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"Le grain de l’histoire" se dévoile tel un voyage introspectif à travers les âges, tissant avec finesse les trames historiques et fictives pour interroger les mystères de la vie. Portée par un souffle existentialiste, cette œuvre nous plonge au cœur des époques, et, en éclairant le passé, elle éclaire d’un jour nouveau les dilemmes de notre société contemporaine. À l’aube du XXIᵉ siècle, peut-on saisir les vérités profondes de notre présent sans revisiter les énigmes qui jalonnent notre histoire ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Maxime Valery Muller, passionné d’histoire, propose dans cet ouvrage une réflexion existentielle et intellectuelle, aboutissement de nombreuses années de maturation. Inspiré par des figures majeures comme Albert Camus, André Malraux, Raymond Aron et Milan Kundera, cet essai offre un regard contemporain sur l’existentialisme, éclairant les dilemmes de notre époque.
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Seitenzahl: 85
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Maxime Valery Muller
Le grain de l’histoire
Essai
© Lys Bleu Éditions – Maxime Valery Muller
ISBN : 979-10-422-4886-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Cet essai s’inscrit comme un voyage à travers le temps et l’Histoire de l’humanité ancré constamment au sein d’une approche géopolitique et philosophique. Il n’aspire à aucune prétention si ce n’est de tenter, sans jamais y parvenir, de répondre à l’immuable question de la finalité de notre existence. Le récit révèle simplement une réalité, profondément pessimiste, mais implacable, sans jamais tenter d’affirmer la moindre vérité.
Mais quel instant inoubliable que celui où je me retrouvai dans mon enfer, enfin seul, et cependant en cette précieuse compagnie.
Stefan Zweig
Nous étions 17 passagers pour ce voyage inédit. 17 expatriés qui avaient voulu goûter à l’ivresse de l’Orient. Et, incontestablement, nous étions aux premières loges suite à cet audacieux enlèvement. Nous prîmes nos quartiers dans une pièce exiguë, une vingtaine de mètres carrés. Parsemé de futons, cet appartement improvisé me donnait l’impression d’un véritable voyage culturel : j’avais la sensation d’être un immigré clandestin à la veille de sa traversée pour rejoindre une vie meilleure. Je compris que mes déambulations philosophiques allaient parcourir ces prochaines semaines.
Je passais des semaines enfermées au sein de cette pièce avec tous ces conformistes qui gémissaient perpétuellement. J’observais le plafond, les poings serrés, en espérant qu’un de nos geôliers viennent réduire ce son intempestif en raflant quelques-uns par-ci par-là pour les emmener se promener le long de leurs lames acérées. Quel enfer de supporter du matin au soir ces atermoiements. « Vais-je m’en sortir ? » question immuable qui raisonnait au fil des journées.
J’avais l’aspiration, tel un tribun de la plèbe, de gravir une chaise et de haranguer tout ce bas monde en le convaincant qu’il fallait lâcher prise, que la mort acceptée il n’aurait pour seule alternative que d’affronter la réalité et de jouir de cette liberté conquise.
Plus les jours passaient, plus j’avais la sensation de m’épanouir dans cette prison, de prendre goût à tout cela.
À chaque repas amené, je suppliais implicitement des yeux notre gardien afin qu’il daigne dégainer un regard sur moi et décide de m’achever. Je ne ressentais aucunement l’envie de quitter ce monde, je voulais frôler la mort tout simplement.
Un matin, observant le ciel à la petite fenêtre de notre abri de fortune, j’entendis un vacarme inhabituel. Quelque chose se tramait. Un événement pointait enfin à l’horizon. Les djihadistes s’étaient endimanchés. La porte s’ouvrit et le fanatique posté à l’entrée jeta un regard comme s’il cherchait un cochon à égorger le jour du ramadan. Je me levai soudainement et le dévisageai avec une haine feintée dans le regard. Je simulai cette colère aussi bien que je le pouvais. Il me choisit alors et m’amena rejoindre son collège de combattants islamistes. Il fut presque surpris de ne devoir recourir à la violence pour m’emmener. Il est vrai que je le suivais à une allure tout à fait convenable. L’ayant déjà entendu parler français en nous apportant nos rations journalières (« Tenez », « Mangez », « Allez »), j’osai tout à coup, presque naturellement, rompre le silence tout en le suivant : « Vous êtes Français ? » Au ton de ma voix, presque détaché, il eut l’air étonné. Je compris alors que, par respect, j’aurais dû me mettre dans la posture d’un prisonnier apeuré et me plonger avec bien plus de volontarisme dans le contexte. C’était de ma faute. Je m’en voulais d’avoir gâché cet instant. Cependant, j’insistai avec plus de ferveur : « De quel coin venez-vous ? » À ces mots, il me fit subitement signe de pénétrer dans une pièce obscure et m’ordonna de m’asseoir sur un tabouret. Je ne compris pas la pertinence de cette violence verbale : je n’ambitionnais que de suivre le protocole sans faire de vague après tout. Qui étais-je donc pour contrecarrer un processus d’exécution minutieusement préparé ? Là, il me demanda si son nom était connu des médias en France. Je lui répondis avec sincérité qu’il m’était inconnu et que, dans tous les cas, les médias ne révélaient jamais l’identité des terroristes afin d’éviter toute mythification de leurs actes. Je compris alors que je n’avais pas mis les formes : je m’en voulais une nouvelle fois de lui avoir gâché ses rêves de postérité. Je me sentais égoïste de n’avoir pas pu pressentir l’impact que mes mots allaient provoquer sur mon interlocuteur. Il était jeune, sans doute la vingtaine. Je n’avais nul droit de lui briser ses rêves et son insouciance. Je lui lançai alors : « Je suis désolé… » avec un sourire gêné. Cette once de compassion nous stupéfia mutuellement. Moi-même, j’ignorais détenir cette valeur humaine. Tel un imprésario, j’ambitionnais d’aider ce jeune garçon dans la fleur de l’âge à accéder à la célébrité. Je le sentais perdu, plongé dans un marasme spirituel exacerbé. Je lui demandai alors s’il aspirait à se confier à moi. Il s’exécuta. Il me racontait alors son enfance et ses années d’errance en banlieue parisienne, sa rencontre fortuite avec un imam qui lui avait conféré cette foi insoupçonnée, son endoctrinement progressif et sa radicalisation. Au fil des exactions, des meurtres de femmes, d’enfants, il se sentait aujourd’hui désabusé, trompé par ceux qu’il considérait comme ses pères spirituels. Il ne disposait d’aucune alternative pour sortir vivant de ce bourbier. J’essayais tant bien que mal de le rassurer en lui expliquant que de se tromper sur sa vocation professionnelle pouvait arriver et qu’une réorientation de carrière était encore possible à son âge. Je sentais que mes mots acquéraient, au fil de mes paroles, une force de conviction que je n’avais encore jamais soupçonnée posséder en moi. J’écoutais ses doutes et distillais des conseils, des réflexions, non pas dans mon intérêt propre, mais afin de trouver objectivement une solution à son impasse. Il pouvait se rendre en nous libérant tous et affirmer avec force son désir de repentir après tout. Libérer 17 prisonniers, occidentaux de surcroît, cela ne manquerait pas d’un certain panache sur les chaînes d’information. Qui sait, la Légion d’honneur lui serait peut-être même octroyée. 17 prisonniers, que dis-je, plus que 14. En effet, 3 unités devaient d’ores et déjà être décomptées après ces trois mois de captivité. L’idée ne lui paraissait pas inenvisageable. Je proposais alors mes services en tant que porte-parole. J’ambitionnais de devenir le Spin Doctor de sa repentance spirituelle devant les médias hexagonaux. Après près d’une heure d’échange, il me ramena à ma prison dorée et s’empara subitement d’un homme qui le supplia vainement de l’épargner. Je ne comprenais pas ce qui venait de se passer. M’avait-il épargné ? Quelques minutes plus tard, des cris en arabe émergèrent alors que le condamné poursuivait son requiem. Et puis plus rien.
Les jours qui suivirent furent un véritable supplice. Mes nuits étaient saccadées par les pleurs, les respirations de désespoir et questionnements existentiels continuels de mes voisins temporaires de chambrée : « Mourir ou ne pas mourir, telle est la question ». Je ne pensais qu’à une chose : revoir le jeune islamiste français afin de parfaire son éducation. Lui prodiguer les conseils qui lui permettraient de s’acheminer vers une sortie honorable. Je m’entraînais en attendant sur mes camarades en les exhortant à garder espoir, leur affirmant que les gouvernements occidentaux travaillaient ardemment à négocier notre libération. Je n’y croyais pourtant guère et n’y aspirais d’autant moins. L’un d’entre eux me questionnait constamment sur ma capacité à garder espoir en une issue positive. Un autre s’inquiétait à voix haute du sort funeste ayant été prodigué à plusieurs membres de notre colonie de vacances. Bref, je m’épuisais à contenir mon exaspération face à ces cadavres vivants déjà putrides qui n’éprouveraient jamais le sentiment de liberté, trop enfermés dans leur peur inexorable de la mort.
Je me plongeais dans mes pensées en observant ma propre situation. J’agissais comme si ce territoire hostile était mien. Tous m’observaient quotidiennement déambuler dans la pièce où nous étions cloîtrés. Insouciant, rien ne pouvait m’atteindre. J’étais hors de tout système, de tout carcan, libéré, insoumis à tout diktat. J’avais tellement eu pour habitude au fil de mon existence, plongé dans l’instant T de notre société occidentale foncièrement carriériste où seule la réussite prime, de passer mes journées happées par une ambition intrinsèquement dévorante. J’avais tant couru après une gloire qui ne serait jamais suffisante. Ici, j’étais libre, face à moi-même, sans avoir une quelconque emprise sur les choses.
La Liberté, écrivait Sartre, se définit par les moments de son existence où un choix probant, tranchant, doit être fait. Un choix auquel on ne peut déroger. Aucune procrastination n’est possible. Il faut choisir. Plongé dans la condition de prisonnier, ignorant si j’allais survivre, je ne m’étais jamais senti aussi libre. C’est peut-être cela la liberté : ne plus rien maîtriser tout en ayant pleinement conscience. Je vivais cette expérience comme une retraite spirituelle contre le stress quotidien. Astreint à un rigoureux régime alimentaire et ne consommant plus mes cafés et cigarettes quotidiennes, je vivais une cure de remise en forme forcée à la seule différence que mes diététiciens portaient des machettes. Le plus simple pour acquérir le bonheur ultime s’avérait donc d’être enlevé et prisonnier sans aucune perspective d’avenir. Tel L’Étranger d’Albert Camus où Meursault abandonne toute perspective d’avenir, de résistance, et attend sa perte s’ancrer irrémédiablement au cœur de son existence comme la mort qui nous emporte tous.