Madame est trop belle - Ligaran - E-Book

Madame est trop belle E-Book

Ligaran

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Beschreibung

Extrait : "LE GARDIEN. Mon Dieu ! Que c'est ennuyeux d'être gardien au musée des Antiques. On ne voit jamais personne... en haut, à la peinture, ils ont de la chance... c'est plein de dames qui peignent sur des échelles... mais ici pas un chat !... Ça finit par rendre mélancolique."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 92

Veröffentlichungsjahr: 2015

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Personnages

MONTGISCAR.

CHAMBRELAN.

JULES DE CLERCY.

JULES DE CLERCY.

DE GOBERVILLE.

ERNEST MONTGISCAR.

OCTAVE BLANDAR.

MOULINOT.

UN GARDIEN DU MUSÉE DES ANTIQUES.

HECTOR GRANDIN.

JUSTIN, domestique.

JEANNE, fille de Chambrelan.

JEANNE, fille de Chambrelan.

HÉLOISE DE GOBERVILLE.

HERMANCE.

INVITÉS DES DEUX SEXES.

UNE FAMILLE ANGLAISE.

La scène à Paris, de nos jours.

Acte premier

Une salle au musée des Antiques, au Louvre. – Contre les murs des bas-reliefs, des têtes d’empereurs romains sur des socles. – Au milieu, sur un piédestal, la statue de Pollux. – Galeries à droite et à gauche, deuxième plan.

Scène première

Le gardien, puis Octave.

Au lever du rideau le gardien a le manteau vert par-dessus son uniforme ; il se promène un instant sans parler, puis il s’arrête devant le public et bâille.

LE GARDIEN

Mon Dieu ! que c’est ennuyeux d’être gardien au musée des Antiques. On ne voit jamais personne… en haut, à la peinture, ils ont de la chance… c’est plein de dames qui peignent sur des échelles… mais ici pas un chat !… Ça finit par rendre mélancolique. Apercevant Octave au fond venant de droite. – À part. Tiens ! un monsieur !… ça doit être un étranger. s’avançant d’un air aimable vers Octave. Monsieur…

OCTAVE

Brrou !… Il ne fait pas chaud dans votre musée des Antiques.

LE GARDIEN

On n’y allume jamais de feu… on dit que c’est contraire aux statues.

OCTAVE

Je comprends… ça leur fait monter le sang à la tête.

LE GARDIEN, riant par complaisance.

Ah ! ah !… monsieur est Anglais ?

OCTAVE

Moi, pourquoi voulez-vous que je sois Anglais ?

LE GARDIEN

Dame !… nous voyons si peu de Français.

OCTAVE, ouvrant un album.

Non… je suis statuaire, je viens dessiner… prendre des mouvements.

LE GARDIEN, heureux.

Ah !… alors Monsieur viendra tous les jours.

OCTAVE

Peut-être. À part. Il m’ennuie, j’ai un rendez-vous avec une dame. Il se met à dessiner la statue de Pollux.

LE GARDIEN, familier.

Et qu’est-ce qu’on dit de nouveau ?… avons-nous un ministère ?

OCTAVE

Pardon… je ne peux pas travailler quand on me parle.

LE GARDIEN

Tiens !

OCTAVE

Ni quand on me regarde… vous comprenez.

LE GARDIEN, s’en allant.

Très bien… très bien… À part. C’est un paresseux ! Il disparaît à droite.

OCTAVE, seul, fermant son album.

J’ai cru qu’il ne s’en irait pas. Tirant sa montre. Je suis en avance… Madame de Goberville ne tardera pas à arriver… charmante femme !… seulement, elle vous donne des rendez-vous, dans des endroits… mal chauffés… brou !… Puisque je suis en avance, je vais marcher un peu… il fait ici un froid de Sibérie. Il sort par la gauche au moment où le gardien reparaît du côté opposé.

Scène II

Le gardien, puis de Clercy.

LE GARDIEN, se promène un instant avec mélancolie, baillant.

Mon Dieu, que je m’ennuie ! Apercevant de Clercy qui entre à droite. Ah ! encore un monsieur ! Le saluant d’un air très aimable. Monsieur cherche quelque chose ?

DE CLERCY

Oui… la statue de Pollux, s’il vous plaît ?

LE GARDIEN, désignant la statue.

La voici. Récitant. Telle qu’elle a été trouvée en 1821 dans les jardins de la villa Palmiéri et expédiée par les soins de M. le consul de France.

DE CLERCY, l’arrêtant.

Ne vous fatiguez pas… ça m’est complètement égal… ce n’est pas pour ça que je viens.

LE GARDIEN

Ah !… alors monsieur vient ?…

DE CLERCY, avec intention.

Chercher la solitude.

LE GARDIEN

Monsieur ne peut pas trouver un meilleur endroit. Changeant de ton. Eh bien ! quoi de nouveau ? avons-nous un ministère ?

DE CLERCY

Et la solitude, consiste à rester seul… ainsi ne vous gênez pas pour moi… surveillez vos statues, je vous en prie.

LE GARDIEN

Monsieur est bien bon. À part et s’en allant. C’est un Anglais qui a le spleen. Il disparaît à gauche.

DE CLERCY, seul.

Deux heures… j’espère que M. Montgiscar, mon oncle, ne me fera pas attendre. C’est un banquier, très occupé… mais exact. Il a mis dans sa tête de me marier… il a peut-être raison, j’ai passé l’âge des fantaisies… et si la demoiselle me plaît, ma foi !… Notre entrevue doit avoir lieu ici… par hasard… au pied de la statue de Pollux… une idée de mon oncle… Ah ! ça, mais il est en retard, pourvu que le côté de la demoiselle n’arrive pas avant lui… je serais obligé de me présenter moi-même. Ah ! le voici !

Scène III

Montgiscar, de Clercy, puis le gardien.

MONTGISCAR, entrant de droite, sa montre à la main, il porte un parapluie.

Deux heures à la Bourse… tu es en avance, c’est de l’inexactitude… Lui serrant la main. Du reste, ça va bien ?

DE CLERCY

Aussi bien que possible dans ma position.

MONTGISCAR

Quelle position ?

DE CLERCY

D’homme à marier… j’ai mal dormi… j’ai rêvé que ça réussissait…

MONTGISCAR

Mon ami, je te préviens que les plaisanteries sur le mariage sont très usées… Je suis ton oncle, j’ai été ton tuteur, c’est moi qui t’ai élevé, par conséquent tu dois avoir confiance en moi.

DE CLERCY

Oh ! ça !

MONTGISCAR

Eh bien, marie-toi… il n’est que temps !

DE CLERCY

Comment !

MONTGISCAR

Tu te déplumes sur les tempes, tu as quelques fils d’argent dans les cheveux, et enfin les femmes commencent à avoir confiance en toi… c’est un symptôme…

DE CLERCY

Cependant, mon oncle…

MONTGISCAR

Mon Dieu, tu fais encore prime, mais dans deux ans tu seras au-dessous du pair…

DE CLERCY

Merci bien !

MONTGISCAR

Voyons… je suis très pressé… je suis dans les affaires, causons de notre entrevue. Chambrelan va venir avec sa fille… elle ne sait rien… toi, de ton côté, tu es censé ne rien savoir, moi non plus… nous nous rencontrerons par hasard… je te présenterai comme un de mes correspondants de Roubaix… non, de Bordeaux, c’est plus gai.

DE CLERCY

Comme vous voudrez.

MONTGISCAR

Maintenant, quelques renseignements sur la famille dans laquelle tu vas entrer.

DE CLERCY

Ah ! permettez… pas si vite !

MONTGISCAR

Le père, M. Chambrelan, est un brave homme ; pas instruit, pas spirituel… mais qui a gagné une grosse fortune à fabriquer des poignées de sabre, dans la ville de Saumur.

DE CLERCY

Des poignées de sabre ?

MONTGISCAR

Oui, les uns fabriquent la lame, les autres, la poignée… on fait ce qu’on peut… Quant à la demoiselle…

DE CLERCY

Est-elle jolie ?

MONTGISCAR

Jolie, ce n’est pas assez… C’est une beauté exceptionnelle… une de ces beautés qui font faire : ah !

DE CLERCY

Diable ! mon oncle, vous allez m’effrayer… j’ai peur maintenant de la trouver trop belle.

MONTGISCAR

Allons donc ! est-ce que la mariée est jamais trop belle ! Tu ne connais pas les avantages qu’il y a à épouser une jolie femme… je ne parle pas du tête-à-tête qui a pourtant son mérite… D’abord, quand on possède une jolie femme, on ne court pas après celle des autres… généralement.

DE CLERCY

Ce n’est pas toujours une raison.

MONTGISCAR

Aussi ai-je dit : généralement… Ensuite une jolie femme… honnête, bien entendu, c’est une puissance, c’est une force pour un mari. S’il a du goût pour le monde, tous les salons s’ouvrent devant lui ; s’il est ambitieux, les protections, les influences, les recommandations viennent à sa rencontre ; s’il aime la table, ça s’est vu, les invitations pleuvent sur son estomac… enfin sa femme est un talisman ; comme dans les féeries, il n’a que la peine de la montrer et de souhaiter.

DE CLERCY

Oui, mais il y a le revers de la médaille, le danger…

MONTGISCAR

Quel danger ?

DE CLERCY

Dame ! une jolie femme est plus attaquée qu’une autre…

MONTGISCAR

Si elle est plus attaquée, elle est plus habituée à se défendre…

DE CLERCY

Quand elle a de l’esprit, mais mademoiselle Chambrelan a-t-elle de l’esprit ? Voilà la question.

MONTGISCAR

Mon ami, on ne sait jamais si une jolie fille a de l’esprit… la beauté est un manteau tellement éblouissant qu’on n’en peut distinguer l’étoffe… Une niaiserie qui tombe d’une jolie bouche, devient tout de suite une perle… Ainsi, je connais une femme, adorablement belle ; à tout ce qu’on lui dit, elle répond : « C’est splendide ! c’est splendide ! » Ce n’est pas grand-chose, eh bien ! c’est délicieux !

DE CLERCY

Diable ! vous n’êtes pas rassurant.

MONTGISCAR

Mais au contraire, tout ce que je souhaite à mon fils Ernest, c’est de trouver une femme pareille à celle que je te propose.

DE CLERCY

Eh bien ! mais, mon oncle, il n’y a encore rien de fait ; je ne connais pas mademoiselle Chambrelan, ainsi ne vous gênez pas.

MONTGISCAR

Non… je te remercie, mon ami… mais elle n’est pas assez riche pour ton cousin.

DE CLERCY

Ah !

MONTGISCAR

Moi, je donne cinq cent mille francs, elle n’en a que deux cent mille… Je rêve pour Ernest la fille de la maison Burnett, Baring et Cie… crédit de premier ordre.

DE CLERCY

Elle est jolie ?

MONTGISCAR

Jolie… elle a une beauté personnelle qui n’est pas celle de tout le monde… Ernest est à Vienne, il revient dans un mois, et en attendant, je couve l’affaire.

DE CLERCY

Brrou ! ne trouvez-vous pas qu’il fait ici un froid de loup ? Il remonte.

MONTGISCAR

Oui, mais on n’y est bien tranquille. Tirant sa montre. Deux heures et demie, est-ce qu’il y aurait malentendu avec Chambrelan ?

DE CLERCY

Si nous cherchions dans les autres salles, ça nous échaufferait.

MONTGISCAR, apercevant le gardien qui se promène.

Attends !… Au gardien. Pardon, mon ami…

LE GARDIEN, s’approchant avec empressement.

Monsieur ?

MONTGISCAR

Est-ce qu’il n’y aurait pas par hasard deux statues de Pollux ?

LE GARDIEN

Non monsieur… mais nous avons là-bas un magnifique Castor… il ne reste plus que le torse. Récitant. Il a été trouvé en 1821 dans les jardins de la villa Palmieri et expédié par les soins de M. le consul de France.

MONTGISCAR, l’interrompant.

Merci ! merci ! À part. Si on le laissait faire il nous réciterait le livret. À de Clercy. Ils auront peut-être confondu Castor avec Pollux… Allons voir.

DE CLERCY.

Allons !

LE GARDIEN, récitant.

Ce morceau est justement regardé comme un des modèles les plus purs… il a été trouvé…

MONTGISCAR, au gardien, l’interrompant.

Merci, mon ami, merci… Ils sortent tous deux par la gauche.

Scène IV

Le gardien, puis Chambrelan et Jeanne.

LE GARDIEN, seul.

Ce ne sont pas là de vrais savants… Apercevant Chambrelan et Jeanne qui entrent par la droite. Encore deux ! Que de monde aujourd’hui ! Est-ce qu’il peut ?

CHAMBRELAN, au gardien.

Pardon… Pourriez-vous m’indiquer la statue de Pollux ?

LE GARDIEN

La voici. récitant. Telle qu’elle a été trouvée en 1821, dans les jardins…

CHAMBRELAN, l’interrompant.

Ça, ça m’est égal ! à part. C’est drôle, je ne vois pas Montgiscar…

LE GARDIEN, à part.