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Extrait : "On contemple la mer plutôt qu'on ne l'admire. Admirer, c'est contempler avec réflexion. Mais qu'il est difficile de réfléchir avant la mer ! La grandeur du spectacle absorbe, étourdi. On suit machinalement des yeux la vague qui s'élance vers le rivage où erre sur la surface mobile et diaprée de mille teintes, sans se rendre compte de ce qu'on voit. On passe des heures à regarder la mer sans penser à rien ; sa vue seule enivre et cette ivresse est une jouissance."
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Seitenzahl: 209
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335054590
©Ligaran 2015
On contemple la mer plutôt qu’on ne l’admire. Admirer, c’est contempler avec réflexion. Mais qu’il est difficile de réfléchir devant la mer ! La grandeur du spectacle absorbe, étourdit. On suit machinalement des yeux la vague qui s’élance vers le rivage où erre sur la surface mobile et diaprée de mille teintes, sans se rendre compte de ce qu’on voit. On passe des heures à regarder la mer sans penser à rien ; sa vue seule enivre et cette ivresse est une jouissance.
Chaque saison, chaque jour, chaque seconde, apporte un changement nouveau dans l’aspect de l’immense plaine liquide. Tantôt elle est calme. Des vagues se succèdent avec un roulement cadencé. Une lame se brise à vos pieds en lançant un son plaintif, puis continue de s’épancher tout le long de la côte. L’oreille suit le bruit tant qu’il dure et écoute l’eau qui se retire en froissant légèrement les cailloux et le sable pour aller se perdre dans une lame nouvelle. C’est une musique, une harmonie que rien ne saurait imiter. Au loin, la mer semble unie, à peine ridée, reflète le ciel et les nuages. Les bas-fonds couverts d’algues sombres donnent à l’eau qui les recouvre une teinte plus foncée, et çà et là une couleur jaunâtre révèle la présence des bancs de sable.
Mais parfois, une heure après elle est furieuse. Dans tout l’espace que l’œil peut embrasser, la crête des vagues brisées les unes contre les autres est blanche d’écume. Les lames se hâtent à l’envide se précipiter, elles accourent sans relâche, hautes comme des maisons, séparées par de profonds abîmes ; ainsi qu’un cheval fougueux que contient un cavalier habile, elles semblent se tordre et se cabrer ; elles se redressent, se jettent en arrière, se recourbent, fouettent l’air, puis enfin s’abattent avec une horrible clameur, jetant pêle-mêle sur le sable des blocs arrachés aux roches voisines et des flocons d’écume que le vent fait voltiger.
La chaleur du soleil fait évaporer la surface de la mer. De ces vapeurs naissent les nuages :
(Louis RACINE.)
L’évaporation est, naturellement, d’autant plus considérable que la température est plus élevée ; aux pôles, où le froid est intense, l’eau vaporisée se condense, et l’eau se contracte. C’est l’inverse à l’équateur.
Il en résulte d’immenses courants.
L’un vient de l’océan Atlantique, longe les côtes australes de l’Afrique, gagne le Brésil, traverse le golfe du Mexique et se dirige vers le Spitzberg. Chemin faisant, le Gulf-Stream (c’est le nom de ce courant), rencontre la Bretagne ; il se divise alors en deux branches, dont l’une passe par la mer d’Irlande après avoir baigné le département de la Manche et l’autre se détourne vers le golfe de Biscaye.
Depuis bien longtemps ce courant était connu, mais ce n’est que depuis peu d’années qu’un des plus illustres officiers de marine des États-Unis, M. Maury en a déterminé avec une précision rigoureuse les contours, la direction, la température, la profondeur.
Il y a une rivière dans l’Océan, dit-il ; pendant la plus grande sécheresse jamais elle ne tarit, et, lors des puissantes inondations jamais elle ne déborde. Ses rives et son lit sont d’eau froide, tandis que son courant est d’eau chaude. Le golfe du Mexique est sa source, et son embouchure est dans les mers arctiques. Il n’existe pas dans le monde une autre masse d’eau courante aussi majestueuse. Le cours du Gulf-Stream est plus rapide que ceux du Mississipi et de l’Amazone, et son volume est de plus de mille fois supérieur aux leurs.
Ses eaux, aussi loin du golfe que des côtes de la Caroline, sont d’une couleur bleu indigo. Elles sont si distinctes que l’œil suit aisément leur ligne de jonction avec l’eau de mer commune.
Telle est la répugnance, si l’on peut s’exprimer ainsi, qu’ont les eaux du Gulf-Stream à se mélanger avec les eaux de la mer, que souvent on peut voir la moitié d’un navire flotter dans l’eau bleue, pendant que l’autre moitié est baignée par l’eau commune.
Plus loin, M. Maury ajoute : « La quantité de chaleur que le Gulf-Stream répand sur l’Atlantique, dans une seule journée d’hiver, suffirait pour élever toute la masse d’air atmosphérique qui couvre la France et la Grande-Bretagne, du point de congélation à la chaleur d’été. »
C’est à cette cause que les côtes de la Manche doivent leur climat exceptionnel. Nous avons vu la vigne et les figuiers croître en pleine terre et donner ces fruits exquis à Cherbourg, tandis que ces plantes gèlent tous les ans à quelques lieues plus avant vers le sud.
En pleine mer, la plus grande hauteur des vagues est de 9 mètres, mais lorsqu’elles rencontrent un obstacle, une digue, par exemple, elles l’escaladent et peuvent monter jusqu’à 50 mètres.
La hauteur des vagues n’est du reste pas la même dans toutes les mers : elle est d’autant plus considérable que la profondeur est plus grande, la surface d’eau plus vaste, l’eau moins salée et par conséquent moins lourde. Aussi les vagues de l’Océan sont-elles beaucoup plus hautes que celles de la Méditerranée.
Les vagues ont l’air de courir ; c’est une erreur. Élisée Reclus a fort bien comparé cette apparence à celle des plis d’une étoffe soulevée par un courant d’air : l’ondulation se propage de proche en proche sans que les divers points soulevés progressent réellement. De même les molécules d’eau ne se déplacent guère qu’en hauteur, ce qu’il est facile de constater en regardant un objet qui flotte ; soulevé par le flot, il se retrouve à la même place après le passage de la lame sans être nullement entraîné vers la terre, comme cela serait si la vague était un courant avançant.
L’action des vagues est assez superficielle. À une petite profondeur, elle devient presque insensible. Elle est assez forte encore, cependant, pour que, lorsque ces milliers de vagues ont été successivement arrêtées, heurtées, contrariées par un obstacle, comme un écueil ou une pente abrupte des fonds, il se produise un violent remous ou vague profonde. Cette vague tend à s’élancer en fusée, mais, arrêtée, déviée par les couches d’eau qui la couvrent, elle se dirige contre la plage en rasant le fond avec une vitesse et une force effrayantes. C’est ce qu’on nomme un flot de fond. Ce sont ces flots de fond qui rejettent sur les rivages les galets, les coquillages, les cadavres et les épaves.
En certaines localités, les vagues sont bien plus rapides et bien plus grandes qu’en d’autres ; par exemple à Saint-Jean-de-Luz. Un illustre naturaliste explique ce phénomène local par une comparaison des plus ingénieuses. Prenez un entonnoir renversé et plongez-le brusquement dans un vase d’eau, sans submerger l’ouverture : à chaque mouvement, le liquide s’élance en gerbe par le tube. Tenez ensuite l’entonnoir immobile et soulevez rapidement le vase, l’effet sera le même. Or, la côte de Biscaye, formée par la réunion presque à angle droit de la France et de l’Espagne, forme une sorte d’entonnoir gigantesque dans lequel l’eau de l’Océan s’engouffre, et les lames en mouvement montent évidemment beaucoup plus haut au fond de cet entonnoir, c’est-à-dire à Saint-Jean-de-Luz, que partout ailleurs.
À l’embouchure des grands fleuves s’élève, à époques fixes, un flot immense, qui déborde sur les rives, brise et renverse tout, refoulant l’eau douce et remontant à contre-courant pendant plusieurs lieues avec un grondement semblable au tonnerre ; c’est la barre ou mascaret. Il a pour cause un flot de fond périodique, qui prend naissance lors des grandes marées, vis-à-vis l’embouchure. Les travaux et les articles de M. Babinet ont rendu célèbre le mascaret de la Seine, et, chaque année, de nombreux touristes vont à Caudebec ou à Barfleur jouir du majestueux spectacle qu’il présente.
Ces vagues, dont la force est si prodigieuse même lorsque la mer est calme, qui ballotent les plus gros bâtiments aussi aisément que de minces planchettes, et qui, par leurs coups de bélier sans cesse répétés, entament les falaises et détruisent les digues, ces vagues sont simplement un effet de l’action du vent, soit qu’il n’effleure que légèrement la mer, soit qu’il la frappe obliquement.
La lumière n’agit pas sur l’oncle d’une manière moins merveilleuse que la chaleur et le vent. Les rayons du soleil, pénétrant au sein des vagues, les irisent de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, ou se brisant à la surface, les font étinceler comme des diamants.
Lorsqu’à l’horizon le soleil disparait derrière les brumes du soir, il prend à nos yeux une teinte rouge comme le feu et la communique à tout ce qui l’entoure. L’air paraît embrasé ; la mer ressemble à un océan de métal fondu, sur lequel les barques en repos dessinent vivement les contours réguliers de leur noire silhouette. À chaque instant on voit la teinte passer du jaune d’or à l’orangé, de l’orangé au rouge sombre. À côté de la surface ardente, l’eau qui ne reflète pas le soleil couchant est bleue, verte, brune. Les bancs de sable et les courants d’eau douce que produisent les fleuves se révèlent par une teinte jaunâtre ; les récifs, les écueils se trahissent sous la vague par une couleur sombre et les dépôts de vase salissent et troublent l’eau.
La couleur de l’eau en masse est le plus ordinairement bleuâtre. Dans l’Océan et la Manche, elle est d’un beau vert ; dans la Méditerranée, elle est bleu indigo. Le ciel est pour beaucoup dans ces diverses apparences, et, suivant qu’il est pur ou nuageux, la mer semble d’une couleur plus claire ou plus foncée.
Parfois, pendant la nuit, la mer brille d’un éclat nacré. Elle paraît devenir épaisse comme du lait. Les vagues dessinent dans l’ombre leurs contours blanchissants et chaque coup d’aviron du batelier fait voler des milliers d’étincelles bleuâtres. La lueur est si vive parfois que la plage entière est illuminée. C’est surtout aux endroits où la vague se brise, sur les récifs, contre les plages, qu’elle est étincelante. Il semblerait que l’eau s’est changée en vif-argent, si son éclat n’était plus velouté que celui du mercure.
On désigne ce phénomène sous le nom de phosphorescence. Les voyageurs parlent avec enthousiasme de l’aspect merveilleux, en pareille circonstance, des mers tropicales. Je le crois volontiers splendide, mais il m’est difficile de supposer, si admirable soit-il, qu’il puisse surpasser beaucoup celui de la Manche par une belle nuit d’août.
La phosphorescence n’est point due à la lumière des astres : son origine est toute marine.
On sait que la plupart des êtres aquatiques sont phosphorescents. Certains ne le sont guère qu’après leur mort, d’autres le sont toujours, semblables aux vers luisants qui brillent la nuit dans nos campagnes. Les hordes immenses des harengs scintillent dans l’ombre, dit-on ; et il en est de même de presque tous les infusoires et des méduses, singuliers animaux, transparents comme une masse de gélatine, et qui, presque invisibles le jour parce qu’ils se confondent avec l’eau, deviennent visibles la nuit par l’éclat qu’ils projettent.
C’est principalement à un tout petit rhizopode, la noctiluque (fig. 1, A), qu’on attribue la phosphorescence.
M. de Quatrefages a reconnu que la phosphorescence de ces rhizopodes n’est ni permanente, ni uniforme ; elle ne se produit qu’en un seul point et est due à une succession d’étincelles microscopiques qui se suivent rapidement (fig. 1, B) ; l’effet est analogue à celui du tableau électrique.
Le même auteur a fait des expériences très simples et qui méritent d’être répétées.
Ayant constaté que les noctiluques ne devenaient lumineuses qu’alors qu’elles étaient excitées soit par le mouvement comme dans la mer, soit par un acide, soit par la chaleur, il recueillit de l’eau chargée de ces animalcules, en écumant la surface de l’onde, et il en remplit deux tubes.
À, Noctiluque (grossie).
B, un point lumineux de la Noctiluque vu au microscope.
Au bout de quelques minutes de repos, les noctiluques emprisonnées cessèrent de briller. Grâce à leur poids spécifique à peu près égal à celui de l’eau, elles restaient immobiles, dispersées à toutes les hauteurs. Alors l’expérimentateur versa une goutte d’acide sulfurique dans un des tubes. À mesure que l’acide descendait, il rencontrait les animalcules et les allumait, pour ainsi dire.
Il fit chauffer l’autre tube, et la chaleur montant peu à peu produisit ensuite l’effet inverse, l’illuminant successivement depuis le bas jusqu’au haut.
Réunies par milliards à la surface des flots, mêlées aux individus innombrables de la famille des infusoires microscopiques, balancées dans un élément que le phosphore dégagé par des cadavres de poissons et de mollusques rend déjà bleuâtre, elles ajoutent leur forte lumière à tous ces éléments et déterminent la teinte de l’Océan. Frottez du phosphore, assez pour le rendre lumineux, mais pas assez pour l’enflammer, vous aurez une idée de la couleur que revêt toute l’étendue que l’œil peut embrasser. Seulement ici le phosphore, au lieu de conserver toujours la même apparence, emprunte les reflets changeants des perles, passant tour à tour du bleuâtre au verdâtre, et du rougeâtre au blanc laiteux.
Deux fois chaque jour, l’Océan envahit la grève, puis l’abandonne.
Ces mouvements successifs et en sens contraire de toute la masse liquide sont les marées.
C’est un spectacle imposant que celui de la mer en furie, grimpant comme à l’assaut sur les roches amoncelées, ou courant avec une vitesse menaçante sur les plaines de sable, puis, tout à coup, maîtrisée par une volonté toute puissante, s’arrêtant et reculant en grondant, ainsi que le dogue repoussé par le bâton du voyageur.
Les marées sont ducs à la double action de la lune et du soleil, de la lune surtout, qui a pour résultat d’entraîner la masse liquide, tour à tour dans un sens et dans un autre, de telle sorte que toutes les grèves de la circonférence terrestre sont inondées les unes après les autres.
La mer se soulève pendant six heures et douze minutes, et s’affaisse durant un même espace de temps.
Quand la mer monte au rivage, c’est le flux ou la marée haute ; c’est le reflux ou la marée basse, quand elle se retire et rentre dans son lit.
Chaque jour le flux se fait sentir environ cinquante minutes plus tard que la veille ; ainsi, sachant une fois l’heure où la mer est pleine (l’étal), on peut, par une simple addition, en déduire l’heure du flux suivant, et celle de la pleine mer pour le lendemain.
Nous emprunterons la démonstration de ce phénomène à une conférence de M. Delaunay, le savant professeur de la Sorbonne si regretté :
Les eaux de la mer tournées du côté de la lune, dit-il, se trouvant plus près de ce corps attirant que la masse du globe terrestre, sont soumises à une attraction plus forte ; les eaux placées du côté opposé, par une raison analogue, sont, au contraire, moins fortement attirées que la masse de la terre.
Il en résulte que les eaux situées du côté de la lune sont portées vers elle par suite de cet excès d’attraction ; et que, du côté opposé de la terre, les eaux tendent à rester en arrière relativement à la masse du globe qui est plus fortement attirée qu’elles.
Par suite de ces différentes attractions, les eaux de la mer viennent s’accumuler et forment une proéminence du côté de la lune ; elles s’accumulent en même temps du côté opposé.
Si la terre et la lune restaient toujours dans la même position, il est très facile de voir que le fait qui vient d’être indiqué se produirait une fois pour toutes, et qu’ensuite rien ne changerait plus.
Mais la terre tournant sur elle-même pendant qu’elle est en présence de la lune, cette intumescence liquide doit avoir lieu successivement en différents points de la surface de la terre.
Lorsque un point des côtes vient à se trouver du côté de la lune, la surface de la mer tend à y monter ; ce point venant, par suite de la rotation de la terre se placer latéralement par rapport à la lune, la mer tend à y baisser ; lorsqu’il vient ensuite se placer du côté opposé à la lune, la mer tend de nouveau à y monter pour baisser bientôt, et ainsi de suite.
On voit donc qu’à mesure que la terre tourne en un même point des côtes, en un même port, la surface de la mer tend à monter et à descendre alternativement, à monter et à descendre deux fois pendant que la terre fait un tour entier devant la lune.
Or, c’est dans l’espace de près de vingt-cinq heures, ou plutôt de vingt-quatre heures trois quarts, que la surface de la mer monte et descend pour remonter ensuite et redescendre encore.
Le soleil agit d’une manière analogue pour soulever périodiquement les eaux de la mer ; mais comme le soleil est beaucoup plus éloigné que la lune, la différence d’action sur les eaux tournées de son côté et sur la masse tout entière de la terre est beaucoup plus faible que quand il s’agit de la lune.
Il en résulte que l’oscillation de la surface de la mer, due à l’action du soleil, est faible relativement à l’oscillation due à l’action de la lune.
Cette oscillation due à l’action du soleil n’en existe pas moins ; elle n’est pas insensible.
Tantôt elle tend à augmenter l’effet produit par l’action de la lune, tantôt à le diminuer. C’est ce qui fait qu’en un même port, on a tantôt de grandes marées, tantôt de petites.
Les marées sont plus grandes dans les nouvelles et les pleines lunes, parce qu’alors la lune et le soleil agissent ensemble ; mais quand la lune en est à son premier ou dernier quartier, le soleil oppose sa force à celle de cet astre (placé latéralement par rapport à lui), et, par suite, la hauteur de l’état est bien moindre.
Le vent joue son rôle aussi dans le phénomène grandiose que nous étudions. Il pousse les eaux contre le rivage ou vers la pleine mer. Comme le vent d’ouest est ordinairement très fort à la fin de mars et de septembre, les marées des équinoxes sont réputées les plus fortes de toutes en Europe.
Dans les petites mers, les marées sont très faibles, parce que le volume d’eau n’est pas suffisant pour que la lune puisse en rassembler sur un seul lieu une grande quantité. Elles s’y produisent cependant, et à Toulon, par exemple, elles sont sensibles. Mais ici les eaux n’avancent guère que de deux mètres sur la plage, tandis que dans l’Océan elles recouvrent des étendues immenses, parfois plusieurs kilomètres, comme à Boulogne, Saint-Valery-sur-Somme, Saint-Malo.
Enfin, le frottement des côtes ou du fond de la mer, la ténacité et l’adhérence des parties de l’eau étant autant d’obstacles qui arrêtent le flux, la mer ne cède pas de suite à l’attraction ; elle arrive à son point le plus haut bien après le passage de la lune : sur les côtes de Gascogne, trois heures plus tard ; à Saint-Pol-de-Léon (Bretagne), quatre heures ; à Saint-Malo, six heures ; au Havre, neuf heures ; à Boulogne, onze heures ; à Dunkerque, douze heures ; ainsi, à Dunkerque, la mer n’est pleine que lorsque la lune est passée au-dessus de cette ville depuis douze heures.
La composition chimique de la mer est assez complexe. Dans 100 grammes de son eau, il y a 96gr, 5 d’eau pure ; 2gr, 7 de sel marin ; et 0gr, 8 d’autres substances, entre autres : magnésie, potasse, chaux, iode, fer, soufre, ammoniaque, etc. On y trouve aussi en dissolution une mucosité particulière, matière organique qui provient de la décomposition d’innombrables générations d’êtres marins, végétaux et animaux, et que le comte de Marsilli nomme glu ou onctuosité.
Lorsqu’on fait évaporer, puis condenser l’eau de mer, on recueille de l’eau douce, et dans le fond du vase reste un dépôt de sel. C’est ainsi que les marins parviennent à se procurer de l’eau potable lorsque la provision qu’ils avaient à bord est épuisée.
La salure de la Méditerranée est plus forte que celle de l’Océan1. C’est que la Méditerranée perd à l’état de vapeur plus d’eau douce que les fleuves ne lui en apportent.
Peut-être à cette cause faut-il en ajouter une autre. Sur les côtes de l’Océan, le vent enlève des masses de particules salines qu’il dépose sur les objets environnants, et c’est même ce qui empêche la végétation de prospérer sur ses bords. Il n’en est pas de même sur les rivages de la Méditerranée, qui, par conséquent, conserve une plus grande dose de sel.
On emploie deux procédés distincts pour extraire le chlorure de sodium (sel marin) des eaux de la mer.
Dans les contrées septentrionales on fait congeler l’eau, et les sels se déposent.
Sur les côtes de la France et du midi, on a recours à la vaporisation dans des marais salants.
On nomme ainsi de vastes bassins creusés dans le sol, revêtus d’argile, et qui communiquent avec la mer.
Qu’il nous soit permis de décrire ici quelque peu minutieusement les marais salants sur lesquels on trouve difficilement des détails. Nous prendrons pour type ceux du pays de Guérande (Loire-Inférieure), dont l’importance est considérable.
L’eau de la mer pénètre dans des canaux profonds, ou étiers, qui parcourent toute la contrée occupée par les marais. Des conduits en bois et des trappes disposées de droite et de gauche mettent ces étiers en communication avec de vastes bassins (vasières) qui sont creusés en commun par plusieurs propriétaires et confiés à un gardien spécial. Ce gardien, chargé d’entretenir la vasière et de la curer à fond tous les deux ans, est amplement défrayé de ses soins par le droit exclusif qu’il a de pêcher le poisson abondant réuni dans la vasière. Cette pêche même est parfois tellement fructueuse, que le gardien paye un droit d’affermage. Cela se conçoit, car les trappes sont disposées de telle sorte, que l’eau et les poissons amenés par la marée montante ne puissent plus sortir lors du reflux, et s’accumulent ainsi sans cesse dans la vasière, leur nombre augmentant à chaque marée.
Sur les vasières ont prise un ou plusieurs marais salants. Chacun d’eux communique par un ruisseau ou tour avec le réservoir, et se compose essentiellement de deux bassins. Le premier (côbier), assez profond, est coupé par quelques jetées de terre ; l’eau salée arrivant à une extrémité est forcée de tracer plusieurs méandres avant de sortir pour passer dans le second bassin ; celui-ci est divisé par de petites levées de terre glaise en une quantité de compartiments réguliers que l’eau doit tous parcourir successivement ; les premiers qu’elle traverse s’appellent fares ; les seconds, adrénomètres ; les derniers, œillets. Les levées qui séparent les œillets sont munies au milieu d’une petite plate-forme circulaire, la ladure.
L’eau de mer arrivant dans la vasière offre à peu près la même densité que dans l’Océan ; mais en parcourant les interminables circuits des tours, du côbier, des fares, des adrénomètres, elle s’évapore presque totalement et se concentre ; quand elle arrive dans les œillets, elle atteint 22 ou 24° du pèse-sels de Baumé. À ce moment, le sel cristallise et tombe au fond. Il suffit alors de racler le fond des œillets avec des rôtissoires en bois pour attirer les cristaux de sel sur la ladure et en faire des tas qui sèchent au soleil.
La disposition du fond des divers bassins est telle, que l’écoulement se fait toujours avec une admirable régularité, et la vasière emmagasinant à marée haute de l’eau pour alimenter les marais pendant tout le temps que dure la marée basse, ce travail ne subit jamais d’interruption.