Marchons dans mes souliers - Manuel Desjardins - E-Book

Marchons dans mes souliers E-Book

Manuel Desjardins

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Beschreibung

Manuel, étant devenu un adulte, apprend dans la suite de sa biographie, à devenir un adulte et à gérer sa vie et ses relations, avec des blessures d'enfance qui gèrent son existence. Ce livre raconte essentiellement, le chemin de vie d'un homme, qui à travers les épreuves, grandit et prend conscience de la guérison qui doit être entamée. Il fait la découverte de l'amour inconditionnel envers ses enfants, pour finalement réaliser, que la véritable histoire d'amour de sa vie, est l'apprentissage de l'amour envers lui-même.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Manuel Desjardins est né à Saint-Jérôme, dans les Laurentides, le 27 janvier 1979. Il a étudié les sciences humaines, le cinéma ainsi que les sciences sociales à l’UQAM. Il a parfait ses connaissances en effectuant un AEC en communications et médias ainsi qu’un AEC en assurances de dommages. Il œuvre comme courtier en assurances de dommages depuis maintenant plus de dix ans. Il écrit des chansons et de la poésie depuis son adolescence et nous présente maintenant son second livre, "Marchons dans mes souliers", la suite du Tome 1 : "Le pilier Brisé".

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La photographie de la page couverture a été prise par l’auteur, Manuel Desjardins.

La photographie de la page couverture arrière a été prise par l’auteur, Manuel Desjardins.

Couverture et mise en page : Ecoffet Scarlett

 

Toute représentation partielle ou totale est interdite sans le consentement de l’auteur.

La révision linguistique de cet ouvrage est assurée par Stéphanie Brière.

 

Cette publication est dirigée par :

 

Téléphone : 418-271-6578

Courriel : [email protected]

Site Web : editionsenoya.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je lègue ce livre aux femmes de ma vie

Et aux hommes désirant guérir leurs blessures intérieures

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les noms réels des personnes ont été modifiés pour des noms fictifs afin de préserver la confidentialité de chacun.

 

 

 

PRÉFACE

 

L

orsque Manuel m’a annoncé qu’il écrivait un second livre, j’avais déjà hâte d’en faire la lecture. J’avais hâte car je savais les émotions que m’avait suscitées son tome 1, Le pilier brisé. Passant du sourire au sentiment de tristesse, ma lecture avait été émouvante et enivrante à la fois. Je ne doutais pas un seul instant que ce tome 2 allait me transporter.

Dans ce second livre, Manuel se met encore – et sinon plus – à nu, nous racontant sans ambages sa vie tumultueuse de jeune adulte que l’on pourrait croire insouciant, s’il ne souffrait pas tant. Passant d’une dépendance à l’autre, espérant la fuite du vide existentiel, il frappera son mur. Le précurseur de la pleine conscience Jon Kabat-Zinn n’hésite pas à dire que toute la souffrance, le stress et la dépendance viennent du fait qu’on ne réalise pas que nous sommes déjà ce que nous cherchons. N’hésitant pas à nommer les émotions vécues, Manuel nous fait le découvrir non plus comme un pilier, mais bien comme un homme, avec sa force mais aussi avec toute sa vulnérabilité. Tout doucement, et avec de nombreuses routes sinueuses sur son parcours, il embrasse la personne qu’il est véritablement et en ressort grandi.

Comme le disait Simone de Beauvoir, il accepte la grande aventure d’être lui-même.

Et c’est en puisant au plus profond de son cœur qu’il découvre les moyens de revenir à la vie, à l’essentiel, en guérissant sa blessure d’abandon.

Dans les pages de ce livre, vous lirez une histoire d’adversité certes, mais aussi de courage et de résilience. Il est bien plus qu’un récit de vie, il est la preuve que même une petite fleur poussant au milieu des roches peut s’épanouir.

Sous mes yeux, et à travers ces lignes, j’ai vu Manuel déployer ses ailes et devenir un aigle majestueux.

 

Je vous souhaite une bonne lecture.

Gwen Bobée

Éditrice Les Éditions Enoya

INTRODUCTION

 

D

éjà très jeune, j’étais un rêveur. Je me perdais dans mon imaginaire durant des heures, à inventer des jeux, des façons de parler, à imiter les gens et à me perdre volontairement avec mes illusions. Je me créais des scénarios dans lesquels je m’imaginais que j’étais observé, que ma vie n’était après tout, qu’un film, alors je devais jouer mon rôle, me jouer moi-même, comme si je ne m’habitais pas. J’ai toujours eu la sensation que je pouvais me regarder d’en haut, que j’avais la capacité de me désincarner comme un spectateur de mon existence. Je sentais une connexion avec une force inexplicable, immatérielle et non-tangible et je tentais de communiquer avec cette puissance qui émanait afin de la comprendre.

J’ai présentement 44 ans, et je me parle énormément à haute-voix, comme je l’ai toujours fait depuis ma jeunesse. Comme si le monde était le théâtre de ma pièce et que j’en étais le seul acteur, le seul qui donnait un sens à ce scénario. Je comprenais déjà, il y a longtemps, que je possédais le pouvoir d’obtenir ce que je veux, à condition, d’être têtu et d’avoir beaucoup de volonté et de persévérance. Je passais des heures à m’enregistrer, à m’écouter et à me répondre, à me parler en marchant, à jouer au baseball seul au parc et à commenter mes exploits imaginaires, à inventer une émission culinaire dans laquelle j’expliquais ma méthode.

Cet univers, cette planète, ce monde, je l’ai créé pour fuir et pour me réfugier. Maintenant, même quand je suis heureux, bien, équilibré, balancé dans ma tête, mon corps et mon esprit, j’y retourne car je me suis inventé en tant que personne humaine à cet endroit. Dans ce cosmos, je ne suis pas ma personnalité, je ne suis pas Manuel, l’étiquette de la société, je suis qui je suis. Je reprends mes forces, me fais confiance et possède tous les atouts par la suite quand je reviens ici. Toutes mes peurs et tous mes traumatismes, ont été cristallisés dans mon chemin de vie, mais ont commencé à se briser, et à se reconstruire d’une autre façon, après ce voyage dans mon univers, celui que j’avais délaissé dans ma vie d’adulte.

Dans ce voyage de ma vie d’adolescent et d’adulte, vous découvrirez un homme qui souffre, qui fuit, qui procrastine et qui refuse d’admettre qui il est réellement. J’ai dû faire un pèlerinage de patience, de destruction de l’égo qui s’était construit pour m’aider à survivre et affronter cette vie, mais duquel j’ai dû ensuite me libérer pour enfin, m’envoler. Nous sommes peu conscients, de l’empathie envers les autres, mais surtout envers soi-même et ce que l’on a vécu. Il faut se mettre à la place des autres personnes, comprendre leur vie, enfiler leurs habits et prendre les mêmes rendez-vous qu’eux avec la souffrance, afin de les comprendre. Comme mon groupe de musique favori est Depeche Mode, et que la chanson qui me rejoint le plus est Walking in my shoes, il me semblait naturel de vous faire voyager dans ma vie d’adulte, avec mes souliers.

Bonne lecture.

 

 

Poème pour débuter cette aventure :

 

Flammes jumelles

Si le feu, fait faire des vœux,

Et que la lune, nous montre ses dunes,

Pourquoi l’amour, du haut de sa tour,

S’enferme dans sa cage du moment,

Et ne se vit que lorsqu’il est temps?

Plein de mots dits au gré du vent,

Il est possible que parfois, on mente,

Passions et reflets en symbiose,

Ta couleur était celle de l’amour, de ma rose,

Je vois le cerf-volant partir,

Je retiens la corde jusqu’à en souffrir,

Le silence d’une absence, transparence,

Transperce le cœur telle une lance,

Ces mains, cette odeur, une chevelure dorée, ce souvenir ressenti au centre de tout ce qui a été,

Un éphémère, une guérison de deux âmes,

S’étant reconnues dans cette époque infâme,

Je tiens ta main, je le sens,

Pour toujours, je t’aimerai, tel un gamin.

 

Manuel

 

 

CHAPITRE 1RETOUR À ST-JÉRÔME

 

J

’habitais seul, sur l’avenue Christophe-Colomb, et je travaillais pas mal quand ça me tentait au IGA du coin, sur Saint-Zotique. Les cuites avec mes collègues et mes amis se succédaient. J’avais des aventures avec les caissières de mon travail, avec la préposée aux fruits et légumes, et avec des filles rencontrées dans les bars et les clubs. Je préférais laisser Kate une semaine, un week-end ou quelques jours, pour ne pas lui jouer dans le dos. Elle me reprenait toujours quand je revenais, comme un véritable salaud. Ma solitude pesait lourd depuis le départ de Marc-Antoine qui était retourné chez ses parents. Je commençais sérieusement à en avoir marre d’être là tout seul, alors je commençai à aller dormir chez mon frère Mathieu, qui habitait avec notre ami commun, Christophe. Un appartement très petit qui tombait en ruine, juste derrière mon ancien appartement sur la rue Fournier, près du Cégep de Saint-Jérôme. Il y avait plein de gens qui y passaient constamment. Des étudiants que je ne connaissais pas venaient fumer leur joint, jaser, boire leur bière, à toute heure de la nuit. Je m’étais fait un lit par terre avec des coussins du divan, dans un recoin du salon. Ça ne me coûtait rien d’y rester, je payais seulement mon loyer de Montréal avec l’argent que Marc-Antoine me donnait pour sa moitié, mais nous n’y étions plus du tout, ni un, ni l’autre. Je sentais que la compagnie des gens, de mon frère, me rassurait et m’emplissait de bonheur. Jacinthe me réengagea Chez Vic comme serveur de soir, ce qui était parfait pour moi. Mathieu jouait de la guitare depuis notre enfance et avait eu l’idée, avec son ami Gustave, de partir un band. Ils n’avaient pas de chanteur et Mathieu savait que j’adorais chanter et que j’écrivais déjà quelques poèmes, qui pouvaient potentiellement, devenir des compositions. L’alcool coulait à flots, le vin, la bière, tout ce qu’on pouvait trouver, la cocaïne et le pot aussi. Nous nous étions trouvé un batteur qui sortait de l’école de musique, qui avait son local au Cégep de Sainte-Thérèse. Il ne nous manquait qu’un bassiste. Christophe savait jouer de la guitare, alors on a tenté de lui donner une chance, durant quelque temps. Nous faisions des reprises du groupe Bush, que nous aimions particulièrement, dans la pièce minuscule et sortions ensuite avec les oreilles qui nous silaient. Il y avait EverythingZen, Machinehead, Comedown, Greedy fly, Personal holloway et j’en passe. On allait manger au Arousse, restaurant libanais juste à côté, et on repartait en autobus. On s’inventait des versions de Stand By Me et de Don’t worry be happy avec des percussions sur les vitres de l’abri et avec nos voix synchronisées. On devenait un band, que je me disais. J’aimais ça, vraiment.

Nous devions pratiquer toutes les semaines avec le band, afin de se perfectionner et apprendre les chansons. Je me saoulais presqu’à tous les soirs et je devenais baveux, agressif et désagréable. On devait se rendre au local ce matin-là, et mon frère Mathieu me trouva étendu sur le plancher de la salle de bain, complètement détruit d’une virée de la veille, et j’avais dormi sur le sol, saoul. C’était fréquent et mon frère me mentionna que les autres membres du groupe n’aimeraient pas que je manque les séances et que je ne pourrais pas y rester si je ne faisais pas des efforts. Alors je me préparai avec la gueule de bois, la senteur de vomi et je sautai dans la douche, avala deux Tylenol et parti en autobus avec mon frère et Gustave. Une fois rendu au local, j’aimais tellement ça, que j’oubliais tous mes tracas, ma souffrance et mon état pathétique, pour donner tout ce que j’avais. Je n’étais pas très juste, de toute façon, avec la grandeur du local, je n’entendais même pas ce que je chantais. On s’en foutait. Je voyais le sourire en coin de mon frère quand il jouait avec intensité, c’était tout ce que nous recherchions et avions besoin.

Mathieu souffrait du pied d’athlète depuis notre enfance et comme il travaillait avec des bottes à embout d’acier, cela n’allait que s’empirer. C’était une horreur, quand il revenait de travailler. Il installait des foyers et commençait à aimer davantage les jobs manuels. Nous appréhendions, le moment où il allait enlever ses bottes, et que l’effluve de ses pieds parcourrait l’appartement au complet. Ça sentait la pourriture et la merde mélangées. Je crois que nous pouvions presque percevoir, à l’aide de nos imaginations fertiles, une fumée verdâtre se promener à travers les pièces du logement. Donc mon frère, se dit que la meilleure façon de ne pas emmerder personne serait de déposer en tas, à l’extérieur, tous ses bas. Une paire après l’autre, et une autre, et ainsi de suite. Les bas étaient évidements humides alors, quand le temps froid s’est installé, cela a créé un monticule solide de bas gelés. Ça, c’est drôle, jusqu’à maintenant. Quand le printemps arriva, et que ce monticule se mit à fondre, je ne vous dis pas à quel point c’était horrible. L’eau qui dégelait était brune et s’écoulait en bas sur le terrain du voisin. Un jus de putréfaction. Nous avons pris une pelle, je crois que c’était notre ami The White, et il a lancé ce tas moribond le plus loin possible. Possiblement chez le voisin d’en bas, qui était gelé à la journée longue. Il fallait d’ailleurs faire très attention au balcon arrière qui penchait vers le bas. Une fausse manœuvre et tout s’écroulait et nous avec.

Nous étions constamment, quatre ou cinq dans cet appartement. Mathieu, Christophe, The White, moi et un petit nouveau qu’on surnommait Pedro. Il était relaxe, intelligent, il aimait parler de tout sans tabou, aimait les jeux vidéo, avait les mêmes goûts musicaux que moi et en connaissait même plus que moi sur la musique. Il allait au cégep et il fumait son joint tranquille sans jamais faire de débordement. Cela a immédiatement cliqué entre nous. Il jouait de la guitare et était bon dans tous les instruments de musique auxquels il touchait. Il y avait aussi de vieux amis à Mathieu. Le grand Carlos, de six pieds six pouces. Un grand gaillard avec qui je m’entendais bien qui adorait la musique métal et les jeux de fusils et de bagarre. Il était presque imbattable au bras de fer et a même été portier dans quelques bars où nous sortions. Il jouait au dur, mais quand tu le connaissais bien, il était très mou de l’intérieur, probablement comme nous tous, qui jouons ce rôle à certaines occasions. Parfois, les amis de mon frère débarquaient en pleine nuit, à la fermeture des clubs, et se présentaient au logement. Nous étions habitués à ça, Mathieu et moi, car nous étions les premiers de tous nos amis, à être en appartement. Donc, tout le monde se ramassait chez nous. La fête repartait de sitôt, on se levait, on s’ouvrait une bière ou on fumait un joint, jusqu’au matin.

Je retournais de temps à temps à l’appartement à Montréal, que je payais encore, afin de sortir avec mes amis et, évidemment, y faire la fête. Je ne me sentais plus chez moi, mais je tenais à le garder, car je projetais d’y retourner, mais accompagné cette fois. Mathieu, mon ami Pedro et moi, on commençait à discuter de l’idée d’y déménager afin de prendre un nouveau départ. Je travaillais comme serveur de soir et je m’étais accroché au mur, des enveloppes blanches sur lesquelles était inscrit chaque paiement que je devais faire. Une pour le loyer de Montréal, une pour la facture de téléphone, l’électricité, vous voyez le genre. Donc tous mes pourboires en argent comptant, se ramassaient dans ces enveloppes. Je ne me posais pas beaucoup de questions sur moi-même à cette époque, car je n’étais jamais seul, ce qui m’empêchait en quelque sorte, de me sentir angoissé, abandonné et perdu. Je comblais ces vides laissés par mes blessures, par l’alcool, les fêtes, les amis et les plaisirs éphémères. Mon frère Mathieu avait plusieurs amis « fiers-à-bras » qui étaient costauds et qui aimaient les combats, la lutte et l’entrainement. Ils étaient venus une fois, et avaient commencé à se chamailler dans l’appartement qui, lui, était déjà en décrépitude. Ils firent des trous partout dans les murs, défoncèrent une porte et arrachèrent une porte de garde-robe où Christophe cachait ses choses, dont, des vidéos de lui s’enregistrant à jouer à des jeux vidéo, et des cassettes VHS de films pornographiques qu’on lui volait de temps à autre…Il y avait carrément un trou dans le mur de la salle de bain et l’intimité était devenue inexistante. Christophe était outré de ça, mais nous, on trouvait ça très drôle. Christophe était une personne très « bonasse » qui ne saisissait pas toujours les subtilités des blagues envers lui, mais il était la personne la plus sensible et authentique qu’on puisse rencontrer. Mathieu et ses amis se moquaient souvent de lui, en le faisant manger une tarte aux pommes sur laquelle ils avaient foutu du sel à profusion et des biscuits macarons, sur lesquels ils avaient pissés et qu’ils avaient fait sécher, en lui proposant tout bonnement : « Hey, Christophe, est-ce tu as envie d’un biscuit? » Ce n’était pas très gentil, vous en conviendrai, mais mon Dieu qu’on s’est marrés et on en discute encore aujourd’hui et Christophe lui-même en rit.

Les propriétaires de cet appartement, se préparaient à le vendre, donc, ils nous avertirent que des rénovations allaient s’effectuer très tôt le matin. On se couchait tard, donc, ce fut un bout très désagréable. Cela nous donnait très envie de déguerpir de là le plus vite possible. Je me réveillais souvent en sueur la nuit, apeuré, angoissé avec le cœur qui battait la chamade. J’angoissais beaucoup à l’idée, d’écouter mon cœur et m’imaginer que quelque chose n’allait pas, et que j’allais peut-être faire un arrêt cardiaque. J’étais très sédentaire dans cette partie de ma vie, je préférais la fête, l’alcool, la cigarette et le pot au sport. J’avais pratiqué du sport toute mon enfance, et cette phase de ma vie me rappelait que j’avais passé à autre chose et cela ne me tentait plus du tout. C’est alors que le 30 juin arriva, et que Mathieu, Pedro et moi, sommes partis pour Montréal. Quelle délivrance que de partir, et d’avoir le sentiment de repartir à zéro. Un pattern bien ancré dans mes valeurs et mœurs dont m’avait doté mon enfance. La fuite avec le sentiment de recommencer à zéro, sans jamais comprendre que ce qui ne va pas, te suit de toute façon. C’était toujours et à chaque fois, une belle façon d’acheter du temps, à cette bombe à retardement qui approchait. Nous avons déménagé dans la bonne humeur et des projets plein la tête avec des promesses de nos amis qu’ils allaient venir nous voir. Nous ferions la fête avec eux avec mille fois plus de possibilités. En arrivant, je suis tout de suite retourné au IGA sur la rue Saint-Zotique juste à côté, et ils m’ont immédiatement repris. Je savais que je pouvais utiliser mes charmes, la gérante semblait particulièrement m’apprécier. Je voyais bien que quand elle me voyait, elle avait le sourire en coin. Il n’était pas question pour moi, de retourner aux études. Pas à court terme du moins. J’avais des projets en tête, étudier en communication et médias, mais ça me prenait des fonds et je n’avais pas un sou. Fallait me refaire.

Mathieu se trouva du travail rapidement, et Pedro aussi. Pedro avait un job super. Il travaillait dans un club vidéo qui vendait aussi des jeux, des consoles et qui faisait de la réparation. Il s’y connaissait beaucoup dans les ordinateurs et l’électronique, ce qui devait faire de lui un employé modèle. Je crois que son patron l’aimait beaucoup, puisqu’il lui confiait de plus en plus de responsabilités. La fête et les femmes me consumaient toujours de plus en plus, moi qui cherchais constamment à plaire et à combler mes vides intérieurs. J’étais encore avec Kate, mais je n’avais plus aucun intérêt. Je me sentais coupable, m’enfonçant perpétuellement dans les remords et le regret. Je voulais la laisser, sans lui faire de mal, je voulais aussi faire ce que je voulais, sans me sentir coupable, tout en restant dans cette situation de fuite et de procrastination incessante. Je n’étais bien nulle part. À Montréal ou à Saint-Jérôme et n’importe où ailleurs. Je détestais mon job, je ne savais pas du tout vers où je m’en allais dans la vie. J’étais malheureux en amour, car je ne portais pas beaucoup de cet amour envers moi-même et je m’évadais dans les futilités de la vie et dans une zone de confort inconfortable, mais connue.

Je voyais souvent mon frère Yan à Montréal, car il y habitait avec sa blonde Genny. Mon frère avait mis de côté ses études universitaires et désirait faire une pause je présume. Il avait commencé à travailler au St-Hubert, au centre-ville. Il faisait beaucoup d’argent comme serveur et aimait beaucoup le gang avec lequel il travaillait. Ils sortaient dans des bars, allaient voir des spectacles de drag-queens et commençait à se tenir beaucoup, avec ses amis homosexuels. Il s’était passé quelques semaines sans que j’aie de ses nouvelles, quand j’ai appris, que lui et Genny, s’étaient laissés. Sa Genny, qu’il aimait tant, je trouvais ça tellement étrange, et Kate, que je voyais encore, me mentionna qu’il se tenait avec son gang d’amis et qu’il sortait aussi dans les bars gais. Encore là, je n’y voyais aucune incongruité, moi qui y étais aussi allé avec lui et on avait beaucoup ris. Mais là, je sentais que quelque chose se tramait. Yan avait décidé de déménager, et je n’en croyais pas mes oreilles. Je pris mon téléphone, qui à l’époque en 2001, était accroché au mur, et j’appelai mon frère pour avoir de ses nouvelles et savoir ce qui se passait. Il allait bien, mais il semblait en transition, en dormance, je dirais. Je lui ai demandé sans hésitation : « Aimes-tu les hommes, Yan? As-tu couché avec un ou des hommes? » Il y eut un silence de quelques secondes et il me répondit : « Oui ». Je me souviens m’être senti soulagé de sentir, qu’il devenait enfin lui-même et je n’étais pas surpris. Mais le protecteur en moi, celui qui veut que tout soit balancé, harmonisé, qui prend la souffrance de ses proches et l’ajoute à son fardeau, a craqué. Je raccrochai le téléphone, et je mis à pleurer, à pleurer, de façon intense. Je me disais : « Il a tellement dû souffrir, pour ne pas se l’avouer aussi longtemps, d’avoir gardé ça pour lui! » Je prenais sa peine, je l’inventais comme si elle était mienne. Aussitôt qu’il se mit à fréquenter un gars, il est venu me le présenter à mon appartement et nous sommes allés marcher. Il y en a eu un autre avant la fin de l’été, plus sérieux, avec lequel il décida de s’installer. Je me suis mis à sortir avec lui et ses amis, à aller dans les bars gais. Je voulais connaitre son monde, son univers, m’en imprégner afin de l’alléger et qu’il se sente accepté et qu’il sache, que j’étais là pour lui, dans cette transition. Dans les bars gais, il y avait aussi beaucoup de femmes, avec leurs amis, pour ne pas se faire déranger. Quelques-unes m’ont été présentées avec lesquelles j’ai flirté. Mon frère, sur la piste de danse, s’écriait « C’est mon frère! Il est straight, alors dérange-le pas! » et quand on marchait ensemble dans les rues ou quand on allait dans les boutiques, il disait fort que j’étais son frère, pour que, moi, je me sente bien et qu’on ne pense pas que j’étais gai. Je me foutais de ce que les autres pensaient, j’étais là avec mon frère, j’étais avec mon idole, mon modèle.

J’avais eu un poste, de préposé aux fruits et légumes au IGA, et cela me plaisait de faire autre chose que d’emballer des sacs et attendre des pourboires qui ne venaient pas. C’était une belle équipe, avec laquelle on riait beaucoup. On commençait la journée en se faisant des toasts au Cheese Whiz, sur du pain de marque Pom blanc en rond. La fin de semaine, il y avait une fille qui venait couper les fruits et légumes, pour les plats préparés. Une belle fille blonde, qui avait 19 ans. Mon radar s’est automatiquement enclenché, je la trouvais très jolie et je me suis mis à lui jaser, à la faire rire. Elle rougissait toujours quand je lui parlais et elle riait avec intensité. J’étais certain de lui plaire, ce qui était ultimement mon but, vous vous en doutez. Une fin de semaine, je suis arrivé au travail, et elle n’était pas là. Je me rappelle avoir demandé à mon gérant : «Geneviève n’est pas là? » Mon gérant me raconta que son poste avait été supprimé. Je me rappelle avoir eu un vertige et de me dire : « Je n’ai pas eu le temps de lui dire qu’elle me plait, comment est-ce que je vais la retrouver? » Ma stratégie fut de demander tout simplement son numéro de téléphone à mon gérant et je lui dis qu’elle me plaisait. Il ne voulait pas, au début, mais il me dit : « Elle doit venir chercher sa paye, demain, je vais lui dire que tu la trouves de ton goût et lui demander si elle accepte de te laisser son numéro, qu’en penses-tu? » Je trouvai que c’était une excellente idée. Donc, quand je suis revenu la journée de la paye, mon gérant me regarda en riant… « Tiens, voilà son numéro! » Il lui avait dit que je la trouvais de mon goût, elle se mit à rire en lui disant qu’il était temps que je le lui dise! Bon, je l’ai appelée le soir-même, et nous sommes allés marcher au Mont-Royal, dans le centre-ville, sur St-Denis et Ste-Catherine. Quand nous nous sommes assis sur une table à pique-nique dans le parc, elle me regardait, avec son teint pâle et ses joues rouges, comme si elle était sur le point de me bondir dessus. Vous savez, quelqu’un qui semble avoir de la misère à rester en place? Elle bondit sur moi et me dévora le visage avec des baisers intenses. Nous sommes allés chez elle et ce fut un moment très intense, jusqu’à ce que l’on entende sa mère rappliquer pendant l’acte. Elle prit rapidement une couverture et la déposa sur nous, prétextant que j’étais son ami et que l’on faisait la sieste. Eh bien oui, évidement! Sa mère n'était pas dupe, elle ressortit en disant qu’elle reviendrait bientôt après ses autres commissions. On a eu le temps de finir ce que l’on avait commencé.

Je recommençais à avoir les blues de retourner dans mon patelin. Cette habitude de vouloir déménager qui n’était jamais bien loin, en espérant un nouveau départ et que les ressentis s’amenuisent. J’allais de plus en plus vers St-Canut, où ma mère habitait, avec un grand terrain et un désir de verdure, de prendre la vie simplement, de s’amuser loin du bruit et de la ville. L’idée faisait son chemin, de revenir dans le coin, de repartir à neuf, encore une fois et de fuir vers nulle part. C’est alors que Mathieu et moi avons décidé de déménager chez ma mère, le temps de nous tourner de bord et de nous trouver un appartement. On voulait revenir, ça pressait. Je laissai mon grand ami, Pedro, seul à Montréal, il avait un bon job et il s’y plaisait. Il savait, que le 30 juin, il devrait quitter, je n’avais pas renouvelé le bail. Alors j’ai emménagé avec mon frère chez ma mère, un retour après plusieurs années, afin d’y avoir le moins de responsabilités possible. J’étais allé chercher mon permis de conduire, et je m’étais acheté mon premier véhicule, qui m’avait coûté 350$. Un Ford Tempo, de couleur sable, 1984. Il ne me dura qu’un été, mais mon Dieu que cela me fit goûter à une liberté insoupçonnée. Mon oncle, qui possédait un restaurant avec mon grand-père, me proposa un job de cuisinier et de serveur pour l’été, qui était la saison forte, car ce restaurant était à côté d’un terrain de camping. Je me suis dit que cela allait être bien, travailler avec la famille, qui connaissait ma valeur en restauration, et que cela allait être parfait, étant déjà à St-Canut. J’ai dû, avec mon oncle, aller déménager et vider ce qui restait dans le logement de Montréal. Nous n’avions presque rien gardé, ayant tout jeté aux poubelles. Je suis retourné voir Geneviève quelques fois à Montréal, mais cela finit par s’estomper, car j’avais la tête ailleurs. Je n’ai pas su ce qui est advenu de Pedro par la suite, enfin, cela prit un certain temps avant que je sache quels étaient ses projets.

J’éprouvais du plaisir à travailler au resto, et de n’avoir aucune autre responsabilité. Ma mère nous disait seulement de ne pas être saouls chez elle, de nous ramasser et que le frigidaire allait toujours être plein, nous qui mangions sans avoir de fond. Au restaurant, il y avait une fille qui lavait la vaisselle, qui était jolie, et avec qui je riais beaucoup. Elle me demanda plusieurs fois d’aller me baigner chez elle, et elle y emmenait ses autres amies. J’étais le seul gars, entouré de trois ou quatre filles, j’étais aux anges. Une fois, je me retrouvai avec elle, et une de ses amies, et elles se mirent à se déshabiller et à se baigner nues. Je me souviens de m’être dit que j’allais passer une belle soirée. C’est alors que ses parents arrivèrent en même temps, au même moment où je m’apprêtais à me déshabiller à mon tour afin de plonger. Disons que la soirée s’est rapidement terminée.

Un soir, en terminant de travailler, je me suis acheté de la bière afin de la boire dehors sur le bord du feu, chez ma mère. Je commençais à être saoul, je le savais et je m’obstinais avec ma mère, qui me dit instantanément : « Tu es saoul, Manu, va te coucher! » Cela m’avait énormément frustré, ne voulant pas admettre que c’était effectivement un problème quand je buvais, surtout dans mes relations avec mes proches. J’ai alors sauté dans ma voiture et je me suis rendu à St-Jérôme à toute vitesse, pour manger un trio au McDonald’s afin de dégriser, mais aussi pour me calmer. C’était l’époque du premier « Rapides et dangereux », film qui faisait fureur, et certains gars que je connaissais, amis ou connaissances, tentaient de ressembler à l’acteur du film Vin Diesel. Ils avaient les cheveux rasés, étaient assez costauds, portaient des jeans serrés et une camisole blanche, avec une attitude très macho et sans émotions. Loin de qui j’étais finalement. En plus, je n’y connais absolument rien aux voitures et je n’ai d’ailleurs réellement aucun intérêt. Bref, on avait un ami en commun, Mathieu et moi, qui avait justement un garage, qui aimait les voitures de type « Muscle car » des années soixante et soixante-dix, qui s’habillait comme cet acteur, les cheveux rasés, la camisole blanche et se donnait même l’attitude. Il était venu prendre plusieurs bières chez ma mère pendant que mon frère et moi y étions, et il jouait tellement un rôle, il n’était tellement pas lui-même, que cela venait à nous taper royalement sur les nerfs. On lui disait, mais il retournait ça encore en blague. Il aimait le blues et jouait de la guitare électrique et il avait vraiment beaucoup de talent. Je tentais par tous les moyens de le faire s’ouvrir à qui il était vraiment, car il nous semblait que nous ne le connaissions pas du tout. Bref, ce fut une soirée exceptionnelle dont je me souviens clairement.

Je m’étais inscrit au Conservatoire Lassalle à Montréal, en communication et médias, car je caressais depuis mon enfance, le rêve d’être animateur. Le cours coûtait plus de 10000$ et je me disais qu’il suffisait de m’inscrire et ensuite demander des prêts et bourses afin de subvenir aux frais. J’avais emprunté 1000$ à mon grand-père, afin de m’acheter une nouvelle voiture, ma première ayant rendue l’âme avec une transmission complètement bousillée. Je me suis acheté, en me promenant sur la route 117, avec mon ami Samuel, un « Pontiac Sunbird » blanc, qui coûtait 800 $. Je me disais que c’était une bonne affaire et que l’auto était très propre et serait agréable à conduire. J’adorais les cours au Conservatoire, mais je devais voyager à Montréal, ce qui était toujours le coté le plus dérangeant, même si les cours étaient de soir. Je ne faisais que regarder les femmes dans mon cours, et me donnait une attitude de séducteur, macho sans aucun doute. Une fille m’avait même fait la remarque, que j’avais une attitude de style cowboy moderne, cherchant à plaire ou à séduire. Elle n’avait vraiment pas tort, touchant directement à mon égo surdimensionné à cet âge-là. J’écoutais du « Incubus », du « Bush », du « Limp Bizkit », du « Linkin Park » et du « Offspring » avec l’album « Americana » que nous avons usé au maximum. On pratiquait peu avec le band, ayant mis ça de côté un temps, afin de se remettre sur les rails durant le séjour transitionnel chez ma mère. J’avais rapporté une chatte errante de Montréal, qui se promenait d’appartement en appartement, que j’avais décidé de garder car elle était enceinte. Elle eut ses bébés chez ma mère à St-Canut et avait beaucoup de misère à allaiter ses cinq chatons. Je suis allé au magasin animalier, j’ai acheté un mini biberon, du lait maternel pour les chatons et je me suis mis à nourrir les chatons, afin d’aider la mère. J’aimais beaucoup ça, je m’étais dit qu’une fois dans mon prochain appartement, j’en garderais deux que j’avais identifiés, Virgule et Zoé.

Je travaillais au resto de mon oncle et mon grand-père, et ça allait, sans plus. Il était certain, que je ne resterais pas, à la fin de l’été, même si mon oncle aurait aimé, je pense. Il m’avait parlé comme de la merde une fois, en plein rush, et la moutarde m’était montée au nez, comme une émotion que j’avais peine à contrôler. Je lui avais répondu de la même façon qu’il m’avait parlé, et mon visage avait changé complètement, restant dans le mutisme pensant au minimum une demi-heure. Mon oncle s’affairait à me faire des blagues au loin, pour détendre l’atmosphère, mais j’étais vraiment furieux de l’intérieur. J’étais allé dehors pendant une pause, fumer une cigarette, et je m’étais calmé. Il n’a plus jamais levé le ton avec moi. À cette époque, il me semblait que c’était la seule façon de me faire respecter, en démontrant ma colère.

Un matin, je me suis levé, comme tous les matins. Café et toasts assis à la table, quand tout à coup, à la télé, aux nouvelles, il y avait des avions, qui avaient frappé, les tours jumelles, le « World trade center », à New-York. On se serait cru dans un film de série B, tellement cela semblait surréel. Il y avait de la panique, de la fumée, et des journalistes qui semblaient désemparés. Il y avait un avertissement, de ne pas se rendre dans les édifices de plusieurs étages, comme si la menace pouvait venir de partout. Je me souviens d’avoir ri, et d’avoir trouvé tout ça, ridicule. Cela me semblait être une véritable mascarade, je ne pouvais pas y croire. D’ailleurs, cela ne m’a pas affecté. Je suis parti ensuite faire ma journée, comme si de rien n’était, et je ne me souviens même pas en avoir reparlé avec mes proches. On s’en foutait. Pas qu’on se foutait des vies perdues, de la misère des gens ou des difficultés qui étaient vécues, mais il fallait reprendre nos vies, et je peux vous garantir, que mon nombril, était beaucoup plus important que tout le reste. Mon égo, mes problèmes, mon plaisir immédiat sans égard au lendemain. La vie devait continuer. Une guerre se tramait, la haine se perpétuait, envers les ethnies, les étrangers, les religions, les différences. Cela me semblait évident, depuis mon enfance, dans les films d’Hollywood, que les musulmans devaient représenter des menaces pour les Américains et que nous devions entrer en guerre avec eux, afin de démontrer notre suprématie. Nos cerveaux étaient non seulement lavés par Hollywood, mais aussi par les médias, nos mœurs, la peur des étrangers face à la montée de la mondialisation et par cette tragédie qui semblait sortir d’un mauvais film hollywoodien. La seule émotion que je ressentais, était de me dire : « Qu’ils aillent tous se faire foutre! »

Mon grand chum Dan venait faire son tour de temps en temps. Il demeurait encore chez ses parents et me racontait ses péripéties amoureuses, lui qui travaillait maintenant comme vendeur dans des boutiques de linge, comme son grand-frère. On s’installait dans la vieille grange dans la cour arrière, je branchais une rallonge venant de la maison et on s’amusait comme des ados, à nos jeux vidéo, bières et joints à la main. Je ne fumais plus du tout de pot, moi qui avais des mauvaises expériences à chaque fois. Mon ami Dan réussissait toujours à me convaincre, me disant que nous n’étions que nous deux, que ça se passerait bien, qu’on allait s’occuper l’esprit et que parfois, les mauvais « trips » devaient être dus au fait de trop penser, ou d’être avec les mauvaises personnes. On éprouvait vraiment du plaisir et on se foutait de tout. Je sentais que ma relation avec mes autres amis s’effritait. Ils allaient à l’école, devenaient sérieux, avaient des blondes et ne désiraient pas autant faire la fête. Pas Dan. Il me suivait partout. Il était vraiment quelqu’un de fidèle et loyal, il l’est encore à ce jour.

Pendant un cours, au Conservatoire, il fallait jouer l’intervieweur et la personne interviewée. Mais, l’interviewé avait une directive que l’intervieweur ne connaissait pas. Il devait jouer la personne désintéressée, qui ne répond que par un oui ou un non. Il devait jouer, celui qui n’allait pas coopérer ou qui allait rendre la tâche de l’animateur facile. Sans savoir, je commençais comme animateur. Je me disais à cette époque : « C’est ma force, je vais être bon, impressionnant, les autres vont découvrir mon talent. » Je me sentais confiant et prêt à relever le défi, presque imbu de moi-même. Je posais des questions, et l’élève jumelé à moi, ne répondait pas, fuyait mes questions, ne répondait que par oui ou par non. Je me rappelle avoir ressenti un sentiment de panique, une chaleur, de l’angoisse intérieurement. Mon visage a dû changer de couleur et mes expressions faciales aussi. Je pouvais, pour la première fois, identifier un moment où je sentais que je paniquais. J’étais désemparé, désarmé. J’avais déjà ressenti cette émotion auparavant, mais je ne savais pas toujours d’où cela pouvait venir. Là, je le savais, c’était puissant. Je portais un petit manteau noir, en simili cuir, avec des fermetures éclairs et presque tous nos vêtements à Mathieu et moi, venaient du magasin « Le Château » au Carrefour du Nord de Saint-Jérôme. Le bras sorti par la fenêtre de mon Pontiac Sunbird blanc, je me croyais à l’épreuve de tout, ou presque.

L’été s’achevait, et ma mère nous mentionna, rien de nouveau sous le soleil, que son propriétaire la foutait dehors car il voulait effectuer des rénovations. Cette fois-ci, c’était la vérité, alors elle devait partir, et nous aussi. Nous partions en voiture, à l’ancienne, se promener sur les rues, avec le journal de la région, « Le Mirabel », visiter des logements. Accompagnés des chansons « In the end » de Linkin Park, de la chanson « Hash pipe » de Weezer et de « Chop Suey » de System of a down, nous sommes arrivés sur la rue Ouimet, face à la Pâtisserie Maisonneuve, à côté d’où ma mère avait habité, jeune, quand mes grands-parents y avaient une épicerie sur la rue Fournier. Le logement semblait parfait et il ne coûtait que 360$ par mois. Un haut de duplex, proche du centre-ville. Ça commençait à peser lourd d’habiter avec ma mère. J’étais constamment déprimé, n’ayant plus de travail, et j’avais lâché le Conservatoire car je n’avais tout simplement pas les moyens de me payer ça. Je sentais que je n’avais pas de but, que j’étais déboussolé. Au moins, j’avais mon auto, alors je me rendais où cela me tentait. J’allais toujours chez Samuel, qui habitait une maison que son frère avait construite, qui était en vente mais qu’il pouvait habiter en attendant. On ne faisait pas grand-chose, à part écouter de la musique et regarder des films. Ce fut la première fois, en regardant le film Hannibal, que je faisais une vraie crise d’angoisse, de panique. Je n’aime pas les films sanglants, de boucherie ou de violence gratuite. Disons que dans celui-là, il y en avait. Je me suis levé pendant le film, sans rien dire, et je me suis dirigé vers la salle de bain. Je me suis aspergé le visage d’eau froide, croyant que cela m’aiderait. Je me suis ensuite assis par terre, et j’étais certain que ça y était, que je tomberais dans les pommes. Mes mains tremblaient, je devais être pâle, mon cœur palpitait et j’avais le souffle court. Ces sensations finirent par passer, mais je n’avais vraiment pas aimé ce qui venait de se passer. Je m’étais déjà senti comme ça, mais jamais aussi intensément. J’avais des amis qui allaient à l’université, d’autres, au Cégep, d’autres commençaient de bons emplois et moi, je ne faisais rien du tout.