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Extrait : "Les maximes, les axiomes sont, ainsi que les abrégés, l'ouvrage des gens d'esprit qui ont travaillé, ce semble, à l'usage des esprits médiocres ou paresseux. Le paresseux s'accommode d'une maxime qui le dispense de faire lui-même des observations qui on mené l'auteur de la maxime au résultat dont il fait part à son lecteur."
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Seitenzahl: 132
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335076844
©Ligaran 2015
Les maximes, les axiomes sont, ainsi que les abrégés, l’ouvrage des gens d’esprit qui ont travaillé, ce semble, à l’usage des esprits médiocres ou paresseux. Le paresseux s’accommode d’une maxime qui le dispense de faire lui-même les observations qui ont mené l’auteur de la maxime au résultat dont il fait part à son lecteur. Le paresseux et l’homme médiocre se croient dispensés d’aller au-delà, et donnent à la maxime une généralité que l’auteur, à moins qu’il ne soit lui-même médiocre (ce qui arrive quelquefois), n’a pas prétendu lui donner. L’homme supérieur saisit tout d’un coup les ressemblances, les différences qui font que la maxime est plus ou moins applicable à tel ou tel cas, ou ne l’est pas du tout. Il en est de cela, comme de l’histoire naturelle, où le désir de simplifier a imaginé les classes et les divisions. Il a fallu avoir de l’esprit pour les faire ; car il a fallu rapprocher et observer des rapports : mais le grand, naturaliste, l’homme de génie, voit que la nature prodigue des êtres individuellement différents, et voit l’insuffisance des divisions et des classes, qui sont d’un si grand usage aux esprits médiocres ou paresseux. On peut les associer : c’est souvent la même chose, c’est souvent la cause et l’effet.
– La plupart des faiseurs de recueils de vers ou de bons mots ressemblent à ceux qui mangent des cerises ou des huitres, choisissant d’abord les meilleurs, et finissant par tout manger.
– Ce serait une chose curieuse qu’un livre qui indiquerait toutes les idées corruptrices de l’esprit humain, de la société, de la morale, et qui se trouvent développées ou supposées dans les écrits les plus célèbres, dans les auteurs les plus consacrés ; les idées qui propagent la superstition religieuse, les mauvaises maximes politiques, le despotisme, la vanité de rang, les préjugés populaires de toute espèce. On verrait que presque tous les livres sont des corrupteurs, que les meilleurs font presque autant de mal que de bien.
– On ne cesse d’écrire sur l’éducation ; et les ouvrages écrits sur cette matière ont produit quelques idées heureuses, quelques méthodes utiles ; ont fait, en un mot, quelque bien partiel. Mais quelle peut être, en grand, l’utilité de ces écrits, tant qu’on ne fera pas marcher de front les réformes relatives à la législation, à la religion, à l’opinion publique ? L’éducation n’ayant d’autre objet que de conformer la raison de l’enfance à la raison publique relativement à ces trois objets, quelle instruction donner, tant que ces trois objets se combattent ? En formant la raison de l’enfance, que faites-vous que de la préparer à voir plutôt l’absurdité des opinions et des mœurs consacrées par le sceau de l’autorité sacrée, publique, ou législative ; par conséquent, à lui en inspirer le mépris ?
– C’est une source de plaisir et de philosophie, de faire l’analyse des idées qui entrent dans les divers jugements que portent tel ou tel homme, telle ou telle société. L’examen des idées qui déterminent telle ou telle, opinion publique, n’est pas moins intéressant, et l’est souvent davantage.
– Il en est de la civilisation, comme de la cuisine. Quand on voit sur une table des mets légers, sains et bien préparés, on est fort aise que la cuisine soit devenue une science ; mais quand on y voit des jus, des coulis, des pâtés de truffes, on maudit les cuisiniers et leur art funeste : à l’application.
– L’homme, dans l’état actuel de la société, me paraît plus corrompu par sa raison que par ses passions. Ses passions (j’entends ici celles qui appartiennent à l’homme primitif) ont conservé, dans l’ordre social, le peu de nature qu’on y retrouve encore.
– La société n’est pas, comme on le croit d’ordinaire, le développement de la nature, mais bien sa décomposition et sa refonte entière. C’est un second édifice, bâti avec des décombres du premier. On en trouve les débris, avec un plaisir mêlé de surprise. C’est celui qu’occasionne l’expression naïve d’un sentiment naturel qui échappe dans la société ; il arrive même qu’il plaît davantage, si la personne à laquelle il échappe est d’un rang plus élevé, c’est-à-dire, plus loin de la nature. Il charme dans un roi, parce qu’un roi est dans l’extrémité opposée. C’est un débris d’ancienne architecture dorique ou corinthienne, dans un édifice grossier et moderne.
– En général, si la société n’était pas une composition factice, tout sentiment simple et vrai ne produirait pas le grand effet qu’il produit : il plairait sans étonner ; mais il étonne et il plaît. Notre surprise est la satire de la société, et notre plaisir est un hommage à la nature.
– Des fripons ont toujours un peu besoin de leur honneur, à peu près comme les espions de police, qui sont payés moins cher, quand ils voient moins bonne compagnie.
– Un homme du peuple, un mendiant, peut se laisser mépriser, sans donner l’idée d’un homme vil, si le mépris ne paraît s’adresser qu’à son extérieur : mais ce même mendiant, qui laisserait insulter sa conscience, fût-ce par le premier souverain de l’Europe, devient alors aussi vil par sa personne que par son état.
– Il faut convenir qu’il est impossible de vivre dans le monde, sans jouer de temps en temps la comédie. Ce qui distingue l’honnête homme du fripon, c’est de ne la jouer que dans les cas forcés, et pour échapper au péril ; au lieu que l’autre va au-devant des occasions.
– On fait quelquefois dans le monde un raisonnement bien étrange. On dit à un homme, en voulant récuser son témoignage en faveur d’un autre homme : C’est votre ami. Eh ! morbleu, c’est, mon ami, parce que le bien que j’en dis est vrai, parce qu’il est tel que je le peins. Vous prenez la cause pour l’effet, et l’effet pour la cause. Pourquoi supposez-vous que j’en dis du bien, parce qu’il est mon ami ? et pourquoi ne supposez-vous pas plutôt qu’il est mon ami, parce qu’il y a du bien à en dire ?
– Il y a deux classes de moralistes et de politiques : ceux qui n’ont vu la nature humaine que du côté odieux ou ridicule, et c’est le plus grand nombre ; Lucien, Montaigne, Labruyère, Larochefoucault, Swift, Mandeville, Helvétius, etc : ceux qui ne l’ont vue que du beau côté et dans ses perfections ; tels sont Shaftersbury et quelques autres. Les premiers ne connaissent pas le palais dont ils n’ont vu que les latrines ; les seconds sont des enthousiastes qui détournent leurs yeux loin de ce qui les offense, et qui n’en existe pas moins. Est un medio verum.
– Veut-on avoir la preuve de la parfaite inutilité de tous les livres de morale, de sermons, etc. ? Il n’y a qu’à jeter les yeux sur le préjugé de la noblesse héréditaire. Y a-t-il un travers contre lequel les philosophes, les orateurs, les poètes, aient lancé plus de traits satiriques, qui ait plus exercé les esprits de toute espèce, qui ait fait naître plus de sarcasmes ? cela a-t-il fait tomber les présentations, la fantaisie de monter dans les carrosses ? cela a-t-il fait supprimer la place de Cherin ?
– Au théâtre, on vise à l’effet ; mais ce qui distingue le bon et le mauvais poète, c’est que le premier veut faire effet par des moyens raisonnables ; et, pour le second, tous les moyens sont excellents. Il en est de cela comme des honnêtes gens et des fripons, qui veulent également faire fortune : les premiers n’emploient que des moyens honnêtes ; et les autres, toutes sortes de moyens.
– La philosophie, ainsi que la médecine, a beaucoup de drogues, très peu de bons remèdes, et presque point de spécifiques.
– On compte environ cent cinquante millions d’âmes en Europe, le double en Afrique, plus du triple en Asie ; en admettant que l’Amérique et les Terres Australes n’en contiennent que la moitié de ce que donne notre hémisphère, on peut assurer qu’il meurt tous les jours, sur notre globe, plus de cent mille hommes. Un homme qui n’aurait vécu que trente ans, aurait encore échappé environ mille quatre cents fois à cette épouvantable destruction.
– J’ai vu des hommes qui n’étaient doués que d’une raison simple et droite, sans une grande étendue ni sans beaucoup d’élévation d’esprit ; et cette raison simple avait suffi pour leur faire mettre à leur place les vanités et les sottises humaines, pour leur donner le sentiment de leur dignité personnelle, leur faire apprécier ce même sentiment dans autrui. J’ai vu des femmes à peu près dans le même cas, qu’un sentiment vrai, éprouvé de bonne heure, avait mises au niveau des mêmes idées. Il suit, de ces deux observations, que ceux qui mettent un grand prix à ces vanités, à ces sottises humaines, sont de la dernière classe de notre espèce.
– Celui qui ne sait point recourir à propos à la plaisanterie, et qui manque de souplesse dans l’esprit, se trouve très souvent placé entre la nécessité d’être faux ou d’être pédant : alternative fâcheuse à laquelle un honnête homme se soustrait, pour l’ordinaire, par de la grâce et de la gaîté.
– Souvent une opinion, une coutume commence à paraître absurde dans la première jeunesse ; et en avançant dans la vie, on en trouve la raison ; elle paraît moins absurde. En faudrait-il conclure que de certaines coutumes sont moins ridicules ? On serait porté à penser quelquefois qu’elles ont été établies par des gens qui avaient lu le livre entier de la vie, et qu’elles sont jugées par des gens qui, malgré leur esprit, n’en ont lu que quelques pages.
– Il semble que, d’après les idées reçues dans le monde et la décence sociale, il faut qu’un prêtre, un curé croie un peu pour n’être pas hypocrite, ne soit pas sûr de son fait pour n’être pas intolérant. Le grand-vicaire peut sourire à un propos contre la religion, l’évêque rire tout à fait, le cardinal y joindre son mot.
– La plupart des nobles rappellent leurs ancêtres, à peu près comme un Cicerone d’Italie rappelle Cicéron.
– J’ai lu, dans je ne sais quel voyageur, que certains sauvages de l’Afrique croient à l’immortalité de l’âme. Sans prétendre expliquer ce qu’elle devient, ils la croient errante, après la mort, dans les broussailles qui environnent leurs bourgades, et la cherchent plusieurs matinées de suite. Ne la trouvant pas, ils abandonnent cette recherche, et n’y pensent plus. C’est à peu près ce que nos philosophes ont fait, et avaient de meilleur à faire.
– Il faut qu’un honnête homme ait l’estime publique sans y avoir pensé, et, pour ainsi dire, malgré lui. Celui qui l’a cherchée, donne sa mesure.
– C’est une belle allégorie, dans la Bible, que cet arbre de la science du bien et du mal qui produit la mort. Cet emblème ne veut-il pas dire que, lorsqu’on a pénétré le fond des choses, la perte des illusions amène la mort de l’âme, c’est-à-dire, un désintéressement complet sur tout ce qui touche et occupe les autres hommes ?
– Il faut qu’il y ait de tout dans le monde ; il faut que, même dans les combinaisons factices du système social, il se trouve des hommes qui opposent la nature à la société, la vérité à l’opinion, la réalité à la chose convenue. C’est un genre d’esprit et de caractère fort piquant, et dont l’empire se fait sentir plus souvent qu’on ne croit. Il y a des gens à qui on n’a besoin que de présenter le vrai, pour qu’ils y courent avec une surprise naïve et intéressante. Ils s’étonnent qu’une chose frappante (quand on sait la rendre telle) leur ait échappé jusqu’alors.
– On croit le sourd malheureux dans la société. N’est-ce pas un jugement prononcé par l’amour-propre de la société, qui dit : cet homme-là n’est-il pas trop à plaindre de n’entendre pas ce que nous disons ?
– La pensée console de tout, et remédie à tout. Si quelquefois elle vous fait du mal, demandez-lui le remède du mal qu’elle vous a fait, elle vous le donnera.
– Il y a, on ne peut le nier, quelques grands caractères dans l’histoire moderne et on ne peut comprendre comment ils se sont formés : ils y semblent comme déplacés ; ils y sont comme des cariatides dans un entresol.
– La meilleure philosophie, relativement au monde, est d’allier, à son égard, le sarcasme de la gaîté avec l’indulgence du mépris.
– Je ne suis pas plus étonné de voir un homme fatigué de la gloire, que je ne le suis d’en voir un autre importuné du bruit qu’on fait dans son antichambre.
– J’ai vu, dans le monde, qu’on sacrifiait sans cesse l’estime des honnêtes gens à la considération, et le repos à la célébrité.
– Une forte preuve de l’existence de Dieu, selon Dorilas, c’est l’existence de l’homme, de l’homme par excellence, dans le sens le moins susceptible d’équivoque, dans le sens le plus exact, et, par conséquent, un peu circonscrit ; en un mot, de l’homme de qualité. C’est le chef-d’œuvre, de la providence, ou plutôt le seul ouvrage immédiat de ses mains. Mais on prétend, on assure qu’il existe des êtres d’une ressemblance parfaite avec cet être privilégié. Dorilas a dit : Est-il vrai ? quoi ! même figure ! même conformation extérieure ! Eh bien ! l’existence de ces individus, de ces hommes (puisqu’on les appelle ainsi), qu’il a niée autrefois qu’il a vue, à sa grande surprise, reconnue par plusieurs de ses égaux ; que, par cette raison seule, il ne nie plus formellement ; sur laquelle il n’a plus que des nuages, des doutes bien pardonnables, tout à fait involontaires ; contre laquelle il se contente de protester simplement par des hauteurs, par l’oubli des bienséances, où par des bontés dédaigneuses ; l’existence de tous ces êtres, sans doute mal définis, qu’en fera-t-il ? comment l’expliquera-t-il ? comment accorder ce phénomène avec sa théorie ? dans quel système physique, métaphysique, ou, s’il le faut, mythologique, ira-t-il chercher la solution de ce problème ? Il réfléchit, il rêve, il est de bonne foi ; l’objection est spécieuse ; il en est ébranlé. Il a de l’esprit, des connaissances ; il va trouver le mot de l’énigme ; il l’a trouvé, il le tient ; la joie brille dans ses yeux. Silence. On connaît, dans la théorie persanne, la doctrine des deux principes, celui du bien et celui du mal. Eh quoi ! vous ne saisissez pas ? Rien de plus simple. Le génie, les talents, les vertus, sont des inventions du mauvais principe d’Orimane, du Diable, pour mettre en évidence, pour produire au grand jour certains misérables, plébéiens reconnus, vrais roturiers, où à peine gentilshommes.
– Combien de militaires distingués, combien d’officiers généraux sont morts, sans avoir transmis leurs noms à la postérité : en cela, moins heureux que Bucéphale, et même que le dogue espagnol Bérécillo, qui dévorait les Indiens de Saint-Domingue, et qui avait la paie de trois soldats !
– On souhaite la paresse d’un méchant et le silence d’un sot.
– Ce qui explique le mieux comment le malhonnête homme, et quelquefois même le sot, réussissent presque toujours mieux, dans le monde, que l’honnête homme et que l’homme d’esprit, à faire leur chemin : c’est que le malhonnête homme et le sot ont moins de peine à se mettre au courant et au ton du monde, qui, en général, n’est que malhonnêteté et sottise ; au lieu que l’honnête homme et l’homme sensé, ne pouvant pas entrer sitôt en commerce avec le monde, perdent un temps précieux pour la fortune. Les uns sont des marchands qui, sachant la langue du pays, vendent et s’approvisionnent tout de suite ; tandis que les autres sont obligés d’apprendre la langue de leurs vendeurs et de leurs chalands, avant que d’exposer leur marchandise, et d’entrer en traité avec eux : souvent même ils dédaignent d’apprendre cette langue, et alors ils s’en retournent sans étrenner.
– Il y a une prudence supérieure à celle qu’on qualifie ordinairement de ce nom : l’une est la prudence de l’aigle, et l’autre celle des taupes. La première consiste à suivre hardiment son caractère, en acceptant avec courage les désavantages et les inconvénients qu’il peut produire…
– Pour parvenir à pardonner à la raison le mal qu’elle fait à la plupart des hommes, on a besoin de considérer ce que ce serait que l’homme sans sa raison. C’était un mal nécessaire.
– Il y a des sottises bien habillées, comme il y a des sots très bien vêtus.