9,99 €
Extrait : "Monsieur et cher abbé, si j'avais un service à vous rendre, je ne manquerais pas d'aller chez vous ; mais j'en ai un à vous demander et il faut vous en ménager toute la bonne grâce ; donnez-vous donc la peine de venir chez moi."
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Seitenzahl: 32
Veröffentlichungsjahr: 2015
EAN : 9782335017045
©Ligaran 2015
Cet abbé Le Monnier, que Diderot rencontra chez les dames Volland et dont il resta l’ami jusqu’à la fin, est une agréable figure de rimeur, d’humaniste et de philanthrope. Mais il a expié le tort d’avoir écrit des fables après La Fontaine et d’avoir traduit Perse et Térence qu’on ne lit plus guère aujourd’hui, même dans une traduction. Quant à la Fête des bonnes gens, elle n’a point survécu à ses fondateurs. Parler de Le Monnier, c’est donc ajouter un chapitre à cette histoire des oubliés et des dédaignés de la littérature que chaque siècle laisse à faire après lui.
Guillaume-Antoine Le Monnier naquit à Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche), en 1721. Après ses études commencées à Coutances et achevées au collège d’Harcourt, il fut nommé, en 1743, chapelain de la Sainte-Chapelle, où, pour 1 400 livres par an, il enseignait aux enfants de chœur le plain-chant et le latin. Plus tard, une épître, fort gentiment tournée, à son archevêque lui valait une pension de 800 livres qui le garantissait, disait-il, « de la faim comme de l’indigestion ». La maîtrise et la classe ne l’empêchaient pas de se lier avec Diderot, Grétry, Raynal, « qui l’appelait le meilleur des hommes », Élie de Beaumont, Greuze, Moreau le Jeune, Sophie Arnould,
Non content de corriger le Dialogue sur la raison humaine, qui est la première œuvre imprimée de l’abbé, Diderot relisait, la plume à la main, ses deux traductions, et leur cherchait un éditeur. Le Monnier l’en remerciait par une fable dont il empruntait le sujet à une repartie de Mme Diderot. Cochin dessinait pour ses Fables et pour les Satires de Perse des frontispices aussi compliqués que les énigmes du Mercure d’alors ; il ornait son Térence de sept belles planches gravées par Choffard, A. de Saint-Aubin, Rousseau et Prévost. Plus tard, un autre ami, Moreau le Jeune, gravait lui-même pour la Fête des bonnes gens de Canon une de ses plus délicieuses eaux-fortes.
Si l’abbé s’en était tenu à ses traductions, il serait peut-être tout doucement arrivé au fauteuil académique. Par malheur, il s’avisa d’écrire pour Philidor une comédie en un acte et en prose mêlée d’ariettes, intitulée le Bon Fils et représentée sur le Théâtre-Italien le 11 janvier 1773. Ce fut une lourde chute. Grimm se garda de signaler l’échec, d’un ami ; mais les Mémoires secrets, qui n’avaient pas les mêmes motifs pour ménager l’abbé, se montrèrent impitoyables. Dès la veille de la représentation, ils insinuent que le sujet est emprunté à un conte de Marmontel, « mine féconde où puisent tous nos faiseurs d’opéras-comiques ». Le 14 janvier, ils annoncent que les comédiens italiens l’ont jouée : « Les paroles sont d’un certain abbé Le Monnier qui a traduit Térence, mais ne s’entend en rien au théâtre. Indépendamment des vices de construction, la forme n’a aucune beauté ; il n’y a pas une scène qui vaille quelque chose ; les ariettes même sont détestables. La musique du sieur Philidor n’a pu compenser tant de défauts, et si le Bon Fils n’est pas tombé, il n’est guère possible qu’il aille bien loin. » Le 5 février : « L’abbé Le Monnier, auteur du Bon Fils, est chapelain de la Sainte-Chapelle. Il a pris un nom postiche et sur les imprimés on lit : Par M. de Vaux. Cependant, comme il est notoirement connu pour l’auteur de cette mauvaise pièce, le Chapitre est furieux contre ce suppôt prévaricateur et l’archevêque de Paris exige, dit-on, qu’il soit destitué de sa place. Cela serait acheter bien cher la honte d’avoir produit une aussi détestable drogue. » C’était dur, en effet ; le pauvre abbé dut quitter Paris. Grâce à Élie de Beaumont, il obtint la cure de Montmartin-en-Graignes, non loin de Saint-Lô. Il y fit le bien et s’occupa de l’institution des fêtes de bienfaisance que la famille d’Élie de Beaumont avait créées à Canon et à Passais. Dès lors, il ne vint plus guère à Paris. Mais ses amis ne l’oubliaient pas. Mme