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Extrait : "Ainsi les poètes chantent les artistes. Ainsi Lamartine chantait la Malibran au moment où celle-ci, succombant dans son printemps aux suites d'un accident dramatique dont la nouvelle avait terrifié l'Europe, venait de quitter la terre, emportant avec elle le secret des accents si souverainement pathétiques qui avaient ému, séduit et fasciné toute une génération."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :
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• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 315
Veröffentlichungsjahr: 2016
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À
mon vieil ami
E. PALADILHE
De bonne affection.
Ainsi les poètes chantent les artistes. Ainsi Lamartine chantait la Malibran au moment où celle-ci, succombant dans son printemps aux suites d’un accident dramatique dont la nouvelle avait terrifié l’Europe, venait de quitter la terre, emportant avec elle le secret des accents si souverainement pathétiques qui avaient ému, séduit et fasciné toute une génération.
Malibran ! Ce nom sonore et harmonieux convenait bien à celle qui incarnait pour ainsi dire en elle le génie du chant dramatique, et dont la personnalité est devenue en quelque sorte légendaire. Bien des cantatrices sont demeurées célèbres, ont enchanté leurs contemporains, ont parcouru le monde au bruit des acclamations, et leurs noms sont connus de tous : Faustina Hasse, Gabrielli, Mara, Todi, Sophie Arnould, Saint-Huberty, Strinasacchi, Pasta, Pisaroni, Schrœder, Sontag, Grisi, Falcon, tant d’autres qu’on pourrait citer ! En dépit de leur haute valeur, de leur incontestable talent, de leurs succès et de leurs triomphes, aucune n’a tracé dans le ciel ce sillon éblouissant, aucune n’a laissé le renom éclatant, prodigieux, immense, qui enveloppe comme d’une auréole le souvenir de cette artiste incomparable, chez qui tout fut précoce et rapide comme la gloire, de cette femme étonnante qui, comédienne à cinq ans, mariée à dix-sept, illustre à vingt, disparaissait au seuil de sa vingt-neuvième année, après avoir reculé les bornes de l’enthousiasme public et rempli l’univers du bruit de ses exploits.
C’est qu’en effet, je l’ai dit, il y avait en la Malibran, derrière l’artiste, une femme étonnante, née pour charmer les esprits et les cœurs, une femme à l’âme brûlante et fière, que la nature semblait avoir pris à tâche de combler de ses dons et de douer d’une façon exceptionnelle, pour en faire une créature sans pareille et sans rivale. Belle d’une beauté plus séduisante que régulière et qui brillait surtout par une grâce enchanteresse, spirituelle sans méchanceté mais non sans malice, gaie comme un rayon de soleil avec des atteintes subites de mélancolie, le cœur plein de chaleur et d’abandon, bonne, aimante et serviable entre toutes, dévouée jusqu’au sacrifice, généreuse jusqu’à la prodigalité, courageuse jusqu’à la témérité, impétueuse en tout, aimant les obstacles pour les difficultés qu’elle éprouvait à les vaincre, bravant le danger et méprisant la souffrance pourvu que l’art n’en pâtit pas, ardente au plaisir comme elle était âpre au travail et supportant les fatigues de l’un et de l’autre avec le même stoïcisme et la même indifférence, elle tenait de la nature les aptitudes les plus diverses, dont elle aidait encore l’épanouissement par une force de volonté indomptable et une énergie qu’on eût pu croire au-dessus de son sexe. Elle ne se contentait pas, effectivement, d’être une cantatrice d’un ordre absolument supérieur, une tragédienne lyrique dont la flamme inépuisable et l’étonnant sentiment pathétique excitaient l’enthousiasme instinctif des foules en même temps que l’admiration raisonnée des connaisseurs ; pianiste d’une extrême habileté, compositeur original, poète à ses heures, elle dessinait et peignait encore avec goût, avait le don des langues au point de parler couramment le français, l’espagnol, l’italien, l’anglais et l’allemand, était d’une adresse extrême à tous les petits travaux féminins, ce qui ne l’empêchait pas de déployer une rare habileté dans tous les exercices du corps, particulièrement l’équitation, et de se montrer amazone infatigable et pleine de crânerie. On conçoit l’originalité d’un tel être, sa force d’expansion, le charme séducteur qu’il opérait de tous côtés, enfin la puissance qu’il pouvait exercer tant sur la masse ignorante que sur les instruits, les délicats et les raffinés.
Je disais que la personnalité de la Malibran était devenue en quelque sorte légendaire, et rien vraiment n’est plus exact. Dans l’histoire de sa vie, telle qu’elle nous apparaît après trois quarts de siècle, il y a certainement, comme dans toute légende, une part de fable qui vient se mêler de près à la vérité et se confond avec elle. L’artiste était si prodigieuse, la femme si extraordinaire, sa gloire fut si rapide et si grande, sa carrière si courte fut si étonnamment active, sa vie si tôt brisée prit fin d’une façon si tragique et si lamentable, tout en elle fut si excessif, si étrange, si complètement à côté de l’habituel et du convenu, que l’esprit populaire, surexcité à son égard et emporté au-delà du réel, renchérit encore sur les évènements, lui créa des aventures que l’on peut qualifier d’imaginaires, et que pour se garder de toute exagération en ce qui la concerne il faut se défier de certains récits merveilleux, de certains témoignages suspects qui tendraient à obscurcir la vérité en faisant de cette créature adorable, mais terrestre après tout, comme une sorte de divinité idéale restée complètement en dehors et au-dessus des conditions humaines. Je m’efforcerai, dans le récit qui va suivre, de me tenir dans le courant naturel et de n’admettre que des faits rigoureusement contrôlés. Quelques-uns d’entre eux, en dépit de leur parfaite exactitude, paraîtront déjà suffisamment extraordinaires .
Manuel Garcia, père de Marie Malibran. – Chanteur, compositeur et chef d’orchestre en Espagne, sa patrie. – Mme Garcia, excellente comédienne. – Garcia vient à Paris, est engagé au Théâtre-Italien et y obtient de grands succès. – Naissance à Paris de Marie-Félicité Garcia, la future Mme Malibran. – Elle suit son père en Italie, où elle devient l’élève de Panseron et d’Herold. – Son intelligence précoce. – Revient en France avec son père, qui commence son éducation vocale. – Voyage à Londres. – Débuts et premiers succès. – Départ pour l’Amérique, où Garcia emmène toute sa famille pour fonder un Opéra italien à New-York. – Nouveaux succès de la jeune Marie. – Elle quitte pourtant le théâtre pour épouser le banquier français Eugène Malibran. – Ce qu’était Malibran. – Séparation mystérieuse des deux époux et retour en France de la jeune Mme Malibran.
À la fin du dix-huitième siècle et au commencement de celui-ci, l’Espagne applaudissait un jeune artiste très intéressant, très original, qui donnait déjà les preuves d’une personnalité vigoureuse, mais dont le talent pourtant n’avait pas encore atteint tout son développement, et qui était appelé à devenir l’un des premiers, sinon le premier chanteur de son temps. Cet artiste, dont les origines sont inconnues, avait nom Manuel Garcia. On peut presque dire que c’est lui qui révéla à l’Europe étonnée le véritable caractère du don Juan de Mozart, et c’est pour lui que Rossini écrivait à Rome le rôle d’Almaviva de son Barbier de Séville.
Né précisément à Séville, le 22 janvier 1775, admis dès l’âge de six ans comme enfant de chœur à la cathédrale, où il reçut son éducation musicale, on assure qu’à dix-sept ans le jeune Garcia était déjà avantageusement connu comme chanteur, comme compositeur et comme chef d’orchestre. Engagé bientôt au théâtre de Cadix, puis à Madrid, où il revint ensuite après une courte excursion à Malaga, il se fit applaudir d’abord pour sa belle voix, puis pour le talent dont il fit preuve en écrivant la musique de quelques tonadillas, sortes de vaudevilles qu’il jouait lui-même avec verve et facilité. Il se mit ensuite à composer plusieurs opéras en un ou deux actes sur des livrets imités presque tous du français et qui obtinrent du succès non seulement à Madrid, mais sur la plupart des théâtres d’Espagne. Pourtant Garcia, doué, comme chanteur, d’un instrument superbe et d’une intelligence dramatique de premier ordre, sentait que son pays était impuissant à lui donner la renommée qu’il ambitionnait et dont il était digne. Il lui fallait un théâtre plus vaste et il songea à se rendre à Paris, où il arriva aux derniers jours de 1806 ou au commencement de 1807, avec sa jeune femme et son fils Manuel, alors âgé de deux ans environ . Il réussit, au bout d’un certain temps, à se faire engager au Théâtre-Italien, qu’on appelait alors l’Opera Buffa, et débuta avec succès à ce théâtre, le 11 février 1808, dans la Griselda de Paër. « Il n’y avait pas un mois qu’il était au Théâtre-Italien, dit Fétis, et déjà il était devenu le chef de la troupe chantante, composée d’artistes distingués qui possédaient un talent pur, mais un peu froid ; Garcia les échauffait de sa verve indomptable. Garat, bon juge des qualités et des défauts des chanteurs, disait alors de lui : J’aime la fureur andalouse de cet homme ; elle anime tout . »
On sait combien fut brillante la carrière de Garcia en France (où il resta quatre ans d’abord, pour y revenir plus tard), en Angleterre, en Italie, en Amérique, et à quel point fut grande et légitime la renommée qu’il était allé chercher hors de son pays. On sait aussi qu’il voulut joindre les succès du compositeur à ceux du chanteur, et que s’il fut moins heureux sous ce rapport, il fit pourtant représenter, sans trop de désavantage, un certain nombre d’opéras italiens et français ; entre autres, il donna à notre Opéra la Mort du Tasse (1821) et Florestan (1822), au Théâtre-Italien il Califfo di Bagdad (1817), à l’Opéra-Comique le Prince d’occasion (1817) et les Deux contrats (1824), enfin, au Gymnase, un petit acte intitulé la Meunière (1823). Mais mon intention n’est pas de donner ici une biographie de Garcia. J’ai voulu seulement retracer, d’une façon rapide, les commencements de la carrière de cet artiste admirable qui fut le père de cette autre artiste admirable, Marie Malibran, dont le nom doit être inscrit dans l’histoire de l’art en lettres de feu. Il était utile de rappeler, avant tout, les attaches de cette dernière, de faire connaître celui qui fut non seulement son père, mais son maître, à qui elle dut certainement, avec son éducation musicale, quelque chose de son tempérament artistique, et dont elle différait pourtant, moralement, de tant de façons et sous tant de rapports.
C’est à Paris que naquit Marie-Félicité Garcia – et elle s’en montra toujours fière et heureuse, comme on le verra plus tard, car elle adorait la France et se considérait comme Française. Elle vit le jour en cette ville, rue de Condé n° 3, le 24 mars 1808, six semaines après le début de son père au Théâtre-Italien. Celui-ci étant parti pour l’Italie au commencement de 1811, elle avait donc trois ans lorsqu’elle quitta la France avec lui. Garcia se rendit d’abord à Turin, puis à Naples, où il resta de 1812 à 1815. C’est à Naples, en 1813, que l’enfant monta sur les planches et se montra pour la première fois au public en jouant, au petit théâtre des Fiorentini, le rôle de l’enfant dans l’Agnese de Paër. Ceci toutefois ne fut qu’accidentel. Mais c’est bientôt après qu’elle commença ses études musicales sérieuses, et, chose assez singulière, avec deux Français. Herold avait obtenu le grand prix de Rome en 1812, Panseron s’était vu décerner la même récompense en 1813, et tous deux se trouvaient ensemble à Naples en 1814. Des relations s’établirent tout naturellement entre eux et Garcia, l’un et l’autre s’intéressèrent à la fillette, qui déjà montrait de merveilleuses dispositions, et tandis que Panseron s’attachait à lui enseigner le solfège, Herold lui donnait des leçons de piano. Elle aurait pu tomber plus mal sans doute en fait de professeurs, et l’on peut croire qu’avec son intelligence précoce et ses aptitudes, cette première initiation à l’art dut porter des fruits rapides. Toutefois elle dut s’éloigner de Naples avec son père, qui revint faire une saison au Théâtre-Italien de Paris en 1816. À peine âgée de huit ans alors, on assure qu’elle parlait déjà avec facilité le français, l’espagnol et l’italien. Garcia s’étant rendu l’année suivante à Londres, où il resta deux ans et demi, elle eut l’occasion d’apprendre l’anglais, qu’elle s’assimila avec une égale aisance. Ce séjour en Angleterre lui fut profitable aussi pour l’étude du piano, qu’elle continua en ce pays avec ardeur.
Enfin, Garcia étant revenu à Paris, où il reparut le 26 octobre 1819 sur la scène du Théâtre-Italien, pour ne le quitter cette fois qu’en 1824, une nouvelle existence allait commencer pour sa fille, dont il entreprit bientôt l’éducation vocale. On a fait à ce grand artiste une réputation d’homme grossier, brutal en ses manières et d’une effroyable irritabilité de caractère. Je ne saurais dire ce qu’il en est. Mais ce qui est certain, parce qu’ici tous les témoignages – et ils sont nombreux ! – concordent de la façon la plus absolue, c’est qu’il éleva sa fille avec une dureté excessive, qu’il fut un père toujours sévère, un maître souvent cruel, à la fois exigeant et impatient, ne se bornant pas à des remontrances lorsque l’enfant ne venait pas immédiatement à bout des difficultés qu’il lui imposait, et la frappant sans pitié pour corriger une faute involontaire ou obtenir ce qu’il voulait. On raconte qu’un jour Paër, passant avec un ami sous les fenêtres de la maison habitée par Garcia au moment où des cris presque déchirants s’y faisaient entendre, et l’ami se demandant ce que ce pouvait être, le compositeur lui dit en souriant : « Ne vous effrayez pas : c’est Garcia qui bat sa fille pour lui apprendre à mieux battre le trille. »
La comtesse Merlin, la grande amie de la Malibran, a rapporté à ce sujet quelques anecdotes dans le livre assez curieux consacré par elle à la mémoire de l’illustre artiste . J’étudiais un soir, dit-elle, un duo avec Maria. Garcia écrit un passage et lui dit de l’exécuter. Maria essaie, ne réussit pas, se décourage et dit à son père : « Je ne puis pas. » Le sang arabe de l’Andalou s’allume, et fixant sur sa fille des yeux étincelants : « Qu’as-tu dit ? » Maria le regarda, frémit, et joignant ses deux mains, dit d’une voix précipitée : « Je vais le faire, papa. » Et aussitôt elle exécuta parfaitement le trait. Elle me dit ensuite qu’elle ne pouvait pas concevoir comment le trait avait été fait. « Le regard de papa, ajouta-t-elle, a une telle influence sur moi qu’il me ferait sauter d’un cinquième étage dans la rue sans me faire de mal. »
Et comme on a toujours une raison pour excuser une faute ou un défaut, un jour que la comtesse reprochait à Garcia sa dureté envers sa fille :
– Oui, dit-il, on me blâme, je le sais ; mais il le faut. Maria ne peut devenir une grande artiste qu’à ce prix. Son caractère indomptable a besoin d’un poignet de fer pour le conduire…
Il est certain que la pauvrette eut une enfance très malheureuse, et que la conduite de son père à son égard ne fut pas sans influer par la suite sur son caractère. On lui attribua surtout ces accents de mélancolie subite qui venaient la saisir tout à coup, souvent sans raison apparente. Mais c’est encore la comtesse Merlin qui nous fait connaître un des résultats singuliers de cette singulière éducation :
Un soir, j’occupais une loge au-dessus de la scène. Je plongeais sur elle. En contemplant ses beaux yeux transparents de passion et de tristesse et ses longues larmes qui se répandaient doucement à travers ses joues pâles, je pleurais avec elle, ma poitrine se gonflait et les fibres de mon cœur vibraient à chaque accent de sa voix… En sortant du spectacle et encore sous le charme de son divin génie, je lui dis : « Maria, comment peux-tu si bien chanter en pleurant ? Comment l’émotion vraie de ta voix ne nuit-elle pas à ton intonation, à la pureté du son ! – Je n’ai pourtant pas fait d’étude particulière pour cela, me répondit-elle avec simplicité, mais lorsque j’étais enfant, je pleurais souvent en prenant ma leçon, et comme j’avais une peur excessive que papa ne s’en aperçût, je me plaçais derrière lui et je pris l’habitude insensiblement de maîtriser le son de ma voix tandis que mes larmes coulaient. » Ainsi, la sévérité inexorable de son père avait contribué à grandir le talent de Maria…
Cette éducation brutale aurait pu produire des résultats tout contraires à ceux qu’en attendait Garcia. Toutefois, grâce à la haute valeur de son enseignement, grâce aussi aux aptitudes spéciales de la jeune fille, à son tempérament artistique, à son courage, à son énergie, elle devint, à peine au sortir de ses années d’enfance, l’admirable virtuose que l’on sait, absolument maîtresse de son instrument, le forçant à l’obéissance, en obtenant ce qu’elle voulait, et sachant, même lorsqu’il était en dispositions fâcheuses, même au prix de souffrances parfois cruelles, le faire plier à sa volonté. Et cependant, si sa voix était sonore, éclatante et superbe, elle n’était pas naturellement flexible, et il avait fallu l’assouplir ; si l’étendue en était prodigieuse, cette étendue n’avait été obtenue que par un travail opiniâtre et sévère ; si le métal en était pur, il avait fallu la forcer à la justesse par une application habile et constante. En un mot, cette voix merveilleuse n’était pas facile par elle-même, et l’artiste ne l’avait réduite à une complète soumission qu’à force de peines, de soins, de patience, et par le fait d’une inébranlable volonté, jointe à une intelligence supérieure et à un sentiment musical absolument exceptionnel.
Quoi qu’il en soit, Garcia ayant, en 1824, quitté le Théâtre-Italien de Paris pour retourner à Londres, le moment approchait où, subitement, sa fille allait entamer cette carrière étonnante, qui ne fut pendant environ dix années qu’une suite ininterrompue de triomphes comme on n’en avait peut-être jamais vus jusqu’alors. Garcia était engagé comme principal ténor au King’s Theatre, auquel on venait de faire subir d’importantes réparations. Ce théâtre possédait alors tout un groupe de cantatrices renommées dont la réunion devait assurer son succès. C’était Mme Pasta, Mme Ronzi de Begnis, Mme Caradori-Allan, Mme Vestris. À un certain moment pourtant, et par suite d’une série de circonstances diverses, il se trouva tellement dépourvu que le répertoire menaçait d’être arrêté s’il ne découvrait une artiste prête à se présenter immédiatement au public. Cette artiste, par qui la situation allait être sauvée, ce fut la jeune fille de Garcia, qui ne s’était fait entendre encore que d’une façon secondaire et dans quelques morceaux d’intermède, mais non toutefois sans se faire remarquer, s’il faut s’en rapporter à une anecdote amusante et caractéristique ainsi racontée par la comtesse Merlin : « Son apparition sur le King’s Theatre fut marquée par une anecdote plaisante, mais qui fait preuve encore de cette noble ambition qui fermentait déjà dans son âme, ainsi que de ce courage dédaigneux des obstacles qui se déclara à la première occasion. Elle devait chanter avec Velluti un duo du Roméo et Juliette de Zingarelli. Le matin, ils le répétèrent ensemble. À cette répétition, comme aux précédentes, le musico, en routier expérimenté, chanta la note simple et réserva ses fioritures pour le soir, dans la crainte que Maria ne s’avisât de les imiter. Arrivé sur la scène, Velluti chanta son solo le premier et le surchargea d’ornements ; puis, à la fin, un trait neuf et brillant vint enlever les applaudissements des spectateurs. Déjà un regard de triomphe et de pitié de la part du musico se répandait sur Maria, lorsque celle-ci, comme un jeune coq de race, s’élance sur l’arène, s’emparant des traits mêmes de Velluti, leur donne une nouvelle forme et couronne son triomphe par une superbe et hardie improvisation. Aussitôt, et au milieu du trouble que les applaudissements avaient répandu sur tous ses sens, elle sentit… quoi ?… Une pince de fer qui lui torturait le bras au-dessus du coude… Immédiatement le mot briccona, prononcé par son compagnon à voix basse et avec l’accent de la colère, vint l’avertir d’où partait le coup et lui apprendre de bonne heure qu’il n’y a pas de gloire sans amertume. Je ne sais pas de chanteur, quelles que soient sa réputation et son habitude de l’art, capable de hasarder un tour de force pareil à celui dont la jeune fille donna l’exemple dans cette occasion. Maria n’avait pas seize ans alors et montait pour la première fois sur la scène. »
Mais, on le voit, ce n’était là qu’un début accessoire, et la jeune artiste allait bientôt prendre possession de la scène d’une façon plus effective et plus sérieuse. Fétis, en signalant son véritable début, s’exprime ainsi : – « Une indisposition de Mme Pasta hâta son apparition sur la scène. En deux jours elle apprit tous les récitatifs du Barbier de Séville, dont elle savait les morceaux, et le 7 juin 1825, elle joua le rôle de Rosine sur le théâtre du roi. » Si le fait énoncé par Fétis est exact, il n’en est pas de même de la cause indiquée par lui. Le directeur du King’s Theatre était à cette époque le libraire Ebers, qui occupa cette situation de 1821 à 1828, et qui publia précisément, en cette année 1828, un historique de sa direction sous ce titre : Seven years of the King’s Theatre (Sept années du Théâtre du roi). Or, voici comment, dans cet ouvrage, Ebers (qui n’aimait pas d’ailleurs le talent de Garcia, comme on le verra), raconte le début de sa fille : – « La grande favorite Mme Pasta ne vint que pour un nombre limité de représentations. Vers cette époque la Ronzi tomba malade et perdit totalement sa voix, de sorte qu’elle fut obligée de rompre son engagement et de retourner en Italie. Mme Vestris s’étant retirée et Mme Caradori se trouvant dans l’impossibilité de jouer pendant quelque temps, il devint de toute nécessité d’engager une jeune chanteuse, la fille du ténor Garcia, qui avait chanté à Londres pendant quelques saisons. C’était encore une simple jeune fille, qui n’avait jamais paru sur un théâtre public ; mais dès le premier moment de son apparition elle montra de réels talents tant comme chanteuse que comme actrice. Son extrême jeunesse, sa gentillesse, sa voix agréable, son jeu facile et enjoué dans Rosine du Barbier de Séville, où elle fit son début, lui gagnèrent la faveur générale. Mais on la vanta trop, on la poussa peu judicieusement comme prima donna, alors qu’elle n’était qu’une débutante pleine de promesses, qui, avec le temps, à l’aide de l’étude et de la pratique et sous l’enseignement de son père, bon musicien, mais (pour mes oreilles, du moins) chanteur fort désagréable, s’élèverait, selon toute probabilité, au plus haut rang dans sa profession. L’année suivante elle alla avec toute sa famille dont tous, jeunes et vieux, sont chanteurs, tant bons que mauvais – pour établir un opéra italien en Amérique, où, dit-on, elle se maria, de sorte qu’elle ne reviendra probablement jamais en ce pays d’Angleterre, quand même elle reviendrait en Europe. »
On voit dans quelles circonstances se fit le début de la jeune Marie Garcia. Tout en lui adressant des éloges, Ebers ne se sent pas pris pour elle d’enthousiasme. Il est certain pourtant que, dès le premier jour, le public anglais fut sous le charme de la jeune artiste, ainsi que le constatait un autre écrivain : – « Nul véritable connaisseur, disait celui-ci, ne peut oublier l’effet délicieux de sa première audition publique à l’Opéra, où sa charmante figure, ses traits expressifs et une voix très mélodieuse donnaient à la musique un charme qu’elle ne semblait jamais avoir produit auparavant. » Ce qui est certain, c’est qu’aussitôt après ce début, Ebers l’engagea pour le reste de la saison, qui comportait encore six semaines environ, au prix de 500 livres sterling, soit 6 250 francs. Le 23 juillet, Mlle Garcia se montrait dans un second ouvrage, il Crociato, de Meyerbeer, où elle jouait le rôle de Felicia. Elle n’y obtenait pas moins de succès que dans le Barbier, et se faisait surtout applaudir dans le joli trio : Giovinetto cavalière, qu’elle chantait avec un esprit plein de grâce. Et ce succès était tel qu’à la fin de la saison théâtrale elle était appelée dans diverses villes de province pour chanter, avec son père, dans plusieurs de ces grands festivals dont le public anglais est si friand et qui réunissent les artistes les plus renommés. C’est dans ces conditions qu’elle se fit entendre à Manchester, à York et à Liverpool.
Cependant, Garcia nourrissait depuis quelque temps un projet qu’il ne devait pas tarder à mettre à exécution, et dont la réalisation devait exercer une influence considérable sur les destinées de sa fille. Ce projet n’était autre chose qu’une tentative d’acclimatation de l’opéra italien aux États-Unis, où ce spectacle était inconnu jusqu’alors. Il avait pris des arrangements avec le Park-Théâtre de New-York, qui lui était réservé pour deux représentations à donner par semaine, et c’est là qu’il comptait aller faire cet essai audacieux. Avec sa femme, sa fille Marie, son fils Manuel et lui-même, Garcia trouvait déjà le noyau d’une troupe excellente ; il compléta cette troupe par l’adjonction de quelques artistes tels qu’Angrisani, Crivelli fils, Rosich, Mme Barbieri, et son personnel ainsi réuni, il fut prêt à partir aux premiers jours de l’automne de 1825. Il alla s’embarquer à Liverpool avec son monde, et arriva vraisemblablement à New-York au commencement de novembre.
C’est le 29 de ce mois de novembre que la troupe de Garcia faisait son apparition sur la scène du Park-Theatre, en donnant la première représentation du Barbier de Séville avec la distribution que voici :
Ici, il nous est impossible de remonter aux sources pour obtenir des renseignements précis et circonstanciés. Mais tous les chroniqueurs, tous les biographes, se faisant l’écho des journaux américains de l’époque, sont unanimes pour constater que le succès, un succès éclatant, accueillit à New-York les artistes européens, et que la plus grande part de ce succès était surtout pour la jeune Marie Garcia, qui, à peine âgée de dix-sept ans, supportait tout le poids du répertoire et donnait déjà les premières preuves du talent qui devait bientôt la rendre si célèbre. Ce répertoire comprenait Otello, la Donna del Lago, Cenerentola, Semiramide, Don Giovanni, Tancredi, il Turco in Italia, Romeo e Giulietta, sans compter deux ouvrages que Garcia écrivit expressément pour sa fille : l’Amante astuto et la Figlia dell’aria.
J’ai déjà dit qu’avec une physionomie légendaire comme celle de la Malibran il fallait se tenir en garde contre certaines anecdotes, certains récits destinés à augmenter encore ce caractère légendaire, à donner à cette physionomie quelque chose d’extraordinaire, d’extra-humain, si l’on peut dire, et qui touche au merveilleux. Justement, à propos de ce séjour en Amérique, une anecdote assez curieuse a couru de tous côtés et s’est assez répandue pour que Legouvé lui-même ait cru devoir s’en emparer et la reproduire dans l’intéressante notice qu’il a consacrée à l’illustre artiste. Je la rapporte moi-même d’après le récit de Legouvé :
C’était à New-York. Garcia entre dans la chambre de sa fille et lui dit de cette voix devant qui tout tremblait :
– Vous débuterez samedi, avec moi, dans Otello.
– Samedi ! mais c’est dans six jours.
– Je le sais bien.
– Six jours pour répéter un rôle comme celui de Desdemona, pour m’habituer à la scène !
– Pas d’objections ! vous débuterez samedi et vous serez excellente, ou sinon, à la dernière scène…, quand je suis censé vous frapper d’un coup de poignard, je vous frapperai réellement !
Comment résister à un pareil argument ? Elle répéta, elle joua, elle eut un succès immense et trouva à la fin un effet tout à fait inattendu, surtout pour son père. Ceux qui ont vu la Malibran dans Desdemona se rappellent quel caractère nouveau elle avait imprimé au personnage. Mme Pasta y était sublime, mais elle jouait le rôle en femme de vingt ans. La Malibran lui en donna seize. C’était presque une jeune fille. De là un charme délicieux d’innocence, de faiblesse touchante, de naïveté enfantine, mêlé d’explosions d’indignation ou de terreur qui faisaient courir le frisson dans toute la salle. À la dernière scène, quand Otello marche sur Desdemona, le poignard levé, la Pasta allait au-devant du coup, forte de sa vertu et de son courage ; la Malibran se sauvait éperdue, elle courait aux fenêtres, aux portes, elle remplissait cette chambre de ses bonds de jeune faon épouvanté ! Or, le jour de son début, quand son père la saisit au milieu de sa fuite et tira son arme, elle entra si profondément dans son double personnage d’artiste et de fille, l’expression effrayante des yeux louches de son terrible père lui sembla tellement son arrêt de mort, qu’arrêtant la main qui s’abaissait sur elle, elle la mordit jusqu’au sang. Garcia poussa un cri sourd de douleur qui passa pour un cri de fureur, et l’acte s’acheva au milieu d’un délire d’applaudissements.
Plusieurs raisons me portent à mettre en doute la véracité de cette anecdote. D’abord, je ferai observer que la troupe de Garcia ne débuta pas à New-York par Otello, comme l’a cru Legouvé, mais, on l’a vu, par le Barbier ; en second lieu, un membre de la famille de Bériot m’a affirmé de la façon la plus positive que le fait consigné dans ce récit et bien souvent reproduit était inventé de tout point ; enfin, en ce qui concerne ce fait de l’incident de la représentation d’Otello, je remarque que la comtesse Merlin en donne une version toute différente, et qui sans doute est aussi fantaisiste que la première. La jeune Marie Garcia n’était pas plus heureuse avec son père en Amérique qu’elle ne l’avait été en Europe (ce fut même là, comme nous allons le voir, l’une des causes déterminantes de son mariage). Partant de là, la comtesse raconte l’incident à sa manière, dans les termes que voici : – « … L’intérieur de la famille devint orageux. Mme Garcia, douce personne, comme un ange de paix tâchait de calmer la violence de caractère de son mari ; mais la tempête devenait de jour en jour plus forte. Un soir, on jouait Otello. La matinée avait été marquée par des scènes violentes. Maria chantait le rôle de Desdemona, et son père celui du Maure. Au moment où celui-ci, les muscles contractés, les yeux étincelants, s’approche de sa maîtresse pour la tuer, Maria s’aperçoit que le poignard qui brillait dans la main de son père est un véritable poignard. Elle le reconnaît, la lame est bonne… son père l’avait acheté d’un Turc et examiné devant elle peu de jours auparavant. Marie croit déjà sentir le froid du fer dans sa poitrine… Épouvantée, hors d’elle-même : « Papa ! papa ! s’écrie-t-elle (en espagnol), por Dios, no me mate ! » Il n’en était rien, comme on peut le croire : le poignard du théâtre étant brisé, Garcia y avait simplement substitué le sien. »
L’incident prend ici, on le voit, un caractère presque dramatique. Mais je crois, je le répète, qu’il n’y a pas lieu d’attacher plus d’importance et plus de créance à ce récit qu’au précédent.
Les représentations de la troupe de Garcia se continuèrent à New-York, à raison de deux par semaine, pendant près de neuf mois, c’est-à-dire jusqu’au mois d’août 1826, sans que leur succès se ralentît un instant. Malgré ce succès, Garcia se vit pourtant obligé d’abandonner l’Amérique du Nord, « la rigueur du climat, dit un biographe, portant atteinte à l’organe des chanteurs ». Quoique cette raison paraisse singulière, il est certain qu’il quitta New-York pour s’en aller avec sa troupe à Mexico, d’où, après un séjour d’une année et demie environ, il devait revenir en Europe, non sans avoir été victime d’un évènement dramatique que son biographe espagnol raconte ainsi : – « Après dix-huit mois de séjour dans la capitale du Mexique, il sentit le besoin du repos et voulut revenir en Europe ; il rassembla ce qu’il avait de plus précieux, et se mit en route pour la Vera-Cruz, où il devait s’embarquer ; mais son convoi fut arrêté en chemin et pillé par une bande de brigands qui lui enlevèrent tout ce qu’il possédait, entre autres choses de prix une cassette qui contenait mille onces d’or. »
Mais en se rendant à Mexico, Garcia avait laissé à New-York sa fille, qu’un mariage avait soustraite à ses brutalités et qui déjà ne faisait plus partie de sa troupe. Les détails relatifs à ce mariage sont toujours restés un peu obscurs, en raison du pays où il fut contracté, et il est assez difficile de les faire connaître d’une façon précise. Ce qu’on sait, c’est qu’un banquier français, François-Eugène Malibran, établi à New-York, s’était épris de Mlle Garcia, et que, malgré l’énorme différence d’âge qui les séparait, puisqu’il avait quarante-cinq ans et qu’elle n’en comptait que dix-sept, elle ne repoussa pas ses hommages. Il y avait à cela, dit-on, deux raisons. La première, c’est que, malgré les succès qu’elle avait obtenus en Amérique, elle éprouvait à cette époque, paraît-il, une étrange répugnance pour le théâtre, qu’elle devait aimer plus tard à la folie, et que le premier effet de l’union qui se présentait à elle était de lui faire abandonner une carrière qui, pour le moment, lui paraissait odieuse. La seconde raison, et peut-être la plus forte, était l’ardent désir qu’elle avait d’échapper enfin, par le mariage, à l’autorité violente de son père, qui ne cessait de s’appesantir sur elle de la façon la plus cruelle et la plus douloureuse. La situation de Malibran semblait très brillante aux yeux de tous, et c’était en apparence un parti plus que sortable. Garcia, fort mal disposé d’abord à ce sujet, finit pourtant par consentir, en accordant même à sa fille une dot de cinquante mille francs. Bref, après quelques combats intérieurs dans la famille, le mariage fut décidé, et il se conclut, devant le consul de France à New-York, le 23 mars 1826, c’est-à-dire la veille même du jour où Mlle Garcia accomplissait sa dix-huitième année.
Mais en changeant sa vie, en quittant son père pour prendre un époux, la pauvre enfant n’avait fait que transformer son malheur, ce qu’elle ne devait pas tarder à comprendre. En réalité, et quelque séduisante qu’elle fût, on assure qu’en la recherchant Malibran avait tout simplement voulu faire une affaire et visé surtout les cinquante mille francs de sa dot. S’il faut s’en rapporter à tout ce qui a été dit à ce sujet, la situation de ce prétendu banquier, que chacun croyait fort belle et très solide, était au contraire dans l’état le plus déplorable ; les cinquante mille francs en question lui avaient servi à donner pour un instant le change à ses créanciers, mais quelques mois s’étaient à peine écoulés que non seulement son prestige s’était évanoui, mais qu’il était déclaré en faillite. Certains prétendent même qu’il fut mis en prison de ce chef. Je ne me charge pas d’éclairer cette question fort obscure, et je me borne à exposer les faits tels qu’ils ont été rapportés.
Mais qu’on s’imagine, en de telles circonstances, la situation morale et matérielle de l’infortunée jeune femme ! Liée à un époux qu’en raison de son âge elle ne pouvait aimer et que la conduite de celui-ci lui interdisait d’estimer, éloignée de sa famille, qui, nous l’avons vu, avait gagné le Mexique, plus éloignée encore de l’Europe, où tout semblait pourtant la rappeler, elle restait sans lien moral, sans appui, presque sans ressources, et ne sachant que devenir. C’est alors que, pour la première fois sans doute, la décision de caractère et l’énergie dont elle devait donner tant de preuves par la suite, eurent occasion de se manifester. Elle résolut en effet de quitter l’Amérique et de revenir en France, pays qu’elle aimait par-dessus tout, et une fois cette résolution prise, elle ne tarda pas à l’exécuter. Dans quelles conditions se sépara-t-elle de son mari ? C’est ce qu’il serait difficile de dire. Ce qui est certain, c’est qu’elle s’embarqua, seule, à New-York, dans les derniers jours d’octobre 1827, et qu’elle était à Paris au commencement de décembre.
Arrivée à Paris. – Mme Malibran trouve asile chez les sœurs de son mari. – Ses relations avec la comtesse Merlin. – Elle débute avec éclat au Théâtre-Italien. – Son triomphe dans une représentation extraordinaire à l’Opéra. – Mme Malibran et la critique. – Souplesse et variété de son talent. – Ses progrès incessants.
La conduite de Mme Malibran avait été tellement irréprochable, tellement à l’abri de toute critique, de toute tentative possible de malveillance, qu’à son arrivée à Paris, c’est dans la famille même de son mari qu’elle trouva tout d’abord l’hospitalité. Elle alla en effet demander asile à ses deux belles-sœurs, dont l’une, Mme Chastelain, était veuve avec deux fils et deux filles, dont l’autre n’était point mariée, et c’est là qu’elle passa plusieurs mois avant de prendre sa complète indépendance.
Les seuls rares détails que l’on puisse découvrir sur les premiers temps de son séjour à Paris au retour d’Amérique se trouvent dans le livre intéressant de la comtesse Merlin, source unique de renseignements un peu étendus sur l’illustre artiste, au point de vue intime et familier ; encore faut-il dire que ce livre est inexact en bien des points, l’auteur n’ayant pas assez contrôlé même ses propres souvenirs. Voici ce que nous raconte la comtesse au sujet de l’arrivée de sa jeune amie :