1,49 €
Un grand évêque, saint Aubert, occupait, en 708, le siège épiscopal d’Avranches. Le mont Tumba s’élevait près de là. Aubert, frappé de la poésie grandiose et mystique du lieu, y fit bâtir une petite église en l’honneur de saint Michel. Ce sont les premiers vestiges que l’histoire nous offre de cette célèbre abbaye, que tant de titres recommandent à la religion, à la poésie, à notre culte patriotique pour les origines et les traditions de notre beau pays de France.
Tantôt isolé au sein d’une immense plaine de sable mouvant, tantôt entouré des flots de la mer qui se brisent sur ses flancs, le mont Saint-Michel est encore l’une des curiosités géographiques les plus étranges de l’Europe. Ce lieu semble créé pour toutes les luttes de l’esprit et de la matière, et il n’est pas étonnant qu’il ait été la scène gigantesque de nos luttes nationales avec le plus vieil adversaire de notre gloire: l’Angleterre.
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Veröffentlichungsjahr: 2023
LE
MONT SAINT-MICHEL
SON HISTOIRE ET SA LÉGENDE
Par Mlle Amory de LANGERACK
1893
© 2023 Librorium Editions
ISBN : 9782383839675
LE
MONT SAINT-MICHEL
Un grand évêque, saint Aubert, occupait, en 708, le siège épiscopal d’Avranches. Le mont Tumba s’élevait près de là. Aubert, frappé de la poésie grandiose et mystique du lieu, y fit bâtir une petite église en l’honneur de saint Michel. Ce sont les premiers vestiges que l’histoire nous offre de cette célèbre abbaye, que tant de titres recommandent à la religion, à la poésie, à notre culte patriotique pour les origines et les traditions de notre beau pays de France.
Tantôt isolé au sein d’une immense plaine de sable mouvant, tantôt entouré des flots de la mer qui se brisent sur ses flancs, le mont Saint-Michel est encore l’une des curiosités géographiques les plus étranges de l’Europe. Ce lieu semble créé pour toutes les luttes de l’esprit et de la matière, et il n’est pas étonnant qu’il ait été la scène gigantesque de nos luttes nationales avec le plus vieil adversaire de notre gloire: l’Angleterre.
Il n’y a pas encore si longtemps qu’une majestueuse basilique couronnait la cime de cette montagne, fréquentée dans ce temps-là par des processions de pèlerins, tant nobles que pauvres ou bourgeois, accourus de toutes les contrées de l’Europe pour honorer l’archange protecteur de la France et de sa brillante monarchie. Une hospitalité toute chrétienne attendait le voyageur dans le monastère, où de pieux cénobites, dignes des temps qu’a réveillés si éloquemment M. de Montalembert dans son Histoire des Moines d’Occident, s’étaient renfermés, attirés par la majesté et le silence de cette sainte solitude.
Saint Aubert était né dans le diocèse d’Avranches.
C’était un enfant béni de cette vieille et rustique terre de Normandie. Sorti d’une famille noble et riche, il renonça au monde pour embrasser la sublime égalité de l’Évangile, et distribua ses biens aux pauvres pour ne garder d’autres trésors que ceux que la rouille et les vers ne consument pas. Aussi fut-il bientôt assez riche en vertus et en sainteté pour que Dieu lui octroyât le don des miracles.
Dans son amour de la retraite, cet amour qui a isolé de ce monde presque tous nos saints, parce que Dieu ne parle à l’âme que seul à seule avec elle, saint Aubert avait choisi pour oratoire ce mont Tumba, où les beautés d’une nature sauvage et terrible semblaient appeler les harmonies du ciel autour de la prière. Au milieu des sables de ce désert, il s’est vu longtemps deux petits autels rustiques élevés par ses mains, où, devant son crucifix, il s’appliquait à cette science surnaturelle, la seule nécessaire, la sainteté. Une nuit que le saint évêque était resté là, oubliant le sommeil et la faim dans ses entretiens avec Dieu, il eut une apparition. Un archange, tout radieux de lumière, descendit vers lui sur les nuées. « Je suis Michel, lui dit l’apparition. Cette montagne est sous ma protection. Dieu t’ordonne d’y bâtir un temple. L’honneur qu’on me rendra ici, à la gloire du Seigneur, ne sera pas inférieur à celui qu’on rend aux anges sur le mont Gargan. »
A ces mots, il disparut. Surpris de cette vision, l’évêque en douta cependant, car il est écrit qu’il ne faut pas croire à toutes sortes d’esprits; mais voilà qu’une seconde fois saint Michel se montre à lui, en lui ordonnant d’accomplir ce qui lui avait été commandé. Il diffère encore.
Il arriva pendant ce temps qu’un homme vola le taureau d’un brave villageois du pays. Ce voleur alla cacher sa capture sur le mont Tumba, espérant qu’on cesserait de le chercher, et qu’il pourrait ensuite le vendre avantageusement. Alors, comme saint Aubert tardait toujours, l’archange lui apparut une troisième fois; il lui commanda avec sévérité d’exécuter promptement ses ordres, de fonder l’église sur le terrain foulé par les pieds du taureau volé, et de faire restituer au véritable propriétaire l’animal qu’il cherchait depuis longtemps. Saint Aubert, cette fois, ne méconnut plus le caractère céleste de cette apparition, et il ne quitta ce lieu qu’après avoir accompli les ordres de l’archange. C’est de ce moment que datent les pèlerinages dont cette sainte montagne est l’objet. On voit que ce n’est pas la plus moderne de nos dévotions.
Il arriva un grand événement au mont Saint-Michel vers l’an 990. On vit apparaître une comète qui brilla pendant trois mois, en traînant sur l’horizon sa longue queue lumineuse. On sait ce que la rare apparition de ce météore inspirait de terreur aux populations d’alors. Elle était quelquefois justifiée par les événements. Peu de temps après, l’église fut dévorée par les flammes. Richard II, roi d’Angleterre, la fit rebâtir avec magnificence, et c’est à cette époque que remontent les grosses colonnes cylindriques, la nef assez bien conservée, du reste, et une partie des voûtes qui subsistent encore de nos jours.
Il survint en ce même temps des miracles assez éclatants au mont Saint-Michel. Le premier fut la découverte des reliques de saint Aubert, qui avaient été dérobées, et qu’on trouva sans que personne sût en quel lieu secret avait été déposé ce trésor. Ce fut ensuite une guérison miraculeuse. Deux vieillards étaient malades; toutes les ressources de l’art avaient été épuisées pour eux. L’un d’eux imagina, pour se guérir, une singulière potion; il voulut boire de l’eau où avait été plongée la tête de saint Aubert. Il proposa le même remède à son frère. Celui-ci refusa; il mourut presque aussitôt après, tandis que son compagnon de souffrance, parfaitement guéri, chantait les louanges de Celui qui accorde tout à la foi fervente et soumise.
Un autre prodige n’émut pas moins tout le peuple de l’Avranchin. Un noble seigneur de Bourgogne, étant en pèlerinage à Saint-Michel, emporta une pierre de l’église dont il fit une relique, et sur laquelle il fit bâtir, dans sa châtellenie, une chapelle en l’honneur du saint archange. Au lit de la mort, il recommanda à son épouse et à ses enfants cette chapelle qu’il chérissait. La veuve, ayant oublié la promesse sacrée de son mari, et ses enfants ayant dépensé follement leur patrimoine, leurs biens, ainsi que la chapelle, furent vendus à des étrangers. La malheureuse mère voulut faire un pèlerinage à Saint-Michel; mais en entrant dans l’église, elle se sentit repoussée par une main invisible. Elle voulut essayer une seconde fois, et elle éprouva alors des douleurs si aiguës en tout son corps, qu’elle tomba sans connaissance. Plusieurs religieux vinrent à son secours; ils l’engagèrent à confesser ses fautes. Elle avoua le mépris qu’elle avait fait des dernières volontés de son époux, et promit de réparer ses torts. Les religieux l’accompagnèrent jusque dans l’église; elle ouvrit son cœur au Seigneur, pria l’archange, et sortit toute consolée et la paix dans l’âme.
Le prélat d’Avranches reçut des dons considérables des ducs de Normandie, de Bretagne, des grands seigneurs du pays, et des pèlerins qui venaient en masse et sans discontinuer à la sainte montagne. Plusieurs abbayes y furent construites, tant pour les femmes que pour les hommes. La sainteté des évêques qui gouvernaient l’Avranchin était digne de la réputation de ce saint lieu. Les successeurs de saint Aubert furent tous des hommes remarquables par leur charité, leur bonne vie et leurs belles œuvres.