Manuel de droit de l'environnement de l'UE - Patrick Thieffry - E-Book

Manuel de droit de l'environnement de l'UE E-Book

Patrick Thieffry

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Beschreibung

Ce Manuel, qui propose une initiation au droit de l’environnement de l’Union européenne aux étudiants et aux techniciens de l’environnement, est adossé au Traité de droit de l’environnement de l’Union européenne, également publié dans la collection « Droit de l’Union européenne » aux Éditions Bruylant, dont il partage l’architecture, ce dernier fournissant des perspectives et un appareil scientifique plus complets aux praticiens et chercheurs du droit.

Le droit européen de l’environnement reste profondément marqué par des sources d’inspiration libre-échangiste en dépit des progrès de la politique commune de l’environnement. Gouvernance et management environnementaux s’insèrent dans un cadre complexe, au sein duquel une conciliation doit s’opérer entre objectifs économiques et environnementaux autour de concepts tels que la recherche d’un niveau élevé de protection et du développement durable.

Un rappel de ce cadre institutionnel déterminant permet une présentation synthétique et dynamique des centaines de mesures qui fournissent les paramètres de l’activité humaine, des grands domaines de l’environnement aux objets ayant un impact sur celui-ci, des moyens d’en assurer la mise en œuvre ou encore des instruments économiques tels que marchés de droit d’émission de gaz à effet de serre ou la responsabilité élargie du producteur à la fin de vie de ses produits. Quant à l’intégration des exigences environnementales dans les autres politiques, elle régule les conflits naissants avec les règles du marché et les politiques sectorielles, en particulier agricole, des transports, de l’énergie ou encore de la santé.

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Collection Droit de l’Union européenne

Série Manuels

Directeur de la collection : Fabrice Picod

Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), Chaire Jean Monnet, directeur du Centre de droit européen et du master « Droit et contentieux de l’Union européenne »

La collection droit de l’Union européenne, créée en 2005, réunit les ouvrages majeurs en droit de l’Union européenne.

Ces ouvrages sont issus des meilleures thèses de doctorat, de colloques portant sur des sujets d’actualité, des plus grands écrits ainsi réédités, de manuels et monographies rédigés par des auteurs faisant tous autorité.

Déjà parus dans la même série de la collection :

1. Droit de l’environnement de l’Union européenne, 2e édition, Patrick Thieffry, 2011.

2. Régulation bancaire et financière européenne et internationale, Thierry Bonneau, 2012.

3. Droit fiscal de l’Union européenne, Alexandre Maitrot de la Motte, 2013.

4. Droit européen de la concurrence. Ententes et abus de position dominante, David Bosco et Catherine Prieto, 2013.

Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larciergroup.com.

© Groupe Larcier s.a., 2015Éditions BruylantEspace JacqmotteRue Haute, 139 - LOFT6 - 1000 Bruxelles

EAN 9782802749851

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS

LISTE DES ABREVIATIONS

INTRODUCTION

PARTIE PRÉLIMINAIRE :

LES SOURCES DE LA POLITIQUE DE L’ENVIRONNEMENT

CHAPITRE 1. – LE DOMAINE DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

CHAPITRE 2. – L’EXERCICE DE LA COMPÉTENCE ENVIRONNEMENTALE

CHAPITRE 3. – LES PRINCIPES DE LA POLITIQUE DE L’ENVIRONNEMENT

PREMIÈRE PARTIE :

LA RÈGLEMENTATION DES DOMAINES DE L’ENVIRONNEMENT

CHAPITRE 4. – L’AIR

CHAPITRE 5. – L’EAU

CHAPITRE 6. – LES AUTRES MILIEUX NATURELS, LA FAUNE ET LA FLORE

DEUXIÈME PARTIE :

LES OBJETS AYANT UN IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT

CHAPITRE 7. – LES DÉCHETS

CHAPITRE 8. – LES OBJETS BRUYANTS

CHAPITRE 9. – LES SUBSTANCES ET ORGANISMES DANGEREUX

TROISIÈME PARTIE :

LES RÈGLEMENTATIONS NON SECTORIELLES

CHAPITRE 10. – LES RÈGLEMENTATIONS DITES INTÉGRÉES

CHAPITRE 11. – L’INFORMATION ET LA PARTICIPATION DU PUBLIC

QUATRIÈME PARTIE :

LES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES ET FISCAUX

CHAPITRE 12. – L’INTERNALISATION FORCÉE

CHAPITRE 13. – LES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES

CHAPITRE 14. – LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

CINQUIÈME PARTIE :

LA PRISE EN COMPTE DES EXIGENCES DE LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT DANS LES AUTRES POLITIQUES

CHAPITRE 15. – LE MARCHÉ INTERIEUR EUROPÉEN

CHAPITRE 16. – LES RÈGLES DE CONCURRENCE

CHAPITRE 17. – LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

CHAPITRE 18. – ENVIRONNEMENT ET TRANSPORTS

CHAPITRE 19. – LA POLITIQUE DE L’ÉNERGIE

CHAPITRE 20. – LA SANTÉ HUMAINE ET L’ENVIRONNEMENT

AVANT-PROPOS

Ce manuel propose une initiation au droit de l’environnement de l’Union européenne, et il est ainsi en premier lieu destiné aux étudiants. Les techniciens de l’environnement, qui éprouvent un grand besoin de percevoir le cadre juridique de leur activité y trouveront également des indications générales utiles à cet égard.

En revanche, étant donné les vastes et multiples dimensions, à tous les sens du terme, de la matière, il ne saurait en rendre une image fidèle pour les besoins de la recherche, qu’elle soit scientifique ou appliquée. Les praticiens du droit comme les chercheurs se réfèreront donc plutôt au Traité de droit de l’environnement de l’Union européenne, également publié dans la collection « Droit de l’Union européenne » aux Éditions Bruylant.

Ce manuel et le traité avec lequel il a été conçu se complètent d’autant plus facilement qu’ils partagent la même architecture, c’est-à-dire les mêmes parties, les mêmes chapitres, et dans la mesure du possible les mêmes subdivisions. En d’autres termes, les sujets évoqués dans le présent manuel sont développés de manière plus détaillée dans le traité, avec notamment une perspective historique, politique et jurisprudentielle, et surtout un appareil scientifique plus complet.

Précisons que la publication du Traité de droit de l’Union européenne est prévue pour 2015, moment auquel il remplacera la 2e édition de l’ouvrage intitulé « Droit de l’environnement de l’Union européenne » publiée dans la même collection en 2011 et qui, dans l’intervalle, tient pour le présent manuel le rôle de référence évoqué ci-dessus.

LISTE DES ABRÉVIATIONS

ADEME :

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

ALENA :

Association de libre-échange Nord-américaine

BCAE :

bonnes conditions agricoles et environnementales

BREFs :

Best Available Technique Reference Documents

CAD :

contrat d’agriculture durable

CCNCC :

convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

CECA :

Communauté européenne du charbon et de l’acier

C.E.D.H. :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme

CFC :

chlorofluorocarbures

COV :

composés organiques volatils

CUELE :

comité de l’Union européenne pour le label écologique

CSC :

captage et le stockage géologique du dioxyde de carbone

DCE :

Directive-cadre sur l’eau

DEEE :

déchets d’équipements électriques et électroniques

DSD :

Duales System Deutschland

ECHA :

European Chemicals Agency

EFSA :

Autorité européenne de sécurité des aliments

EINECS :

European Inventory of Existing Commercial Substances

EIONET :

European Information and Observation Network

E-Mas :

Environmental Management and Audit System

CEEA :

Communauté européenne de l’énergie nucléaire

FEADER :

Fonds européen agricole pour le développement rural

FEIS :

Forum d’échange d’informations sur les substances

FEOGA :

Fonds européen d’orientation et de garantie agricole

GATT :

General Agreement on Tariffs and Trade

HCFC :

hydrochlorofluorocarbures

MDP :

mécanisme de développement propre

MDT :

meilleures techniques disponibles

MEERQ :

mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives

MMT :

méthylcyclopentadiényle manganèse tricarbonyle

MOC :

mise en œuvre conjointe

O.A.C.I. :

Organisation de l’aviation civile internationale

PNAQ :

plan national d’allocation des quotas

PCB :

polychlorobiphényle

PCT :

polychloroterphényle

PMPOA :

programme national de maîtrise des pollutions d’origine agricole

PRTR :

registre intégré des transferts et rejets de polluants

PIP :

politique intégrée des produits

POP :

polluant organique persistant

REACH :

Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals

RDR :

Règlement sur le développement rural

REC :

réduction d’émission certifiée

REP :

responsabilité élargie du producteur

SIC :

site d’interêt communautaire

SIEG :

service d’intérêt économique général

UE :

Union européenne

URE :

unité de réduction des émissions

VHU :

véhicules hors d’usage

Voy. :

voir

ZSC :

zone spéciale de conservation

ZPS :

zone de protection spéciale

INTRODUCTION

Les problématiques liées aux phénomènes environnementaux sont d’autant plus complexes qu’ils présentent des particularités marquées. Allant de l’échelon local (bruit, déchets) aux phénomènes planétaires (réchauffement climatique), ils sont évolutifs et sans cesse renouvelés (appauvrissement de la couche d’ozone puis changements climatiques, OGM puis nanotechnologies…), et parfois difficilement imputables (pollutions diffuses, sites orphelins). Ces spécificités ont une incidence directe sur leur appréhension juridique, qui est elle-même réactive, plurielle et très diversifiée.

Le droit de l’environnement, qui est celui de la relation entre protection de l’environnement et développement économique qui nourrit le concept de développement durable, a une dimension supplémentaire dans le cas de l’Europe occidentale, celle de la création du marché intérieur.

Trois observations introductives peuvent être faites dans cette double perspective qui est celle du droit de l’environnement de l’Union, l’une à caractère historique (i), la deuxième relative à ses aspects processuels (ii), et la troisième plus prospective (iii).

(i) Une histoire tortueuse

Pour le Traité de Rome, l’intégration des marchés constituait une œuvre fondamentale à laquelle la protection de l’environnement était largement étrangère. Tel qu’il avait été signé le 25 mars 1957, il ne contenait aucune disposition spécifique à l’environnement. Les premières initiatives du législateur européen intervinrent pourtant très vite, telles que la directive 67/548 du 27 juin 1967, relative à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses1 – dont la réforme a été l’un des grands débats du début du XXIe siècle (voy. infra, Chapitre 9) –, puis deux directives relatives aux émissions sonores2 et atmosphériques3 des véhicules automobiles en 1970. Les bases juridiques choisies ont été qualifiées de « pis-aller »4. En 1972, année de la conférence des Nations unies sur l’environnement de Stockholm, la Commission présenta sa première communication consacrée à ce sujet et les chefs d’État et de gouvernement lancèrent le principe d’une politique européenne.

En 1986, l’Acte Unique européen entérina une action communautaire en matière environnementale, aux articles 130 R, S et T du Traité CE, qui fondèrent en partie les mesures adoptées ensuite. Cette action devait reposer sur les principes d’action préventive, de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et du pollueur-payeur, visant un niveau de protection élevé (art. 130 R, § 2 du Traité CE).

En 1992, le Traité sur l’Union européenne éleva cette action au rang de politique à part entière (art. 3 (k) du traité CE) et l’agrémenta du principe de précaution. Il précisa que le développement harmonieux des activités économiques, qui constituait l’une des composantes de la mission de la Communauté, devait être « équilibré ». Il devait être accompagné d’une croissance « durable et non-inflationniste respectant l’environnement », ainsi que d’un « haut degré de convergence des performances économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres » (art. 2 du Traité CE). Mieux, les exigences de la protection de l’environnement devaient être « intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques » (art. 130 R, § 2 du Traité CE) – c’est le « principe d’intégration ».

En 1997, avec le Traité d’Amsterdam, les articles 130 R, S et T du Traité CE sont devenus les articles 174, 175 et 176 CE5. L’article 2 CE dispose alors que le développement des activités économiques auquel la Communauté a notamment pour mission de pourvoir doit non seulement être harmonieux et équilibré, mais encore durable, référence explicite à la protection de l’environnement6. Une autre composante de cette mission, qui consiste à promouvoir dans l’ensemble de la Communauté « un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement », est alors directement et exclusivement consacrée à la protection de l’environnement par ce même article 2 CE. Le principe d’intégration prend une importance remarquable en étant repositionné dans un nouvel article 6 CE.

Enfin, le Traité de Lisbonne n’a eu que des incidences relativement peu importantes en ce qui concerne la politique de l’environnement, mais certaines modifications apportées au cadre institutionnel général sont susceptibles d’influer sur sa mise en œuvre et ses applications :

Le Traité sur l’Union européenne dispose désormais que « l’Union (…) œuvre pour le développement durable de l’Europe (…) et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement (…) » (art. 3, § 3 UE).

La Charte des droits fondamentaux se voit expressément reconnaître « la même valeur juridique que les traités » (art. 6, § 1 UE)7. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (C.E.D.H.) est prévue et, de toutes façons, « les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la C.E.D.H. et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux » (art. 6, § 3 UE) ; de telle sorte que ces droits subjectifs qui ont fait l’objet d’une reconnaissance jurisprudentielle significative en matière environnementale se retrouvent dans le champ de compétence de la Cour de justice.

Les parlements nationaux disposent par ailleurs désormais du moyen de faire valoir les principes de proportionnalité et de subsidiarité en émettant un avis motivé auquel cas, et sous réserve du franchissement de certains seuils permettant d’attester la concordance de leurs points de vue, la proposition doit être réexaminée sous le contrôle de la Cour de justice8. Il faut aussi signaler l’introduction d’une potentielle situation de démocratie directe en la forme d’un référendum d’initiative populaire (art. 11, § 4 UE).

Quelques additions substantielles présentent un aspect périphérique par rapport au droit de l’environnement : la nouvelle politique commune de l’énergie (art. 194 FUE), une compétence d’appui, excluant toute harmonisation, des dispositions législatives et réglementaires des États membres relatives à leur action de prévention des catastrophes naturelles ou d’origine humaine et de protection contre celles-ci (art. 196 FUE), ou encore une normalisation de la coopération judiciaire en matière pénale (art. 87 FUE).

Quant au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les modifications apportées au droit de l’environnement sont marginales :

l’article 6 CE sur le principe d’intégration devient l’article 11 FUE ;

le protocole sur la protection et le bien-être des animaux conclu en 1992 est inclu à l’article 13 FUE et impose d’en tenir compte dans les domaines de la politique agricole commune, des transports, de la recherche et du marché intérieur ;

l’article 95 CE devient l’article 114 FUE, sans modification de fond ;

les articles 174, 175 et 176 CE, berceau de la politique de l’environnement, deviennent les articles 191, 192 et 193 FUE mais ne sont pas affectés dans leur substance, à la seule exception, que la composante de la politique de l’environnement consistant en « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement » vise désormais « en particulier la lutte contre le changement climatique ».

(ii) Une mise en œuvre laborieuse

La Commission européenne ne manque pas une occasion de souligner les importantes « faiblesses » de la mise en œuvre du droit européen de l’environnement, parfois attribuées à une série de causes tenant à la complexité des phénomènes environnementaux plus qu’aux réticences des États membres.

La montée en puissance du contentieux de l’application du droit européen de l’environnement date du début des années 2000. La Commission a porté jusqu’à une cinquantaine de manquements aux obligations des États membres dans le domaine de l’environnement par an devant la Cour de justice au début des années 2000, chiffre en augmentation significative par rapport aux années précédentes9. Alors que la Cour de justice rendait généralement une à deux douzaines d’arrêts par an en matière d’environnement, elle en a prononcé 43 en 2002, 50 en 2003, 62 en 2004 et 51 en 2005, semblant ainsi indiquer une tendance à l’augmentation du contrôle juridictionnel. Le « saut » quantitatif du début des années 2000 a perduré puisqu’en 2009, la Cour rendit 50 décisions, contre 4 seulement pour le Tribunal. De plus, on relevait une nouvelle tendance avec, parmi les sept recours en nullité tranchés par la Cour, six concernant des actes de la Commission contre un seul à valeur législative. Néanmoins, la progression n’est pas constante.

Évolution du nombre de décisions de la C.J.C.E. et du T.P.I. intéressant l’environnement au titre du contentieux de la validité, ainsi que de la C.J.C.E. dans le cadre des recours en manquement et en interprétation préjudicielle.

Évolution du nombre de décisions de la C.J.C.E. et du T.P.I. intéressant l’environnement, et notamment de condamnations en manquement prononcées contre la France.

L’effet dissuasif des sanctions pécuniaires auxquelles les États membres font désormais face en cas de « double manquement » prévues par l’article 260 FUE (ex-article 228 CE) y contribue sans doute. Dans l’affaire dite des « poissons sous taille », la Cour a jugé qu’en n’assurant pas un contrôle des activités de pêche et en ne poursuivant pas les infractions conformément aux exigences prévues par les dispositions communautaires, la France n’avait pas mis en œuvre toutes les mesures que comporte l’exécution d’un précédent arrêt datant de près de quinze ans, ce qui lui valut d’être condamnée à une astreinte de 57.761.250 euros pour chaque période de six mois et à une amende forfaitaire de 20.000.000 d’euros10.

Afin d’illustrer la diversité et la complexité des problématiques environnementales, mais aussi institutionnelles et réglementaires, qui nuisent à l’effectivité du droit de l’environnement dans l’Union européenne, il est utile de se référer à un échantillon de quelques affaires choisi à dessein au gré des développements jurisprudentiels en fonction de la diversité des bases juridiques en cause au stade du processus normatif, et des procédures juridictionnelles au stade du contentieux de leur application.

a) Le maïs transgénique de Novartis

Le Conseil d’État français, ayant suspendu la mise en culture d’une variété de semences de maïs génétiquement modifié au motif qu’un moyen soulevé paraissait sérieux et de nature à justifier l’annulation de l’arrêté qui l’avait inscrite au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées11, a interrogé la Cour de justice à titre préjudiciel sur l’interprétation de la directive 90/220, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement12, qui était fondée sur l’article 100 A du Traité CE (devenu article 114 FUE), s’agissant d’une mesure relative à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur.

La Cour a jugé que les autorités françaises étaient en situation de compétence liée parce qu’une décision favorable était intervenue au niveau européen et que la seule alternative pour un État membre qui considère que ces OGM présentent un risque pour la santé humaine ou l’environnement est en ce cas de prendre des mesures de sauvegarde s’il dispose « entretemps de nouveaux éléments d’information qui l’amènent à considérer que le produit qui a fait l’objet de la notification peut présenter un risque pour la santé humaine ou pour l’environnement » et en informant immédiatement la Commission et les autres États membres13.

Un consensus n’ayant pas été trouvé en matière d’OGM, et l’histoire pouvant ainsi se répéter, la Cour a de nouveau désapprouvé la France, sur recours préjudiciel du Conseil d’État lorsque, fin 2007, cédant à la pression médiatique, elle suspendit la cession et l’utilisation des semences de maïs MON 810, puis la mise en culture des variétés de ces semences14. Plus fort encore, le Tribunal a fini par condamner la Commission en carence pour ne pas avoir pris de décision sur une demande d’autorisation déposée douze ans plus tôt, comme elle aurait du le faire après que les États membres ne soient pas parvenus à prendre une décision à la majorité qualifiée15.

b) La teneur en nitrates de l’eau de Suez Lyonnaise

La seconde affaire est tout aussi illustrative de l’importance des questions environnementales aux yeux de l’opinion publique française, attentive aux nitrates autant en raison du phénomène des algues vertes que parce que les mesures destinées à l’endiguer pèsent sur un secteur agricole très audible. Sur le plan institutionnel, cette affaire fait apparaître au grand jour la montée en puissance de la responsabilité de l’État du fait de sa carence dans la mise en œuvre des réglementations environnementales.

Fondée sur l’article 130 S du Traité CE (devenu article 192 FUE), la directive 91/676 du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles16, prescrit aux États membres de désigner comme zones vulnérables toutes celles qui alimentent les eaux atteintes par la pollution et qui sont susceptibles de l’être et d’établir des programmes d’action pour ces zones.

L’État a ainsi été condamné par le juge administratif à garantir un distributeur d’eau qui avait du indemniser des habitants de la ville de Guingamp de la qualité non-conforme des eaux mises à leur disposition, au motif qu’il ne lui incombait pas de supporter les conséquences de cette non-conformité imputable aux manquements de l’État aux normes européennes17. La France a ensuite été condamnée plus classiquement par la Cour de justice en manquement d’État pour ne pas avoir procédé de manière appropriée à la désignation des zones vulnérables18.

Puis la responsabilité de l’État a été engagée à l’égard de quatre associations bretonnes en réparation du préjudice moral que leur a causé la prolifération des algues vertes qui ont frappé les baies de Saint-Brieuc et de Douarnenez et qui provenaient « essentiellement de l’épandage des lisiers issus des exploitations d’élevage ». Le juge administratif s’est alors référé à la transposition tardive de la directive 91/676 et aux différentes procédures y relatives, outre divers autres manquements19. La Cour administrative d’appel a souligné dans la même affaire que la négociation avec les représentants de la profession agricole pour établir un système d’aide financière à l’adaptation des exploitations constituait une « carence fautive des autorités de l’État dans l’application aux exploitations agricoles d’élevage de la réglementation des installations classées »20.

g) Le « verdissement » du marché des lignes d’autobus d’Helsinki

D’autres affaires illustrent le rayonnement de la problématique environnementale, en particulier lorsqu’elle ébranle les pratiques bien ancrées du marché.

La Cour de justice, consacrant l’intégration des considérations environnementales dans la mise en œuvre de la réglementation des marchés publics, a jugé que, lorsque le pouvoir adjudicateur décide d’attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, il peut prendre en considération des critères relatifs à la protection de l’environnement21. En l’espèce, la ville d’Helsinki, pouvoir adjudicateur, avait établi un barème sur la base de critères ayant trait notamment au niveau des émissions atmosphériques et sonores des autobus devant desservir une ligne de transports urbains. Visant expressément l’article 6 CE (devenu article 11 FUE), la Cour n’a toutefois pas fait du principe d’intégration une application très remarquable, ce qui ne doit pas surprendre, s’agissant avant tout d’un principe directeur d’action législative (voy. infra, Chapitre 3), interprétant la directive applicable dans un sens favorable à l’environnement et donc aux critères contestés.

La réglementation des marchés publics s’est ensuite adaptée à la recherche de compromis entre les objectifs poursuivis par les règles du marché et la protection de l’environnement (voy. infra, Chapitre 15).

d) Le logo et le cahier des charges d’Eco-Emballages

Les règles du marché ont contribué à la jurisprudence environnementale en France aussi, par exemple lorsque la Cour de cassation a interrogé la Cour de justice pour savoir si un décret relatif à l’identification des emballages à l’élimination desquels contribuent les producteurs constituait une règle technique devant être notifiée à la Commission et/ou une entrave à la libre circulation des marchandises. La Cour de justice a considéré que la notification de l’obligation d’identification « s’imposerait si elle entraînait (…) eu égard à l’ensemble des éléments de fait et de droit (…) une obligation de marquage ou d’étiquetage » bien que le décret ne précise pas quel signe doit être apposé22.

En l’occurrence, la Cour de cassation a considéré que l’obligation particulière de marquage provenait des seuls contrats conclus entre les producteurs et les éco-organismes auxquels ils confiaient la mission d’exécuter leurs obligations, et ne constituait pas une spécification technique23.

e) Des fuites des stations services Texaco, du pétrolier Erika et des réseaux d’eaux usées

Un autre exemple encore révèle le potentiel de questionnement du droit européen de l’environnement jusqu’aux catégories même du droit civil interne des États membres et surtout jusqu’aux confins des terrains de jeux politiques et industriels.

La Cour de justice a jugé qu’une compagnie pétrolière approvisionnant une station-service pouvait, dans certaines circonstances, être tenue des coûts de décontamination du sol et du sous-sol d’une station service24, interprétant la directive 75/442 du 15 juillet 1975, relative aux déchets (voy. infra, Chapitre 7)25, qui était alors en vigueur, le coût de l’élimination des déchets devant être supporté par leur détenteur et/ou détenteurs antérieurs ou par le producteur du produit générateur de déchets « conformément au principe du pollueur-payeur ». De même, la terre contaminée par des substances qui se déversent accidentellement lui a paru pouvoir être qualifiée de déchet, et ce qu’elle soit excavée ou non, car l’exploitant « s’en défait », ce qui en est caractéristique.

La jurisprudence Van de Walle a ensuite été étendue par la Cour de justice aux eaux usées fuitant des canalisations du distributeur d’eau anglais Thames Water, puis aux hydrocarbures qui s’étaient engouffrés par la brèche de la coque du pétrolier échoué Erika. C’est alors que le législateur y porta un coup sérieux, en excluant les sols, sous-sols et les eaux usées du champ d’application de la réglementation générale des déchets (voy. infra, Chapitre 8).

z) Le détournement des eaux du fleuve Achéloos vers les fleuve Pineios

Un projet de détournement des eaux d’un fleuve vers un autre permet d’illustrer certains phénomènes liés à l’évolution, sinon du droit européen de l’environnement, au moins de sa pratique. Vingt ans de contentieux, cinq arrêts du Conseil d’État grec annulant des décisions administratives aboutirent à la saisine de la Cour de justice à titre préjudiciel sur pas moins de quatorze questions impliquant quatre des directives environnementales les plus notoires, et on se limitera ici à souligner la diversité des thèmes abordés dans cette affaire26.

On lit à cette occasion que, dès la période transitoire prévue par une directive fondamentale de la politique de l’eau (voy. infra, Chapitre 5) pour la mise en œuvre progressive de son dispositif complexe, les États membres doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation de ses objectifs. Ledit détournement, dans la mesure où il est susceptible d’entraîner des effets négatifs pour l’eau peut être autorisé si ces modifications ou ces altérations « répondent à un intérêt général majeur », ou si les bénéfices pour l’environnement et la société de leur maintien sont « inférieurs aux bénéfices pour la santé humaine, le maintien de la sécurité pour les personnes ou le développement durable qui résultent des nouvelles modifications ou altérations », par exemple si le bassin récepteur est dans l’impossibilité de satisfaire par ses propres ressources aquatiques à ses besoins en eau potable, en production d’électricité ou en irrigation.

Quant au maintien de la biodiversité (voy. infra, Chapitre 6), il peut, dans certains cas, « requérir le maintien, voire l’encouragement, d’activités humaines ». Dès lors, toute mesure compensatoire nécessaire « doit s’appliquer à la lumière de l’objectif du développement durable ».

La Cour a encore précisé qu’une loi qui approuve un tel projet en se fondant sur une évaluation des incidences environnementales qui avait servi de base à une décision administrative adoptée au terme d’une procédure conforme aux obligations d’information et de participation du public (voy. infra, Chapitre 5), peut s’appuyer sur des informations recueillies dans le cadre de la procédure administrative antérieure, la circonstance que la décision administrative a finalement été annulée étant, en tant que telle, sans pertinence.

(iii) Une recherche d’efficience prometteuse

Jusqu’au début des années 1990, le droit européen de l’environnement était composé de mesures s’attachant aux différents domaines de l’environnement (air, eau, milieux naturels) et aux objets ayant un impact sur celui-ci (déchets, objets bruyants, substances dangereuses). Il posait des paramètres tendant à assurer la satisfaction d’objectifs de qualité ou le respect de valeurs limites d’émission, et même de normes de procédé. Les activités les plus sensibles étaient interdites, comme la capture et le commerce de certaines espèces d’oiseaux sauvages menacées d’extinction, l’exploitation des avions les plus bruyants ou les opérations portant sur des gaz nocifs pour la couche d’ozone, alors que d’autres étaient soumises à autorisation préalable, telles l’élimination des déchets ou les opérations concernant les OGM.

La mise en œuvre de ce corps de réglementation était loin d’être assurée de manière cohérente dans les différents États membres. L’ensemble était d’autant plus critiqué qu’outre sa technique purement réglementaire, il s’agissait d’une juxtaposition de mesures éparses, visant à empêcher que les dispositions nationales de protection de l’environnement fassent obstacle à la libre circulation des produits dans le marché commun alors en pleine construction ou à réagir à des phénomènes ou à des événements particuliers, comme la catastrophe environnementale de Seveso.

Le cinquième programme d’action pour l’environnement27 esquissa en 1993 une gamme plus large d’instruments juridiques : la réglementation avait d’abord été sectorielle, omettant ainsi de prendre en considération les nombreuses interdépendances propres à la matière, mais le besoin d’autres instruments, plus efficients, s’est manifesté. De nombreux dispositifs, notamment ceux sur la qualité de l’air ou les ressources en eau, consolident ainsi les réglementations existantes, « intégrant » l’ensemble des mesures relatives à tout ou partie d’un secteur de l’environnement en tenant compte de leurs répercussions sur les autres secteurs. Une autre approche, dite transversale, doit aussi permettre de mieux tenir compte de leur interdépendance et de couvrir les divers aspects de l’environnement touchés par un phénomène, par exemple une activité économique, approche parfois qualifiée d’« intégrée ». Des instruments économiques et fiscaux s’appuient sur les phénomènes micro-économiques, même s’ils ne parviennent pas à prospérer dans une mesure telle qu’ils puissent un jour faire pièce aux réglementations sectorielles.

Le sixième programme d’action pour l’environnement de 200228 définit des priorités principales dans les secteurs de l’environnement les plus cruciaux : le changement climatique, la nature et la diversité biologique, la santé et la qualité de la vie, les ressources naturelles et les déchets. Sur le plan juridique, il participait d’un classicisme plus marqué que son prédécesseur, et même d’une certaine réaction, en posant que « la réglementation demeure un outil essentiel (…) ». Les autorités européennes ne pouvaient au demeurant se montrer plus satisfaites de sa transposition dans les ordres juridiques des États membres, ni de son application, ce qui ne laissait d’autre alternative que de décider, dans un élan qui n’était pas sans comporter une certaine dose d’autocritique, que « la mise en œuvre intégrale et correcte de la législation en vigueur constituera une priorité ».

Le septième programme29, qui couvre la période 2014-2020, constate des lacunes dans les quatre domaines prioritaires définis par son prédécesseur. Or, l’Union « s’est fixé pour objectif de devenir une économie intelligente, durable et inclusive d’ici à 2020, forte d’un ensemble de politiques et de mesures visant à faire d’elle une économie à faibles émissions de carbone et efficace dans l’utilisation des ressources ». Dès lors, « un engagement absolu » des États membres et des institutions compétentes de l’Union est nécessaire : « la prospérité à long terme de l’Union est subordonnée à l’adoption de nouvelles mesures » permettant de relever les défis environnementaux, et des objectifs prioritaires sont fixés pour 2020 « sur la base d’une vision claire à long terme pour 2050 », permettant également de « créer un environnement stable favorable à des investissements et à une croissance durables ».

(iv) Plan

La spécificité du droit européen de l’environnement tient pour une large part à son cadre institutionnel, qui fera pour cette raison l’objet d’une partie préliminaire, faisant apparaître que la nature des instruments juridiques mis en œuvre permet d’analyser utilement les mesures de droit matériel qui nourrissent la matière.

Ces mesures sont, dans une première phase, l’expression d’une politique réglementaire traditionnelle, et qui plus est sectorielle, consistant essentiellement à poser des paramètres. Selon une démarche fort classique, on évoquera dans une première partie les grands domaines de l’environnement : le milieu atmosphérique, le milieu aquatique et les milieux dits naturels, c’est-à-dire essentiellement la faune et la flore. Puis, dans une deuxième partie, les principaux objets ayant un impact sur l’environnement, ou susceptibles d’avoir un tel impact, à savoir les déchets, bien sûr, mais aussi les objets bruyants et les substances dangereuses ou réputées telles.

Les années 1990 ont vu l’apparition progressive, puis le développement de nouveaux types d’instruments qui ont une fonction de mise en œuvre et de sanction des paramètres environnementaux. Il s’agit en premier lieu des instruments dits non-sectoriels ou « transversaux », voire « horizontaux », parce que, tout en conservant une nature réglementaire, ils s’affranchissent des carcans sectoriels ; ils feront l’objet de la troisième partie. Il s’agit, ensuite, d’autres nouveaux instruments encore, plus radicalement novateurs, les fameux instruments économiques et fiscaux dont les manifestations occuperont la quatrième partie.

Une cinquième partie, enfin, sera consacrée à une démarche particulièrement efficace pour la protection de l’environnement : la prise en compte de ses exigences dans les autres politiques.

1. J.O.C.E. no L 196 du 16 août 1967.

2. Directive 70/157 du 6 février 1970, relative au niveau sonore admissible et au dispositif d’échappement des véhicules à moteur, J.O.C.E. no L 42 du 23 février 1970.

3. Directive 70/220 du 20 mars 1970, concernant les mesures à prendre contre la pollution de l’air par les gaz provenant des moteurs à allumage commandé équipant les véhicules à moteur, J.O.C.E. no L 76 du 6 avril 1970.

4. C. BLUMANN, Compétence communautaire et compétence nationale, in La Communauté européenne et l’environnement, Travaux du colloque d’Angers de la CEDECE, 1997, pp. 93 et s.

5. La notation officiellement adoptée par la Cour de Justice, et ici retenue, a alors changé pour manifester cette évolution. Par exemple, l’ « article 85 du Traité CE », qui interdit les ententes anti-concurrentielles, est devenu l’« article 81 CE ».

6. Le concept de développement durable avait alors été largement consacré par la Déclaration finale de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro.

7. S. VAN DER JEUGHT, « Le Traité de Lisbonne et la Cour de justice de l’Union européenne », J.D.E. décembre 2009 no 164, p. 297.

8. Protocoles no 1 et no 2 au Traité de Lisbonne ; voy. infra, Chapitre 1.

9. Elle a émis 137 avis motivés en 2002 et 122 en 2003, alors qu’elle en avait émis 118 en 1998, 63 en 1999 et 122 en 2000. Elle a été saisie de 555 plaintes dans ce domaine en 2002 et 505 en 2003, quatrième et cinquième études annuelles sur la mise en œuvre et le contrôle de l’application du droit communautaire de l’environnement (SEC(2003)804 et SEC(2004)1025).

10. C.J.C.E., 12 juillet 2005, Commission c. France, aff. C-304/02, Rec. p. I-6263.

11. Il appliquait ainsi l’article 54 du décret du 30 juillet 1963, relatif à l’organisation du fonctionnement du Conseil d’État, selon lequel celui-ci peut ordonner le sursis « si l’exécution de la décision attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée ».

12. J.O.C.E. no L 117 du 8 mai 1990, remplacée entretemps par la directive 2001/18 du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220 ; voy., infra, Chapitre 9.

13. C.J.C.E., 21 mars 2000, Association Greenpeace France, aff. C-6/99, Rec. p. I-1651, pt. 44.

14. Voy. C.J.U.E., 8 septembre 2011, Monsanto c. Ministre de l’agriculture et de la pêche, aff. C-58/10 à C-68/10, Rec., p. I-07763, pts. 30 à 35.

15. Tribunal UE, 26 septembre 2013, Pioneer Hi-Bred International, Inc. c. Commission européenne, aff. T-164/10, ECLI:EU:T:2013:503.

16. J.O.C.E. no L 375 du 31 décembre 1991 ; voy. infra, Chapitre 5.

17. Tribunal administratif de Rennes, 18 avril 2001, Société Suez Lyonnaise des eaux, Req. 97 182 ; commentaire B. DROBENKO, R.J.E. 3/2001 p. 445.

18. C.J.C.E., 27 juin 2002, Commission c. France, aff. C-258/00, Rec. p. I-5959.

19. Notamment à la législation des installations classées : carences dans l’instruction des dossiers d’autorisation et dans le contrôle de leur fonctionnement « régulièrement sanctionnées par le tribunal », régularisation quasi-systématique des porcs illégalement présents dans des exploitations en zone d’excédent structurel, « insuffisance manifeste des contrôles, notamment par manque de moyens des administrations de l’État » (TA Rennes, 25 octobre 2007, Associations Halte aux marées vertes, Sauvegarde du Trésor, Eaux et rivières de Bretagne, et de la source à la mer, Req. 0400630, 0400631, 0400636, 0400637, 0400640, A.J.D.A. du 10 mars 2008, p. 470).

20. CAA Nantes, 1er décembre 2009, no 07NT03775.

21. C.J.C.E., 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland Oy Ab c. Helsingin kaupunki et HKL-Bussiliikenne, aff. C-513/99, Rec. p. I-7213.

22. C.J.C.E., 6 juin 2002, Sapod Audic c. Eco-Emballages, aff. C-159/00, Rec. p. I-5031, pts. 29 à 32.

23. Cass. Com. 1er juillet 2003, no 98-11543.

24. C.J.C.E., 7 septembre 2004, Van de Walle et autres c. Texaco Belgique, aff. C-1/03, Rec. p. I-7613.

25. J.O.C.E. no L 194 du 25 juillet 1975.

26. C.J.U.E. (grande chambre), 11 septembre 2012, Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias et autres contre Ypourgos Perivallontos, Chorotaxias kai Dimosion ergon et autres, aff. C-43/10, ECLI:EU:C:2012:560.

27. « Vers un développement soutenable », Résolution du Conseil du 1er février 1993 concernant un programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable.

28. Décision 1600/2002 du 22 juillet 2002, établissant le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement, J.O.C.E. no L 242 du 10 septembre 2002 ; voy. aussi la Communication de la Commission sur le VIe programme communautaire d’action pour l’environnement « Environnement 2010 : notre avenir, notre choix » et proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant le programme d’action communautaire pour l’environnement pour la période 2001-2010 (COM (2001)31 final).

29. Décision no 1386/2013 du 20 novembre 2013, relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète », J.O.U.E. no L354 du 28 décembre 2013.

PARTIE PRÉLIMINAIRE :

LES SOURCES DE LA POLITIQUE DE L’ENVIRONNEMENT

L’enjeu politique lié à l’objet, aux modalités et aux conditions d’exercice des compétences attribuées à l’Union européenne est double et source de distorsions : la répartition de l’exercice du pouvoir normatif entre le Conseil et le Parlement européen, et la détermination de la compétence résiduelle au titre de laquelle les États membres adoptent des mesures plus protectrices de l’environnement.

La mise en œuvre par le législateur européen des principes, spécifiques ou non, dont sont assorties les bases juridiques de son intervention exacerbe encore ces tensions.

La description des fondements mêmes – c’est-à-dire du domaine – de l’intervention de l’Union en matière environnementale (Chapitre 1) doit ainsi logiquement être accompagnée de celle des procédures (Chapitre 2) et des principes auxquelles elle est assujettie (Chapitre 3).

CHAPITRE 1

LE DOMAINE DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

SOMMAIRE

SECTION 1. – CONDITIONS DE L’INTERVENTION ENVIRONNEMENTALE

§ 1. – Des compétences d’attribution

§ 2. – Des compétences astreintes au principe de subsidiarité

SECTION 2. – CARACTÈRE CONCURRENT DE LA COMPÉTENCE ENVIRONNEMENTALE

§ 1. – Les mesures nationales instituant une protection renforcée par rapport aux dispositions purement environnementales

§ 2. – La clause de sauvegarde relative aux mesures prises pour le marché intérieur

Dans sa rédaction d’origine, le traité de Rome ne permettait l’adoption de mesures environnementales que de manière indirecte. Néanmoins, la Cour de justice décida dès 1980 que « faute de rapprochement des dispositions nationales en la matière, la concurrence pourrait être sensiblement faussée »1. Puis, de manière prétorienne, elle énonça en 1985 que « la protection de l’environnement (…) est un des objectifs essentiels de la Communauté »2, interprétant largement la mission impartie à celle-ci en ce qu’elle visait à « promouvoir un développement harmonieux des activités économiques ».

Cette problématique disparut en 1986 lorsque l’Acte Unique européen introduisit la base légale spécifique de l’article 130 S du traité CE, nouvellement créé à cet effet, prévoyant une « action » en matière d’environnement ayant pour objet de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement, de contribuer à la protection de la santé des personnes et d’assurer une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. La protection de l’environnement fit alors également son entrée à l’article 100 A du traité CE, pour ce qui concernait l’adoption des mesures d’harmonisation législative « qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur ». En effet, celui-ci prévoyait que de telles mesures puissent intervenir « en matière de protection de l’environnement » en prenant « pour base un niveau de protection élevé », conférant ainsi à l’intervention européenne en matière environnementale une seconde base expresse, même si elle avait un caractère accessoire.

La mise en œuvre de la politique de l’environnement est ainsi depuis lors encadrée de manière explicite par le droit primaire qui détermine ses conditions d’intervention (Section 1) et la compétence résiduelle des États membres (Section 2).

SECTION 1. – CONDITIONS DE L’INTERVENTION ENVIRONNEMENTALE

L’intervention environnementale de l’Union doit être comprise à la lumière de sa mission d’œuvrer « pour le développement durable de l’Europe » (art. 3, § 3 UE). Elle doit, pour ce faire, se fonder, entre autres, sur « un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement ».

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose de plus qu’« un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable » (art. 37). Or, la Charte a « la même valeur juridique que les traités » (art. 6, § 1 UE), ce qui donne inévitablement à cet objectif une certaine valeur normative.

Cependant, conformément à la structure tridimensionnelle du concept de développement durable, celui-ci poursuit également deux autres objectifs plus économiques, à savoir « une croissance économique équilibrée » et une « économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social ». Ainsi, la mission de l’Union comprend-elle des composantes économique et sociale autant qu’environnementale, de même qu’une orientation pour la recherche de leur conciliation à travers la notion de développement durable. D’ailleurs, l’article 3, § 3 UE impartit à l’Union de promouvoir « la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres » et, surtout, de rechercher le « développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée (…) ».

Cette mission est déterminante de la répartition des rôles entre les États membres et l’Union. Celle-ci ne peut ainsi intervenir en matière environnementale que dans les limites de ses compétences d’attribution (§ 1) et que si l’objectif recherché ne peut être réalisé de manière suffisante par les États membres mais peut mieux l’être par elle-même, autrement dit de manière subsidiaire (§ 2).

§ 1. – Des compétences d’attribution

Le droit primaire rappelle que « le principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union » (art. 5, § 1 UE). Il explicite que « l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées pour atteindre les objectifs que ces traités établissent » (art. 5, § 2 UE). Cet ajout « reflète bien la méfiance de certains États membres » à l’égard d’une Cour de justice qu’ils estiment « trop activiste »3. En l’occurrence, l’Union ne dispose pas d’une compétence exclusive en matière de protection de l’environnement (comme c’est en revanche le cas en matière de conservation des ressources biologiques de la mer ou de relations commerciales avec les pays tiers, par exemple).

Un nombre significatif de mesures intéressant l’environnement reste adopté sur la base de fondements qui lui sont en principe étrangers, tels que la politique agricole commune, la politique commerciale ou la politique des transports, par exemple. Conformément à l’exigence d’intégration de l’article 11 FUE, les mesures adoptées en ces matières, qu’elles répondent ou non à des préoccupations environnementales, doivent prendre en compte les exigences de la protection de l’environnement, ce qui relativise quelque peu l’effet du caractère limité de la compétence au titre de la politique de l’environnement proprement dite. Toutefois, cette prise en compte n’intervient en pratique que progressivement, étant donné la complexité et l’importance des considérations qui doivent être conciliées (voy. infra, Ve Partie).

Il convient d’insister sur les deux chefs de compétence énoncés par le traité qui font expressément référence à la protection de l’environnement, l’un à titre principal (A), l’autre à titre accessoire (B).

A. – La compétence pour édicter des mesures spécifiquement environnementales

Une compétence européenne spécifique, sur laquelle est essentiellement fondée la politique de l’environnement, est organisée par le titre XX du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (arts. 191 à 193 FUE). Le chef de compétence à proprement parler réside dans l’article 192, § 1 et § 2 FUE et il vise à la réalisation des objectifs qui sont énumérés à l’article 191, § 1 FUE

La politique de l’environnement stricto sensu ne relève ni des « compétences exclusives », comme en matière de « ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche » (art. 3 FUE), ni des compétences d’appui, de coordination ou de complément, à l’égard desquelles les États membres se réservent le plus de pouvoirs, comme dans le domaine de la santé (art. 6 FUE), mais bien, à un niveau intermédiaire, des « compétences partagées » comme en matière d’agriculture, de transports, d’énergie ou même, plus curieusement, de marché intérieur (art. 4 FUE). Dans un tel domaine, « l’Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants », ce en quoi ils se partagent la compétence : « les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne. Les États membres exercent à nouveau leur compétence dans la mesure où l’Union a décidé de cesser d’exercer la sienne » (art. 2, § 2 FUE).

Les dispositions prises dans le contexte de la politique de l’environnement n’en sont pas moins incontournables. La Cour de justice a, en effet, jugé qu’elles constituent, en principe, « le cadre dans lequel la politique (…) dans le domaine de l’environnement doit être conduite »4.

Il convient ainsi de prendre la mesure des objectifs assignés à la politique européenne de l’environnement. À cet égard, on ne peut que relever que le « développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée » n’est pas évoqué lorsqu’il s’agit d’organiser la politique de l’environnement dans les articles 191 à 193 FUE Les objectifs de la politique de l’environnement à proprement parler concernent plus classiquement, selon les termes de l’article 191 FUE, la qualité de l’environnement proprement dite (1°), la santé humaine (2°), les ressources naturelles (3°) et l’action internationale (4°).

1°) Qualité de l’environnement

Le traité eut, sans doute, pu se limiter à l’un des objectifs énumérés, la protection de l’environnement, qui est « un des objectifs principaux » de la politique éponyme5. Cet objectif de protection a par ailleurs été qualifié de « quasi-exhaustif » en tant qu’il prévoit de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement. Ce triptyque mérite qu’on s’y arrête.

Préserver la qualité de l’environnement, le sauvegarder, c’est en quelque sorte maintenir le statu quo, la première mesure que l’on prend, en général, lorsque l’on intervient dans un domaine, et ce fut d’ailleurs le but initial du droit de l’environnement que de prendre des mesures conservatrices6. La protéger n’exige qu’une intensité légèrement plus élevée dans l’action entreprise ; elle sous-tend, cependant, un phénomène ou une action contre laquelle des mesures devront être prises afin d’en empêcher les effets dommageables. Mais l’amélioration de la qualité de l’environnement est plus prometteuse pour l’étendue de la compétence en la matière. C’est à ce titre que peuvent être prises des mesures positives de remise en état, autrement dit que peut être menée une « action positive de restauration et de gestion »7, que l’on peut imposer un rattrapage des dégradations antérieures.

2°) Santé des personnes

La politique de l’environnement a aussi un objectif de protection de la santé des personnes. Elle a donc un caractère ambivalent, reposant sur une conception anthropocentrique de l’environnement. La Cour explique que l’objectif de protection de la santé « se trouve déjà englobé dans l’objectif de protection de l’environnement (…), lequel vise, dans un sens plus large, à protéger la santé »8.

Certes, l’Union européenne a une compétence spécifique en matière de santé publique, mais elle n’a qu’un caractère accessoire par rapport aux politiques nationales, et ses instruments sont limités (voy. infra, Chapitre 20). D’ailleurs, l’article 168 FUE, qui décrit cette intervention, dispose qu’« un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les autres politiques et actions », de manière symétrique à l’article 11 FUE, créant ainsi une sorte de double renvoi normatif croisé.

L’incidence des considérations liées à la santé humaine s’avère au demeurant certaine eu égard à la jurisprudence selon laquelle les dispositions des mesures de droit dérivé doivent pouvoir être invoquées à l’encontre des États membres par les personnes concernées, tel étant « tout particulièrement » le cas des directives qui visent à protéger la santé publique, notamment celles relatives à la qualité de l’air et à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine9.

3°) Ressources naturelles

Le troisième objectif qui consiste en « l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles » raccroche indirectement l’intervention dans le domaine de l’énergie à la politique de l’environnement, bien que le Traité de Lisbonne ait de plus institué une politique de l’énergie (art. 194 FUE) avec laquelle la politique de l’environnement entretient de ce fait des relations ambigües (voy. infra, Chapitre 19)10.

4°) Dimension internationale

Le quatrième objectif est d’assurer « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement ». Il est ainsi tenu compte de ce que la dimension géographique des phénomènes environnementaux s’accommode mal des frontières politiques. Cette promotion doit viser « en particulier la lutte contre le changement climatique », même s’il est évident que la protection de l’environnement couvre cette lutte, à laquelle les institutions européennes ont largement pris part.

Il faut en rapprocher la disposition spécifique de l’article 191 § 4 FUE qui permet une coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes, et reconnaît à l’Union une capacité contractuelle en la matière.

Cette participation revêt une importance d’autant plus grande que les dispositions des accords internationaux dits « mixtes », auxquels l’Union et les États membres sont parties, « forment partie intégrante » de l’ordre juridique de l’Union11. La Cour de Justice s’estime dès lors compétente pour apprécier le respect par les États membres de certaines dispositions d’accords internationaux de protection de l’environnement, lesquelles peuvent avoir un effet direct12. Ainsi a-t-elle jugé à propos de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (voy. infra, Chapitre 11) liant l’Union et tous ses États membres qui y sont parties en vertu d’une compétence partagée, que le juge de l’Union est compétent pour établir la ligne de partage entre leurs obligations respectives et pour en interpréter les stipulations13.

De plus, la validité d’un acte de l’Union peut être affectée par son incompatibilité avec des règles du droit international conventionnel par lesquelles l’Union est liée lorsque la nature et l’économie de ces règles ne s’y opposent pas et qu’elles apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises14.

B. – La compétence pour édicter des mesures environnementales ayant pour objet le marché intérieur

Le second chef de compétence exprès en matière environnementale ne vise celle-ci qu’à titre accessoire : parmi les classiques mesures d’harmonisation des législations nationales (art. 114, § 1 FUE), le traité prévoit l’intervention « en matière (…) de protection de l’environnement » de mesures ayant pour objet principal l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (art. 114, § 3 FUE).

On ne saurait réduire cette disposition à une séquelle de l’absence historique de base légale spécifique de l’intervention européenne en matière environnementale. En effet, il faut plutôt considérer sa subsistance comme le corollaire de la nature même de l’Union et de son souci omniprésent de libre circulation dans le marché intérieur.

C’est notamment pourquoi la majorité des directives relatives aux déchets, les normes de produits et même les mesures relatives aux installations industrielles ont été appréhendées dans cette perspective. Lorsque l’harmonisation des législations nationales est requise pour réaliser les objectifs économiques du traité, et tout particulièrement l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, ce fondement s’impose par rapport à celui de la politique de l’environnement. En effet, on le verra, les mesures prises à ce titre laissent une compétence concurrente limitée aux États-membres (voy. infra, Section 2), ce qui est plus propice à l’intégration des marchés.

Cette compétence n’est pas précisée de manière aussi explicite que la compétence spécifique en matière de protection de l’environnement décrite ci-dessus. Le traité indique seulement que les institutions de l’Union doivent à ce titre prendre « pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques ». Or, cette indication est d’une utilité limitée, établissant des principes d’action plutôt que contribuant à la délimitation de cette compétence.

Il semble alors qu’il faille, pour en définir la teneur, se référer à la composante environnementale de la mission générale de l’Union telle qu’exposée à l’article 3, § 3 UE et non aux critères délimitatifs de l’article 191, § 1 FUE Ainsi une mesure relative à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur peut-elle être considérée comme étant prise en matière de protection de l’environnement dès lors qu’elle vise à donner au développement des activités économiques un caractère durable ou, plus directement, « un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement ».

Au demeurant, la compétence relative à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur n’ayant nul besoin du renfort de ce qu’elle intervient parfois en matière environnementale, les conséquences juridiques qui pourraient résulter d’une telle situation paraissent circonscrites à la détermination de l’étendue de la compétence des États membres en présence d’une telle mesure, ce qui pose la question du caractère subsidiaire de leur compétence.

§ 2. – Des compétences astreintes au principe de subsidiarité

Comme en tous domaines où elle ne dispose pas d’une compétence exclusive, l’Union ne doit intervenir que si une mesure ne peut être réalisée de manière satisfaisante par les États membres et peut l’être mieux par l’Union (art. 5, § 3 FUE), c’est-à-dire en respectant ce qu’il est convenu d’appeler le principe de subsidiarité (voy. infra, Chapitre 3).

La circonstance qu’une part importante des mesures intéressant la protection de l’environnement concerne aussi l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, et soit donc basée sur l’article 114 § 3 FUE, tend à fausser l’observation de l’effectivité du principe de subsidiarité, lequel contribue néanmoins à la compréhension des limites, à tout le moins politiques, de l’intervention européenne15.

Ces limites de l’intervention européenne ne se manifestent au demeurant pas seulement au stade normatif, mais aussi dans l’exécution des mesures de droit dérivé16.

Cependant, le principe de subsidiarité pourrait connaître un regain d’influence puisque, depuis le Traité de Lisbonne, « les parlements nationaux veillent au respect de ce principe (…) » (art. 69 FUE). Deux protocoles annexes précisent les modalités d’exercice de cette prérogative parlementaire, et la Cour de justice « est compétente pour se prononcer sur les recours pour violation, par un acte législatif, du principe de subsidiarité formés (…) par un État membre ou transmis par celui-ci conformément à son ordre juridique au nom de son parlement national ou d’une chambre de celui-ci », ainsi que par le Comité des régions, « contre des actes législatifs pour l’adoption desquels le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit sa consultation »17, comme les mesures de la politique de l’environnement.

SECTION 2. – CARACTÈRE CONCURRENT DE LA COMPÉTENCE ENVIRONNEMENTALE

La compétence européenne en matière environnementale est concurrente de celle des États membres, ce que le traité rappelle expressément en la qualifiant de « partagée » (art. 4 FUE). Du point de vue du droit de l’Union européenne, de telles dispositions nationales, fussent-elles à valeur constitutionnelle, ne se distinguent pas des autres : la primauté du droit européen s’y applique indifféremment. Les États membres conservent une compétence originaire en matière d’environnement, qui leur permet de prendre des mesures lorsque l’Union n’est pas elle-même intervenue. Ils gardent aussi une compétence résiduelle, après l’adoption de mesures européennes, qui peut se manifester soit pour compléter la législation européenne en raison de son caractère partiel, soit pour y déroger ou s’en écarter, et en principe la renforcer, que ce soit en présence d’une mesure purement environnementale (§ 1) ou d’une mesure relative au marché intérieur prise en matière environnementale (§ 2).

§ 1. – Les mesures nationales instituant une protection renforcée par rapport aux dispositions purement environnementales

Lorsqu’il existe des dispositions de droit de l’Union prévoyant certaines mesures motivées par des considérations essentielles de protection de l’environnement, les États membres conservent une certaine compétence pour les compléter. Il faut alors que leur intervention soit compatible avec les dispositions européennes (A), et la Commission a mission d’y veiller (B).

A. – Nature et sens des mesures de protection renforcée

Une première manifestation du caractère concurrent de la compétence de l’Union est la possibilité pour les États membres de maintenir ou d’établir, individuellement, des « mesures de protection renforcée » prévues par l’article 193 FUE, c’est-à-dire d’aller au-delà d’une mesure adoptée sur la base de l’article 192, § 1 ou § 2, FUE et d’agir avec une intensité plus grande. Des mesures « renforcées » doivent en effet, comme leur dénomination le suggère, être de nature et de sens compatibles avec ceux de la mesure européenne, par définition, mais aussi bien entendu « compatibles avec le traité », et tout particulièrement avec la libre-circulation des marchandises18. Par exemple, la réglementation du commerce des espèces de faune et de flore sauvages (voy. infra, Chapitre 6)19, n’ayant pas procédé à une harmonisation complète, des mesures plus strictes peuvent être prises ou maintenues par les États membres20.

Il arrive aussi que des mesures de droit dérivé énoncent expressément que les États membres peuvent adopter des dispositions plus rigoureuses dans leur champ d’application21. Cependant, outre que des mesures de protection renforcée ne peuvent logiquement contredire une disposition d’une directive, il ne saurait être question qu’elles enfreignent un principe fondamental.

B. – Contrôle de la Commission

Afin de lui permettre de les examiner, la Commission doit recevoir notification des mesures de protection renforcée et elle peut ainsi, le cas échéant, agir en manquement d’État. Mais le traité ne prévoit pas de contrôle particulier, outre cette obligation d’information.

L’incompatibilité de mesures nationales avec les dispositions du droit européen peut également être soulevée devant les juridictions nationales, que ce soit dans le cadre d’un recours direct ou par voie d’exception.

La Cour de justice vérifie notamment leur compatibilité avec la liberté fondamentale de circulation des marchandises sur le marché intérieur22.

§ 2. – La clause de sauvegarde relative aux mesures prises pour le marché intérieur

À la différence de la situation décrite ci-dessus, l’intervention des États membres est très encadrée dans les domaines dans lesquels des dispositions de l’Union sont intervenues au titre de l’article 114 § 3 FUE, en matière environnementale mais dans le but essentiel d’assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Il convient, à cet égard, de distinguer le cas dans lequel l’État membre maintient une mesure existante de celui où il veut en introduire une nouvelle (A), les conditions posées pour son intervention étant alors plus rigoureuses (B). Dans les deux cas, le contrôle exercé par la Commission est étroit (C).

A. – Mesures existantes et mesures nouvelles

La compétence concurrente des États membres se manifeste, à l’article 114, § 4 FUE, dans le « maintien », d’une part, et dans l’« introduction », d’autre part, de dispositions nationales dans le domaine couvert par une mesure de droit dérivé de l’Union.

Dans les deux cas, les dispositions nationales ne peuvent faire échec à l’objet principal de la mesure européenne puisqu’elle vise, principalement, à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur. Dès lors, la disposition nationale ne peut être « un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres » ou constituer « une entrave au fonctionnement du marché intérieur » (art. 114 § 7 FUE).

Le maintien des dispositions nationales antérieures est possible à condition qu’elles soient « justifiées par des exigences importantes visées à l’article 36 ou relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail ». Cette possibilité s’explique à deux titres. En premier lieu, il faut y voir une cohérence avec le régime des dérogations à l’interdiction des mesures d’effet équivalent à des restrictions tarifaires, autrement dit à la libre-circulation des marchandises, l’une des libertés fondamentales de la construction européenne (voy. infra, Chapitre 16). En second lieu, dans ce cas, le législateur de l’Union connaissait les dispositions nationales existantes, dont il n’a pas pu ou voulu s’inspirer pour l’harmonisation, mais dont il a admis que l’État membre puisse demander le maintien si elles sont justifiées23.

Non seulement l’État membre peut-il ainsi maintenir ces mesures existantes, mais encore l’article 114, § 5 FUE lui permet-il d’« introduire des dispositions nationales nouvelles » relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail et postérieures à la mesure européenne. Toutefois, il ne lui suffit alors pas de remplir les conditions susvisées.

B. – Conditions particulières pour les mesures nouvelles