Le reclassement professionnel des travailleurs licenciés - Collectif - E-Book

Le reclassement professionnel des travailleurs licenciés E-Book

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Beschreibung

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet pour comprendre les tenants et les aboutissants du reclassement professionnel

La loi du 26 décembre 2013 sur le statut unique a réservé une part importante aux mesures de reclassement professionnel.

Le reclassement professionnel devient un droit pour tous les travailleurs, quel que soit leur âge, à partir du moment où ils sont licenciés moyennant un préavis de 30 semaines ou plus. La loi crée donc un régime général de reclassement qui s’applique non plus seulement au secteur privé, comme c’était le cas auparavant, mais également au secteur public. Le reclassement professionnel devient donc une obligation pour tout employeur, tant privé que public, qui nécessite un examen approfondi.

La particularité du nouveau régime est qu’il laisse néanmoins subsister l’ancien régime (connu sous le nom d’outplacement), qui continue à s’appliquer dans le secteur privé pour les travailleurs âgés de plus de 45 ans…

Ce dossier propose d’examiner le reclassement professionnel en abordant tout d’abord l’articulation du régime nouveau (qui devient le régime général) et du régime ancien (qui devient le régime particulier) avant d’analyser de manière détaillée et successive les deux régimes sans omettre une vue pratique de déroulement concret du reclassement.

Question très importante en pratique : quelles sont les sanctions en cas de défaut de reclassement professionnel ?

Un examen de la situation sera effectué au regard de la jurisprudence.

Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels

A PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.

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Seitenzahl: 332

Veröffentlichungsjahr: 2016

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La collection « Les Dossiers du BJS »

Le Bulletin Juridique & Social, revue bimensuelle d’actualité juridique, vous propose également sa collection «Les Dossiers du BJS». Celle-ci rassemble une série d’ouvrages accessibles et pratiques dans tous les domaines du droit afin de faire le point de manière didactique sur un sujet particulier.

Ouvrages parus:

S. Gilson et F. Lambinet, La liberté d’expression du travailleur salarié, 2012.

Ph. Horemans, La nouvelle réglementation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services en 60 questions pratiques, 2013.

M. Strongylos, R. Capart, G. Massart, Le statut unique ouvriers-employés – ­Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013, 2014.

Th. Driesse, Les documents sociaux dans l’entreprise – Obligations et sanctions, 2015.

N. Dasnoy-Sumell, Le droit disciplinaire dans l’enseignement, 2015.

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Communications s.p.r.l. (Limal) pour le © Anthemis s.a.

La version en ligne de cet ouvrage est disponible sur la bibliothèque digitale ­Jurisquare à l’adresse www.jurisquare.be.

Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

© 2015, Anthemis s.a.

Place Albert I, 9 B-1300 Limal

Tél. 32 (0)10 42 02 90 – [email protected] – www.anthemis.be

ISBN: 978-2-87455-887-0

Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

Mise en page : Communications s.p.r.l.

[ Sommaire

Introduction

À quand une véritable obligation de reclassement des travailleurs en droit social belge ?

Steve Gilson

Y’en a deux, deux outplacement, l’ancien et le nouveau !

Présentation générale et articulation des régimes de reclassement professionnel

Géraldine Massart et Rodrigue Capart

L’outplacement des travailleurs âgés et la C.C.T. no 82 : quand régime subsidiaire rime avec prioritaire

Nathalie Robert

L’outplacement prévu par la loi du 26 décembre 2013 ou l’activation des travailleurs licenciés

Muriel Duriaux

Les sanctions en matière d’outplacement

Patrice Debras et Marianne Cranshoff

Le coût de l’outplacement et les différentes formules : une vision pratique

Marie-Amélie Jaillot

Introduction

À quand une véritable obligation de reclassement des travailleurs en droit social belge1?

Steve Gilson

Avocat au barreau de, .titreContibution2, .titreContibution2 Namur Maître de conférences invité à la Faculté de droit de l’UCL2 Chargé de cours à l’ICHEC Juge suppléant au Tribunal du travail de Liège, division Namur

À l’occasion des dispositions relatives au statut dit «unique»3, le législateur a, d’une part, revu le système de reclassement professionnel connu jusque-là dans le secteur privé sous le nom d’outplacement et, d’autre part, annoncé des efforts à faire en termes d’employabilité des travailleurs. L’objectif du présent ouvrage est essentiellement d’analyser, sur un plan pratique, les dispositions mises en place concernant le reclassement professionnel. Il nécessite dans un premier temps une mise en contexte au sein du système belge. C’est l’objet de cette brève introduction.

1. Absence générale d’obligation de reclassement. – Le droit social belge ne comporte pas d’obligation générale de reclassement du travailleur qui soit préalable à son licenciement4. En d’autres termes, l’employeur, lorsqu’il estime devoir licencier le travailleur, ne doit pas apporter la preuve qu’il ne pourrait pas occuper ce travailleur à un autre poste5. Comme le souligne Mireille Jourdan6, il n’y a pas dans notre système un droit pour le travailleur, dans le cadre d’un licenciement économique, de revendiquer un reclassement dans un autre poste de l’entreprise.

Il suffit de comparer cette situation avec la situation française, où l’article L.1233-4 du Code du travail dispose que: «Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.» Nous y reviendrons infra.

2.L’exception: le reclassement médical. – Ce principe connaît un infléchissement dans le cadre de l’inaptitude médicale définitive puisque l’arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs a créé pour l’employeur une obligation de reclassement en lui imposant de vérifier s’il n’est pas possible d’occuper le travailleur à un poste de travail adapté7. Ce n’est pas notre propos.

3.Notion de reclassement. – La notion de reclassement professionnel telle qu’elle est utilisée en droit belge vise en fait un système distinct qui consiste à faire participer l’employeur à la recherche d’un autre emploi pour le travailleur qui a déjà été licencié, emploi qui devra se trouver à l’extérieur de l’entreprise. Les différences essentielles sont, d’une part, que cette obligation n’est pas du tout préalable au licenciement mais qu’elle lui est postérieure et, d’autre part, que ce reclassement ne vise en aucun cas un reclassement interne8 mais la recherche d’un nouvel emploi. L’employeur devient ainsi un auxiliaire des systèmes de placement des chômeurs. Les dispositions qui ont été mises en place à l’occasion du statut unique ne bouleversent pas ces principes.

4.L’ancien régime d’outplacementdevenurégime spécifique. – Le régime antérieur connu sous le nom d’outplacement est maintenu et devient un régime spécifique qui est applicable au travailleur âgé de plus de 45 ans9. Par outplacement, l’on vise l’ensemble des services de conseils de guidance fournis individuellement ou en groupe par un bureau d’outplacement contre paiement à la demande d’un employeur afin de permettre à un travailleur de trouver lui-même le plus rapidement possible un emploi auprès d’un nouvel employeur ou de développer une activité professionnelle en tant qu’indépendant. Il ne s’agit pas non plus d’un véritable système de placement puisque l’entreprise d’outplacement n’est pas en contact avec le nouvel employeur. On vise en fait un service, qui est fourni au travailleur, d’encadrement psychologique, d’établissement d’un bilan psychologique, d’aide à l’élaboration d’une recherche d’emploi, d’assistance logistique et administrative à retrouver un nouvel emploi. On sait que l’outplacement va être réalisé par des consultants indépendants, soit par un service public de placement.

Il s’agit du régime mis en place par la C.C.T. no 82 conclue le 10 juillet 2002. Il vise un groupe cible, les plus de 45 ans, considérés comme ayant des difficultés à retrouver un emploi. Le coût de la procédure de reclassement est entièrement porté à charge de l’employeur, lequel peut être sanctionné s’il ne formule pas l’offre. Le travailleur, quant à lui, est obligé d’y recourir sous peine d’une sanction en termes d’allocation de chômage.

5.Le nouveau régime de reclassement devenurégime général. – Le nouveau régime, qui devient un régime général, est quant à lui inscrit dans les articles 11/1 à 11/12 nouveaux de la loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d’emploi des travailleurs. Le passage du terme «outplacement» prévu dans la convention collective no 51 à la notion de «reclassement professionnel» dans la loi du 5 septembre 2001 n’a pas modifié le contenu du mécanisme.

Il s’agit d’un régime légal qui n’est plus édicté par une convention collective de travail et qui s’applique dès lors désormais au-delà du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, de sorte qu’il vise également les employeurs du secteur public. Cette fois, peu importe l’âge. Il faut avoir droit à un préavis d’au moins 30 semaines. On vise donc une nouvelle catégorie cible: des travailleurs qui ont une certaine ancienneté – ce qui explique qu’ils aient droit à un préavis de 30 semaines – et qui auraient alors perdu l’expérience de la recherche d’un emploi. Comme tout seuil, il présente évidemment le risque d’une forme d’arbitraire. Le Conseil d’État lui-même s’était interrogé sur l’utilisation de ce critère de différenciation des 30 semaines, estimant que les auteurs du projet devaient indiquer les raisons pour lesquelles ce critère était jugé pertinent10. En effet, comme on le voit, le critère n’est plus ici l’âge, comme c’était le cas dans le régime antérieur de l’outplacement, mais la durée du préavis, qui ne dépend plus, aujourd’hui, que de l’ancienneté. Le système mis en place partirait donc de l’idée qu’il serait plus difficile pour un travailleur de retrouver un travail, quel que soit son âge, s’il est resté plus longtemps dans une entreprise, ce qui n’apparaît pas évident. C’est ce que le législateur a précisé, estimant qu’il s’agissait d’un soutien bénéficiant aux travailleurs qui, après un certain nombre d’années dans la même fonction, n’ont plus activement effectué de recherches sur le marché de l’emploi et dont l’expérience est devenue plus confinée. Il est remarquable de voir que le législateur souligne à cet égard que c’est l’expérience de la sollicitation qui aurait été reléguée à l’arrière-plan et qui devrait dès lors être renforcée11.

Initialement, le coût de cette procédure de reclassement professionnel reste supporté par l’employeur mais doit venir en déduction de ses obligations en termes de préavis ou d’indemnité compensatoire de préavis. En effet, s’il s’agit d’un licenciement moyennant un préavis, le temps consacré par le travailleur au reclassement professionnel est déduit des absences autorisées pour rechercher un nouvel emploi, et, s’il s’agit d’un licenciement moyennant le paiement d’une indemnité, la durée du préavis prise en considération pour fixer l’indemnité est réduite de quatre semaines, évaluation forfaitaire qui suscite déjà des difficultés Comme l’a souligné Jacques Clesse12, le dispositif prévu suscite deux questions: «La première est de savoir si l’étendue des services fluctue selon la rémunération actuelle du travailleur. La seconde a trait à l’impact des modalités du licenciement sur l’étendue du service que l’employeur doit offrir, à savoir moyennant le respect d’un préavis ou le paiement d’une indemnité.» Comme l’a souligné la doctrine: «À travers ces mesures, le législateur entend activer le préavis presté ou l’indemnité compensatoire de préavis payée en augmentant l’employabilité du travailleur licencié sur le marché du travail.»13 Le terme activation fait référence ici à la volonté d’utiliser, de reconvertir, une partie du préavis pour financer autre chose en partant de l’idée que «le reclassement professionnel permet de retrouver plus vite un nouvel emploi»14.

Jusqu’au 31 décembre 2015, le travailleur licencié moyennant le paiement d’une indemnité auquel une offre est adressée n’est pas tenu d’accepter cette offre. À partir du 1er janvier 2016, la loi lui imposera de l’accepter.

6.Le régime «pionnier» d’outplacementde la C.C.T. no 51: le système «volontaire». – Le législateur n’a manifestement pas eu le souci de rationaliser le nombre de dispositifs mis en place. Ainsi, la convention collective de travail no 51 relative à l’outplacement, conclue au sein du Conseil national du travail, reste applicable. Ce dispositif viserait donc les hypothèses dans lesquelles il n’y a en fait aucun droit au reclassement professionnel issu de la loi ou de la C.C.T. no 82 mais dans lesquelles un reclassement est octroyé sur la base d’une décision individuelle de l’employeur, ou éventuellement sur la base d’un droit qui avait été conféré au travailleur, par exemple dans le cadre d’une clause du contrat de travail, sachant que le coût de l’outplacement est alors à charge de l’employeur.

7.Le reclassement dans le cadre de la gestion active des restructurations. – L’ouvrage n’abordera pas spécifiquement les hypothèses spécifiques d’aides au reclassement qui sont mises en place notamment dans le cadre d’un licenciement collectif. C’est notamment ce qui est appelé «gestion active des restructurations» sur la base de la loi du 23 décembre 2005 relative au pacte de solidarité entre les générations et de l’arrêté royal du 9 mars 2006 relatif à la gestion active des restructurations. Il s’agissait déjà d’un premier pas visant à faire peser sur l’employeur une obligation de prendre en compte le reclassement des travailleurs par la mise en place d’une cellule pour l’emploi qui doit offrir un outplacement à chaque travailleur licencié dans le cadre de la restructuration. La cellule pour l’emploi a pour but de permettre au travailleur concerné par le licenciement de retrouver un emploi en mettant en œuvre des mesures d’accompagnement convenues dans le cadre de la restructuration et dans le plan de restructuration. La cellule doit faire au moins une offre d’outplacement à charge de l’employeur en faveur de chaque travailleur licencié dans le cadre de la restructuration inscrit auprès de la cellule. Les travailleurs qui sont concernés doivent être inscrits auprès de la cellule et comme demandeurs d’emploi auprès des services régionaux, sauf dans le cadre de certaines exceptions. Dans certaines hypothèses, l’employeur en restructuration est tenu, pour chaque travailleur licencié qui s’est inscrit dans la cellule pour l’emploi, de lui verser une indemnité de reclassement. Cette indemnité remplacera en tout ou en partie l’indemnité de congé. Dans certaines hypothèses, l’employeur peut obtenir le remboursement d’une partie de cette indemnité (lorsque le coût total de l’indemnité de reclassement payée au travailleur est plus élevé que le coût total de l’indemnité de congé) auprès de l’ONEm15.

8.La promotion de l’employabilité. – Dans le cadre des nouvelles dispositions relatives au statut unique, le législateur a voulu insister sur la notion de promotion de l’employabilité. La notion est à la mode et d’un usage aisé en termes de déclarations politiques, avec une certaine connotation idéologique toutefois, qui renvoie au spectre de l’État social actif. Apparue en Belgique à la toute fin des années nonante, la notion d’État social actif, après avoir été revendiquée expressément, poursuit son chemin de manière plus discrète mais tout aussi présente. Du reste, comme l’a souligné la doctrine, l’obligation prévue par la loi du 26 décembre 2013 visant à imposer aux secteurs d’activité la prise de mesure d’employabilité «s’inscrit en droite ligne dans le cadre de la stratégie européenne pour l’emploi dont l’objectif central déclaré consiste à maximiser le niveau de l’emploi»16.

L’employabilité17 est définie comme «la capacité d’accéder à un emploi»18. La notion en appelle à l’idée d’un développement de compétences, de faculté d’adaptation, d’une redynamisation des ressources individuelles dans une volonté de responsabilisation de l’individu, ou, à tout le moins, de plus de dynamisme dans la recherche d’un travail. La notion est intéressante parce qu’elle envisage toute une conception de l’homme, qui, conscient de ses capacités et prêt à les développer, se déplace dans une vie professionnelle avec une capacité prévisionnelle afin d’assurer les transitions nécessaires dans le cadre de son adaptation personnelle aux nécessités du marché: «La flexibilité, la mobilité et la pensée entrepreneuriale sont des concepts souvent utilisés dans ce cadre.»19 L’intéressé fait ainsi preuve d’une forme de prévoyance en veillant à développer son degré d’aptitude à l’emploi. Le travailleur est alors un entrepreneur de sa propre vie avec toutes les caractéristiques qui peuvent y être attachées, notamment en termes d’initiative, d’ambition, de dynamisme, etc.: «Cette définition du contenu va de pair avec une centration sur l’individu.»20 C’est dès lors sans surprise que cette notion a pu être mobilisée par les tenants de l’État social actif dans une volonté notamment de mettre en avant l’individu acteur de son propre destin par rapport à ce qui était considéré comme le paternalisme bureaucratique de l’État providence.

L’employabilité, on le voit, est une notion qui fait appel à la fois à la qualification du travailleur mais aussi à son comportement et en quelque sorte à sa volonté de s’adapter au changement. Il faut non seulement posséder des compétences mais aussi être en mesure de vouloir les mettre en œuvre21. C’est donc une capacité à gérer le changement: «Dans les débats actuels sur l’employabilité, on met moins l’accent sur les qualifications professionnelles que sur les dispositions personnelles permettant de s’adapter en permanence à des exigences changeantes.»22 L’employabilité serait ainsi l’effort particulier qui serait demandé au travailleur compte tenu des conséquences de la conjoncture économique sur l’évolution globale du travail. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici d’évoquer uniquement la nécessaire adaptation du travailleur par rapport à son poste de travail qui avait pu être abordée jadis par la notion de ius variandi23: il ne s’agit pas en effet de ce qui serait une prérogative de l’employeur mais d’un état dynamique dans lequel devrait se trouver le travailleur par rapport non seulement à son employeur mais à tout autre employeur potentiel. L’employabilité se développe donc tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise24.

Dans le monde postindustriel, il n’est plus ainsi question de «faire carrière» mais de savoir «transiter» de «projet à projet», donc en dehors des schémas stables du passé. Comme le signale Ève Saint-Germes: «Alors que dans le modèle salarial, la sécurité d’une relation d’emploi repose sur le statut accordé à l’employé par le contrat de travail, désormais, elle doit être appréhendée relativement à la position du travailleur sur le marché du travail et à sa capacité d’adaptation, élément au cœur de l’employabilité.»25 Et cette auteure de poursuivre: «Dans ce contexte, l’employabilité constitue souvent le substitut direct à la perte de la sécurité et de la stabilité de la relation…»26

Il est à remarquer qu’il est considéré que l’employabilité relève d’une responsabilité partagée entre l’employeur et le travailleur mais est en premier lieu à charge de l’individu, même s’il demeure de la responsabilité de l’organisation de fournir des conditions favorables. Il est intéressant de voir symboliquement que l’employabilité est envisagée comme une capacité individuelle d’entrer sur le marché de l’emploi, de s’y maintenir, de retrouver un nouvel emploi, d’assurer le changement, etc. On comprend que ce type d’analyse aboutisse assez logiquement à chercher des responsabilités individuelles dans les situations de chômage plutôt que des responsabilités collectives. La responsabilité collective est alors d’assurer le développement de l’employabilité. L’objectif n’est plus, pour les organismes de placement, de trouver un travail à l’individu mais de l’aider à développer son employabilité pour en trouver un lui-même. On remarquera qu’en France, l’article L.930-1 du Code du travail crée déjà une obligation pour l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail en veillant au maintien de leur capacité à occuper un emploi en tenant compte notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, notamment par le biais de formations. Il est ainsi question d’un droit à la qualification professionnelle imposant à l’employeur l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi (art. L.932-2). La question est sans doute à lier plus globalement à la formation des travailleurs – dont il ne faudrait sans doute pas se soucier uniquement de l’employabilité au moment où ils sont licenciés. Or, le système belge en matière de formation est relativement peu développé par rapport, par exemple, au système français27.

Au-delà de l’idéologie managériale ou des politiques sociales programmatiques, le juriste de base en phase avec le quotidien du monde du travail reste dubitatif. Il est en effet plus malaisé de concrétiser ce concept d’employabilité et c’est dans ce cadre que le législateur botte en touche (encore une fois) en chargeant les commissions paritaires de conclure au plus tard pour le 1er janvier 2019 des conventions collectives de travail prévoyant ces mesures. On vise notamment des formations ciblées qui devraient être suivies par le travailleur. Le cadre reste le même: il y aurait une forme d’obligation à l’égard du travailleur et cela ne viendrait plus alors alourdir la charge financière de l’employeur car, s’il en supportera le coût, il pourra le déduire de ses obligations en termes de préavis. La loi indique que cela ne pourra pas équivaloir à plus d’un tiers de la durée totale du préavis ni réduire la durée effective du préavis à moins de 26 semaines. À part parler de formation ciblée tendant à conférer des compétences manquantes aux travailleurs28, on ne voit pas quel est le contenu concret des mesures stimulant l’employabilité. Les travaux préparatoires de la loi29 relèvent notamment qu’il s’agirait au cours de la période de préavis ou après la décision de rupture immédiate de «dessiner un trajet de carrière sur base des compétences et attentes des travailleurs, notamment par l’intermédiaire des services publics de l’emploi. L’employeur pourrait contribuer à l’établissement de ce trajet en accordant du temps au travailleur et en les aidant dans le recensement de leurs compétences.» On voit mal globalement en quoi l’employeur va pouvoir effectuer concrètement et personnellement un travail à ce sujet si ce n’est effectivement en laissant du temps aux travailleurs – temps qui serait imputé sur leur préavis –, en mettant en place des formations ciblées afin de combler les compétences manquantes des travailleurs, ce à quoi l’employeur pourrait contribuer en accordant des facilités et le temps nécessaire pour les suivre ou en encore en les aidant moyennant une intervention financière. On pourrait imaginer aussi que les employeurs au sein du secteur financent collectivement des formations ou encore d’offrir un outplacement qui serait sur mesure, mesures qui viendraient s’ajouter à celles qui sont déjà prises et dont on n’aperçoit pas encore bien la pertinence.

Est tout aussi flou le travail que devra mener le Conseil national du travail entre le 1er janvier et le 30 juin 2019 quand il procédera à l’inventaire et à l’évaluation des dispositions adoptées par secteur d’activité dès lors que «Ni la loi ni les travaux préparatoires ne précisent quel sera l’impact de cette évaluation.»30

Le législateur prévoit même qu’après le 1er janvier 2019, une cotisation spéciale de sécurité sociale sera prévue pour encourager les employeurs et les travailleurs à prendre ces mesures d’employabilité. On peut de nouveau s’étonner de ce système car on voit mal pourquoi il faudrait sanctionner l’employeur dont la commission paritaire n’aurait pas pris les mesures utiles et encore moins pourquoi il faudrait sanctionner le travailleur engagé par un employeur qui ressortirait d’une de ces commissions paritaires. Ces cotisations forfaitaires (3% pour la cotisation patronale, 1% pour la cotisation du travailleur) sont d’ailleurs fixées sans distinction à titre de responsabilités: la doctrine a relevé que la cotisation «est identique sans faire de distinction selon que l’absence de mise en œuvre des mesures d’employabilité est imputable à l’employeur ou au salarié»31.

Comme l’a souligné Jacques Clesse, «La rédaction des dispositions relatives à l’augmentation de l’employabilité est particulièrement vague et imprécise. Elle suscite de nombreuses interrogations. L’échéance du 1er janvier 2019 laisse un répit au législateur pour préciser les intentions et ainsi donner aux commissions paritaires une indication plus détaillée de leur mission.»32 Mais le législateur le fera-t-il?

Curieusement, on relèvera que l’employabilité ne concerne que les employeurs du secteur privé et non pas ceux du secteur public33. Or, le travailleur licencié par un employeur public est tout autant en difficulté de retrouver un travail. Faites ce que je dis et pas ce que je fais?

On soulignera encore que le Conseil d’État avait également fait observer que les dispositions relatives au contenu de la procédure de reclassement professionnel ne relevaient normalement plus des compétences d’attribution de l’État fédéral mais de celles des Régions sur la base déjà des règles applicables avant l’entrée en vigueur de la sixième réforme de l’État34. Ce à quoi le législateur précisera que, suivant le projet de loi spéciale relative à la sixième réforme de l’État, la politique de reclassement professionnel reste une compétence relevant de l’autorité fédérale.

9.Considérations critiques. – Si la doctrine a relevé une avancée dans la réglementation sociale par la prise de ces mesures d’employabilité, elle a également regretté «les faiblesses, les imprécisions et les lacunes du dispositif légal»: le texte adopté par le Parlement suscite en effet de nombreuses interrogations et difficultés d’application pour les praticiens du droit social. Celles-ci appellent en tout cas une «intervention responsable» des administrations concernées ainsi que des partenaires sociaux. «Cela étant, osons espérer qu’à terme, il soit procédé à une uniformisation ou harmonisation des deux régimes de reclassement et que de la sorte, la politique de réinsertion professionnelle mise en place puisse avoir toute l’effectivité voulue»35.

Plus fondamentalement, en termes d’efficacité, alors que les systèmes de placement publics montrent toutes leurs limites dans le fonctionnement actuel, le législateur vise en fait à sous-traiter ces systèmes de placement et/ou de formation à l’initiative privée et notamment à des sociétés d’outplacement. On peut se demander à ce sujet, lorsqu’on vise les services publics, pourquoi il faut que la mission normale du service public soit exercée dans le cadre d’un outplacement qu’il faut financer et en quoi et pourquoi elle en devient alors plus efficace… C’est notamment la raison pour laquelle l’outplacement ne contrevient pas à l’interdiction de principe du bureau de placement payant puisqu’il n’y a pas d’indemnité reçue du travailleur ni du nouvel employeur mais seulement de l’employeur qui licencie. Du reste, le bureau d’outplacement n’a pas de contact avec le nouvel employeur. On observera néanmoins que, si la convention no 96 du 1er juillet 1949 de l’O.I.T. estimait que les bureaux de placement privés devaient être remplacés par un service public, la convention no 181 estime que les bureaux de placement privés peuvent contribuer au bon fonctionnement du marché de l’emploi tout en interdisant toujours formellement à ces bureaux de placement privés de mettre à charge des travailleurs de manière directe ou indirecte la totalité ou partie des honoraires ou autres frais (art. 7). Or, aujourd’hui, par le système légal, le travailleur va être amené à prendre en charge une partie de son outplacement par une diminution des indemnités qu’il pouvait obtenir de son employeur. Certes, il ne les paye pas directement au bureau de placement, mais, dans les faits, c’est lui qui les finance.

Il est certain que ces nouvelles dispositions légales vont créer un marché pour toute une série de nouvelles sociétés (création d’emploi donc, mais pas les mêmes…) mais il est permis de s’interroger sur la pertinence des choix qui sont opérés par le législateur, qui semble considérer que la responsabilité du chômage peut s’expliquer notamment par l’absence de recherches suffisantes du travailleur qu’il faudrait dès lors assister.

On observera du reste que, désormais, les préavis ne sont plus fixés en tenant compte de la difficulté de retrouver un emploi convenable. Certes, auparavant, pour les employés dits inférieurs, visés par l’article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978, cette difficulté de retrouver un emploi convenable était fixée uniquement sur la base de l’ancienneté. On considérait dès lors que plus un travailleur était «ancien», plus il avait du mal à retrouver un emploi, peut-être parce qu’il avait perdu l’expérience de rechercher un travail. C’est ce que le législateur explique pour justifier sa mesure d’un système de reclassement professionnel obligatoire général pour les travailleurs qui ont plus de 30 semaines de préavis. Mais, pour les employés supérieurs, l’article 82, § 3 prévoyait que le délai de préavis devait être fixé en tenant compte de la difficulté de retrouver un emploi convenable eu égard à l’âge, l’ancienneté, la fonction, la rémunération, et même des circonstances concrètes de la cause et de l’intérêt des parties selon la formule controversée de la Cour de cassation. Aujourd’hui, seule l’ancienneté est prise en compte. Ce faisant, comme sociologiquement l’ancienneté n’est pas le seul facteur qui est relatif à la difficulté de retrouver un emploi et en tout cas certainement pas le principal, il est possible de s’interroger sur le fait de savoir si le préavis ne récompense plus aujourd’hui simplement la fidélité à une entreprise ou s’il vise encore un lien à la difficulté de retrouver un emploi équivalent. Il est donc curieux pour le législateur d’insister à la fois sur la promotion de l’employabilité, mais, dans le même temps, non seulement de diminuer globalement les délais de préavis de certains employés (et de les fixer du reste sans rapport avec les difficultés concrètes à retrouver un emploi équivalent), et de prévoir qu’une partie substantielle de ce préavis ne va pas pouvoir être utilisée pour chercher soi-même un emploi mais avoir des mesures de développement de l’employabilité.

Il est intéressant aussi de relever que des travailleurs qui vont être licenciés pour motif grave vont se voir exclure d’une procédure de reclassement alors qu’il est à craindre qu’ils aient du mal à retrouver un nouvel emploi. On pourrait tout autant signaler qu’à défaut de licenciement, le reclassement ne s’appliquera pas pour un travailleur dont le contrat a pris fin pour un cas de force majeure et notamment pour inaptitude médicale définitive d’exercer le travail convenu. Or, voilà bien une personne qui aurait bien eu besoin d’un reclassement particulier36.

10.À quand une véritable obligation de reclassement? – Aussi timide soit-elle, l’initiative de l’outplacement, en ce qu’elle vise à faire peser sur l’employeur, dans une partie très limitée, le coût de l’aide à la recherche d’un nouvel emploi pour le travailleur, doit être soulignée. Il s’agit en effet d’une participation de l’employeur à un effort collectif visant à trouver une solution à un problème de chômage lié à une rupture du contrat. C’est donc une première reconnaissance particulière d’une responsabilité de l’employeur dans ce cadre.

Néanmoins, cela nous paraît insuffisant: en aucun cas, le législateur n’a pris la voie de l’imposition d’une véritable obligation de reclassement, à savoir une obligation interne à l’employeur préalable au licenciement. C’est pourtant une voie qui a été prise par d’autres systèmes juridiques étrangers et qui présente un intérêt fondamental, puisqu’il permet de faire prendre conscience à l’employeur que sa décision de licencier va avoir des conséquences non seulement pour le travailleur, évidemment, mais aussi pour la collectivité en ce qu’elle va le prendre en charge par l’intermédiaire de l’assurance chômage. Dans ces conditions, il paraîtrait légitime que la collectivité, qui sera amenée à supporter les conséquences du choix de l’employeur, lui demande d’user de ce droit avec une certaine modération. Ce principe ne pose aucune difficulté lorsqu’il s’agit de sanctionner le travailleur qui est au chômage de son propre fait. Tout le monde admet que, dans cette hypothèse, il n’appartient pas à la collectivité d’assumer les conséquences de ses fautes et que le travailleur doit être sanctionné à ce sujet par l’assurance chômage. Par contre, ce principe n’a jamais été mis en œuvre en ce qui concerne l’employeur. Même si l’employeur est ultérieurement sanctionné du fait du caractère abusif de son licenciement, cette sanction ne se fera pas au profit de la collectivité et de l’assurance chômage. Nous pensons donc que, hormis pour les licenciements fondés sur l’attitude du travailleur, il pourrait être adéquat de prévoir une obligation générale de reclassement imposée à l’employeur avant d’envisager le licenciement du travailleur.

En cas de licenciement pour un motif économique ou pour une question liée à l’état de santé, l’employeur aurait pour obligation, afin d’apporter la preuve d’un motif valable, de montrer qu’aucune possibilité raisonnable et objective de reclassement dans un autre poste n’était envisageable. Dans cette perspective, une obligation externe d’outplacement ne devrait pas nécessairement se justifier. En effet, si l’employeur a montré qu’il avait tout tenté pour éviter le licenciement, il n’y aurait pas lieu de lui imposer une mission participant au placement public des travailleurs. Si l’employeur n’utilise pas ce système de reclassement, ce licenciement pourrait par exemple être considéré comme manifestement déraisonnable et pourrait donner lieu en outre à une sanction au niveau de l’assurance chômage, sanction qui pourrait être de devoir prendre en charge une partie du coût de l’intervention du chômage pour le travailleur. On pourrait se référer aisément à cet égard, par exemple, au nombre de semaines de sanction qui frappent le travailleur qui est considéré comme en chômage volontaire. L’idée ne serait pas tout à fait neuve puisqu’il y avait déjà des sanctions pour l’employeur qui ne respectait pas l’obligation en matière d’outplacement impliquant le paiement d’une contribution en faveur de l’Office national de l’emploi, contribution affectée au reclassement professionnel des travailleurs qui n’ont pas bénéficié d’une procédure.

Une première difficulté vient sans doute, du fait que, dans notre système juridique, la relation de travail de nature contractuelle voit sa source de droit se tarir dès lors que le contrat est rompu et qu’à ce stade, on envisage le reclassement après la rupture du contrat. C’est d’ailleurs une difficulté particulièrement importante de notre système juridique pour envisager des hypothèses de reclassement37. On ne reviendra pas ici sur la question de l’obligation de reclassement pour les travailleurs définitivement inaptes pour des raisons médicales38. Or, le reclassement devrait être une alternative au licenciement ou au constat de la rupture et donc être un préalable contractuel39.

Ce qui apparaît comme une évidence dans notre système juridique semble toutefois particulièrement exotique dans bon nombre de systèmes juridiques pourtant très proches. La situation française, pour n’examiner que celle-là, est interpellante. La recherche de reclassement – avec une offre de reclassement précise et sérieuse qui constitue une «obligation de moyens renforcée, ou de résultat atténuée»40, l’employeur ayant la charge de la preuve41 – y constitue un préalable nécessaire à tout licenciement, individuel ou collectif, sanctionné par le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement. On observera qu’en France, c’est la jurisprudence, notamment de la chambre sociale de la Cour de cassation et du Conseil d’État, qui a initié l’obligation de reclassement. En matière économique, l’obligation de reclassement apparaît alors comme un élément d’appréciation de la licéité du licenciement. Elle sera introduite en 1981 dans le Code du travail en ce qui concerne les salariés inaptes à l’exercice de leur emploi à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle. En 1992, elle apparaît pour les inaptitudes d’origine non professionnelle dans le Code du travail et, sous la pression de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation française, qui considère que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que si le reclassement n’était pas possible, une loi de 2002 inscrit dans le Code du travail une obligation de reclassement en matière de licenciement pour motif économique. Il s’agit donc d’une obligation d’éviter le licenciement par le maintien du lien d’emploi42. On soulignera à cet égard la force créatrice de la jurisprudence que le législateur n’a fait qu’accompagner. Il est intéressant de relever également que la jurisprudence de la Cour de cassation française se basait initialement sur l’article 1134 du Code civil en son alinéa 3, consacrant l’exécution de bonne foi des conventions et amenant ainsi à une interprétation de l’obligation d’exécution du contrat conçue de manière dynamique et à une «compréhension moderne de bonne foi»43. La Cour de cassation française a même été amenée à considérer que l’employeur doit également, lorsqu’il formule la proposition d’un autre emploi disponible, proposer une formation au travailleur salarié s’il n’est pas dans l’état actuel de ses compétences, capable d’assumer l’emploi qui serait disponible. La doctrine a écrit: «Cette obligation de formation est l’expression du devoir de l’employeur d’adapter les salariés à l’évolution de leur emploi.»44 La loi a consacré l’idée que l’obligation s’imposait non seulement à l’employeur en tant que tel, mais également au groupe dont l’entreprise fait partie.

Interrogés par un collègue français sur l’existence, en droit belge, d’une obligation générale de reclassement, nous avons été amenés à lui signaler qu’une telle obligation n’existait pas de manière générale45. La réponse belge fait ainsi naître de grandes interrogations pour nos amis français qui voient, dans notre système, un droit proche du système américain (la durée des préavis constitue néanmoins une profonde différence). Ainsi, c’est presque de l’indignation que manifeste le professeur Lokiec46 lorsqu’il écrit: «Comment, à moins d’afficher la sacro-sainte liberté d’entreprendre (qui peut justifier la mise à l’écart de la quasi-totalité des règles du droit du travail) justifier la liberté laissée à une partie contractante de rompre un contrat pour motif économique, c’est-à-dire pour un motif qui ne tient ni un manquement contractuel, ni un cas de force majeure?» Cet auteur signalant qu’il «ne peut être aisément expliqué qu’un contractant puisse rompre unilatéralement un contrat du fait de ses difficultés économiques». On voit donc qu’un autre regard posé par un juriste d’une tradition juridique proche de la nôtre – mais il est vrai dont le droit social s’est fortement écarté – bouleverse les évidences belgo-belges par ses propres conceptions qui lui apparaissent tout aussi «manifestes»… À l’heure où l’on revient sur la responsabilité des chômeurs dans le cadre de leur situation ou dans le maintien au chômage, avec une réflexion éventuelle sur la limitation dans le temps de l’intervention de l’assurance chômage et où le contexte global de l’État social actif avait remis à la mode la notion de responsabilisation, ne faut-il pas réinterroger ces fausses évidences qui tiennent plus du dogme que de la réflexion?

1 Voy. sur cette question: J. Clesse, «La longue marche vers un statut unique ouvrier-employé», inJ. Clesse et J. Hubin (dir.), Questions spéciales de droit social. Hommage à Michel Dumont, coll. CUP, vol. 150, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 438.

2 Atelier de droit sociAL – Crides.

3 Voy. à ce sujet, M. Strongylos, R. Capart et G. Massart, Le statut unique ouvriers-employés. Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013, préface Steve Gilson, coll. Dossiers du BSJ, Limal, Anthemis, 2014.

4 St. Gilson, «L’absence en droit belge d’une obligation générale de reclassement des travailleurs dans l’entreprise en cas de difficultés économiques», Rev. dr. trav. (fr.), juin 2010, p. 396.

5 Voy. à ce sujet, not. St. Gilson et N. Robert, «Regards sur l’outplacement», in J.-Fr. Neven et St. Gilson (dir.), La réglementation du chômage: vingt ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, coll. Études pratiques de droit social, Waterloo, Kluwer, 2011, pp. 570 et s.; St. Gilson, «Introduction: le droit social face à la crise», in D. Plas et St. Gilson (dir.), Le droit social face à la crise, Limal, Anthemis, 2010, pp. 7 et s.

6 M. Jourdan, «Licenciement abusif de l’ouvrier. Évolution», in Ch.-E. Clesse et St. Gilson (coord.), Le licenciement abusif. Notions, évolutions, questions spéciales, Limal, Anthemis, 2009, p. 45.

7 Voy. à ce sujet not. St. Gilson et N. Hautenne, «Quelques considérations sur l’avenir de la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale», in St. Gilson (dir.),Quelques propos sur la rupture du contrat de travail. Hommage à Pierre Blondiau, coll. Perspectives de droit social, Limal, Anthemis, 2008, p. 237; St. Gilson et N. Hautenne, «L’obligation de reclassement du travailleur inapte: un coup de grâce à la notion de force majeure médicale», in M. Dumont (dir.), Le droit du travail dans tous ses secteurs, coll. CUP, Liège, Anthemis, 2008; St. Gilson, Fr. Lambinet et A. Roger, «La force majeure en droit du travail», in I. Bouioukliev (dir.), La force majeure, Limal, Anthemis, 2013, pp. 235 et s.

8 On notera ainsi que le commentaire de la C.C.T. no 51 signale que l’outplacement n’est pas synonyme d’inplacement ou de replacement en vue de procurer au travailleur un autre emploi chez le même employeur.

9 St. Gilson et N. Robert, «Regards sur l’outplacement», op. cit., pp. 570 et s.

10 Projet de loi concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvrier et employé en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d’accompagnement, avis du Conseil d’État no 54.231/1 du 6 novembre 2013, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2013-2014, no 53-3144/001, p. 122.

11Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2013-2014, no 53-3144/001, p. 49.

12 J. Clesse, «La longue marche vers un statut unique pour les ouvriers et les employés», op. cit., p. 438.

13 M. Strongylos, R. Capart et G. Massart, Le statut unique ouvrier-employé, Commentaires pratiques de la loi du 26 décembre 2013, Limal, Anthemis, 2014, p. 148.

14Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2013-2014, no 53-3144/001, p. 49.

15 On notera par ailleurs que dans certaines hypothèses, l’employeur en restructuration peut obtenir une intervention dans les frais d’outplacement pour le travailleur titulaire d’une carte de réduction licencié dans le cadre de la restructuration. Cette carte de «réduction restructuration» est donnée par l’ONEm et va permettre, pour être schématique, d’obtenir une réduction de cotisations de sécurité sociale pour le travailleur qui aurait été licencié et qui serait réengagé. Dans certaines hypothèses, l’employeur en restructuration peut obtenir une intervention dans les frais d’outplacement pour un travailleur titulaire de cette carte où une intervention maximale est fixée.

16 Fr. Verbrugge, «Employabilité et reclassement professionnel», in F. Kéfer (dir.), L’harmonisation des statuts entre ouvriers et employés, coll. Édition du Jeune Barreau de Liège, Limal, Anthemis, 2014, p. 299.

17 Le concept apparaît dans les sociétés anglo-saxonnes au début du XXe