Le Droit du Seigneur - Ligaran - E-Book

Le Droit du Seigneur E-Book

Ligaran

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Extrait : "MATHURIN : Écoutez-moi, monsieur le magister : Vous savez tout, du moins vous avez l'air, De tout savoir ; car vous lisez sans cesse, Dans l'Almanach. D'où vient que ma maîtresse, S'appelle Acanthe, et n'a point d'autre nom ? D'où vient cela ? LE BAILLIF : Plaisante question ! Eh ! que t'importe ? MATHURIN : Oh ! cela me tourmente : J'ai mes raisons. LE BAILLIF : Elle s'appelle Acanthe : C'est un beau nom; il vient du grec Anthos..."

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Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

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Seitenzahl: 62

Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335067422

©Ligaran 2015

Avertissement de Beuchot

Cette pièce fut faite en quinze jours, et était digne de Jodelle. Voltaire y fit des changements, et changea aussi le nom sous lequel il voulait la donner. Ce fut successivement M. Hurtaud, un académicien de Dijon, M. Legouz, M. Picardet, M. Rigardet, Mélin de Saint-Gelais, M. Picardin. C’est sous le nom de Picardet qu’il avait composé une préface qui ne nous est point parvenue.

La censure, ridicule comme elle l’était si souvent, pour ne pas dire toujours, fut scandalisée de l’intitulé le Droit du seigneur, et refusa de l’autoriser. Ce fut sous le titre de l’Écueil du sage que la comédie de Voltaire fut jouée le 18 janvier 1762. Elle était alors en cinq actes. L’auteur la fit imprimer en 1763, dans le tome V de ses Ouvrages dramatiques (faisant la seconde partie du tome X de la Collection complète de ses Œuvres). Une note après l’intitulé est ainsi conçue : « Elle a été jouée à Paris sous le nom de l’Écueil du sage, qui n’était pas son véritable titre. »

Une édition séparée du Droit du seigneur, publiée en 1763, avait été désavouée par l’auteur.

L’année suivante (1764) parut à Vienne, en Autriche, chez Ghelen : l’Écueil du sage, comédie de M. de Voltaire, réduite en trois actes, pour le service de la cour de Vienne, par M. Delaribadière, in-8°. L’acte premier se composait de la scène VI de l’acte deuxième ; venaient ensuite les scènes I, II, III, IV, V, VI et VII de l’acte III, puis le dernier vers de la scène VII dans la variante de la page 54, dernier vers, et la scène VIII, qu’on trouve dans cette même variante, terminait l’acte Ier. Les actes II et III étaient les actes IV et V des variantes.

Voltaire lui-même réduisit aussi sa pièce en trois actes ; mais elle ne fut jouée ainsi qu’après sa mort, le 12 juin 1779.

Lors de sa première apparition, on avait publié une Lettre de M. de R.à M. de S. R, sur la Zulime de M. de Voltaire, et sur l’Écueil du sage du même auteur ; 1762, in-8° de deux feuilles.

Les éditeurs de Kehl avaient donné en variantes les deux derniers actes tels qu’on les trouve dans les premières éditions : par ce moyen, disaient-ils, les lecteurs auront la pièce en trois actes et en cinq. Ici encore je ne pouvais faire mieux que de les suivre.

Personnages

LE MARQUIS DU CARRAGE.

LE CHEVALIER DE GERNANCE.

MÉTAPROSE, baillif.

MATHURIN, fermier.

DIGNANT, ancien domestique.

ACANTHE, élevée chez Dignant.

BERTHE, seconde femme de Dignant.

COLETTE.

CHAMPAGNE.

DOMESTIQUES.

La scène est en Picardie ; et l’action, du temps de Henri II.

Acte premier
Scène I

Mathurin, le baillif.

MATHURIN
Écoutez-moi, monsieur le magister :
Vous savez tout, du moins vous avez l’air
De tout savoir ; car vous lisez sans cesse
Dans l’almanach. D’où vient que ma maîtresse
S’appelle Acanthe, et n’a point d’autre nom ? D’où vient cela ?
LE BAILLIF
Plaisante question !
Eh ! que t’importe ?
MATHURIN
Oh ! cela me tourmente :
J’ai mes raisons.
LE BAILLIF
Elle s’appelle Acanthe :
C’est un beau nom ; il vient du grec Anthos,
Que les Latins ont depuis nommé Flos.
Flos se traduit par Fleur ; et ta future
Est une fleur que la belle nature,
Pour la cueillir façonna de sa main :
Elle fera l’honneur de ton jardin.
Qu’importe un nom ? Chaque père, à sa guise,
Donne des noms aux enfants qu’on baptise.
Acanthe a pris son nom de son parrain,
Comme le tien te nomma Mathurin.
MATHURIN
Acanthe vient du grec ?
LE BAILLIF
Chose certaine.
MATHURIN
Et Mathurin, d’où vient-il ?
LE BAILLIF
Ah ! qu’il vienne
De Picardie ou d’Artois, un savant
À ces noms-là s’arrête rarement.
Tu n’as point de nom, toi ; ce n’est qu’aux belles
D’en avoir un, car il faut parler d’elles.
MATHURIN
Je ne sais, mais ce nom grec me déplaît.
Maître, je veux qu’on soit ce que l’on est ;
Ma maîtresse est villageoise, et je gage
Que ce nom-là n’est pas de mon village.
Acanthe, soit. Son vieux père Dignant
Semble accorder sa fille en rechignant ;
Et cette fille, avant d’être ma femme,
Paraît aussi rechigner dans son âme.
Oui, cette Acanthe, en un mot, cette fleur,
Si je l’en crois, me fait beaucoup d’honneur
De supporter que Mathurin la cueille.
Elle est hautaine, et dans soi se recueille,
Me parle peu, fait de moi peu de cas ;
Et, quand je parle, elle n’écoute pas :
Et n’eût été Berthe, sa belle-mère,
Qui haut la main régente son vieux père,
Ce mariage, en mon chef résolu,
N’aurait été, je crois, jamais conclu.
LE BAILLIF
Il l’est enfin, et de manière exacte :
Chez ses parents je l’en dresserai l’acte ;
Car si je suis le magister d’ici,
Je suis baillif, je suis notaire aussi ;
Et je suis prêt, dans mes trois caractères,
À te servir dans toutes tes affaires.
Que veux-tu ? dis.
MATHURIN
Je veux qu’incessamment
On me marie.
LE BAILLIF
Ah ! vous êtes pressant.
MATHURIN
Et très pressé… Voyez-vous ? l’âge avance.
J’ai dans ma ferme acquis beaucoup d’aisance ;
J’ai travaillé vingt ans pour vivre heureux ;
Mais l’être seul !… il vaut mieux l’être deux.
Il faut se marier avant qu’on meure.
LE BAILLIF
C’est très bien dit : et quand donc ?
MATHURIN
Tout à l’heure.
LE BAILLIF
Oui ; mais Colette à votre sacrement,
Mons Mathurin, peut mettre empêchement :
Elle vous aime avec quelque tendresse,
Vous et vos biens ; elle eut de vous promesse
De l’épouser.
MATHURIN
Oh bien ! je dépromets.
Je veux pour moi m’arranger désormais ;
Car je suis riche et coq de mon village.
Colette veut m’avoir par mariage,
Et moi je veux du conjugal lien
Pour mon plaisir, et non pas pour le sien,
Je n’aime plus Colette ; c’est Acanthe,
Entendez-vous, qui seule ici me tente.
Entendez-vous, magister trop rétif ?
LE BAILLIF
Oui, j’entends bien : vous êtes trop hâtif ;
Et pour signer vous devriez attendre
Que monseigneur daignât ici se rendre :
Il vient demain ; ne faites rien sans lui.
MATHURIN
C’est pour cela que j’épouse aujourd’hui.
LE BAILLIF
Comment ?
MATHURIN
Eh oui : ma tête est peu savante ;
Mais on connaît la coutume impudente
De nos seigneurs de ce canton picard.
C’est bien assez qu’à nos biens on ait part,
Sans en avoir encore à nos épouses.
Des Mathurins les têtes sont jalouses :
J’aimerais mieux demeurer vieux garçon
Que d’être époux avec cette façon.
Le vilain droit !
LE BAILLIF
Mais il est fort honnête :
Il est permis de parler tête à tête
À sa sujette, afin de la tourner
À son devoir, et de l’endoctriner.
MATHURIN
Je n’aime point qu’un jeune homme endoctrine
Cette disciple à qui je me destine ;
Cela me fâche.
LE BAILLIF
Acanthe a trop d’honneur
Pour te fâcher : c’est le droit du seigneur ;
Et c’est à nous, en personnes discrètes,
À nous soumettre aux lois qu’on nous a faites.
MATHURIN
D’où vient ce droit ?
LE BAILLIF
Ah ! depuis bien longtemps
C’est établi… ça vient du droit des gens.
MATHURIN
Mais sur ce pied, dans toutes les familles,
Chacun pourrait endoctriner les filles.
LE BAILLIF
Oh ! point du tout… c’est une invention
Qu’on inventa pour les gens d’un grand nom.
Car, vois-tu bien, autrefois les ancêtres
De monseigneur s’étaient rendus les maîtres
De nos aïeux, régnaient sur nos hameaux.
MATHURIN
Ouais ! nos aïeux étaient donc de grands sots !
LE BAILLIF
Pas plus que toi. Les seigneurs du village
Devaient avoir un droit de vasselage.
MATHURIN
Pourquoi cela ? Sommes-nous pas pétris