Légende de sœur Béatrix - Charles Nodier - E-Book

Légende de sœur Béatrix E-Book

Charles Nodier

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Beschreibung

Extrait : "Non loin de la plus haute cime du Jura, mais en redescendant un peu sur son versant occidental, on remarquait encore, il y a près d'un demi-siècle, un amas de ruines qui avait appartenu à l'église et au monastère de Notre-Dame-des-Eppines-Fleuries."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 37

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Légende de sœur Béatrix

Maria, gratia plena.

Il étoit bien convenu en France, il y a une vingtaine d’années, que tous les trésors de la poésie sont renfermés sans exception dans le Pantheum mythicum dePomey, et dans le Dictionnaire de la Fable de M. Noël. Un nom inconnu de Phurnutus, une fable ignorée de Paléphate, un récit tendre et touchant qui ne remontoit pas aux Métamorphoses, toute idée qui n’avoit pas passé à la filière éternelle des Grecs et des Romains, étoit réputée barbare. Quand vous en aviez fini avec les Aloïdes, les Phaëiontides, les Méléagrides, les Labdacides, les Danaïdes, les Pélopides, les Atrides, et autres dynasties malencontreuses, fatalement vouées aux Euménides par la docte cabale d’Aristote et surtout par la rime, il ne vous restoit plus qu’un parti à prendre : c’étoit de recommencer, et on recommençoit. La patiente admiration des collèges ne se lassoit jamais de ces beaux mythes qui ne disoient pas la moindre chose à l’esprit et au cœur, mais qui flattaient l’oreille de sons épurés à la douce euphonie des Hellènes. C’étoit Bacchus né avant termeau bruit d’un feu d’artifice, et que Jupiter héberge dans sa cuisse, par l’art de Sabasius, pour y accomplir le temps requis à une gestation naturelle. C’étoit le fils de Tantale servi aux dieux dans une olla podrida digne des enfers, et dont Minerve, plus affamée que le reste des immortels, est obligée de remplacer l’épaule absente par une omoplate d’ivoire. C’étoit Deucalion repeuplant le monde avec les ossements de sa grand-mère, c’est-à-dire en jetant des pierres derrière lui. C’étoit je ne sais quel autre conte absurde et solennel dont il falloit connoître les détails ridicules, et souvent obscènes ou impies, sous peine de passer pour ignorant et pour stupide aux yeux de la société polie. En revanche, on décernoit des récompenses et des couronnes à l’heureux enfant qui étoit parvenu à rassembler dans sa mémoire le plus grand nombre possible de ces inepties classiques, et s’il m’en souvient bien, le premier prélatdu diocèse daignoit imprimer à son triomphe le sceau de sa bénédiction pontificale. Cette méthode d’abrutissement et de dégradation intellectuelle, qui manquait rarement son effet, s’appeloit l’éducation.

Cependant notre civilisation ne ressemblait plus depuis bien des années à celle qui s’étoit nourrie, pendant tant de siècles, des fables puériles du paganisme. L’ironie de Socrate avoit porté le premier coup aux fantômes des mythologues. Ils s’étoient évanouis sous le fouet de Lucien. Une nouvelle croyance s’étoit introduite, grave, majestueuse, touchante, pleine de mystères sublimes et de sublimes espérances. Avec elle étoient descendus dans le cœur de l’homme une multitude de sentiments que les anciens n’ont point connus, la sainte ferveur de la foi, le noble enthousiasme de la liberté, l’amour, la charité, le pardon des injures. Une poésie, mieux appropriée aux besoins du christianisme, étoit née avec lui, et cette poésie avoit aussi ses mythes et ses histoires. Pourquoi cette nouvelle source d’inspirations merveilleuses et de tendres émotions fut-elle négligée par ces habiles artisans de la parole, qui charment de leurs récits les ennuis et les douleurs de l’humanité ? Pourquoi la légende pieuse et touchante fut-elle reléguée à la veillée des vieilles femmes et des enfants, comme indigne d’occuper les loisirs d’un esprit délicat et d’un auditoire choisi ? C’est ce qui ne peut guère s’expliquer que par l’altération progressive de cette précieuse naïveté dont les âges primitifs tiroient leurs plus pures jouissances, et sans laquelle il n’y a plus de poésie véritable. La poésie d’une époque se compose, en effet, de deux éléments essentiels, la foi sincère de l’homme d’imagination qui croit ce qu’il raconte, et la foi sincère des hommes de sentiment qui croient ce qu’ils entendent raconter. Horsde cet état de confiance et de sympathie réciproques où viennent se confondre des organisations bien assorties, la poésie n’est qu’un vain nom, l’art stérile et insignifiant de mesurer en rythmes compassés quelques syllabes sonores. Voilà pourquoi nous n’avons plus de poésie dans le sens naïf et original de ce mot, et pourquoi nous n’en aurons pas de longtemps, si nous en avons jamais.