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'Thierry, my friend Titi, I am here. You're in a dream and I'm on my star, inhabited by memories and ills, and the bright colors of your sensibility. I shall describe these memories with sincerity. Sleep in peace, give me time, and let me transcribe what I've inherited from you. It will be me who awakens you at the end of your journey. You will awaken in your chariot like a king welcomed into Paris, descending from a gilded coach. No need to toss in your sweat-drenched sheets.We'll meet here soon, high above, at the very top."
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Seitenzahl: 101
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Damien Dubois-siobuD : Ma plume à Pierrot
Avant-Propos
Chapitre I : Mon ami Pierrot
Le présent de Pierre
Entre Tours et Bruxelles
Pierrot dans le fief sabolien
Un sevrage trop difficile après vingt ans de traitement
Voyages utiles
Pierrot : un colosse aux pieds d’argile
L’être sensible et courageux
Pierrot usait les voitures une à une, voire deux par deux
Les points manquants de la retraite de Pierrot
Une malchance durant son seul CDI
Chapitre II : Ses 90 kg, mes 75 kg et nos handicaps
Ma non-voyance
Je devinais sa stature, mais n’en savais pas plus sur son physique
Le juste retour des choses
Son hypersensibilité et attention pour moi
La famille artiste
Mon p’tit caractère à moi
Les itinéraires « Christiane et Pierrot »
Nos échanges
Sa petite entreprise
Chapitre III : Nos retrouvailles
Ma plume est à Titi
« Allô, Thierry est mal en point… »
Le monde à rebours
Thierry est gravement malade
À notre Thierry
Remerciements
Damien Dubois-siobuD : MY PEN FOR PIERROT
Translated by Paris Alexander Walker : MY PEN FOR PIERROT
FOREWORD
CHAPTER I My friend Pierrot
PIERROT AT PRESENT
BETWEEN TOURS AND BRUSSELS
Pierrot in the Sarthian fief
The end of twenty years of treatment proves too difficult
Useful travel
PIERROT: A COLOSSUS WITH CLAY FEET
The sensible and courageous one
Pierrot used cars one by one, even two by two
The high points of Pierrot’s retirement
An unfortunate occurrence during his long-term contract
The end of a shaky job
CHAPTER II His 90 kg, my 75 kg and our Handicaps
MY VISION IMPAIRMENT
I guessed his height but not his physique
The right return of things
HIS HYPERSENSITIVITY AND ATTENTION TO ME
The artistic family
My own little character
The “Christiane and Pierrot” itineraries
Our exchanges
His small business
Forgive me, please, both of you.
CHAPTER III WE ARE REUNITED
MY PEN IS FOR TITI
“Hello, Thierry’s in bad shape…”
The world counts down
Thierry is very sick
TO OUR THIERRY
WORDS FOR THANKS
« Pierrot, mon ami Pierrot, je suis là, toi dans ton rêve, moi sur mon astre, peuplé de souvenirs, chargé de maux, embrasé de ta sensibilité. J’espère que je saurai les décrire, ne parlerai pas faux. Dors paisiblement, laisse-moi le temps de retranscrire ce que tu m’as laissé en héritage. C’est moi qui te réveillerai à l’issue de ton voyage. Tu te réveilleras, je te l’assure, de ton vaisseau en transhumance, comme un roi accueilli à Paris, sortant d'une diligence. Cesse de transpirer et de te retourner dans tes draps, je te retrouverai là, tout haut, tout en haut ».
Pierre est un garçon qui aime le calme. Il passe souvent quelques heures, le soir, à méditer avant de se coucher. Déjà, vers seize et dix-sept ans, il s’endormait mal. Trente-six ans après, il a pris le parti de s’accorder ces quelques heures du silence de la nuit dans son HLM, dans son fauteuil, sur des musiques douces (« soft music », dit une web radio avec un mauvais accent anglais), plutôt que de se mettre devant un écran de télé aux profusions d’images, de publicités et de sons disharmonieux.
Ainsi, même s’il ne croise pas grand monde dans la journée, quand il sort de chez lui, avec ou sans sa compagne, ils ont tous les deux toujours l’esprit gai et enjoué et ne ratent pas une plaisanterie à ajouter avant de quitter leur conversation. Que cela soit au drive ou chez le buraliste d’eliquide, il y a toujours un mot pour rire, pour montrer leur gratitude à un vis-à-vis agréable.
Ce besoin de méditation se fait de plus en plus sentir dès l’automne. Sans activité passionnante, il approche de la retraite après de nombreuses difficultés professionnelles et se demande ce qu’il va faire, moins allant physiquement et aussi moins inspiré pour faire les choses, désabusé par la vie, par son père qui lui a notamment retiré toutes ses passions, dont la culture, et les administrations ne lui ayant que très rarement porté chance.
Ce serait même l’opposé : dernièrement, il a été contraint d’arrêter le travail sur son site de vente de petits jouets peu coûteux mais choisis et va sans doute renoncer à payer annuellement ce site ainsi que celui de l’Amusant Musée1, qui lui avait demandé tant d’heures de « consécration », chez lui, jour et nuit, ou chez son meilleur ami, décédé il y a deux ans et un mois, ou encore dans les hôtels où il dormait la veille des spectacles d’objets en maison de retraite, spectacles de l’Amusant Musée, pour faire travailler la réminiscence, l’attention, mais aussi les joues de larges sourires ou les visages d’émerveillement.
1http://www.amusantmusee.com/
Pierrot dans le fief sabolien
Le soir, pour démarcher les maisons de retraite (deux mille enveloppes en septembre, deux mille en février), s’il ne faisait pas l’aller-retour dans la nuit pour venir me voir à cinquante kilomètres de chez lui, il imprimait les prospectus sur ses machines jet d’encre, veillant à l’approvisionnement en papier comme en encre. Car c’était tout un cirque pour imprimer les pages quinze par quinze. De plus, après le recto, il fallait faire le verso sans se tromper de sens (haut et bas) pour approvisionner l’imprimante.
« Canon, you can »… oui, mais difficilement ! En fait, il fallait avoir l’oeil sur le résultat car, bien sûr, les cartouches étaient séparées du fait de l’obligatoire disproportion de couleurs donc d’encres dans la page. Il essayait d’utiliser chaque cartouche de couleur jusqu’à ce qu’elle soit épuisée. Durant une maintenance d’une des deux machines encore sous garantie, le réparateur, voyant le nombre de pages tirées enregistré quelque part, lui avait dit n’avoir jamais vu une imprimante si bien rentabilisée.
Plus tard, il s’est décidé à acheter à crédit une machine laser couleur de qualité professionnelle, dont le toner, une fois sur le papier, ne tachait pas à la moindre humidité et qui demandait aussi beaucoup moins d’entretien et de temps. Ce temps libre, il pouvait le consacrer à l’impression des enveloppes et à faire des ajouts ou mises à jour de sa base de données d’adresses. Il fallait le rembourser, ce crédit, et disposer d’une vraie imprimante payée !
Le spectacle pour les enfants n’avait jamais, lui, été rentabilisé. Pourtant il s’était, par les pages jaunes des bottins qu’il commandait au début, plus tard par le net, créé une base de cinq mille adresses d’écoles primaires et maternelles.
Pourquoi, si les enveloppes étaient à faire soi-même, ne pas faire imprimer le prospectus ? Parce que la réussite du spectacle n’était pas garantie, la fidélisation non plus et SURTOUT, le comédien principal, son père, même si au coffre robuste et à la voix qui porte, était un homme de plus de soixante-dix ans, qui avait fait un cancer de la prostate et un AVC. Faire un gros investissement en passant par un imprimeur, il ne pouvait se le permettre, d’autant plus que les tarifs affichés démarraient bas et qu’il fallait pouvoir les adapter comme améliorer ce prospectus, principale source de revenus hors saison du musée.
Pierrot, je l’appelais ainsi, me disait tout, car j’étais son confident, jusqu’à ses angoisses d’avoir les quatre cents à huit cents kilomètres à faire par jour en semaine bleue2 et les installations-spectacle-rangement dans la voiture bondée. La grosse difficulté était peut-être, avec ses crises de mal-être, qui ne l’empêchaient pas d’agir mais de se concentrer, lui demandant de tripler l’effort pour atteindre l’objectif, de mériter un cachet, et enfin, souvent tard, de rentrer soi et son trésor d’objets intacts au bercail ou à l’hôtel.
Le père se laissait porter par le fils qui, avec toutes ces responsabilités, profitait peu des dépaysements.
Je l’ai vu avec certaines de ses crises, chez moi, occasionnellement, et ne savais comment l’en défaire, sinon lui procurer du calme complet. Elles étaient certainement aussi pénibles que mes crises d’épilepsie étaient dangereuses, car elles duraient parfois des heures.
Près de son père, sans doute grâce à l’habitude qu’ils avaient l’un de l’autre et aussi à un bon travail d’équipe bien défini et rodé, il avait peu de crises d’angoisse et le rôle du clown triste lui revenant, cela était moins inquiétant.
Je me souviens qu’un jour, mangeant au kebab à une terrasse, le bruit incessant des voitures et une mauvaise fréquentation croisée, que l’on supposait un dealer, m’avaient tellement troublé qu’il l’avait ressenti et m’avait proposé de rentrer. Ce jour-là, nous étions partis avec nos compagnes mais sans voiture, et mon épilepsie « montait » en même temps que je peinais à rejoindre la maison.
Pierrot, de sa corpulence de la quarantaine d’années et de son mètre quatre-vingt-six, m’a entouré de ses bras par la taille et m’a soulevé. J’étais tellement surpris de son geste et de sa force que cela a dû enrayer la mauvaise mécanique de mon cerveau et, comme « déconnecté de ma contrariété », « le circuit était rétabli » : reposé au sol, je sentais cette énorme fatigue que lui devait connaître dans et après ses crises un peu pour les mêmes raisons, mais je n’étais plus tremblant du gros souci maintenant passé.
Sa compagne nous a peu après rejoints. Connaissant mes crises qui m’avaient valu notre séparation ─ en effet, elle avait longtemps été ma conjointe et devenait progressivement la sienne ─, car j’ai longtemps refusé de prendre mon traitement régulièrement, elle était revenue rapidement avec le bon médicament et je m’en suis retrouvé complètement soulagé.
Oui, pardon, j’ai oublié de me présenter, je décris Pierrot comme si c’était moi, mais je vous dirai peut-être plus loin pourquoi tant de détails sur lui. Disons juste que ma vie n’était pas passionnante avant lui et que je vivais à travers lui et ses confidences.
Il lui est même arrivé de venir me demander secours, pour une fois de jour et, sentant que sa voix était trop troublée, quand il m’a demandé une de mes Gitane, je la lui ai accordée, comprenant bien que face à un tel dilemme, une telle pression, j’étais impuissant.
Un sevrage trop difficile après vingt ans de traitement
Pierrot, ce jour-là, pour la première fois de sa vie, avait dû porter la main sur quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était son père, lui aussi une force de la nature. Cet homme l’avait fait travailler sept jours sur sept à la visite guidée du musée et aux spectacles assis, animation d’une trentaine de minutes, le bloquant tout l’été et ne lui accordant que quelques remplacements ponctuels pour les visites guidées.
À la mi-septembre, il était toujours sans congés mais obligé de recevoir les cars de touristes dans ce petit musée fait pour une douzaine de personnes.
Pierrot, s’il arrivait quelque chose, savait que cela lui porterait un gros préjudice : il était épuisé, le risque était qu’il « craque » sur une personne désobligeante dans ce petit musée où il avait reçu plusieurs années sous un toit de tôle, été comme hiver. Son père, d’ailleurs, l’avait fait mettre dans le journal et sur le net : « l’Amusant Musée ne prend pas de vacances ».
Ayant développé le nombre de ses visiteurs, son chiffre d’affaires augmentait, mais pas ses revenus, car le contrat public avec l’association « L’Amusant Musée » (Contrat Initiative Emploi, ou CIE) était de moins en moins aidé.
Une saison, un groupe de scouts s’était improvisé alors que les visiteurs, eux, étaient venus sur réservation. Il ne pouvait refuser les trente jeunes, enjoués de venir, ni renoncer à plus de marge pour sa visite. Tout s’était passé dans la bonne humeur, serrés comme des sardines dans la salle principale à une quarantaine ou plus (au lieu de trente à l'époque, douze, donc, plus tard), les jeunes debout pendant le spectacle.