Monsieur de Pourceaugnac - Ligaran - E-Book

Monsieur de Pourceaugnac E-Book

Ligaran

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Beschreibung

Extrait : " JULIE : Mon Dieu! Éraste, gardons d'être surpris ; je tremble qu'on ne nous voit ensemble, et tout serait perdu, après la défense que l'on m'a faite..."

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Seitenzahl: 64

Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335038019

©Ligaran 2015

Personnages

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

ORONTE.

JULIE, fille d’Oronte.

NÉRINE, femme d’intrigue.

LUCETTE, feinte Gasconne.

ÉRASTE, amant de Julie.

SBRIGANI, Napolitain, homme d’intrigue.

PREMIER MÉDECIN.

SECOND MÉDECIN.

L’APOTHICAIRE.

UN PAYSAN.

UNE PAYSANNE.

PREMIER MUSICIEN.

SECOND MUSICIEN.

PREMIER AVOCAT.

SECOND AVOCAT.

PREMIER SUISSE.

SECOND SUISSE.

UN EXEMPT.

DEUX ARCHERS.

PLUSIEURS MUSICIENS, JOUEURS D’INSTRUMENTS ET DANSEURS.

La scène est à Paris.

Acte I
Scène première

Julie, Éraste, Nérine.

JULIE

Mon Dieu ! Éraste, gardons d’être surpris ; je tremble qu’on ne nous voie ensemble, et tout serait perdu, après la défense que l’on m’a faite.

ÉRASTE

Je regarde de tous côtés, et je n’aperçois rien.

JULIE

Aie aussi l’œil au guet, Nérine, et prends bien garde qu’il ne vienne personne.

NÉRINE

Reposez-vous sur moi, et dites hardiment ce que vous avez à vous dire.

JULIE

Avez-vous imaginé pour notre affaire quelque chose de favorable ? et croyez-vous, Éraste, pouvoir venir à bout de détourner ce fâcheux mariage que mon père s’est mis en tête ?

ÉRASTE

Au moins y travaillons-nous fortement ; et déjà nous avons préparé un bon nombre de batteries pour renverser ce dessein ridicule.

NÉRINE

Par ma foi ! voilà votre père.

JULIE

Ah ! séparons-nous vite.

NÉRINE

Non, non, non, ne bougez : je m’étais trompée.

JULIE

Mon Dieu ! Nérine, que tu es sotte de nous donner de ces frayeurs !

ÉRASTE

Oui, belle Julie, nous avons dressé pour cela quantité de machines, et nous ne feignons point de mettre tout en usage, sur la permission que vous m’avez donnée. Ne nous demandez point tous les ressorts que nous ferons jouer : vous en aurez le divertissement ; et, comme aux comédies, il est bon de vous laisser le plaisir de la surprise, et de ne vous avertir point de tout ce qu’on vous fera voir. C’est assez de vous dire que nous avons en main divers stratagèmes tous prêts à produire dans l’occasion, et que l’ingénieuse Nérine et l’adroit Sbrigani entreprennent l’affaire.

NÉRINE

Assurément. Votre père se moque-t-il de vouloir vous anger de son avocat de Limoges, Monsieur de Pourceaugnac, qu’il n’a vu de sa vie, et qui vient par le coche vous enlever à notre barbe ? Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus, sur la parole de votre oncle, lui fassent rejeter un amant qui vous agrée ? et une personne comme vous est-elle faite pour un Limosin ? S’il a envie de se marier, que ne prend-il une Limosine et ne laisse-t-il en repos les chrétiens ? Le seul nom de Monsieur de Pourceaugnac m’a mis dans une colère effroyable. J’enrage de Monsieur de Pourceaugnac. Quand il n’y aurait que ce nom-là, Monsieur de Pourceaugnac, j’y brûlerai mes livres, ou je romprai ce mariage, et vous ne serez point Madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac ! cela se peut-il souffrir ? Non : Pourceaugnac est une chose que je ne saurais supporter ; et nous lui jouerons tant de pièces, nous lui ferons tant de niches sur niches, que nous renvoyerons à Limoges Monsieur de Pourceaugnac.

ÉRASTE

Voici notre subtil Napolitain, qui nous dira des nouvelles.

Scène II

Sbrigani, Julie, Éraste, Nérine.

SBRIGANI

Monsieur, votre homme arrive, je l’ai vu à trois lieues d’ici, où a couché le coche ; et dans la cuisine où il est descendu pour déjeuner, je l’ai étudié une bonne grosse demie heure, et je le sais déjà par cœur. Pour sa figure, je ne veux point vous en parler : vous verrez de quel air la nature l’a desseinée, et si l’ajustement qui l’accompagne y répond comme il faut. Mais pour son esprit, je vous avertis par avance qu’il est des plus épais qui se fassent ; que nous trouvons en lui une matière tout à fait disposée pour ce que nous voulons, et qu’il est homme enfin à donner dans tous les panneaux qu’on lui présentera.

ÉRASTE

Nous dis-tu vrai ?

SBRIGANI

Oui, si je me connais en gens.

NÉRINE

Madame, voilà un illustre ; votre affaire ne pouvait être mise en de meilleures mains, et c’est le héros de notre siècle pour les exploits dont il s’agit : un homme qui, vingt fois en sa vie, pour servir ses amis, a généreusement affronté les galères, qui, au péril de ses bras, et de ses épaules, sait mettre noblement à fin les aventures les plus difficiles ; et qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays pour je ne sais combien d’actions honorables qu’il a généreusement entreprises.

SBRIGANI

Je suis confus des louanges dont vous m’honorez, et je pourrais vous en donner, avec plus de justice, sur les merveilles de votre vie ; et principalement sur la gloire que vous acquîtes, lorsque, avec tant d’honnêteté, vous pipâtes au jeu, pour douze mille écus, ce jeune seigneur étranger que l’on mena chez vous ; lorsque vous fîtes galamment ce faux contrat qui ruina toute une famille ; lorsque, avec tant de grandeur d’âme, vous sûtes nier le dépôt qu’on vous avait confié ; et que si généreusement on vous vit prêter votre témoignage à faire pendre ces deux personnes qui ne l’avaient pas mérité.

NÉRINE

Ce sont petites bagatelles qui ne valent pas qu’on en parle, et vos éloges me font rougir.

SBRIGANI

Je veux bien épargner votre modestie : laissons cela ; et pour commencer notre affaire, allons vite joindre notre provincial, tandis que, de votre côté, vous nous tiendrez prêts au besoin les autres acteurs de la comédie.

ÉRASTE

Au moins, Madame, souvenez-vous de votre rôle ; et pour mieux couvrir notre jeu, feignez, comme on vous a dit, d’être la plus contente du monde des résolutions de votre père.

JULIE

S’il ne tient qu’à cela, les choses iront à merveille.

ÉRASTE

Mais, belle Julie, si toutes nos machines venaient à ne pas réussir ?

JULIE

Je déclarerai à mon père mes véritables sentiments.

ÉRASTE

Et si, contre vos sentiments, il s’obstinait à son dessein ?

JULIE

Je le menacerais de me jeter dans un convent.

ÉRASTE

Mais si, malgré tout cela, il voulait vous forcer à ce mariage ?

JULIE

Que voulez-vous que je vous dise ?

ÉRASTE

Ce que je veux que vous me disiez ?

JULIE

Oui.

ÉRASTE

Ce qu’on dit quand on aime bien.

JULIE

Mais quoi ?

ÉRASTE

Que rien ne pourra vous contraindre, et que, malgré tous les efforts d’un père, vous me promettez d’être à moi.

JULIE

Mon Dieu ! Éraste, contentez-vous de ce que je fais maintenant, et n’allez point tenter sur l’avenir les résolutions de mon cœur ; ne fatiguez point mon devoir par les propositions d’une fâcheuse extrémité, dont peut-être n’aurons-nous pas besoin ; et s’il y faut venir, souffrez au moins que j’y sois entraînée par la suite des choses.

ÉRASTE

Eh bien…

SBRIGANI

Ma foi, voici notre homme, songeons à nous.

NÉRINE

Ah ! comme il est bâti !

Scène III

Monsieur de Pourceaugnac se tourne du côté d’où il vient, comme parlant à des gens qui le suivent, Sbrigani.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC

Eh bien, quoi ? qu’est-ce ? qu’y a-t-il ? Au diantre soit la sotte ville, et les sottes gens qui y sont ! ne pouvoir faire un pas sans trouver des nigauds qui vous regardent, et se mettent à rire ! Eh ! Messieurs les badauds, faites vos affaires, et laissez passer les personnes sans leur rire au nez. Je me donne au diable, si je ne baille un coup de poing au premier que je verrai rire.

SBRIGANI