002, l’ARBED (Aciéries réunies de Burbach, Eich, Dudelange) a fusionné avec deux très importants autres groupes sidérurgiques, à savoir Usinor et Aceralia, de manière à devenir Arcelor, réel leader de la production mondiale de l’acier. La fusion d’Arcelor avec Mittal Steel en 2006 a donné naissance au groupe Arcelor Mittal par la suite. À partir de 2004, le gouvernement a mis en place une nouvelle politique de diversification économique dans une optique de spécialisation multisectorielle.

Le secteur financier

Le Luxembourg s’est définitivement positionné sur le plan international par son savoir-faire financier avec le lancement du marché des euro-obligations dans les années 1960. La diversification ultérieure, notamment en matière d’obligations extérieures, d’obligations de réserves monétaires ou de dépôts auprès des banques centrales en Allemagne et en Suisse, s’est avérée primordiale pour l’ambition financière du pays. Dans la première décennie des années 2000, l’institut de recherche américain The Heritage Foundation a attribué au Luxembourg, dans une étude faite en collaboration avec le Wall Street Journal, la quatrième position au monde et la première en Europe pour ce qui est des pays à disposer d’une économie ouverte, favorable aux investisseurs. L’activité de conseil en gestion de trésorerie ou de fortune témoigne de l’esprit d’ouverture du Luxembourg quant à l’évolution de la place financière. L’essor réel des organismes de placement collectif (OPC) luxembourgeois date de 1983, quand le Luxembourg adopta une loi accordant aux OPC un statut fiscal propre et créa le régime des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV). Par une législation de 2002, c’est la transposition en droit national de la troisième directive européenne sur les organismes de placement en valeurs mobilières qui a été le fait majeur de la croissance du secteur et qui fait que l’industrie des fonds continue à connaître des perspectives de développement très favorables.

La place financière du Luxembourg est aujourd’hui11