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Extrait : "La Seine, grosse de l'Yonne, de l'Yères, de la Marne, court Paris sur une longueur de dix kilomètres. Tout en traversant la ville, elle avale encore goulûment la Bièvre, en amont du pont d'Austerlitz, et elle boit négligemment ce qui reste du ruisseau de Ménilmontant aux environs du pont de la Concorde. Elle est large d'environ 160 mètres au pont National, et sa plus grande largeur est en aval du Pont-Neuf, où elle atteint 263 mètres..."
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Seitenzahl: 37
Veröffentlichungsjahr: 2015
EAN : 9782335077278
©Ligaran 2015
La Seine, grosse de l’Yonne, de l’Yères, de la Marne, court Paris sur une longueur de dix kilomètres. Tout en traversant la ville, elle avale encore goulûment la Bièvre, en amont du pont d’Austerlitz, et elle boit négligemment ce qui reste du ruisseau de Ménilmontant aux environs du pont de la Concorde. Elle est large d’environ 160 mètres au pont National, et sa plus grande largeur est en aval du Pont-Neuf, où elle atteint 263 mètres. Sa profondeur moyenne est d’environ 3 mètres, mais c’est une profondeur très variable par l’influence des saisons, l’apport des pluies, la fonte des neiges. Elle est aujourd’hui, et depuis un certain nombre d’années, très régulière et très sage, contenue entre les deux lignes des quais. Autrefois, elle s’étalait et ravageait sans contrainte, et elle a laissé le souvenir de débordements funestes. Aux durs hivers, elle charrie des glaçons et se solidifie, mais il y a longtemps que ce spectacle n’a été contemplé : celui de l’année 1879-80, m’est resté dans l’esprit, avec l’atmosphère glauque, le ciel noir et neigeux, la surface du fleuve verdâtre, hérissée de blocs de glace, ses petits personnages sombres piétinant, patinant, décrivant des arabesques, un ensemble comme ceux des tableaux des petits maîtres hollandais.
Cette première physionomie de la Seine à Paris peut être complétée par un tracé rapide : elle entre dans la ville au sud-est, entre la route de Charenton et le quai de la gare d’Ivry, coupe la ligne des fortifications et s’engouffre tout de suite sous le pont National, coule vers le nord-ouest en décrivant un vaste arc de cercle qui s’infléchit à hauteur de la place de la Concorde et du commencement des Champs-Élysées, reprend ensuite une direction sud sud-ouest qu’elle conserve jusqu’à la boucle de Meudon.
Que l’on pénètre dans Paris en bateau, en voiture, en wagon, on est prévenu de l’arrivée par l’apparition du gabelou. Sur la Seine, celui-ci sort d’un poste établi sur un ponton, un peu en avant du pont National. Ce premier pont relie les portes de Bercy et de la gare d’Ivry, le côté amont sert au mouvement des voitures, des piétons, et à tous les usages d’une voie publique, le côté aval donne passage aux trains du chemin de fer de ceinture. Le tablier barre l’horizon en masquant toute la perspective de Paris, on ne voit que la ligne brisée que forment les revêtements des remparts, et quelques constructions peu élevées, dépôts et casernes. Ce premier décor manque de prestige.
L’encombrement des berges est au moins pourvu maintenant de quelque pittoresque, c’est une décoration régulière et festonnée tour à tour de futailles de toutes dimensions : demi-muids, pipes, barriques, feuillettes, quarteaux, barillets, à peu près tous les spécimens de l’art de la tonnellerie. Les cuves d’unification, les foudres de vin et d’eau-de-vie, sont alignés dans des magasins construits au-delà des quais, ou dans les chais voûtés creusés dans les terrains environnants. Ce sont les caves de réserve, l’espoir des bamboches futures, les approvisionnements qui viendront se distribuer d’abord dans la Halle aux Vins que l’on aperçoit plus loin, au-delà des verdures du Jardin des Plantes, puis se débiter sur les innombrables « zincs » où vient s’étancher la soif inextinguible de Paris, car c’est ici le pays de la soif, le royaume du liquide, un peu trop près du fleuve, disent les mauvaises langues. Les mauvaises langues ont tort, le raisin abonde, et le vin n’est pas si cher que l’eau débitée en bouteilles, au prix du bordeaux et du bourgogne.
Mais déjà, le pont National à peine franchi, l’horizon s’est élargi, et de toutes parts surgissent les dômes des édifices, les flèches des églises, les blocs des maisons silhouettés dans la clarté ou entraperçus à travers la brume. Le plus souvent, à cette distance, tous les détails se confondent en une masse vaporeuse. Le pont de Tolbiac et le pont de Bercy dépassés, le premier monument qui apparaisse nettement, c’est Notre-Dame, pesante sur le fleuve avec ses deux tours carrées et massives, son abside soutenue par la forêt des contreforts, forme trapue, épaisse, à peine allégée par l’élancement de la fine flèche.