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Extrait : "OLYMPE : As-tu fini ? ANNA : Quoi ? OLYMPE : Eh bien, de t'allonger les yeux. ANNA, au miroir : Je ne m'allonge pas les yeux, je me fais signe. OLYMPE: Dépêche-toi donc. ANNA, se retournant : C'est fait. Tiens ! tu as changé les brides de ton chapeau? Je n'aime pas beaucoup cette couleur-là. C'est cerise. OLYMPE: Non, c'est ponceau. Pleut-il ? ANNA : Du tout..."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
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Seitenzahl: 146
Veröffentlichungsjahr: 2015
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À M. H. B…, NATURALISTE
Laissez-moi, mon cher ami, vous dédier cette petite étude, dont la frivolité n’est qu’apparente et qui se rattache indirectement à vos travaux. Un matin de cet été, vous me montriez dans les champs mille réseaux diamantés, au centre desquels se tenaient, bigarrées et agiles, de gracieuses araignées épiant les mouches. Mes araignées, à moi, n’habitent pas les champs, ou, du moins, elles les ont quittés pour venir suspendre leurs toiles, encore plus brillantes, au plafond d’or des salles de bal et des salles de concert. Charmantes et dangereuses, vous les reconnaîtrez facilement à leur prestesse, à leurs ruses, à leur persévérance – et à leur cruauté ! L’espèce dont il est question ici portait hier le nom de musardines ; comment les appellera-t-on demain ? Voulez-vous être leur parrain, mon ami ? Dans ce cas, ouvrez vos livres de science et votre drageoir, et songez que votre réponse est attendue avec impatience de Paris tout entier.
(Une chambre de la rue Pigale, au deuxième étage au-dessus de l’entresol. Deux jeunes femmes, Olympe et Anna, s’habillent pour sortir. Il est neuf heures du soir.)
As-tu fini ?
Quoi ?
Eh bien, de t’allonger les yeux.
Je ne m’allonge pas les yeux, je me fais un signe.
Dépêche-toi donc.
C’est fait. Tiens ! tu as changé les brides de ton chapeau ? Je n’aime pas beaucoup cette couleur-là. C’est cerise.
Non, c’est ponceau. Pleut-il ?
Du tout. (Elle se gante.)
Tant pis ! j’ai eu tort de mettre des bottines neuves ; j’aurais dû les garder pour la prochaine averse.
Mon gant déchiré ! Cristi ! cristi ! (Elle frappe du pied.)
Pourquoi les prends-tu à quarante sous ? Il faut mettre trois francs cinquante pour avoir quelque chose de bon.
Ta boîte à ouvrage, où est-elle ?
Sur le guéridon. Moi, je suis prête. Le régisseur peut frapper les trois coups. Une ! deux ! trois ! Oh ! être actrice ! – À propos…
Ta soie casse.
Vois-tu toujours Alphonse ?
Alphonse ? – Là, ça ira comme cela ce soir ; c’est assez bon pour une reprise. – C’est toute une histoire, ma chatte. D’abord, Alphonse est mort.
Pas possible !
Aussi vrai que je mets ce gant. Il paraît qu’il jouait à la Bourse et qu’il a perdu tout ce qu’il avait, et même…
Oui.
Alors, il s’est coupé la gorge, après avoir laissé un petit papier écrit sur sa table. J’ai encore son cache-nez, ici.
Il était bien drôle, tout de même.
Tu trouves ? Je ne lui voyais rien de si étonnant. Toujours des calembours !… Et puis comme il s’habillait !
Oh ! pour cela, c’est vrai. Des cravates vertes, des chapeaux hérissés ! – Nous partons ?
Partons. Le petit chien ?…
Je l’ai enfermé dans le cabinet de toilette.
(À l’hôtel des Concerts de Paris, rue Basse-du-Rempart. La foule commence à arriver. De chaque coupe noir jaillissent, comme d’une boîte à surprise, deux ou trois femmes qui, à peine sur le trottoir, développent autour d’elles des mondes de jupons. Elles entrent par douzaines, par vingtaines, et gravissent l’escalier à double rampe qui mène aux salons. Là, elles se répandent et s’éparpillent, bruyantes, exagérées de couleurs et d’odeurs. On les suit, on se retourne ; les unes rient à belles dents ; quelques autres affectent l’indifférence et même la fierté. Olympe et Anna paraissent.)
Je t’assure que c’est lui ; je l’ai bien reconnu.
Ce petit avec qui nous venons de nous croiser à la porte et qui ne nous a pas fait ses excuses ?
Oui.
T’a-t-il vue ?
Je ne sais pas ; ma voilette était baissée. Cela m’a fait quelque chose…
Il va t’accoster tout à l’heure.
Oh ! non. Je l’ai si mal quitté, il y a trois ans.
Raison de plus.
Bonsoir, mes deux biches. Vous ne savez pas ; je reviens des bains de mer. Quatre toilettes par jour ! J’ai eu bien des arias avec la douane à cause de mes malles, allez. C’est égal, je ne comprends pas comment on peut rester à Paris dans la belle saison. Qu’est-ce que vous avez fait, vous autres ? qu’y a-t-il de nouveau ? Je suis entrée ici par hasard ; si Raoul le savait, ce seraient des scènes…
C’est avec Raoul que tu as été aux eaux ?
Non, avec Édouard. Il m’a présentée au prince de je ne sais plus quoi, un vieux qui ne parle pas deux mots de parisien, et qui m’a passé au doigt, le premier jour, cette bague en brillants. Voyez.
Oui, c’est gentil.
Merci ! gentil ? On t’en donnera, du gentil comme cela, ma belle biche. Va voir si cela se ramasse au Château des Fleurs.
Ah ! mon Dieu ! cela ne vaut pas pourtant les diamants de Nelly.
Tu crois, ma pervenche ? Cela ne vaut peut-être pas mieux non plus que ta broche ? Je vois avec plaisir que tu t’y connais. Ce que c’est que l’habitude de porter ces bibelots, pourtant ! Si j’étais toi, je demanderais une place de vérificateur à la Monnaie. Adieu, mes anges. Bonjour à Nelly. (Elle s’éloigne.)
Que cette femme est commune !
(Sur la terrasse. Madeleine et Rachel, les deux sœurs. Elles sortent du fumoir.)
Un mobilier de soixante mille francs ? à elle ?
C’est Berthe qui me l’a dit.
Et tu donnes là-dedans ? Allons donc ! les Lanciers !
Elle vient ici tous les soirs avec sa bonne.
Un joli genre ! Pourquoi n’amène-t-elle pas aussi son porteur d’eau et son charbonnier ?
(Dans les salons de jeux. On entoure un jeune homme qui s’apprête à lancer la toupie hollandaise ; une femme aux anglaises blondes lui heurte le bras. Par mégarde ou avec intention ?)
Madame, si je perds, cela aura été un peu de votre faute…
Oh ! mille pardons, monsieur ; c’est mon amie qui m’a poussée.
… Et, dans ce cas, c’est à vous que je demanderai une revanche.
Vous serez dans votre droit, monsieur.
Eh bien, tu as de l’aplomb, ma chère.
Tais-toi donc, et vois le beau linge !
Madame, j’ai perdu.
Il fait bien chaud dans ce petit salon…
Voulez-vous que nous nous promenions ? (En sortant, ils rencontrent un monsieur en gilet de velours, qui se met à rire.)
Tiens ! Xavier qui vient d’être levé par Henriette !
(Dans le salon du billard chinois. Une brune de dix-huit ans, Clotilde, se penche sur l’étalage des lots.)
Oh ! comme ces deux porcelaines feraient bien sur mon étagère !
Yes.
C’est du Japon, n’est-ce pas, monsieur ?
No.
J’aurais cru…
Regardez, madame ; c’est d’un très joli travail, pas commun du tout ; vous pouvez examiner. (Il lui met les deux porcelaines dans la main.)
Voyez donc, en effet, milord.
Yes ; ce être vilain.
Mais non, il y a des moutons dessus. (Au marchand.) Combien vendez-vous cela ?
Inioutile.
Dix francs les deux ; vous ne trouverez pas les pareils dans tout Paris.
Oh ! (Il replace les porcelaines à l’étalage, comme si elles lui brûlaient les mains.)
Allons, pour vous, ce sera huit cinquante.
No.
Enveloppez-les-moi. (Elle tire son porte-monnaie et cherche à l’ouvrir ; mais les fermoirs résistent.) Aidez-moi, milord, je vous prie…
Oh ! je ne saouffrirai pas. Je payerai le petite bêtise pour l’étagère de vô. (Au marchand.) Tenez.
C’est encore trois francs cinquante, monsieur.
Yes.
Vous êtes galant, milord…
Yes.
Et je ne sais vraiment comment vous remercier. (Elle prend le bras de l’Anglais.)
Moa, je savais bien… Dites, à quelle… étagère… demeurez-vô ? (Ils s’éloignent.)
(Dans le salon du tourniquet. Toujours la même scène, à quelques variantes près. – Pauline fait un signe à madame Frédéric, et l’emmène à part.)
Qu’est-ce que tu me veux, ma belle frisée ?
Êtes-vous toujours rue de Calais ?
Oui, bichon, à côté des bains. Pourquoi ?
C’est que j’irai chez vous demain, à deux heures, pour vous demander de me prêter votre manteau.
Pas à deux heures, mon chat ; à une ou à trois.
Eh bien, à trois heures ; cela me va encore mieux.
Tu en auras bien soin, mon toutou ? Tu sais qu’il est tout neuf ; je ne l’ai mis que deux fois.
Soyez tranquille ; je ménage les effets.
Il y a donc quelque chose sous jeu ?
Oui ; je vous conterai cela. À demain !
À demain, bébelle.
(Deux hommes gros et colorés se rencontrent face à face avec Marie et Blanche.)
Bon… jour, Blanchon, Blan… chette !
Dis donc, Jules, tu as bien dîné ?
Il est roide comme la justice.
Bien dî… né ? Je crois bien ! C’est Godivard qui payait. Tu ne connais pas Godivard, l’associé de mon asso… cié ? Godivard… le voilà ! (Il désigne son ami.) le voilà ! le voilà ! le voilà !
Eh ! eh ! eh !
Il m’a conduit au Moulin-Rouge… avec des cocottes… qui nous ont plantés là, comme…
Au dessert.
Oui, au dessert. Parce que Godivard, vois-tu, Blanchon, c’est un homme très bien ; mais, quand il a bu son cornet de champagne,… flûte ! Du reste, il a bien fait les choses. Je m’y connais ; j’ai voyagé pour les soieries de Lyon, et…
Viens-t’en.
Laissez-moi vous présenter Godivard, de l’Ain, inventeur d’un métier pour… Il m’a raconté cela à table. Godivard ! salue, et montre ton vaccin.
Eh ! eh ! eh !
Passez votre chemin, manants ! (Elles se sauvent.)
(Dans la salle des concerts. L’orchestre s’apprête à exécuter l’ouverture de l’ÉTOILE DU NORD. On s’assoit : le silence se fait peu à peu.)
Y êtes-vous, Lamoury ?
Attendez.
Et vous, Demersseman, êtes-vous prêt ?
Voilà.
Attaquons !
Prom ! prom ! prom ! prom ! prom ! (L’auditoire dresse l’oreille.) La hi ! la hi ! titi ! la hi ! titi ! titi ! tititi ! la hi ! (Les amateurs sourient agréablement, en marquant la mesure avec leur tête.) Frron ! frron ! frron ! bombinpon ! (Les amateurs reprennent leur sérieux.) Bombinpon ! Tutu, tutu, tutu, tutu, tutu ! Lilililililililililililili ! (Ce sont les fifres de Pierre le Grand.) Ran plan plan ! ran plan plan ! ran plan ! ran ! plan ! (Ce sont les tambours de Pierre le Grand.) Lala hou ! hou lala ! hou lala ! hou ! vou ! vou ! bahalou ! bahalou ! bahalou ! (Cette musique large impressionne le public.) Turututu ! hu ! hu ! hu… Couac ! (M. Arban se retourne sévèrement.) Dzing ! dzing ! pan dzing ! dzing ! pan ! frag ! rran ! bring ! trou ! (Explosion.) Zoum ! foum ! roum ! zoum ! zoum ! roum ! (Allez ! allez ! donc !) Fra patagran ! vlan ! vran ! tran ! bran ! dran ! cran ! han ! (Quel bruit, grands dieux !) Drelin din din ! drelin din din ! din din ! Ti ! ti ! ti ! ti ! ti ! (Encore les fifres.) Ran plan plan ! plan ! (Encore les tambours.) La la la blon ! la la la, blon ! blon ! blon ! blon ! blon !… bbblon ! ! ! (Tonnerre d’applaudissements.)
(Dans le jardin. Chaises et arbres. De distance en distance, sur des piédestaux, des vases blancs contenant des fleurs en métal, iris et roses, qui lancent des jets de gaz par leurs pistils. Au fond, Anna et Henri sont assis à une table.)
Est-ce bien toi, ma chère Anna ? Qui m’aurait dit que je te rencontrerais ici ?
Il faut bien se rencontrer quelque part.
Certainement ; mais, ici, ce n’est pas quelque part.
Qu’est-ce que prendront monsieur et madame ?
Ce que vous voudrez. (À Anna.) Ce que tu voudras.
À quoi sont vos glaces aujourd’hui ?
Citron, vanille, pistache, café…
Eh bien, vanille et citron.
Et monsieur ?
Oui, oui.
Comme madame, alors. (Il s’absente.)
Tu as une jolie chaîne.
Mon Anna, t’est-il du moins quelquefois arrivé de penser à moi ?
Mais oui ; je parle souvent de toi à Olympe.
Qu’est-ce que c’est qu’Olympe ?
Eh bien, mon amie, celle avec qui j’étais tout à l’heure.
Ah ! oui… vous avez toutes des amies ; c’est une rage.
Les glaces demandées ! (Henri le paye.)
Oh ! le joli porte-monnaie ! c’est du cuir de Russie.
Ne pas avoir répondu à mes lettres, quand je te disais de revenir, que je t’attendais, que nous ne parlerions plus de ce qui s’était passé et que j’oubliais tout…
Mais ne me prends donc pas les mains comme cela ! c’est ridicule ! Vois comme il passe du monde.
(Une femme mûre et une jeune fille, madame Ismaël et Laure, circulant.)
Vois-tu, ma petite, il faut toujours te méfier de trois sortes d’hommes.
Rien que de trois ? Voyons.
D’abord, de ceux qui te diront : « Je fais les vins de Bordeaux. »
Bien.
Ensuite, de ceux qui te diront : « Je suis dans les assurances. »
Et puis ?
Enfin, de ceux qui te diront : « Je suis artiste. » (Elles s’éloignent.)
Tu as une jolie bague.
Deux lignes de toi m’auraient fait tant de bien, rien que deux lignes ! Tu ne sais pas que j’ai failli mourir. J’ai gardé le lit pendant trois mois, et, sans les soins de ma mère…
Tu n’étais pas raisonnable, Henri. Où cela nous aurait-il menés tous les deux ? Ta position n’était pas faite. (Écorchant la glace et portant la cuiller à ses lèvres.) Oh ! que c’est froid !
Es-tu heureuse, au moins ? T’aime-t-il toujours ?…
Oh ! ce n’est plus lui !
Ah ! (Silence.)
Écoute donc la jolie valse.
(Olympe et Léonie passent, et s’arrêtent.)
C’est Anna ! Avec qui est-elle ?
Avec son premier amour, je crois. Des fadeurs !
Ah bien, moi, il y a bel âge que je ne pense plus à mon premier béguin !
Rentrons. (En arrivant au seuil de la salle de concert, Olympe marche sur le pied d’un monsieur.)
Aïe !
Qu’est-ce que c’est ?
Charmante… charmante… on n’est pas plus… ravissante. (Il la suit en boitant.)
Que tu es singulier ! Je vis comme tout le monde, parbleu ! J’ai un petit amant qui m’adore ; c’est le fils d’un chef de bureau. Où y a-t-il du mal à cela ? Je ne le comprends pas. Crois-tu que je consentirais à être comme toutes ces femmes ?
Non, Anna ; mais…
Eh bien, alors, qu’est-ce que tu veux ? J’ai de la jeunesse et je m’amuse. Voudrais-tu pas que je passe encore mes nuits à piquer des gilets, comme autrefois, à Poitiers ?
Autrefois, c’était le bon temps.
Merci, mon chéri. Déranger est mort. À propos, tu sais que c’est après-demain ma fête ? J’espère que tu m’enverras un petit souvenir.
Ta fête ? Mais tu t’appelles Anna.
Anna-Élisabeth-Louise-Marie-Geneviève.
Très bien.
(Olympe arrive, suivie du monsieur boitant.)
Dis donc, Anna, tu sais, tu viens souper avec nous. C’est convenu.
Charmante… délicieuse…
Voici monsieur à qui j’ai écrasé un cor et qui nous invite à la Terrasse. Il est avec un Américain de ses amis.
Charmante…
Ès-tu prête ? Il est onze heures, tout le monde s’en va.
Oui. (Elle se lève.)
Adieu, Anna.