Les armes et les armures - Ligaran - E-Book

Les armes et les armures E-Book

Ligaran

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  • Herausgeber: Ligaran
  • Kategorie: Lebensstil
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2015
Beschreibung

Extrait : "Il est inutile de se demander si la première arme a été inventée par l'homme pour se défendre contre ses semblables ou contre les grands animaux ; il est certain que l'homme a dû s'armer dès qu'il a paru sur la terre."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

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EAN : 9782335054613

©Ligaran 2015

I Armes de l’âge de pierre

Il est inutile de se demander si la première arme a été inventée par l’homme pour se défendre contre ses semblables ou contre les grands animaux ; il est certain que l’homme a dû s’armer dès qu’il a paru sur la terre.

On est disposé à croire aujourd’hui que le genre humain est bien plus ancien qu’on ne le croyait il y a trente ou quarante ans. Il n’est personne qui n’ait entendu parler des découvertes de M. Boucher de Perthes et des armes antédiluviennes, trouvées d’abord, dans certaines localités, puis, quand tout le monde s’en est mêlé, un peu partout. Si la très haute antiquité de ces armes était admise, l’homme aurait été le contemporain du Bos primigenius, de l’Elephas giganteus et du grand ours des cavernes, qui avait la taille d’un bœuf. Il aurait combattu ces monstrueuses bêtes ; il les aurait pourchassées.

Le couteau, la flèche lancée avec un arc ou à la main (c’est-à-dire le javelot), la hache, voilà les armes des premiers hommes. On a trouvé des spécimens de chacune d’elles dans les localités les plus diverses. Elles sont invariablement en pierre, ce qui a fait donner à ce premier âge de l’humanité le nom d’âge de pierre.

Où commence l’âge de pierre ? On n’en sait rien. Il est impossible, comme on peut bien penser, de compter les années, et même les siècles, entre l’apparition de l’homme sur la terre et l’époque, elle-même assez indéterminée, ou l’histoire commence.

Où finit-il ? On le sait à peine. L’usage des armes en pierre s’est maintenu durant tout l’âge de bronze (c’est-à-dire celui où les armes furent faites en bronze et qui répond aux premiers temps de la Gaule ; aux temps des civilisations égyptiennes, assyriennes, homériques) ; il s’est prolongé durant l’âge de fer (on désigne par ce nom l’époque où le bronze a été généralement remplacé par le fer), et si loin prolongé qu’on retrouve encore des lances et des flèches en pierre vers le huitième siècle de notre ère, entre les mains des Normands.

Les armes de l’âge de pierre sont presque exclusivement faites en silex. Il fallait nécessairement une pierre de cette dureté pour obtenir de bons résultats, avec les procédés de confection dont l’homme primitif disposait.

Il choisissait probablement une pierre ayant déjà une tendance à la forme qu’il prétendait lui donner ; puis avec une seconde pierre il frappait à petits coups secs sur la première, de façon à en détacher des éclats. Notez que quand il frappait sur la pierre, les éclats qui s’en détachaient partaient, non de la surface frappée, mais de la surface opposée, de la surface de dessous qu’il ne voyait pas. Il fallait donc suppléer à la vue par une précision et une certitude de main vraiment extraordinaires.

Ces ouvriers, si sauvages qu’on les suppose à d’autres égards, faisaient preuve déjà de ce génie patient et volontaire qui honore le genre humain. Déjà aussi il y avait entre tel d’entre eux et tel autre des différences aussi considérables, relativement, que celles qui peuvent exister entre un bon et un mauvais artiste de notre temps.

À force d’étudier ces produits, qui, au premier abord, paraissaient d’une rusticité égale, on est arrivé à distinguer sûrement les cachets propres aux divers pays, aux divers temps, exactement comme on le fait pour les œuvres de l’art le plus compliqué ; on a pu avancer que certaines contrées fournissaient d’ordinaire des ouvriers excellents, tandis que certaines autres n’en produisaient que de médiocres ; on a pu diviser cet immense laps de temps qui précède le dernier déluge en époques de décadence et en époques de renaissance.

Cela dit, venons à nos armes, ou plutôt renvoyons le lecteur pour en prendre une idée à la page 7, car la forme de ces armes échappe à la description par une complication de lignes qui est la suite nécessaire des procédés de confection.

Comment ces haches (voir p. 7, n° 1), comment ces bouts de flèches s’emmanchaient-ils ? Pour les bouts de flèches, on pense bien qu’il ne pouvait pas être question de les terminer en douille, comme sont les flèches en métal. À supposer qu’on eût pu parvenir à percer un trou dans le silex, de manière à y introduire le manche, les parois du trou auraient éclaté au premier choc. On ne put faire que ce que font encore les peuples qui arment leurs flèches avec des pierres pointues. On enfonçait les bouts de flèche dans un manche fendu et on maintenait le tout par des liens de peau (voir p. 7, n° 6). Quant aux haches, on en trouve qui sont visiblement faites pour être mises au bout d’un manche, d’autres, au contraire, pour être maniées directement. Celles-ci ont subi un polissage afin de ne pas blesser la main, du côté où elles devaient être prises. Parfois même elles présentent un trou pour passer le pouce. Les autres s’emmanchaient comme on peut le voir p. 7, nos 2 et 10, 8 et 9. Peut-être les hommes antédiluviens connaissaient-ils déjà les divers moyens ingénieux dont on se servit plus tard, et dont se servent encore les sauvages, pour obtenir une adhérence solide des deux parties de l’arme (voyez page 14).

Les hommes de ce temps-là ont-ils su polir leurs pierres ? Oui, c’est à peu près certain. Une connaissance si simple ne passait pas l’intelligence de ces ouvriers qui exécutaient chaque jour des opérations bien plus délicates. Cependant on ne trouve pas pour cette époque les haches lisses, qu’on rencontre plus tard parmi les armes des premiers Celtes et d’autres peuples postérieurs ; d’où vient cela ? L’explication du fait, ce qui étonnera peut-être le lecteur, est toute à l’avantage de l’homme antédiluvien. Il avait reconnu, paraît-il, ce qui est vrai, que la hache lisse est inférieure, pour les divers usages qu’on peut demander à cette arme, à la hache irrégulière et hérissée d’esquilles, si grossière que celle-ci puisse paraître au premier abord.

En deçà de la dernière révolution géologique, et par conséquent dans cette période de l’histoire terrestre où nous sommes encore, mais avant les temps qu’on nomme historiques, c’est-à-dire avant le point assez indéterminé où la tradition humaine commence, on retrouve l’homme armé de la même manière qu’il l’était avant la révolution en question. Il ne connaît pas plus qu’auparavant l’usage des métaux ; il continue de faire la chasse ou la guerre avec des couteaux, des haches et des flèches en silex.

Ces armes présentent-elles quelque différence de forme qui permette de les distinguer sûrement des armes analogues de l’âge antérieur ? M. Boucher de Perthes, la principale autorité en cette matière, l’affirme positivement. Selon lui, on peut reconnaître les produits de l’art antédiluvien à ce qu’ils offrent des éclats relativement petits et de toutes formes, tandis que ceux de l’art antéhistorique se présentent comme façonnés par des éclats plus considérables et de forme allongée.

On pourrait ajouter, ce me semble, que les armes du second âge se profilent avec beaucoup plus de netteté, et que déjà elles dessinent vaguement les contours qu’auront plus tard les armes en bronze, contours typiques que tout le monde connaît. Il n’y a qu’à jeter les yeux sur des objets comme ceux-ci (n° 12), pour reconnaître tout de suite que ce sont des bouts de flèches ou de javelots. Il est vrai qu’ils appartiennent à la période la plus moderne : des temps antéhistoriques.

Fig. 1. – Armes de l’âge de pierre.
Fig. 2. – Armes de l’âge de pierre. – Le n° 15 est un couteau.

Parmi les armes de cet âge, il en est qui révèlent chez les auteurs le sentiment de l’élégance et de la beauté : ainsi la hache qu’on est convenu d’appeler hache des dolmens, polie avec soin, dessinée en forme d’un grand œuf aplati, a un galbe réellement artistique ; ainsi encore certaines pointes de flèches, barbelées, taillées à petits éclats, dont l’aspect donne l’idée d’une délicatesse et d’une sûreté de main extraordinaires.

Ajoutons, parmi les traits qui distinguent le premier âge d’avec le second, qu’on rencontre dans celui-ci des flèches en os, des casse-tête en bois simple, ou plus souvent encore en bois de cerf (nos 3, 4, 5, 7), et une petite hache, percée d’un trou à son milieu pour introduire le manche, et qui offre ainsi l’idée première et la forme originelle de la douille (n° 11).

II Armes de l’âge de bronze – Les Assyriens – Les Gaulois – Les Grecs – Les Étrusques

J’ai déjà dit qu’on est convenu d’appeler âge de bronze la période durant laquelle les hommes firent avec du bronze, c’est-à-dire avec un mélange de cuivre et d’étain, leurs ustensiles de ménage et surtout leurs armes ; et cela faute de connaître le fer ou de savoir le travailler. Je répète que ces périodes dites de pierre, de bronze, de fer, entrent les unes dans les autres, en ce sens qu’on voit les hommes se servir encore d’armes de pierre, lorsque les armes en bronze sont connues depuis longtemps, puis continuer l’usage de ces dernières longtemps après l’invention des armes en fer. Ainsi les Romains n’avaient que des armes en fer, soit pour la défense, soit pour l’attaque, lorsqu’ils envahirent les Gaules, et parmi les Gaulois, dans le même temps, les uns avaient des armes en fer, tandis que les autres continuaient à employer les armes de bronze.

Dans ce chapitre, nous parlerons des armes des Gaulois, de celles des Assyriens et de celles des Grecs au temps de la guerre de Troie. Si nous nous taisons sur le compte des autres peuples contemporains, c’est par l’excellente raison que les monuments manquent, et qu’en vouloir parler à toute force, ce serait servir sciemment au lecteur des conjectures en place de renseignements.

Armes assyriennes

Les récentes découvertes de M. Botta à Ninive nous permettent de donner quelques détails précis sur l’équipement des Assyriens. Commençons par les armes défensives.

Fig. 3. – Armes assyriennes.

Le bouclier qu’on voit sur les monuments de ce peuple est rond, généralement formé de cercles concentriques ; en métal ? en bois ? c’est ce qu’il est impossible de savoir. Ces cercles apparaissent à l’œil quand le bouclier présente sa face intérieure. Il est probable qu’extérieurement il était revêtu d’une lame unique ou d’une peau qui servait de support commun aux cercles dont je viens de parler. On voit d’autres boucliers, ronds aussi, qui offrent l’aspect le plus curieux ; ils apparaissent réticulés comme s’ils étaient en maçonnerie, et de fait il ne serait pas impossible qu’ils fussent composés de briques en bois, maintenues ensemble par un cadre de fer.

Nulle part on n’aperçoit distinctement de cuirasse, ni de grevière, comme en avaient les Grecs. Les guerriers assyriens sont simplement vêtus d’une longue tunique en étoffe massive et à poils longs, probablement en peau de chèvre. Quelques-uns présentent une espèce de justaucorps d’une physionomie plus militaire et qui, d’après les apparences, semble avoir été fait avec des cordelettes nattées. Cet ouvrage de sparterie, plus propre à résister aux coups que la tunique ordinaire, pourrait être considéré à la rigueur comme la cuirasse des Assyriens. Le casque, en métal sans doute, est formé d’une calotte surmontée la plupart du temps d’une sorte de corne recourbée en avant, et sa physionomie est peu agréable (voir p. 12).

Les armes offensives sont : l’épée, l’arc, la masse d’armes, la lance ou le javelot.

Fig. 4. – Armes assyriennes.

Presque tous les guerriers portent l’épée sur le flanc gauche, passée dans une ceinture qui la maintient presque horizontale ; elle est courte et offre à peu près les dimensions d’une dague. Autant qu’on peut en juger, car elle est toujours en fourreau, elle était large, aiguë et à deux tranchants. Sa poignée est d’une forme assez extraordinaire : c’est un simple manche, qui se profile comme des segments de boule diversement coupés, mis bout à bout ; il n’y a ni garde, ni croisée. Le fourreau est garni ordinairement d’une bouterolle, ornementée toujours dans le même style ; ce sont des animaux, des lions par exemple, couchés sur la bouterolle dans le sens de l’épée, et présentant une assez forte saillie.

L’arc, qui semble avoir été d’un usage très général, est d’une grandeur moyenne. Hors du champ de bataille, on le détendait à moitié et on le passait sur l’épaule, où il restait appendu. Même position pour le carquois, que soutient une cordelette ou une tresse.

La masse d’armes est assez difficile à reconnaître à première vue. On la prendrait aisément pour un sceptre, dont elle a la forme générale, n’était une courroie formant anneau, qu’on remarque à l’extrémité de son manche, et dans laquelle on engageait sans doute la main pour tenir l’arme plus sûrement, comme font encore aujourd’hui nos paysans avec leur bâton de pommier.

La lance, de la longueur de l’homme à peu-près, à manche lisse, à fer oblong, servait à la fois comme arme d’hast et comme arme de jet, à la façon des javelines dont parle Homère.

Deux observations pour finir : Les Assyriens, au moins les chefs, combattaient, comme les Grecs d’Homère, sur des chars de guerre dont la forme se rapproche beaucoup de celle du char grec. Ils avaient des machines de siège : l’une d’elles, dont la figure se représente souvent, est un grand chariot formé de claies, dans lequel on enfermait des soldats, et qu’on poussait ensuite vers les murailles ou vers une porte. Par une fente pratiquée sur le devant du chariot, on voit dans les monuments sortir une grosse pique avec laquelle les soldats essayent d’entamer la pierre ou le bois. Mettaient-ils cette lance en mouvement par la seule force des bras ou par mécanisme ? c’est ce qu’on ne peut savoir. On voit encore des guerriers qui tentent de brûler les portes avec des lances garnies à leur extrémité de compositions incendiaires, ce qui prouve que ces compositions remontent à la plus haute antiquité

Armes des gaulois

La hache, ou plutôt les haches gauloises, ont toutes à peu près la même forme quant au fer ; quant à l’emmanchement, elles présentent des différences intéressantes. Le fer (il faudrait dire le bronze), oblong, évasé du côté du tranchant, se profile selon deux lignes droites ou légèrement concaves. Celui qu’on rencontre le plus fréquemment, sans arêtes ni creux, n’a pu s’emmancher que dans un bâton fendu par le bout, et le tout était maintenu avec des lanières de cuir ou des nerfs (voy. p. 15, nos 1 et 2).

Les sauvages ont un procédé que nos aïeux connaissaient sans doute. Quand on enfonce une hache dans la fente d’un bâton, cela tient médiocrement ; mais si on l’insère dans une branche d’arbre et qu’on l’y laisse un an, comme l’arbre croît et que le bois tend à se rejoindre, la hache, serrée entre ces deux espèces de pinces, s’en échappe difficilement ; elle fait presque corps avec la branche. Voilà ce que les sauvages savent parfaitement, et ce que les Gaulois pratiquaient aussi, suivant toute probabilité. Ce procédé est en usage encore aujourd’hui parmi les sauvages de l’océan Pacifique ; leurs casse-tête nous expliquent les haches de nos ancêtres. L’habitude et la nécessité ont appris, en outre, à ces sauvages à faire diverses ligatures très solides. Nous autres civilisés, nous ne soupçonnons pas tout le parti qu’on peut tirer d’un simple nœud, et surtout combien on peut le varier. Il est à croire que nos ancêtres, au moins aussi bien doués que les sauvages de l’océan Pacifique, connaissaient comme eux ces nœuds compliqués, ces ligatures savantes, qui rendent des services surprenants.

Fig. 5. – Armes celtiques. – Le n° 5 est une hache à douille plus moderne sans nul doute que les précédentes.

La hache, qui porte le nom de celt (n° 3), est une espèce de coin. Dressée sur son tranchant, elle se profile comme une cannette, d’autant qu’elle présente un rebord à son extrémité supérieure et une sorte d’anse ; ce qui complète sa ressemblance, c’est qu’elle est creuse. Dans ce trou qui formait douille, on enfonçait un manche qui, quelques pouces plus bas, se recourbait. Une courroie passée dans l’anse, enroulée au bas de la saillie formée par le bord, puis autour du manche, maintenait l’assemblage.

Autres méthodes d’emmanchement : La hache à sa partie postérieure était creusée de deux larges rainures : on appliquait dans ces rainures les branches du manche, et on liait le tout avec des courroies de cuir et même de bronze ; ou bien encore les bords de la hache, toujours à sa partie postérieure, étaient relevés de manière à former une demi-douille de chaque côté (p. 15, n° 4). Les branches du manche s’engageaient dans ces demi-douilles : elles y tenaient solidement, même sans le secours de liens. Seulement le recul de la hache, quand on donnait un coup vigoureux, devait faire fendre le manche.

L’épée gauloise (du moins l’arme qu’on offre sous ce nom dans la plupart des musées, et notamment au Musée d’artillerie à Paris), en bronzé, est longue, aiguë, tranchante des deux côtés et rappelle par sa forme la feuille de sauge (p. 19, n° 1), comme l’épée grecque ; elle est très différente par conséquent de l’épée romaine, avec qui elle aura affaire. Pour la poignée, elle offre deux types : dans l’un, la soie est à peu près aussi large que la lame, elle est percée de trous ; on applique dessus de chaque côté une planchette et on enfonce des rivets qui, traversant le bois des deux côtés et passant dans les trous, maintiennent le tout. Dans l’autre type, la lame n’a pas de soie : elle finit par un large talon ; celui-ci porte deux ou trois longs clous saillants, dans le même sens que la lame ; en les enfonçant dans un petit cylindre de bois, cela forme tout de suite une poignée, mais naturellement fort peu solide.

Il faut dire que ces épées en bronze sont très suspectes à d’excellents archéologues.

Dans leur opinion, elles seraient non pas gauloises, mais romaines ; et, en ce cas, il faudrait les considérer comme des spécimens de l’épée grecque, imitée par les Romains dans les derniers temps de l’empire, où ils empruntèrent des armes aux peuples les plus divers. La ressemblance dont nous avons parlé s’expliquerait alors tout naturellement. Ce qu’il y a de sûr, c’est que rien ne ressemble moins que ces épées aux longues armes pliantes et à pointe camarde que les historiens romains nous décrivent pour les avoir vues entre les mains des Gaulois, en Italie.

C’est par l’épée que, chez les Gaulois, le fer commença à se substituer dans les armes au bronze son aîné, et ce fut, il faut le dire, une innovation malheureuse pour les Gaulois. Ils ne surent jamais fabriquer une bonne épée avec cette matière, et ils furent vaincus, au moins dans les batailles qu’ils livrèrent aux Romains durant la période de leur établissement en Italie, non faute de courage, mais faute d’industrie. Ainsi à Télamone ou, unis avec les Samnites et avec les Etrusques, ils parurent un moment près d’étouffer la puissance naissante de Rome, ils essuyèrent finalement une terrible défaite qui décida du sort de leurs colonies en Italie, et cela par les torts de cette épée. On ne peut pas dire que les Romains fussent alors en discipline et en tactique militaire les maîtres qu’ils furent plus tard. Mais déjà ils mettaient dans le choix de leurs armes un soin et un discernement que nos ancêtres ne connurent jamais. On le vit bien ce jour-là : l’épée mal trempée du Gaulois se ployait aux premiers coups, et tandis qu’il la mettait sous le pied pour la redresser, le Romain avait tout le temps de le percer de son glaive rigide et acéré.

Longtemps les Gaulois répugnèrent à toute espèce d’armes défensives ; peu à peu cependant les chefs en adoptèrent l’usage, à l’imitation des Grecs et des Romains, avec qui les rapports devenaient chaque jour plus fréquents, je ne dis pas plus amicaux. Le casque, adopté par les chefs gaulois, fut le casque romain, mais ils y ajoutèrent des appendices qui en changeaient singulièrement l’aspect, tels que des cornes de chèvre, de taureau, des ailes d’oiseaux, etc. La cuirasse fut, comme chez les Grecs et les Romains, tantôt composée de deux plaques de métal, bronze ou fer, tantôt formée d’un tissu de mailles : seulement la cuirasse fut toujours une rareté parmi les Gaulois. – Le bouclier devint d’un usage beaucoup plus commun. On le formait d’une claie d’osier recouverte de cuir ou de planches assemblées, et pour l’orner on y clouait au centre une tête d’animal, ou un fleuron ou un masque en bronze repoussé.

Fig. 6. – Armes gauloises. – Le n° 2 est une épée gallo-romaine des temps de l’empire.

Ceux qu’on voit figurés sur l’arc de triomphe d’Orange, de forme hexagonale, présentent, outre cette décoration centrale, des rinceaux disposés la plupart du temps sur une sorte d’arbre longitudinal. Ces rinceaux probablement étaient tantôt peints, tantôt obtenus par des applications de bois ou de métal.

Mais à ce propos il y a une observation que tout le monde peut faire et qui diminue singulièrement l’autorité des monuments anciens : c’est que les Romains, qui représentaient tous les peuples barbares habillés à peu près de même, leur prêtaient aussi des armes à peu près semblables, et, par exemple, les armes gauloises qu’on voit sur cet arc d’Orange ont d’étonnants rapports avec les armes des Daces, figurées sur la colonne Trajane.

Armes grecques des temps dits héroïques

Ici les monuments figurés nous manquent, mais nous avons Homère, le plus précis et le plus net des poètes. Donnons-lui la parole tout de suite, avec le profond respect qui lui est dû.

« Il dit, et, brandissant sa longue javeline, elle vole. L’illustre Hector, qui l’a épiée, l’évite en se penchant à terre. La pointe va se ficher dans le sable. Minerve qui, invisible, préside au combat, arrache l’arme du sol et la rend à Achille. Hector, à son tour, brandit la longue javeline, elle vole sans s’égarer et frappe le milieu du divin bouclier (divin parce qu’un dieu, Vulcain, l’a fabriqué) qui la repousse. Hector tire alors la grande et tranchante épée suspendue à ses flancs, se ramasse sous ses armes et fond sur Achille. Celui-ci l’attend en brandissant sa javeline. Il cherche par où pénétrer, malgré les nobles armes d’airain qui couvrent tout entier le beau corps de son rival. Il voit enfin la gorge à découvert, il y pousse son javelot, sa pointe plonge tout entière dans le cou délicat. »

Presque tous les détails de l’équipement grec sont dans ce passage. Il faut les en tirer et les développer par d’autres passages. Les armes offensives, on le voit, sont l’épée et le javelot ou la javeline. Celle-ci joue le principal rôle, et ce n’est que quand il l’a perdue, que le héros saisit son épée. La javeline est longue. Homère lui donne rarement une autre épithète ; elle devait être aussi lourde, car on ne la lançait qu’à très courte distance. Dans le duel qu’Hector a eu précédemment avec Ajax, les deux héros se sont lancé leurs javelines, mais elles « se sont arrêtées dans l’épaisseur des boucliers. « Tous deux les ramènent alors et fondent l’un sur l’autre. » Il me semble qu’ils n’aient eu qu’à se baisser pour les reprendre.

La javeline servait aussi d’armé d’hast, c’était une véritable lance ; son fer était long et large, non barbelé, son manche en bois de frêne. « Cependant Achille soulève le frêne du Pélion. » (Chant XXI.)

Homère donne à l’épée les épithètes de grande, de tranchante et de longue. Voici un passage qui montre qu’elle servait également à porter des coups de taille et des coups de pointe.

« Lycon et Pénélée (chant XVI) s’attaquent mutuellement. Leurs javelots s’égarent…, alors ils tirent l’épée. Lycon laisse tomber la sienne sur le cône du casque à flottante crinière, mais elle se brise à la poignée, tandis que Pénélée lui perce le cou au-dessous de l’oreille et plonge dans la blessure son glaive tout entier. »

Comment le guerrier la portait-il ? Une autre citation va répondre.

« Hector (il venait de se battre avec Ajax dans un duel indécis et que les hérauts des deux armées firent cesser) dit à Ajax : « Échangeons de nobles « présents…» Et il offre au fils de Télamon un glaive orné de clous d’argent avec son riche fourreau et un élégant baudrier. »

L’épée donc pendait à un baudrier passé sur l’épaule. Mais de quel côté pendait-elle ? Rien ne l’indique, si ce n’est la longueur de l’arme. On sait, en effet, qu’il est impossible de porter sur le flanc droit un glaive tant soit peu long.

Passons aux armes défensives. Dans le passage qui sert de thème à nos commentaires, le bouclier est nommé clairement ; la cuirasse n’est qu’indiquée par ces mots : « les nobles armes d’airain qui couvrent son beau corps. » Voyons d’abord les dimensions et la structure du bouclier.

« Vulcain (à la prière de Thétis) fabrique d’abord (pour Achille) un bouclier vaste et solide, l’orne partout avec un art divin et le borde d’un triple cercle d’une blancheur éblouissante, d’où sort le baudrier d’argent. » Ce baudrier, c’est proprement la guige qui sert à suspendre le bouclier au corps et à le porter sur le dos. « Cinq lames forment le bouclier, et Vulcain prodigue sur la surface les merveilles de son admirable industrie. Il représente la terre, le ciel, la mer, le soleil infatigable et la pleine lune. Il représente tous les signes dont le ciel est couronné, les Pléiades, les Hyades, le fort Orion, l’Ourse, que le vulgaire appelle le Chariot, qui tourne aux mêmes lieux, en regardant Orion et seule n’a point part aux bains de l’Océan.

Vulcain représente encore deux belles villes, demeures des hommes ; dans l’une on célèbre un mariage et de solennels festins. À la lueur des flambeaux, on conduit l’épouse par la ville, hors de la chambre nuptiale, et l’on invoque à grands cris l’hyménée ; de jeunes danseurs forment de gracieuses rondes ; au centre, la flûte et la lyre frappent l’air de leurs sons ; et les femmes, attirées sous leurs portiques, admirent ce spectacle. Plus loin à l’Agora, une grande foule est rassemblée ; de violents débats s’élèvent : il s’agit du rachat d’un meurtre ; l’un des plaideurs affirme l’avoir entièrement payé et le déclare aux citoyens, l’autre nie l’avoir reçu. Tous deux désirent que les juges en décident. Le peuple, prenant parti pour l’un ou pour l’autre, applaudit cependant celui qu’il favorise. Les hérauts réclament le silence, et les anciens assis dans l’enceinte sacrée, sur des pierres polies, empruntent les sceptres des hérauts à la voix retentissante. Ils s’appuient sur ces sceptres, lorsqu’ils se lèvent et prononcent tour à tour leur sentence. Devant eux sont deux talents d’or, destinés à celui qui a le mieux prouvé la justice de sa cause.

Autour de l’autre ville sont rangées deux armées dont les armes étincellent, les assiégeants agitent un double projet qui leur plaît également, ou de tout détruire, ou d’obtenir la moitié des richesses que renferme la noble cité. Mais les assiégés refusent de se rendre ; ils s’arment pour une embuscade ; ils laissent à la garde des remparts leurs épouses chéries, leurs tendres enfants et les hommes que la vieillesse accable, puis ils franchissent les portes. À leur tête marchent Pallas et Mars, tous les deux revêtus de tuniques d’or. À leur grande taille, à l’éclat de leurs armures, on reconnaît des dieux : le peuple est un peu moindre. Arrivés au lieu de l’embuscade, au gué du fleuve limpide où se baignent les troupeaux, ils s’arrêtent sans se dépouiller de l’airain brillant et placent en avant deux sentinelles, pour leur signaler rapproche des brebis et des noirs taureaux. Bientôt le bétail s’avance, deux pâtres le conduisent, et du son de la flûte charment leur labeur, ne soupçonnant point d’embûches. Les citoyens les voient les premiers, s’élancent, saisissent les bœufs, les blanches brebis, et massacrent les bergers. Cependant le tumulte, le mugissement des bœufs parviennent jusqu’à l’assemblée des assiégeants. Soudain ceux-ci montent sur leurs coursiers rapides et atteignent en un moment les bords du fleuve où le combat s’engage. Les javelines d’airain se croisent et portent de terribles coups. On distingue dans la mêlée la Discorde, le Désordre, et la Destinée destructive qui frappe l’un d’une cruelle blessure, épargne celui-ci, et tire par les pieds, sur le champ de bataille, cet autre que la mort vient de terrasser ; un vaste manteau enveloppe ses épaules et ruisselle de sang humain. L’art de Vulcain anime ces figures : on les voit combattre ; on les voit, des deux parts, emporter les morts.

Vient ensuite une vaste et molle jachère, terrain fertile, qui se façonne trois fois ; plusieurs hommes le labourent, ils retournent le joug et se dirigent tantôt dans un sens, tantôt dans un autre ; à leur retour, vers la limite du champ, un serviteur leur verse une coupe de vin délicieux ; puis ils recommencent de nouveaux sillons, impatients de revenir encore au terme du profond guéret. Prodige de l’art ! le champ d’or prend sous leurs pas une teinte noire, comme celle de la terre fraîchement remuée.

Plus loin, le dieu représente un enclos couvert d’une abondante récolte. Les moissonneurs y travaillent la faux à la main, et, le long des sillons, font tomber en gerbes les nombreux épis ; d’autres avec des liens attachent les javelles. Il y a trois botteleurs que suivent des enfants qui ramassent les gerbes, les portent dans leurs bras et sans relâche les mettent en monceaux. Au milieu de ses serviteurs, le roi de ce champ, debout sur les sillons, appuyé sur son sceptre, les regarde en silence et se réjouit en son cœur. À l’écart, les hérauts préparent sous un chêne un abondant repas ; ils ont sacrifié un énorme taureau qu’ils apprêtent ; les femmes les secondent en saupoudrant les chairs de blanche farine.

Vulcain représente encore une belle vigne dont les rameaux d’or plient sous le faix des grappes de raisins pourprés ; des pieux d’argent bien alignés la soutiennent, un fossé d’émail et une haie d’étain l’entourent : un seul sentier la traverse, pour les porteurs au temps de la vendange. Des vierges et des jeunes gens, aux fraîches pensées, recueillent, dans des corbeilles tressées, le fruit délectable. Au milieu d’eux un enfant tire de son luth les sons les plus suaves, et accompagne sa voix gracieuse du léger frémissement des cordes. Les vendangeurs frappent la terre en cadence et, battant du pied la mesure, répètent ses mélodies.

Plus loin il trace un troupeau de bœufs à la tête superbe, où se mêlent l’or et l’airain ; ils se ruent en mugissant hors de l’étable et vont au pâturage sur les rives du fleuve retentissant, bordé de frêles roseaux. Quatre pâtres d’or conduisent les bœufs et neuf chiens agiles les escortent. Soudain deux lions horribles enlèvent, à la tête du troupeau, un taureau mugissant ; les chiens, les jeunes gens s’élancent, mais les lions, déchirant leur victime, hument son sang et ses viscères. Vainement les pâtres les poursuivent en excitant leurs chiens. Ceux-ci n’osent aborder les terribles bêtes, et se contentent de les serrer de près en aboyant, mais en les évitant toujours.

Le dieu représente encore, dans un riant vallon, un vaste pré où paissent de grandes et blanches brebis ; près de là sont les étables, les parcs et les chaumières des bergers.

Il trace ensuite un chœur semblable à ceux que jadis, dans la vaste Gnosse, Dédale forma pour Ariane à la belle chevelure. Des jeunes gens et des vierges attrayantes, se tenant par la main, frappent du pied la terre. De longs vêtements d’un lin fin et léger, des couronnes de fleurs, parent les jeunes filles. Les danseurs ont revêtu des tuniques d’un tissu riche et brillant comme de l’huile, leurs épées d’or sont suspendues à des baudriers d’argent. Tantôt le chœur entier, non moins léger qu’expert, tourne aussi rapide que la roue du potier, lorsqu’il éprouve si elle peut seconder l’adresse de ses mains ; tantôt ils se séparent et forment de gracieuses lignes qui s’avancent tour à tour. La foule les admire et se délecte à ces jeux. Un poète divin, en s’accompagnant de la lyre, les anime par ses chants. Deux agiles danseurs, dès qu’il commence, répondent à sa voix et pirouettent au milieu du chœur.

Enfin Vulcain, avec non moins d’habileté, trace aux extrémités de ce bouclier merveilleux la grande force du fleuve Océan. »

Par quel art sont formées ces figures, et quels procédés Homère a-t-il en vue ? Était-ce du repoussé ou de la gravure ? Les termes dont il se sert et l’état de la civilisation contemporaine donnent à penser qu’il s’agit ici de représentations obtenues par la gravure. Quoi qu’il en soit, l’art du dessin et de la composition était déjà né, comme on voit. On savait aussi argenter, dorer et émailler. Voilà pour le bouclier d’Achille. Celui d’Ajax est fait de sept peaux de taureau et d’une lame d’airain superposée. Celui d’Agamemnon, qui le couvre en entier, est formé de dix cercles d’airain et de vingt bosses d’étain blanc, soutenues et unies sans doute par une armature.