Le Musée secret de Paris - Ligaran - E-Book

Le Musée secret de Paris E-Book

Ligaran

0,0

Beschreibung

Extrait : "OLYMPE : As-tu fini ? ANNA : Quoi ? OLYMPE : Eh bien, de t'allonger les yeux. ANNA, au miroir : Je ne m'allonge pas les yeux, je me fais signe. OLYMPE: Dépêche-toi donc. ANNA, se retournant : C'est fait. Tiens ! tu as changé les brides de ton chapeau? Je n'aime pas beaucoup cette couleur-là. C'est cerise. OLYMPE: Non, c'est ponceau. Pleut-il ? ANNA : Du tout..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

• Livres rares
• Livres libertins
• Livres d'Histoire
• Poésies
• Première guerre mondiale
• Jeunesse
• Policier

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 146

Veröffentlichungsjahr: 2015

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Les concerts de Paris

À M. H. B…, NATURALISTE

Laissez-moi, mon cher ami, vous dédier cette petite étude, dont la frivolité n’est qu’apparente et qui se rattache indirectement à vos travaux. Un matin de cet été, vous me montriez dans les champs mille réseaux diamantés, au centre desquels se tenaient, bigarrées et agiles, de gracieuses araignées épiant les mouches. Mes araignées, à moi, n’habitent pas les champs, ou, du moins, elles les ont quittés pour venir suspendre leurs toiles, encore plus brillantes, au plafond d’or des salles de bal et des salles de concert. Charmantes et dangereuses, vous les reconnaîtrez facilement à leur prestesse, à leurs ruses, à leur persévérance – et à leur cruauté ! L’espèce dont il est question ici portait hier le nom de musardines ; comment les appellera-t-on demain ? Voulez-vous être leur parrain, mon ami ? Dans ce cas, ouvrez vos livres de science et votre drageoir, et songez que votre réponse est attendue avec impatience de Paris tout entier.

 

(Une chambre de la rue Pigale, au deuxième étage au-dessus de l’entresol. Deux jeunes femmes, Olympe et Anna, s’habillent pour sortir. Il est neuf heures du soir.)

 
OLYMPE

As-tu fini ?

ANNA

Quoi ?

OLYMPE

Eh bien, de t’allonger les yeux.

ANNA, au miroir

Je ne m’allonge pas les yeux, je me fais un signe.

OLYMPE

Dépêche-toi donc.

ANNA, se retournant

C’est fait. Tiens ! tu as changé les brides de ton chapeau ? Je n’aime pas beaucoup cette couleur-là. C’est cerise.

OLYMPE

Non, c’est ponceau. Pleut-il ?

ANNA

Du tout. (Elle se gante.)

OLYMPE

Tant pis ! j’ai eu tort de mettre des bottines neuves ; j’aurais dû les garder pour la prochaine averse.

ANNA

Mon gant déchiré ! Cristi ! cristi ! (Elle frappe du pied.)

OLYMPE

Pourquoi les prends-tu à quarante sous ? Il faut mettre trois francs cinquante pour avoir quelque chose de bon.

ANNA

Ta boîte à ouvrage, où est-elle ?

OLYMPE

Sur le guéridon. Moi, je suis prête. Le régisseur peut frapper les trois coups. Une ! deux ! trois ! Oh ! être actrice ! – À propos…

ANNA

Ta soie casse.

OLYMPE

Vois-tu toujours Alphonse ?

ANNA

Alphonse ? – Là, ça ira comme cela ce soir ; c’est assez bon pour une reprise. – C’est toute une histoire, ma chatte. D’abord, Alphonse est mort.

OLYMPE

Pas possible !

ANNA

Aussi vrai que je mets ce gant. Il paraît qu’il jouait à la Bourse et qu’il a perdu tout ce qu’il avait, et même…

OLYMPE

Oui.

ANNA

Alors, il s’est coupé la gorge, après avoir laissé un petit papier écrit sur sa table. J’ai encore son cache-nez, ici.

OLYMPE

Il était bien drôle, tout de même.

ANNA

Tu trouves ? Je ne lui voyais rien de si étonnant. Toujours des calembours !… Et puis comme il s’habillait !

OLYMPE

Oh ! pour cela, c’est vrai. Des cravates vertes, des chapeaux hérissés ! – Nous partons ?

ANNA

Partons. Le petit chien ?…

OLYMPE

Je l’ai enfermé dans le cabinet de toilette.

 

(À l’hôtel des Concerts de Paris, rue Basse-du-Rempart. La foule commence à arriver. De chaque coupe noir jaillissent, comme d’une boîte à surprise, deux ou trois femmes qui, à peine sur le trottoir, développent autour d’elles des mondes de jupons. Elles entrent par douzaines, par vingtaines, et gravissent l’escalier à double rampe qui mène aux salons. Là, elles se répandent et s’éparpillent, bruyantes, exagérées de couleurs et d’odeurs. On les suit, on se retourne ; les unes rient à belles dents ; quelques autres affectent l’indifférence et même la fierté. Olympe et Anna paraissent.)

 
ANNA

Je t’assure que c’est lui ; je l’ai bien reconnu.

OLYMPE

Ce petit avec qui nous venons de nous croiser à la porte et qui ne nous a pas fait ses excuses ?

ANNA

Oui.

OLYMPE

T’a-t-il vue ?

ANNA

Je ne sais pas ; ma voilette était baissée. Cela m’a fait quelque chose…

OLYMPE

Il va t’accoster tout à l’heure.

ANNA

Oh ! non. Je l’ai si mal quitté, il y a trois ans.

OLYMPE

Raison de plus.

JOSÉPHINE, grande et brune

Bonsoir, mes deux biches. Vous ne savez pas ; je reviens des bains de mer. Quatre toilettes par jour ! J’ai eu bien des arias avec la douane à cause de mes malles, allez. C’est égal, je ne comprends pas comment on peut rester à Paris dans la belle saison. Qu’est-ce que vous avez fait, vous autres ? qu’y a-t-il de nouveau ? Je suis entrée ici par hasard ; si Raoul le savait, ce seraient des scènes…

ANNA

C’est avec Raoul que tu as été aux eaux ?

JOSÉPHINE

Non, avec Édouard. Il m’a présentée au prince de je ne sais plus quoi, un vieux qui ne parle pas deux mots de parisien, et qui m’a passé au doigt, le premier jour, cette bague en brillants. Voyez.

OLYMPE

Oui, c’est gentil.

JOSÉPHINE

Merci ! gentil ? On t’en donnera, du gentil comme cela, ma belle biche. Va voir si cela se ramasse au Château des Fleurs.

OLYMPE, piquée

Ah ! mon Dieu ! cela ne vaut pas pourtant les diamants de Nelly.

JOSÉPHINE

Tu crois, ma pervenche ? Cela ne vaut peut-être pas mieux non plus que ta broche ? Je vois avec plaisir que tu t’y connais. Ce que c’est que l’habitude de porter ces bibelots, pourtant ! Si j’étais toi, je demanderais une place de vérificateur à la Monnaie. Adieu, mes anges. Bonjour à Nelly. (Elle s’éloigne.)

ΑΝΝΑ

Que cette femme est commune !

 

(Sur la terrasse. Madeleine et Rachel, les deux sœurs. Elles sortent du fumoir.)

 
MADELEINE

Un mobilier de soixante mille francs ? à elle ?

RACHEL

C’est Berthe qui me l’a dit.

MADELEINE

Et tu donnes là-dedans ? Allons donc ! les Lanciers !

RACHEL

Elle vient ici tous les soirs avec sa bonne.

MADELEINE

Un joli genre ! Pourquoi n’amène-t-elle pas aussi son porteur d’eau et son charbonnier ?

 

(Dans les salons de jeux. On entoure un jeune homme qui s’apprête à lancer la toupie hollandaise ; une femme aux anglaises blondes lui heurte le bras. Par mégarde ou avec intention ?)

LE JOUEUR, se retournant

Madame, si je perds, cela aura été un peu de votre faute…

LA DAME AUX ANGLAISES

Oh ! mille pardons, monsieur ; c’est mon amie qui m’a poussée.

LE JOUEUR

… Et, dans ce cas, c’est à vous que je demanderai une revanche.

LA DAME AUX ANGLAISES

Vous serez dans votre droit, monsieur.

L’AMIE, bas

Eh bien, tu as de l’aplomb, ma chère.

LA DAME AUX ANGLAISES, de même

Tais-toi donc, et vois le beau linge !

LE JOUEUR

Madame, j’ai perdu.

LA DAME AUX ANGLAISES

Il fait bien chaud dans ce petit salon…

LE JOUEUR, offrant son bras

Voulez-vous que nous nous promenions ? (En sortant, ils rencontrent un monsieur en gilet de velours, qui se met à rire.)

LE MONSIEUR EN GILET DE VELOURS

Tiens ! Xavier qui vient d’être levé par Henriette !

 

(Dans le salon du billard chinois. Une brune de dix-huit ans, Clotilde, se penche sur l’étalage des lots.)

 
CLOTILDE, très haut et regardant de tous côtés

Oh ! comme ces deux porcelaines feraient bien sur mon étagère !

UN ANGLAIS, s’approchant

Yes.

CLOTILDE, souriant

C’est du Japon, n’est-ce pas, monsieur ?

L’ANGLAIS

No.

CLOTILDE

J’aurais cru…

LE MARCHAND, attentif à ce colloque

Regardez, madame ; c’est d’un très joli travail, pas commun du tout ; vous pouvez examiner. (Il lui met les deux porcelaines dans la main.)

CLOTILDE, les passant à l’Anglais

Voyez donc, en effet, milord.

L’ANGLAIS

Yes ; ce être vilain.

CLOTILDE

Mais non, il y a des moutons dessus. (Au marchand.) Combien vendez-vous cela ?

L’ANGLAIS

Inioutile.

LE MARCHAND

Dix francs les deux ; vous ne trouverez pas les pareils dans tout Paris.

L’ANGLAIS

Oh ! (Il replace les porcelaines à l’étalage, comme si elles lui brûlaient les mains.)

LE MARCHAND

Allons, pour vous, ce sera huit cinquante.

L’ANGLAIS

No.

CLOTILDE, au marchand

Enveloppez-les-moi. (Elle tire son porte-monnaie et cherche à l’ouvrir ; mais les fermoirs résistent.) Aidez-moi, milord, je vous prie…

L’ANGLAIS

Oh ! je ne saouffrirai pas. Je payerai le petite bêtise pour l’étagère de vô. (Au marchand.) Tenez.

LE MARCHAND

C’est encore trois francs cinquante, monsieur.

L’ANGLAIS, avec un soupir

Yes.

CLOTILDE

Vous êtes galant, milord…

L’ANGLAIS

Yes.

CLOTILDE

Et je ne sais vraiment comment vous remercier. (Elle prend le bras de l’Anglais.)

L’ANGLAIS

Moa, je savais bien… Dites, à quelle… étagère… demeurez-vô ? (Ils s’éloignent.)

 

(Dans le salon du tourniquet. Toujours la même scène, à quelques variantes près. – Pauline fait un signe à madame Frédéric, et l’emmène à part.)

 
MADAME DE FRÉDÉRIC

Qu’est-ce que tu me veux, ma belle frisée ?

PAULINE

Êtes-vous toujours rue de Calais ?

MADAME DE FRÉDÉRIC

Oui, bichon, à côté des bains. Pourquoi ?

PAULINE

C’est que j’irai chez vous demain, à deux heures, pour vous demander de me prêter votre manteau.

MADAME DE FRÉDÉRIC

Pas à deux heures, mon chat ; à une ou à trois.

PAULINE

Eh bien, à trois heures ; cela me va encore mieux.

MADAME DE FRÉDÉRIC

Tu en auras bien soin, mon toutou ? Tu sais qu’il est tout neuf ; je ne l’ai mis que deux fois.

PAULINE

Soyez tranquille ; je ménage les effets.

MADAME DE FRÉDÉRIC, clignant de l’œil

Il y a donc quelque chose sous jeu ?

PAULINE

Oui ; je vous conterai cela. À demain !

MADAME DE FRÉDÉRIC

À demain, bébelle.

 

(Deux hommes gros et colorés se rencontrent face à face avec Marie et Blanche.)

 
PREMIER HOMME GROS ET COLORÉ

Bon… jour, Blanchon, Blan… chette !

BLANCHE, riant

Dis donc, Jules, tu as bien dîné ?

MARIE

Il est roide comme la justice.

JULES

Bien dî… né ? Je crois bien ! C’est Godivard qui payait. Tu ne connais pas Godivard, l’associé de mon asso… cié ? Godivard… le voilà ! (Il désigne son ami.) le voilà ! le voilà ! le voilà !

GODIVARD

Eh ! eh ! eh !

JULES

Il m’a conduit au Moulin-Rouge… avec des cocottes… qui nous ont plantés là, comme…

GODIVARD

Au dessert.

JULES

Oui, au dessert. Parce que Godivard, vois-tu, Blanchon, c’est un homme très bien ; mais, quand il a bu son cornet de champagne,… flûte ! Du reste, il a bien fait les choses. Je m’y connais ; j’ai voyagé pour les soieries de Lyon, et…

MARIE à Blanche

Viens-t’en.

JULES, les arrêtant

Laissez-moi vous présenter Godivard, de l’Ain, inventeur d’un métier pour… Il m’a raconté cela à table. Godivard ! salue, et montre ton vaccin.

GODIVARD

Eh ! eh ! eh !

MARIE

Passez votre chemin, manants ! (Elles se sauvent.)

 

(Dans la salle des concerts. L’orchestre s’apprête à exécuter l’ouverture de l’ÉTOILE DU NORD. On s’assoit : le silence se fait peu à peu.)

 
M. ARBAN

Y êtes-vous, Lamoury ?

M. LAMOURY

Attendez.

M. ARBAN

Et vous, Demersseman, êtes-vous prêt ?

M. DEMERSSEMAN

Voilà.

M. ARBAN

Attaquons !

OUVERTURE DE l’Étoile du Nord

Prom ! prom ! prom ! prom ! prom ! (L’auditoire dresse l’oreille.) La hi ! la hi ! titi ! la hi ! titi ! titi ! tititi ! la hi ! (Les amateurs sourient agréablement, en marquant la mesure avec leur tête.) Frron ! frron ! frron ! bombinpon ! (Les amateurs reprennent leur sérieux.) Bombinpon ! Tutu, tutu, tutu, tutu, tutu ! Lilililililililililililili ! (Ce sont les fifres de Pierre le Grand.) Ran plan plan ! ran plan plan ! ran plan ! ran ! plan ! (Ce sont les tambours de Pierre le Grand.) Lala hou ! hou lala ! hou lala ! hou ! vou ! vou ! bahalou ! bahalou ! bahalou ! (Cette musique large impressionne le public.) Turututu ! hu ! hu ! hu… Couac ! (M. Arban se retourne sévèrement.) Dzing ! dzing ! pan dzing ! dzing ! pan ! frag ! rran ! bring ! trou ! (Explosion.) Zoum ! foum ! roum ! zoum ! zoum ! roum ! (Allez ! allez ! donc !) Fra patagran ! vlan ! vran ! tran ! bran ! dran ! cran ! han ! (Quel bruit, grands dieux !) Drelin din din ! drelin din din ! din din ! Ti ! ti ! ti ! ti ! ti ! (Encore les fifres.) Ran plan plan ! plan ! (Encore les tambours.) La la la blon ! la la la, blon ! blon ! blon ! blon ! blon !… bbblon ! ! ! (Tonnerre d’applaudissements.)

(Dans le jardin. Chaises et arbres. De distance en distance, sur des piédestaux, des vases blancs contenant des fleurs en métal, iris et roses, qui lancent des jets de gaz par leurs pistils. Au fond, Anna et Henri sont assis à une table.)

HENRI

Est-ce bien toi, ma chère Anna ? Qui m’aurait dit que je te rencontrerais ici ?

ANNA

Il faut bien se rencontrer quelque part.

HENRI

Certainement ; mais, ici, ce n’est pas quelque part.

UN GARÇON

Qu’est-ce que prendront monsieur et madame ?

HENRI

Ce que vous voudrez. (À Anna.) Ce que tu voudras.

ANNA, au garçon

À quoi sont vos glaces aujourd’hui ?

LE GARÇON

Citron, vanille, pistache, café…

ANNA

Eh bien, vanille et citron.

LE GARÇON

Et monsieur ?

HENRI

Oui, oui.

LE GARÇON

Comme madame, alors. (Il s’absente.)

ANNA, à Henri

Tu as une jolie chaîne.

HENRI

Mon Anna, t’est-il du moins quelquefois arrivé de penser à moi ?

ANNA

Mais oui ; je parle souvent de toi à Olympe.

HENRI

Qu’est-ce que c’est qu’Olympe ?

ANNA

Eh bien, mon amie, celle avec qui j’étais tout à l’heure.

HENRI

Ah ! oui… vous avez toutes des amies ; c’est une rage.

LE GARÇON, revenant

Les glaces demandées ! (Henri le paye.)

ANNA

Oh ! le joli porte-monnaie ! c’est du cuir de Russie.

HENRI

Ne pas avoir répondu à mes lettres, quand je te disais de revenir, que je t’attendais, que nous ne parlerions plus de ce qui s’était passé et que j’oubliais tout…

ANNA

Mais ne me prends donc pas les mains comme cela ! c’est ridicule ! Vois comme il passe du monde.

 

(Une femme mûre et une jeune fille, madame Ismaël et Laure, circulant.)

 
MADAME ISMAËL

Vois-tu, ma petite, il faut toujours te méfier de trois sortes d’hommes.

LAURE

Rien que de trois ? Voyons.

MADAME ISMAËL

D’abord, de ceux qui te diront : « Je fais les vins de Bordeaux. »

LAURE

Bien.

MADAME ISMAËL

Ensuite, de ceux qui te diront : « Je suis dans les assurances. »

LAURE

Et puis ?

MADAME ISMAËL

Enfin, de ceux qui te diront : « Je suis artiste. » (Elles s’éloignent.)

ANNA, à Henri

Tu as une jolie bague.

HENRI

Deux lignes de toi m’auraient fait tant de bien, rien que deux lignes ! Tu ne sais pas que j’ai failli mourir. J’ai gardé le lit pendant trois mois, et, sans les soins de ma mère…

ANNA

Tu n’étais pas raisonnable, Henri. Où cela nous aurait-il menés tous les deux ? Ta position n’était pas faite. (Écorchant la glace et portant la cuiller à ses lèvres.) Oh ! que c’est froid !

HENRI

Es-tu heureuse, au moins ? T’aime-t-il toujours ?…

ANNA

Oh ! ce n’est plus lui !

HENRI

Ah ! (Silence.)

ANNA

Écoute donc la jolie valse.

 

(Olympe et Léonie passent, et s’arrêtent.)

 
LÉONIE

C’est Anna ! Avec qui est-elle ?

OLYMPE

Avec son premier amour, je crois. Des fadeurs !

LÉONIE

Ah bien, moi, il y a bel âge que je ne pense plus à mon premier béguin !

OLYMPE

Rentrons. (En arrivant au seuil de la salle de concert, Olympe marche sur le pied d’un monsieur.)

LE MONSIEUR

Aïe !

OLYMPE

Qu’est-ce que c’est ?

LE MONSIEUR

Charmante… charmante… on n’est pas plus… ravissante. (Il la suit en boitant.)

ANNA, à Henri

Que tu es singulier ! Je vis comme tout le monde, parbleu ! J’ai un petit amant qui m’adore ; c’est le fils d’un chef de bureau. Où y a-t-il du mal à cela ? Je ne le comprends pas. Crois-tu que je consentirais à être comme toutes ces femmes ?

HENRI

Non, Anna ; mais…

ANNA

Eh bien, alors, qu’est-ce que tu veux ? J’ai de la jeunesse et je m’amuse. Voudrais-tu pas que je passe encore mes nuits à piquer des gilets, comme autrefois, à Poitiers ?

HENRI

Autrefois, c’était le bon temps.

ANNA

Merci, mon chéri. Déranger est mort. À propos, tu sais que c’est après-demain ma fête ? J’espère que tu m’enverras un petit souvenir.

HENRI

Ta fête ? Mais tu t’appelles Anna.

ANNA

Anna-Élisabeth-Louise-Marie-Geneviève.

HENRI

Très bien.

 

(Olympe arrive, suivie du monsieur boitant.)

 
OLYMPE, à Anna

Dis donc, Anna, tu sais, tu viens souper avec nous. C’est convenu.

LE MONSIEUR BOITANT

Charmante… délicieuse…

OLYMPE

Voici monsieur à qui j’ai écrasé un cor et qui nous invite à la Terrasse. Il est avec un Américain de ses amis.

LE MONSIEUR

Charmante…

OLYMPE

Ès-tu prête ? Il est onze heures, tout le monde s’en va.

ANNA

Oui. (Elle se lève.)

HENRI

Adieu, Anna.

Une loge facteur