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Extrait : "CARDAL, suivi de laquais, de valets de pieds à la livrée du roi : (A un valet de pied, en lui remettant un paquet qu'il prend sur son bureau.) Ces lettres à leur adresse !... (à un autre.) Monte à cheval, un temps de galop jusqu'à Villa-Viciosa ; tu te présenteras de ma part chez le grand-veneur Mello, il saura ce que cela signifie..."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
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Seitenzahl: 116
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335087505
©Ligaran 2015
Aucun auteur dramatique de nos jours n’a été plus fréquemment en butte aux persécutions inquisitoriales de la censure. Ma comédie des Intrigues de cour est le quatrième ouvrage en cinq actes, reçu au théâtre français, qu’elle a frappé de cette condamnation arbitraire, qui est précisément pour un auteur ce que la mort civile est pour un citoyen.
Ainsi j’ai vainement essayé de produire sur la scène Bélisaire, le modèle accompli de la fidélité, comme soldat et comme sujet ;
Julien, prince adorable, et qui partage avec le seul Marc-Aurèle l’honneur d’avoir fait asseoir la philosophie sur le trône d’un monarque absolu ;
Les Mœurs du temps, comédie où j’ai essayé de peindre, sans amertume et sans acception de parti, les vices, les vertus, les ridicules, les qualités et les défauts de l’époque où nous vivons ;
Enfin les Intrigues de cour, comédie historique d’un genre que je crois tout à fait neuf, où j’ai montré un jeune roi en proie aux passions de son âge, à l’enivrement du pouvoir, au poison de ses flatteurs, aux intrigues de ses ministres, et dont le grand caractère et l’excellent naturel triomphent à la fois de lui-même et des autres, et présentent au sein d’une cour corrompue l’image de toutes les vertus aimables et de toutes les qualités héroïques qui font adorer le pouvoir.
Sur le simple exposé du titre et du sujet de ces quatre pièces de théâtre, il est aisé de voir qu’une haine aveugle pour l’écrivain a pu seule déterminer les exécuteurs de la censure à repousser des ouvrages qui eussent pu, abstraction faite de toute critique littéraire, trouver place, comme tableaux de mœurs, dans notre galerie dramatique.
De quelles mains partent des coups si lâches ? d’agents subalternes d’une autorité d’exception, espèce de machines raturantes, chargées, comme les harpies de Virgile, de déchiqueter et de salir un bon repas qui n’est pas fait pour eux.
Qui peut maintenant assigner le point précis de décadence et d’abjection où doit tomber en France la littérature dramatique, abandonnée à ces ignobles persécuteurs ? Pensées généreuses, portraits d’après nature, tableau fidèle de la société, telle que la révolution l’a faite, vérités philosophiques, nobles inspirations du génie, vous ne sortirez désormais du cabinet de l’écrivain que pour tomber et vous flétrir dans ces égouts de la police contre lesquels l’éloquent auteur du Génie du Christianisme a (dans un autre temps, il est vrai) si courageusement élevé sa voix !
On se tromperait cependant, si l’on s’imaginait que cette organisation barbaresque de la censure ait amené le dernier terme possible de notre dégradation littéraire ; un temps plus mauvais est facile à prévoir.
Que serait-ce, si quelque jour des censeurs titulaires, satisfaits de toucher les émoluments de leur place, en abandonnaient les fonctions à des garçons littérateurs qui chercheraient à l’exploiter à leur profit ?
Que serait-ce, si les manuscrits restaient des mois entiers entre les mains de ces forbans du Permesse ?
Si les idées et les situations, le plan, le caractère, les détails et le fond même des ouvrages étaient pillés par ces écumeurs patentés, et si bientôt on voyait reparaître ces lambeaux d’ouvrages saisis par la censure, comme ces flacons de liqueurs précieuses arrêtes à la douane, et qu’on est tout surpris de voir servir sur la table d’un commis de barrières ?
Que serait-ce, si un journal, rédigé par les commis eux-mêmes, se chargeait de dénaturer l’ouvrage pour couvrir ou pour justifier le larcin ?
Que serait-ce, si les colonnes de ce journal offraient impudemment une analyse détaillée, des fragments de plusieurs pages, des tirades de quinze ou vingt vers, en un mot l’image défigurée, et pourtant reconnaissable d’un ouvrage confié à la censure et qu’elle aurait rejeté ?
Que serait-ce enfin, si les familiers de cette inquisition s’arrogeaient le droit, à l’insu de l’auteur, de livrer au public l’ouvrage ainsi souillé de leur critique préalable ?
Les censeurs eux-mêmes pourront jurer que cet état de choses est impossible ; mais certainement ils ne le parieront pas !
Un homme que l’on n’accusera ni de libéralisme, ni même de philosophie, avait, avant moi, devine le sujet de cette comédie, que j’offre aux lecteurs, frappée de l’ostracisme de la censure ; cet homme, qu’on pourra s’étonner de voir cité à propos d’une pièce de théâtre, est le vénérable Massillon.
« Les cours, dit-il, sont pleines de mauvais offices ; c’est là que toutes les passions se réunissent pour s’entrechoquer et se détruire ; les haines et les amitiés y changent sans cesse avec les intérêts ; il n’y a de constant et de perpétuel que le désir de se nuire : les liens, même du sang, se dénouent ; l’ami, selon Jérémie, y marche frauduleusement sur son ami ; le frère y supplante son frère : l’art de tendre des pièges n’y déshonore que par le mauvais succès ; enfin la vertu elle-même, souvent fausse, y devient plus à craindre que le vice. »
Tel est le tableau de l’auteur du Petit-Carême ; voici le mien : on jugera lequel du prédicateur ou de l’auteur comique a jugé le plus sévèrement ces sommités de la société.
Massillon ne voit qu’hypocrisie dans les palais, que perfidie, que perversité sous la pourpre. – Je montre un jeune monarque dans cette atmosphère de corruption, échappant aux pièges de l’intrigue, au poison de la flatterie par l’énergie naturelle d’une âme sensible et généreuse. – Pour Massillon, la vertu n’existe pas dans les cours ; l’air contagieux qu’on y respire détruit dans son germe tout sentiment honnête. – Je ne crains pas de faire jaillir de cette source impure plusieurs caractères pleins de franchise et de véritable grandeur ; c’est au sein d’une cour que je montre le triomphe des plus nobles passions sur les combinaisons multipliées de l’intérêt et de la ruse.
Sans m’abandonner de nouveau au sentiment d’indignation qu’inspire à tout écrivain l’odieuse partialité de la censure, je me contente de faire observer que ma pièce n’a aucune espèce de rapport avec le temps où nous vivons ; qu’elle ne présente que des fantômes historiques, sans modèle sur la scène actuelle du monde, et que mes juges n’ont pas même, cette fois, l’excuse d’avoir eu peur de leur ombre. En effet, que craignaient-ils ? des allusions ? Grâce au ciel, nous n’avons plus ni maîtresses en titre, ni grands seigneurs en conspiration permanente contre les vrais intérêts du trône, ni ministres intrigants prêts à tout sacrifier, honneur, fidélité, patrie, pour conserver leur place ; ni courtisans proxénètes, ni Figaro politiques, ni délateurs à titre d’office : ma pièce n’est donc qu’une galerie de vieux portraits ; elle ne s’adresse à rien, ni à personne.
Mais en accusant la censure, je ne dois pas chercher à me disculper d’avoir produit avec intention sur la scène, un roi que l’histoire a surnommé le Prince parfait, ami de son peuple et de la vérité, au-dessus de son siècle par ses lumières, au-dessus de sa cour par son caractère et ses vertus. Je dois convenir qu’on peut me soupçonner de quelque allusion, pour avoir présenté la sœur du monarque comme un modèle achevé de toutes les qualités qui font adorer la grandeur. Je ne nierai point que je n’aie voulu tracer d’après nature, et dans un tableau de la cour, les portraits d’un gouverneur homme de bien, d’un ministre plein de franchise et de probité, d’une jeune fille belle à la fois d’innocence et d’amour, d’un soldat dévoué à son prince, mais plus fidèle encore au devoir et à l’honneur. Tels sont mes véritables torts aux yeux de la censure ; que penser d’une magistrature littéraire qui redoute de pareilles applications.
Les mœurs et les intrigues d’une cour du bon vieux temps m’offraient un tableau plein de mouvement et d’originalité, et dans ce conflit de caractères, de situations et de sentiments, j’avais cru trouver le moyen d’adopter pour ma pièce une marche nouvelle : aussi les critiques trouveront-ils que ce drame est conçu, dans quelques-unes de ses parties, d’une manière peu conforme aux règles admises. La représentation pouvait seule justifier ou condamner mon audace. Cependant j’avais eu quelques modèles encourageants sous les yeux. Beaumarchais, dans ses Noces de Figaro, la plus forte des pièces d’intrigue, et M. Lemercier, dans son ingénieuse comédie de Pinto, avaient ouvert la route où je suis entré sur leurs pas, et que Shakespeare avait parcourue au hasard.
Plus j’ai senti les exigences de mon sujet, et plus je me suis convaincu qu’il avait besoin du cadre de la scène. On n’a pas permis que ma pièce fût représentée ; on l’a soustraite à ses juges naturels ; c’est devant un public plus juste peut-être, mais aussi plus sévère, parce qu’il est sans émotion, qu’il appartient maintenant de porter sa sentence.
JUAN II, roi de Portugal.
FERNAND-GOMEZ, Courtisans.
LE DUC DE VISÉO, Courtisans.
LE MARQUIS D’ADEMIRA, Courtisans.
LE COMTE TAURISANO, Courtisans.
FREYTAS, amiral.
CADAVAL, premier valet de chambre du roi.
LE CHEVALIER CODILLAR, bouffon de cour.
AURÉLIANO, ancien capitaine, cultivateur.
MENDOZE, secrétaire de la princesse Diane de Portugal.
THÉOTON, ancien gouverneur du roi.
DON LOPEZ OSORIO, chef du ministère.
DIANE, sœur du roi, princesse de Portugal.
CÉLESTINE PÉLICANA, première femme de Diane.
FLORIDA, fille d’honneur de la princesse Diane, fille d’Auréliano.
LA MARQUISE D’OROPÉZA, ancienne gouvernante de Diane.
LACAJO, chef des estafiers du duc de Viséo.
LE GRAND CORRÉGIDOR.
UN HUISSIER.
PAGES, SUITE DU ROI ET DE LA PRINCESSE.
La scène se passe à Lisbonne en 1476.
Le théâtre représente le cabinet de Cadaval. Un escalier, dont la porte ouvre à droite vers la seconde coulisse, conduit par des corridors secrets aux appartements du roi et à ceux de la princesse Diane.
Cadaval, suivi de laquais, de valets de pied à la livrée du roi.
À un valet de pied, en lui remettant un paquet qu’il prend sur son bureau. Ces lettres à leur adresse !… à un autre. Monte à cheval, un temps de galop jusqu’à Villa-Viciosa ; tu te présenteras de ma part chez le grand-veneur Mello, il saura ce que cela signifie.
Cadaval, Mendoze.
Deux mots, seigneur Mendoze ; où en sommes-nous de notre fête ? Je me suis chargé de la partie matérielle des illuminations, des constructions, des rafraîchissements, des décorations en tout genre, et je vous ai laissé le soin de tout ce qui tient à l’imagination et à l’esprit ; je suis prêt, moi.
Mon feu d’artifice est en place, mes acteurs savent leur rôle, ma flottille sur le lac est prête à mettre à la voile, la place du tournoi n’attend plus que les combattants, et ce qu’il y a de vraiment miraculeux dans tout ceci, c’est que nos préparatifs sont achevés sans que la princesse s’en soit aperçue.
Et dona Florida ?…
Je la crois mieux instruite ; mais elle nous gardera le secret.
Fidèlement, n’en doutez pas, car c’est un peu le sien ; mais entre nous qui ne sommes pas tenus à la même discrétion, pensez-vous que la princesse Diane ?…
Je ne saurais m’arrêter plus longtemps ; la princesse est à la chasse, je veux profiter de son absence pour quelques dispositions qui me restent à faire.
Il sort.
Qu’on laisse entrer, et qu’on dise que je n’ai ce matin qu’un moment d’audience à donner.
Cadaval, solliciteurs, parmi lesquels se trouve Auréliano.
Ah ! oui je me souviens… votre père était de la première expédition de Don Vasco de Gama : il est mort au cap des Tempêtes… vous demandez une pensionne n’ai pas encore trouvé le moment de remettre votre requête au roi.
Je venais vous remercier de la grâce qu’elle m’a value. Je fais partie de l’expédition nouvelle, dans le grade qu’avait mon père ; et son traitement est continué à sa veuve.
Mon Dieu, oui ; j’oubliais… j’ai sollicité pour vous avec beaucoup de chaleur… et puis vous aviez de véritables droits…
Ne doutez pas de ma reconnaissance…
Ne parlons pas de cela : d’ailleurs je dois vous en prévenir ; c’est à Célestine Pélicana, à la première camariste de la princesse Diane, que vous êtes en grande partie redevable du succès de votre affaire… Voyez-la, c’est une politesse que vous lui devez. Il prend des pétitions des mains de plusieurs solliciteurs qu’il congédie d’une manière très affable.
à Auréliano qui s’est tenu à l’écart, avec dignité.
Que demandez-vous, monsieur ? je le devine ; votre pension militaire n’est pas payée… c’est malheureux ; mais il faut penser aux soldats qui se battent, avant de songer à ceux qui se sont battus.
Rien de plus juste ; mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ; je ne demande rien au roi ; j’ai besoin de lui parler.
Parler au roi !… vous !…
Moi-même : que trouvez-vous là d’extraordinaire ?
Rien, si ce n’est que pour parler au roi, il faut lui être présenté ; et que pour être admis à cette faveur, il faut un nom… présentable.
Le nom d’Auréliano a été cité honorablement à Arzile, à Tanger, et j’ose croire qu’Alphonse l’Africain ne l’eût pas oublié.
Mon cher monsieur, le roi Alphonse est mort et son fils n’est pas chargé d’acquitter ses dettes : au fait, vous n’êtes point fidalgo, noble de race ; vous pouvez écrire au roi ; mais vous ne pouvez le voir qu’en public.
Le roi me recevra en particulier, j’en suis sûr ; annoncez-lui seulement que le capitaine Auréliano, qui lui demande une audience, est le père de Florida, fille d’honneur de la princesse Diane…