Moi - Eugène Labiche - E-Book

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Eugène Labiche

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Extrait : "CYPRIEN, à Germain : Le calorifère est allumé ? GERMAIN : Oui, depuis ce matin. CYPRIEN : Bon... Voyons le thermomètre... Seize degrés ; c'est le compte. GEORGES, paraissant au fond : M. Dutrécy. CYPRIEN : C'est ici... mais monsieur n'est pas visible..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

• Livres rares
• Livres libertins
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• Poésies
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EAN : 9782335055115

©Ligaran 2015

Acte premier

Chez Dutrécy.

Personnages

DUTRÉCY.

DE LA PORCHERAIE.

FOURCINIER.

ARMAND BERNIER.

AUBIN.

GEORGES FROMENTAL

FROMENTAL.

CYPRIEN.

GERMAIN.

THÉRÈSE.

MADAME DE VERRIÈRES.

La scène est à Paris, de nos jours. Premier et troisième acte, chez Dutrécy ; deuxième acte, chez Fromental.

Scène première

Aubin, Germain, Cyprien, puis Georges Fromental.

CYPRIEN,à Germain

Le calorifère est allumé ?

GERMAIN

Oui, depuis ce matin.

CYPRIEN

Bon…, Voyons le thermomètre… Seize degrés ; c’est le compte.

GEORGES,paraissant au fond

M. Dutrécy.

CYPRIEN

C’est ici… mais monsieur, n’est pas visible…

GEORGES

Et M. Armand Bernier, son neveu ?

GERMAIN,étonné

Son neveu !

CYPRIEN

Nous ne connaissons pas ça.

GERMAIN

Monsieur n’a qu’une nièce : mademoiselle Thérèse, qui est en pension…

GEORGES

Oui… je sais, (À part.) Armand n’est pas encore arrivé. (Haut.) À quelle heure M. Dutrécy reçoit-il ?

CYPRIEN

Mais… vers midi.

GEORGES

Très bien… (À part.) Mon père et ma sœur auront le temps de le voir… et aujourd’hui mon sort sera fixé.

CYPRIEN

Si monsieur veut laisser son nom ?

GEORGES

C’est inutile… je reviendrai.

Il sort.

GERMAIN

Quel est ce monsieur ?

CYPRIEN

Je le vois pour la première fois. (Regardant à sa montre.) Attention ! monsieur ne va pas tarder à sonner.

AUBIN,indiquant la droite

Mais qu’est-ce qu’il fait par là, monsieur ?

CYPRIEN

Il fait de l’hydrothérapie.

AUBIN

Comment dites-vous ça ? De l’hydro…

CYPRIEN

C’est juste ! Un homme arrivé depuis hier du fond de la Bretagne…

GERMAIN

Et avec quels cheveux !

CYPRIEN,à Aubin, avec importance

Mon ami, on appelle hydrothérapie un réservoir en zinc… sous lequel monsieur se place naturellement ; quand il se trouve suffisamment arrosé, monsieur donne un premier coup de sonnette… ce sera pour toi.

AUBIN

Pour moi ?

CYPRIEN

Tu entreras et tu le frotteras avec un linge épais et dur comme une râpe, jusqu’à ce qu’il devienne tout rouge…

GERMAIN

C’est pour amener la réaction…

CYPRIEN

Ensuite, monsieur donne un second coup de sonnette… c’est le tour de Germain.

GERMAIN,montrant un plateau posé sur la table

J’entre avec ceci… un verre de madère et deux biscuits… ça complète la réaction.

AUBIN

C’est bien arrangé, tout ça…

CYPRIEN

Ah ! c’est que M. Dutrécy entend la vie !… Il sait se faire soigner celui-là !

AUBIN

Il est peut-être d’une mauvaise santé ?

CYPRIEN

Lui ? Il est frais ! il est rose !… mais aussi, quand un de ses cheveux se dérange, il appelle trois médecins en consultation.

On entend sonner à droite.

GERMAIN

Premier coup !

CYPRIEN

C’est pour toi, Aubin !… va, vite ! et ne ménage pas tes bras…

AUBIN

Ne craignez rien… j’ai servi les chevaux pendant cinq ans… je vais m’appliquer.

Il entre à droite.

GERMAIN

Quelle idée a eue monsieur de prendre ce pataud ?

CYPRIEN

Un paysan… c’est robuste, ça frotte plus longtemps (On sonne à droite.) Deuxième coup !

GERMAIN,prenant le plateau sur la table

C’est pour le madère !

Il entre vivement à droite.

Scène II

Cyprien, de la Porcheraie.

DE LA PORCHERAIE,à la cantonade

C’est bien… ne m’annoncez pas !

Il paraît.

CYPRIEN

M. de la Porcheraie.

DE LA PORCHERAIE

Bonjour, Cyprien… Où est Dutrécy ?…

CYPRIEN

Monsieur est sous sa cascade.

DE LA PORCHERAIE

Neuf heures et demie… C’est juste !

CYPRIEN

Si monsieur veut que je l’annonce ?

DE LA PORCHERAIE

C’est inutile… je vais l’attendre… Ah ! vous n’auriez pas ici un plan du nouveau Paris ?

CYPRIEN

Il y en a un tout ouvert sur le bureau de monsieur.

DE LA PORCHERAIE,étonné

Ouvert ?

CYPRIEN

Monsieur l’a consulté plus d’une heure hier soir en rentrant.

DE LA PORCHERAIE,à part

Tiens !… Est-ce qu’il aurait la même idée que moi ? Ce serait drôle. (Haut.) Allons, conduis-moi.

CYPRIEN

Par ici, monsieur.

Tous deux entrent à gauche.

Scène III

Aubin, puis Dutrécy, puis Cyprien.

AUBIN,entrant

Eh bien, il doit être content ! je l’ai frotté… Il me disait toujours : « Plus fort ! plus fort ! » J’avais peur de faire du dégât !

DUTRÉCY,entrant, le visage épanoui

Ah ! je me sens bien, je me sens léger… les muscles sont souples, la peau fait ses fonctions. (Apercevant Aubin.) Ah ! te voilà… approche, mon garçon !

AUBIN,approchant

Monsieur…

DUTRÉCY

Mon ami, je suis content de toi… Tu ne frottes pas mal… Tu n’as pas encore les mouvements très réguliers… mais ça viendra ! Dis-moi… étais-je bien rouge… dans le dos ?

AUBIN,pudiquement

Ah ! monsieur… je n’ai pas regardé…

DUTRÉCY

Une autre fois, tu me feras le plaisir de regarder… c’est très important… tout est là !… Eh bien, commences-tu à t’habituer un peu à Paris ?

AUBIN

Dame, je ne suis encore sorti qu’une fois pour aller vous chercher une voiture… (Fouillant à sa poche.) Alors, j’ai cinq sous à vous remettre…

DUTRÉCY

Comment, cinq sous ?

AUBIN

C’est le cocher… quand je l’ai pris sous sa remise, il m’a dit : « Voilà vos cinq sous. »

DUTRÉCY

Et tu me les rends ?

AUBIN

Naturellement.

DUTRÉCY,à part

C’est splendide ! oh ! la Bretagne ! (Haut.) Mon ami… c’est très bien, ce que tu fais là… garde-les !… pour te faire couper les cheveux…

AUBIN

Si ça ne fait rien à monsieur, je me les couperai moi-même…

DUTRÉCY

Comme tu voudras… (À part.) Il a de l’ordre, de la probité. Tiens, une idée ! (Haut.) Aubin !

AUBIN

Monsieur ?

DUTRÉCY

Je vais te donner une grande preuve de ma confiance… J’ai la coquetterie de ma cave ; jusqu’à présent, j’y suis toujours allé moi-même… C’est très imprudent, parce qu’on rentre, on a chaud, on change subitement de température… et paf ! une fluxion de poitrine… dont on peut mourir !… Mon ami, tu iras à ma place.

AUBIN

Si ça fait plaisir à monsieur…

DUTRÉCY,à part

Superbe ! un autre aurait poussé un cri de joie… Oh ! la Bretagne ! (Haut.) Ah ! une recommandation pour le vin !… j’ai presque toujours quelque ami à déjeuner ou à dîner, le docteur me le recommande… on se presse moins et l’estomac y trouve son compte… Or, j’ai deux espèces de vin, écoute-moi bien : l’un porte un cachet rouge, c’est un cos. Destourmel, 1846, un vin bienfaisant… je le garde pour moi… l’autre, cachet vert, est un mâcon généreux… mais qui me réussit moins… Tu verseras du cachet vert à mes amis… quant au cachet rouge, tu n’en donneras qu’à moi… à moi seul… sans que cela paraisse, bien entendu.

AUBIN

Oui, monsieur.

DUTRÉCY

Ce n’est pas pour la valeur… mais il ne m’en reste plus que soixante-deux bouteilles… Ainsi, c’est bien entendu…

AUBIN

Oui, monsieur : le bon pour vous et le mauvais pour vos amis.

DUTRÉCY

Il n’est pas mauvais !… du 58… s’il était mauvais, je ne l’offrirais pas… il est un peu plus vert… c’est un vin d’invités…

Cyprien venant de gauche et parlant à la cantonade.

CYPRIEN

Oui, monsieur… je vais le prévenir !…

DUTRÉCY

Cyprien… À qui parlez-vous donc ?

CYPRIEN

À M. de la Porcheraie, qui est dans votre cabinet…

DUTRÉCY

Tiens ! il est là, ce cher ami !… pourquoi ne l’avez-vous pas fait entrer ?

CYPRIEN

Il m’a demandé si monsieur avait un plan du nouveau Paris…

DUTRÉCY,étonné

Un plan ?

CYPRIEN

Voici M. de la Porcheraie.

DE LA PORCHERAIE

Bonjour, cher ami.

DUTRÉCY

Bonjour !… (À part.) Est-ce qu’il aurait la même idée que moi ?… ce ne serait pas drôle… (À Aubin et à Cyprien.) C’est bien… laissez-nous.

Aubin et Cyprien sortent par la droite.

Scène IV

Dutrécy, de la Porcheraie, puis Aubin.

DE LA PORCHERAIE,s’asseyant

Asseyez-vous donc.

DUTRÉCY

Mais que faisiez-vous donc si matin dans ma bibliothèque ?

DE LA PORCHERAIE

Je prenais un renseignement… Hier, à l’Opéra, j’étais avec vous dans votre loge, pendant le ballet…

DUTRÉCY

Oui.

DE LA PORCHERAIE

Vous regardiez se développer les danseuses, vous… moi, j’écoutais…

DUTRÉCY,inquiet

Ah ! la musique ?

DE LA PORCHERAIE

Un monsieur placé dans la loge voisine et qui me semblait avoir toute sorte de raisons pour être bien informé… Ce monsieur disait qu’on allait percer une nouvelle rue…

DUTRÉCY,vivement

À Passy… dans le jardin du docteur Fourcinier ?…

DE LA PORCHERAIE

Tiens ! vous écoutiez aussi ? ce jardin a trois arpents…

DUTRÉCY

Au moins !

DE LA PORCHERAIE

Et si on pouvait acheter la maison avant que la nouvelle fût ébruitée… il y a là cent mille écus à gagner… Je songe à emmancher cette petite opération…

DUTRÉCY,vivement

Ah ! permettez, j’y songe aussi.

DE LA PORCHERAIE

Comment ! vous iriez sur mes brisées ?…

DUTRÉCY

Pardon ! c’est vous, au contraire… D’abord l’affaire m’appartient.

DE LA PORCHERAIE

Pourquoi ?

DUTRÉCY

C’est dans ma loge que vous avez appris la nouvelle.

DE LA PORCHERAIE

Allons donc ! Il est tombé un mot dans mon oreille, et mon oreille ne fait pas partie de votre loge.

DUTRÉCY

C’est tout au moins une question de convenance…

DE LA PORCHERAIE

Oh ! pas de phrases !… nous parlons affaires…

DUTRÉCY

Cependant… voyons… écoutez-moi… vous ne pouvez pas agir ainsi… vous ! un ami de dix ans… auquel je serre la main tous les jours !…

DE LA PORCHERAIE

Eh bien, est-ce que je ne vous la serre pas aussi la main. Une poignée de main… qu’est-ce que cela prouve ?

DUTRÉCY

Comment ?

DE LA PORCHERAIE

Que nous nous connaissons… un peu. Nous vivons de la même vie, nous sommes du même cercle, vous aimez ce qui est bon… j’aime ce qui est exquis. Nous avons les mêmes goûts… et probablement les mêmes vices…

DUTRÉCY

Bien obligé !

DE LA PORCHERAIE

Vous êtes riche, j’ai quarante mille-livres de rente… Nous sommes certains que nous ne nous emprunterons jamais d’argent… donc, poignée de main !

DUTRÉCY

À la bonne heure !

DE LA PORCHERAIE

Mais, si vous partez de là pour croire que je vais sacrifier une magnifique affaire sur l’autel de l’amitié… non, je ne suis plus votre homme… je retire ma main !

DUTRÉCY,à part

Il a raison, au fond ! (Haut.) Allons, mon cher, n’en parlons plus… suivez l’affaire… portez-vous acquéreur…

DE LA PORCHERAIE

Vous renoncez ?

DUTRÉCY

Ah ! je ne dis pas cela !

DE LA PORCHERAIE

Comment ?

DUTRÉCY

Je me réserve le droit de vous faire concurrence… de surenchérir…

DE LA PORCHERAIE

Eh bien, à la bonne heure ! voilà parler raison ! C’est sensé, ce que vous me dites là… Voyons… causons…

DUTRÉCY,s’asseyant

Asseyez-vous donc.

DE LA PORCHERAIE

Non, merci.

DUTRÉCY

À votre aise.

DE LA PORCHERAIE

Voyons… voulez-vous faire l’affaire ensemble ?

DUTRÉCY

Franchement, j’aimerais mieux la faire tout seul.

DE LA PORCHERAIE

Parbleu ! moi aussi !… Mais puis qu’il n’y a pas moyen…

DUTRÉCY

C’est juste… allons ! j’accepte ! touchez là !…

DE LA PORCHERAIE

Notre amitié se trouve d’accord avec notre intérêt… donc…

Ils se serrent la main.

DUTRÉCY

Donc, poignée de main !

DE LA PORCHERAIE

Poignée de main.

DUTRÉCY

C’est étonnant comme nous nous entendons.

DE LA PORCHERAIE

Nous sommes deux esprits justes… La première fois que je vous ai vu, je vous ai tout de suite apprécié… Nous étions dans un coupé de diligence…

DUTRÉCY

Route de Toulouse… Il y avait encore des diligences dans ce temps-là…

DE LA PORCHERAIE

Nous étions seuls… nous occupions chacun un coin.

DUTRÉCY

Et votre sac de nuit était au milieu… ce qui me gênait passablement…

DE LA PORCHERAIE

J’aime à étendre mes jambes… je suis comme vous… À un des relais, une dame monte… assez jolie pour le pays… vous ne bougez pas, vous fermez les yeux et vous gardez votre coin.

DUTRÉCY

Vous aussi !

DE LA PORCHERAIE

Moi ? parbleu ! Alors, je me suis dit : « Voilà un homme fort ! voilà un homme qui est dans le vrai ! » Et j’ai conçu pour vous une certaine estime.

DUTRÉCY

Mon cher ami, vous vous trompez… je sais ce qu’on doit aux dames… mais j’étais souffrant… je dormais.

DE LA PORCHERAIE

Allons donc ! moi, j’ai le courage de mon opinion ; si je n’ai pas cédé ma place à cette dame, c’est que j’étais très bien dans mon coin et que j’aurais été très mal au milieu !

DUTRÉCY

Tenez, taisez-vous ! vous n’êtes qu’un égoïste !

DE LA PORCHERAIE

Je crois que nous sommes un peu de la même famille…

DUTRÉCY

Par exemple !… Je puis avoir des défauts… mais pas celui-là… je le trouve horrible.

DE LA PORCHERAIE

Savez-vous la différence qu’il y a entre nous ?… Vous, vous êtes un égoïste timide… un égoïste peint en rose… Moi, j’ai économisé les frais de pointure, j’ai conservé ma couleur naturelle.

DUTRÉCY,à part

Il est atroce ! (Haut.) Vous déjeunez avec moi ?…

DE LA PORCHERAIE

Impossible ! j’ai accepté une autre invitation.

DUTRÉCY

Eh bien, vous la manquerez… je vous en prie…

DE LA PORCHERAIE

Voyons… franchement… qu’est-ce que vous avez pour déjeuner ?

DUTRÉCY

Gourmand !… un perdreau truffé !… bien rebondi !

DE LA PORCHERAIE

Là-bas, il y a un salmis de bécasse… Après ?…

DUTRÉCY

Des asperges en branche… le 20 février !

DE LA PORCHERAIE

Là-bas, des petits pois nouveaux… Je suis bien embarrassé.

DUTRÉCY

Enfin, hier, en passant devant Chevet, j’ai aperçu un petit melon…

DE LA PORCHERAIE

Tiens ! je n’en ai pas encore mangé de l’année… Je déjeune avec vous !

DUTRÉCY