Les fées au au Moyen Âge - Alfred Maury - E-Book

Les fées au au Moyen Âge E-Book

Alfred Maury

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Beschreibung

Le célèbre historien Alfred Maury nous offre avec Les fées au moyen âge, une analyse érudite d'une figure mythique hantant, dès le Haut moyen âge, les arts et la littérature, celle de la fée. Recoupant les informations avec les déesses mères celtiques, les cultes de l'abondance et les autres divinités, Alfred Maury brosse un vibrant portrait d'une figure incontournable du folklore celtique, entrée dans la culture savante, puis la culture populaire du XIXe siècle et le cinéma au XXe. Si la fée est une création littéraire des XIIe et XIIIe siècles, figure clé de l'imaginaire médiéval, elle cristallise, dans les siècles qui suivront, les archétypes de la féminité et les métaphores de la jouvence et de la magie. Une figure qui n'a pas fini de livrer tous ses mystères.

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Sommaire

CHAPITRE I : LES PARQUES ET LES DÉESSES-MÈRES

CHAPITRE II : LES FÉES

CHAPITRE III : LES ESPRITS FANTASTIQUES DES PEUPLES DU NORD

CHAPITRE I :

LES PARQUES ET LES DÉESSES-MÈRES

Le sentiment religieux s’éveille, chez tous les hommes, en présence du spectacle imposant de la nature ; mais suivant la physionomie de celle-ci, il prend un caractère différent et s’attache à des objets divers. Sous le ciel bruineux et triste de la Celtique ou de la Germanie, l’esprit n’est point affecté des mêmes impressions que sous le soleil brûlant de l’Afrique, ou sous l’atmosphère molle et vaporeuse de la Toscane. Devant les granits sévères de l’Armorique que la mer vient souvent ronger de ses flots écumeux, à l’entrée de ces forêts ténébreuses et profondes, telles que l’Erzgebirge ou les Ardennes, le long de ces fleuves majestueux aux bords romantiques et solitaires, comme le Rhin ou la Loire, au milieu de ces landes stériles, de ces immenses bruyères, de ces dunes mobiles de l’Aquitaine ou de la Domnonée, l’imagination est saisie d’une pensée grave et rêveuse ; elle ne s’allume pas d’un enthousiasme soudain ; elle ne se berce pas d’idées voluptueuses et riantes, comme elle le fait en face des scènes grandioses de l’Inde ou de l’Égypte, des vallées fraîches et fleuries de la Thessalie, des jardins magnifiques de la Perse. La pensée religieuse semble grandir avec la végétation, avec la force vitale d’expansion qui nous entoure. On pourrait la comparer à cette herbe modeste et humble de taille qui parcourt en un an le cercle de ses destinées, mais qui, transportée sous un climat plus actif, sous l’influence d’agents atmosphériques plus énergiques, s’élance fièrement en arbuste ligneux et se transforme même en un arbre d’une majestueuse prospérité !

L’étude des religions met tous les jours en lumière ces oppositions dans le caractère des croyances de chaque peuple, nées de la dissemblance des contrées qu’ils habitent. Qu’il y a loin de ce Dieu si vaste et si incompréhensible des Hindous, de ce Brahma, qui se cache dans des profondeurs insondables pour l’intelligence humaine, à ce Dieu informe du Kamtschadal, dont la figure est un pieu grossièrement taillé, planté près du foyer d’une yourte misérable ! On comprend donc que dans la Germanie, la Gaule et l’Helvétie, la religion ne se manifestât pas avec le gracieux cortège dont elle s’entourait dans la Grèce. Un site monotone et austère n’évoquait, dans l’âme des Celtes hardis et farouches, que des croyances terribles, que des conceptions religieuses simples et sévères comme la nature qui les environnait. Des divinités impitoyables régissaient à leurs yeux l’univers et faisaient pleuvoir sur les mortels les désastres et les maladies. Pour les nations septentrionales, aux regards desquelles s’offraient sans cesse des scènes de mort et de destruction, le spectacle effrayant de longues nuits, la pensée du néant venait se mêler à toutes les croyances et les dominait tout entières. Le trépas, la terreur, la souffrance semblaient des caractères plus particuliers aux Dieux que l’amour, la justice et la bonté ; ces fléaux étaient les attributs divins par excellence, et tant paraissait fatale et nécessaire aux Scandinaves cette loi de la destruction et de la mort, qu’ils y soumettaient leurs divinités elles-mêmes, lors de ce grand crépuscule qui devait éclairer les derniers instants de la nature.

Les météores étonnaient surtout l’esprit de ces anciens peuples, et c’était dans ceux dont ils redoutaient davantage les effets qu’ils reconnaissaient plus particulièrement l’intervention divine. Taranis 1 frappait souvent de la foudre la cime orgueilleuse de leurs montagnes, et Circius 2 faisait souffler un vent desséchant et impétueux. Au sein de cette Gaule que le soc de la charrue n’avait pas encore transformée en un des pays les plus riches de l’Europe, l’eau, la terre, la pierre et le bois, éléments premiers de l’industrie, étaient presque les seuls dons que le créateur eût départis aux habitants, dons précieux qui leur apparaissaient comme autant de divinités bienfaisantes révélant leur présence par ces objets grossiers en apparence, et dont la puissance mystérieuse devait être invoquée et bénie.

Antérieurement au druidisme, né des croyances orientales, l’adoration des fleuves, des forêts, des pierres, des lacs, des monts et des fontaines constituait tout le culte de nos ancêtres. Le druidisme ne le détruisit pas, il se combina seulement avec lui 3. L’épigraphie latine ne laisse aucun doute à cet égard 4. Les Vosges étaient pour les Celtes le dieu Vosegus 5, les Alpes, le dieu Poeninus 6 ; la forêt des Ardennes, la déesse Arduinna 7 ; le Rhin 8, le Danube 9, étaient honorés comme des divinités ; les sources thermales étaient invoquées sous le nom du dieu Borvo, du dieu Grannus, sous ceux des déesses Damona ou Sirona 10, etc. Rome, qui plaçait dans son Panthéon les dieux de tous les peuples qu’elle soumettait à son empire, confondit dans son vaste polythéisme les divinités de la Gaule et de la Germanie, et lorsque les inscriptions nous révèlent l’existence de divinités topiques, de croyances locales, elles nous les montrent déjà transformées par l’influence latine. Le nom du dieu romain est joint à celui du dieu gaulois avec lequel il offrait quelque analogie. C’est ainsi qu’Ogmius devint Hercule Ogmius ; Grannus, Apollon Grannus ; Camulus, Mars Camulus ; Abnoba et Arduinna, Diane Abnoba et Diane Arduinna ; Visucius, Mercure Visucius. La racine de ces vocables divins, étrangère au latin, dénonce la confusion que le peuple roi s’efforçait d’opérer entre toutes les religions, pour les ramener à la sienne et étreindre par un même lien sacerdotal ceux qu’il étreignait déjà par un même lien politique 11. Quelquefois le nom primitif du dieu a tout à fait disparu ; le nom latin est resté seul. Mais malgré cette substitution d’un nom nouveau, il est presque toujours aisé de reconnaître la divinité nationale originaire. Que de fois on a retrouvé dans la France et l’Allemagne des inscriptions qui sont relatives aux Nymphes, aux Suleviae, aux Sylvains, aux Junones, et qui font voir combien le culte de ces divinités secondaires était répandu dans les contrées gauloises et germaniques ! Tantôt c’est un Praefectus aquae qui, sur les bords du Rhin, dresse un autel aux nymphes qui président aux ondes sacrées du fleuve 12 ; tantôt c’est une druidesse, Arété, qui, sur l’ordre d’un songe, consacre un ex-voto aux sylvains et aux nymphes du lieu 13 ; une autre fois ce sont des charpentiers (tignarii) de Feurs qui réparent un temple de Sylvain 14. Ne sont-ce pas là des monuments qui attestent que le culte des bois, des eaux et des fontaines s’était encore conservé dans la Gaule pendant la domination romaine ? Dans ce lac dédié à Apollon et situé près de Toulouse, lac qui recevait les offrandes d’or et d’argent qu’y venaient jeter les Tectosages, ne retrouve-t-on pas également l’antique adoration des eaux 15 ?

Non seulement les peuples de la Gaule et de la Germanie adressaient leurs voeux aux agents physiques de la nature qui étaient pour eux les manifestations de puissances divines cachées, mais chaque ville plaçait encore son territoire sous la garde d’une divinité particulière avec laquelle cette ville, ce territoire étaient pour ainsi dire identifiés. Cette croyance à des divinités autochtones et topiques, vestige épuré du fétichisme plus grossier dans lequel la terre elle-même recevait un culte, exerçait une heureuse influence sur le patriotisme des Gaulois ; elle attachait, par le lien le plus sacré, l’homme au sol qui l’avait vu naître en transformant ce sol même en une divinité qui vivait en lui et en protégeait les habitants. Les dieux ne faisaient qu’un avec la patrie : abandonner son toit, sa cité, c’était quitter sa religion. Cette idée empêcha plus d’une fois le Gaulois, prêt à émigrer, de délaisser un sol ingrat pour une terre plus féconde ; elle contribuait aussi à réveiller, dans l’âme de celui qui avait quitté sa demeure, la pensée du retour. Il n’y avait pas, sans doute, que les Gaulois et les Germains qui eussent ainsi divinisé leurs villes, afin d’y attacher davantage les citoyens ; dans toute l’antiquité, chaque peuple eut ses dieux, comme ses lois, distincts de ceux des autres peuples ; dieux qui prenaient fréquemment leur nom de celui de la nation ou de la cité qui les invoquait. Athènes et Rome, personnifications des deux plus célèbres villes de la Grèce et de l’Italie, étaient regardées comme des déesses. Mais chez les Gaulois, cette localisation religieuse était le fondement même de leur mythologie 16. Chaque divinité était affectée à une ville, à laquelle elle empruntait son nom : Nemausus veillait sur Nîmes, Vesontio sur Besançon, Luxovius sur Luxeuil, Bibracta sur Beuvray. Plus souvent, c’étaient plusieurs divinités réunies qui étendaient à la fois leur protection sur une peuplade, sur un territoire. On ne les désignait pas par un autre nom que celui de cette même peuplade, de ce même territoire. A Rumenheim, elles s’appelaient Rumanehae17 ; à Hamm, Hamavehae18 ; à Trèves, Treverae19 ; Vacalinehae à Wachlendorf 20 ; chez les Gallaici ou Callaici, Gallaicae21 ; et lors même qu’on ne reconnaît pas quel était le peuple qui les honorait d’une manière spéciale, la terminaison seule de leur nom indique qu’il est dérivé d’un nom de peuple ou de ville 22.

Ces divinités étaient ordinairement représentées par trois femmes portant dans leurs mains des fleurs, des fruits ou des pommes de pin 23 ; les inscriptions de la période romaine leur donnent le nom générique de matrae, emprunté sans doute à la langue gauloise, ou ceux de matres et matronae24. Ces deux derniers vocables, empruntés à la langue latine, font voir que le polythéisme romain s’était associé ces divinités locales. De même qu’il substituait les nymphes, les sylvains et les campestres de l’Italie aux esprits des rivières, des bois et des fontaines, adorés dans la Celtique, il remplaçait les divinités topiques dont nous venons de parler, par les Fata ou Parcae. Celles-ci rappelaient en effet par leurs attributs les deae patriae et indigenes de la Gaule et de la Germanie. Dans l’antiquité, les Parques veillaient à la prospérité des hommes, présidaient à leurs destinées comme les matrae ou matrones gauloises ; comme elles, elles protégeaient les villes et les nations.

Les Parques, Moirai, avaient été d’abord chez les Grecs en nombre indéterminé, ou, pour mieux dire, la Parque fut à l’origine la déesse des destinées de chaque mortel. Plus tard on fixa le nombre des Parques à trois ; d’après la donnée d’Hésiode 25, on les nomma Lachésis, Clotho et Atropos ; on les appelait tantôt filles de Jupiter et de Thémis 26, tantôt de l’Erèbe et de la Nuit 27, tantôt du Temps et de la Nuit ou de la Terre et de la Mer 28. On leur attribua également pour mère, la Nécessité 29. On les représentait dans des monuments votifs presque semblables à ceux que nous avons trouvés existants pour les déesses-mères 30. On figurait les Parques couronnées de fleurs, avec un sceptre ou bâton à la main 31 ; on leur dressait des temples et des autels 32.

On possède un certain nombre d’inscriptions latines consacrées aux Fata ou Parcae 33. On en reconnaît généralement trois, qui répondaient au passé, au présent et à l’avenir. On les représentait par trois femmes qui filaient les destinées humaines : Tria autem Fata fingunt, dit Isidore de Séville 34, in colo et fuso, digitisque fila ex lana torquentibus propter tria tempora. L’une, le Passé, formait le fil ; la seconde, le Présent, le tissait ; la troisième, le Futur, le rompait. Unde etiam tres Parcas voluerunt, dit Lactance 35, unam quae vitam hominibus ordiatur, alteram quae contexat, tertiam quae rumpat ac finiat. Les trois Parques portaient le nom de Nona, Decima et Parca. Voici ce que nous dit à ce sujet Varron, dans un passage que nous a conservé Aulu-Gelle 36 : Antiquos autem Romanos Varro dicit nomina Parcis tribus fecisse, a pariendo, et a nono atque decimo mense. Nam Parca, in quit, immutata littera una, a partu nominata ; item Nona et Decima a partus tempestivi tempore.

Les Fata se rattachaient en outre aux Junones, aux Campestres, aux Nymphae, à toutes les divinités champêtres. Le nom de Fatuae, souvent donné aux nymphes, était emprunté à la même racine que le nom de fatum37. Ce radical fat renfermait l’idée d’avenir et de destin. Les Parques tenaient ainsi à la fois des divinités champêtres et des divinités généthliaques ; et si, d’une part, elles partageaient, avec Lucine et les Junones, les fonctions d’obstetrices38, de l’autre, elles étaient redoutées des habitants des campagnes, et c’était dans les vallées de la Phocide qu’on plaçait leur séjour 39.

Les Fatuae ou plus anciennement Fentha40, étaient les épouses des Fatui, appelés aussi Fauni, divinités champêtres habitant les bois, les lieux sauvages et qui tantôt protégeaient les hommes, les troupeaux, tantôt les tourmentaient et persécutaient. Leur nom était dérivé de celui d’un dieu auquel on avait originairement prêté les caractères que les poésies saturniennes attribuèrent ensuite à plusieurs 41. Faunus et Fauna étaient des divinités fatidiques : Quidam deus Fatuus, dit un mythographe latin 42 ; hujus uxor Fatua, idem Faunas et eadem Fauna. Dicti stint autem Faunus et Fauna a vaticinando ; unde et fatuos dicimus, inconsidere loquentes. Ces dieux étaient représentés sous la figure d’êtres velus ; on les supposait identiques aux incubes qui produisent les cauchemars. Faunus infernus dicitur deus et congrue, dit un autre mythographe 43 ; nam nihil est terra inferius, in qua habitat et responsa dat. Ipse est et Fatuus ; hujus uxor est Fatua ; idem Faunus et eadem Fauna a vaticinando, id est fando. Fauni autem sunt qui vulgo incubae vel pilosi appellati sunt, et a quibus, dum a paganis consulerentur, responsa vocibus dabantur.

Faunus s’appelait encore Fontus 44, et sous ce nom présidait aux fontaines. Les Faunes, les Fones ou Fontes, les Fatuae, les Satyres, les Sylvains, étaient, comme Pan et les nymphes des Grecs, les divinités des forêts, des bocages, des rivières et des sources ; comme nous l’apprend Martianus Capella 45. Ipsam quoque terram, quae hominibus invia est, referciunt longaevorum chori, qui habitant silvas, nemora, lacus, fontes ac fluvios ; appellanturque Fanes, Fauni, Fones, Satyri, Nymphae, Fatuaque vel Fantuae vel etiam Fanae, a quibus fana dicta, quod soleant divinare.

Ces analogies conduisirent à confondre les attributs des Fata ou Parques, prédisant la destinée, avec ceux des Fatuae ou nymphes latines, protectrices des champs. Les Nymphes, à l’instar des Fata, furent regardées comme des fileuses 46. Fauna ou Fatua, comme la Bonne Déesse, était la gardienne de la chasteté, de la virginité ; nul homme ne devait prononcer son nom 47. Les Parques étaient également regardées comme vierges 48.

La troisième Parque, celle qui présidait à l’avenir, à la mort, s’appelait aussi Morta