Mystérieux - Tome 2 - Amandine Ré - E-Book

Mystérieux - Tome 2 E-Book

Amandine Ré

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Beschreibung

Petit, je n’avais qu’une seule ambition : intégrer le gang des Cobra.

Leur sens de la loyauté me faisait rêver ; leur sang froid faisait palpiter mon cœur de gamin écorché… Puis, le fantasme d’ado rebelle est devenu ma réalité. De petit merdeux des rues à guetteur insignifiant, je suis devenu le bras droit, l’homme de confiance, mais pas que… Je suis l’ami, le frère de cœur, le frère de gun, je suis celui qui tempère les autres malgré son impulsivité. Une peine bien trop lourde remettra tout en cause. De suiveur avéré, je deviendrai un meneur sans pitié. Une mission à remplir, une liste précise à respecter pour rebâtir des fondations démolies. De la concentration, je n’ai besoin que de ça. Mais c’était sans compter sur ce putain de destin qui mettra une brune tatouée sur mon chemin. Kendra. Somptueusement belle, je n’avais pas prévu de craquer pour une nana aussi torturée, aussi délabrée. Elle a tout pour me plaire, et pourtant, elle ne peut être mienne. Des maux et des faits qui m’écorcheront les tripes… Une soif de vengeance qu’elle fera naître en moi, qui me poussera à donner le pire de moi-même. Mais l’ennemie deviendra-t-elle l’alliée tant espérée ou vais-je devoir elle aussi la buter ?

Poursuivez la saga de dark romance Mystérieux avec ce deuxième opus riche en émotions et rebondissements !

EXTRAIT

"Ça fait exactement deux jours que je suis sorti de taule. Deux longs jours que je suis rentré chez moi. Je pensais naïvement que Jenny serait là, qu’elle n’avait juste pas eu le cran de venir me voir au parloir, par peur de trop souffrir, mais non. Elle est belle et bien partie, emportant avec elle toutes ses affaires et quelques-unes ne lui appartenant pas. Au fond de moi, je le savais qu’elle s’était barrée, mais je refusais de croire qu’elle foutait à la poubelle six ans de vie commune comme ça, pour six années et demie derrière les barreaux.
Ça ne m’a pas broyé le cœur, parce que je m’en doutais, ça a juste confirmé ma crainte de me retrouver sans rien, et plus seul encore que je ne l’étais déjà."

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Pas de doute Amandine Ré tape fort et nous offre une histoire époustouflante, sombre, à la limité du supportable quelquefois et pourtant magnifique. J’ai vraiment hâte de connaître la suite des événements et de savoir ce que réserve l’auteure à tout ce beau monde." - Blog Virtuellement vôtre

"Un récit captivant et passionnant où la narration est partagée entre Kendra et Crew, ce qui nous permet d'avoir leur point de vue à chacun, ce que j'ai beaucoup apprécié !" - Blog Cosmébook

"La plume d’Amandine Ré est toujours aussi prenante, captivante et surtout addictive. Elle nous embarque dès les premières lignes dans son histoire tant et si bien que l’on a du mal à lâcher l’histoire avant le mot fin [...] Un réel coup de cœur pour ce roman que je vous conseille de lire sans plus attendre tant il m’a prise aux tripes mais que j’en redemande." - Blog Lectures à Flo(ts)

"J'étais déjà addict du premier tome mais alors là, je suis complètement mordue, vivement la suite !" - Sansan83300, Booknode

"Pour moi, c’est un gros coup de cœur et c’est avec plaisir que je me jette sur le tome 3 sans tarder." - Marine-110, Booknode

À PROPOS DE L'AUTEURE

Amandine Ré est une jeune auteure belge de 28 ans passionnée par l’écriture depuis la découverte de Wattpad il y a deux ans. La nuit, elle range son tablier de maman au foyer et revêt son costume d’auteur pour faire prendre vie à des héros sombres et torturés, mais pas seulement. Grande fana de jolies romances, elle collectionne les livres.

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Mystérieux

Renaissance

Tome 2

 

 

 

Amandine Ré

 

 

 

Mentions légales

Mystérieux : Déchéance

Tome 1

Amandine Ré

 

Illustration - mise en page : © Tinkerbell Design

Source image : © 123RF

ISBN : 9782378231460

Collection : Romance, Genre : Dark Romance

 

 

« Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Tous droits réservés. Les peines privatives de liberté, en matière de contrefaçon dans le droit pénal français, ont été récemment alourdies : depuis 2004, la contrefaçon est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende. »

 

 

© Art en mots éditions, 2018

 

Avertissement :

 

Attention livre réservé à un public averti, contient des scènes pouvant heurter la sensibilité de certains. Mystérieux n’est pas un Young-adulte, ou une New-Romance, mais bien une Dark Romance.

Drogues, armes, sang, meurtre, tortures, et sexe ne sont qu’une infime partie de ce contenu.

Les gangs mentionnés dans cette histoire, ainsi que les personnages et les lieux ne sont que le fruit de mon imagination.

Mes anti-héros ne deviendront pas de gentils personnages, encore moins de véritables princes charmants, et ce, en aucun cas.

Le langage est cru, sans détour, et direct ; leurs idées peuvent être misogynes, et leurs propos choquants.

En aucun cas, il s’agit de ma vision sur le monde, encore moins un fantasme rêvé.

Aaron et ses pairs ne sont pas là pour vous faire rêver, mais…

Vous allez adorer les détester.

 

Merci de me lire,

je vous souhaite un agréable moment.

 

Amandine Ré

 

 

 

 

« Je dédie ce livre à mes filles, Maëlys et Eléonore. Si je voulais écrire des livres, c’était pour vous rendre fières, pour vous laisser une partie éternelle de moi.Vous pourriez vous la péter plus tard en clamant

« ma maman, elle était auteur »Trêve de plaisanterie…Vivez vos rêves, quoique l’on vous dise,

peu importe les obstacles. Je vous aime mes pitchounes. »

 

 

 

Prologue

 

« Gamin, si tu savais la vie de terreur qui t’attend… Elle est dure, obscure, et te poussera à te surpasser quoiqu’il arrive. Elle assombrira encore les ténèbres qui rongent ton être, et la vue du sang te sera devenue un quotidien dont tu ne pourras plus t’éloigner.

Tu vivras pour ça, pour faire saigner les petites gens et les effrayer ; tu respireras pour te poudrer les narines et ne jamais rien lâcher.

Des vies, tu en arracheras ; des balafres tu causeras vengeant les vilaines cicatrices sur ton crâne fracturé. Tu deviendras un homme sans pitié, puissant, attisant la jalousie du Sheitan.

 

Mais tu sais mon grand, la difficulté de cette vie qui t’attend, est de ne pas te perdre. Reste-toi, avec ces rêves de gosses qui t’font sourire la nuit, avec ton rire qui fait frémir ta mère et surtout, n’omets pas que chaque être humain sur cette terre a le droit de connaître ce qu’est l’amour fou, l’amour d’une vie, l’amour d’autrui.

L’ancien toi n’est plus. Idriss est mort aujourd’hui pour faire place à ce mec que j’aime voir devenir aussi malveillant que A. Bienvenue parmi les Cobra, Crew ».

 

Chapitre 1 – Crew

Corps en sueur, souffle saccadé, et yeux brouillés de larmes que je me force à retenir, je fixe le plafond. Elle détesterait l’homme que je suis devenu. Parce qu’elle aimait le rire franc du gamin que j’étais, elle aimait son regard téméraire et tellement insouciant en même temps.

De gosse paumé, je suis devenu meurtrier avéré.

Ma mère est morte quand j’avais dix ans, rouée de coups, puis exécutée pour avoir osé demander son dû à un proxénète qui profitait d’elle et de son cul.

Son décès m’a plongé dans un monde de délinquance, loin de la douceur avec laquelle elle saupoudrait mon enfance. J’ai vécu avec mon père, qui avait plus d’amour pour son Bourbon que pour son mioche.

Lassé de ma vie morne, blasé d’être ce rejeton sans amis, esseulé dans ma piaule qui puait la pisse, je passais mes soirées derrière la fenêtre, à rêver de l’existence trépidante que j’aurais si j’étais un gangster.

Les Cobra traînaient chaque nuit dans la ruelle qui longeait l’arrière de la baraque dans laquelle je vivais, et Bugsy, le chef me faisait plaisir en m’octroyant un signe de la main. Tous ses hommes l’imitaient, parce qu’ils avaient pris l’habitude que je sois là.

Durant des années, une partie de mes nuits leur était consacrée, à les épier avec envie, à frémir quand ils étalaient leurs artilleries sur les capots de caisses démentes.

Je n’aurais raté ça pour rien au monde, petit spectateur que j’étais, admirateur de ces hommes fourbes et tatoués.

Un mec plus jeune que les autres y était, et son regard noir me passionnait autant qu’il m’impressionnait. Il avait mon âge, j’en étais sûr, et pourtant sa façon d’être me donnait l’étrange sensation de n’être qu’un moins que rien face à sa prestance, face à son aura de tueur. Il était grand et tout en muscles, tatoué sur les mains et dans la nuque. Il assurait derrière un volant alors que je n’avais aucune idée de comment démarrer une bagnole.

J’étais complètement fan de ce qu’il dégageait. Je voulais que ce soit mon pote. Qu’il m’apprenne à devenir aussi impressionnant que lui. Je voulais qu’on me respecte comme lui.

J’ai su que les Cobra seraient ma famille le jour où ils m’ont ramassé dans la mare que mon sang formait autour de mon corps, qu’ils ont défoncé la gueule de mon père et qu’ils m’ont transporté jusqu’aux urgences de Logen.

Chaque jour Bugsy était venu à mon chevet. Il ne me parlait pas, ne me tenait pas la main, ne m’embrassait pas, non. Mais sa simple présence était une dose de réconfort.

Jusqu’au jour où Poings Tatoués avait débarqué dans ma chambre stérile, veste en cuir sur le dos, bonnet sombre sur le crâne. Je me souviens d’avoir été nerveux, presque pétrifié sur mon lit tandis qu’il s’avançait vers moi. Il s’était présenté, ne m’octroyant pas sa main tendue et cette initiale qu’il m’énonçait allait m’apporter tout ce dont j’avais espéré : un ami, un frère, une famille.

Mon enfance ne m’avait pas épargné, mais mon futur allait enfin avoir un sens, grâce à eux, Bugsy et A.

Ça fait exactement deux jours que je suis sorti de taule. Deux longs jours que je suis rentré chez moi. Je pensais naïvement que Jenny serait là, qu’elle n’avait juste pas eu le cran de venir me voir au parloir, par peur de trop souffrir, mais non. Elle est belle et bien partie, emportant avec elle toutes ses affaires et quelques-unes ne lui appartenant pas. Au fond de moi, je le savais qu’elle s’était barrée, mais je refusais de croire qu’elle foutait à la poubelle six ans de vie commune comme ça, pour six années et demie derrière les barreaux.

Ça ne m’a pas broyé le cœur, parce que je m’en doutais, ça a juste confirmé ma crainte de me retrouver sans rien, et plus seul encore que je ne l’étais déjà. Sale pute.

Je finis par me lever, même si le soleil continue de pioncer. Faut que je me bouge si je veux retrouver un semblant de vie. Je file vers la salle de bains face à ma chambre et prends une douche rapide. En partant, Jenny a embarqué notre plumard. Je dors donc sur un vieux matelas posé à même le sol, et faut que ça change. Je ne peux pas indéfiniment rester comme un con à m’apitoyer sur mon sort, il en est hors de question. Surtout que Aaron m’a chargé d’une mission bien précise : redresser notre business.

Rien n’est perdu, nous avons notre réputation à Logen et ailleurs ; les petits consommateurs reviendront toujours vers leur meilleur fournisseur, c’est avec les gros bonnets que ça va être plus compliqué. Parce que je suis tout de même sous surveillance judiciaire, et que je n’peux pas quitter le territoire durant un bon laps de temps. Quelle merde de saleté de justice de merde !

Aaron aurait dû sortir le fric lui aussi, comme le maire l’a fait pour se blanchir le cul et nous faire payer en nous enfermant, mais sa témérité l’a poussé à assumer jusqu’au bout son appartenance aux Cobra, nos conneries et délits.

Dehors, l’air est frais, le vent est bien levé depuis plusieurs heures faisant rouler une canette sur le trottoir. Je l’écrase de mon pied lorsqu’elle arrive à moi, et m’allume une clope, en observant la rue.

Rien n’a changé en presque sept années, pourtant tout me semble différent. Les baraques sont toujours aussi moches et sales, les tacots longeant les trottoirs sont identiques, ou presque, et les mauvaises herbes dans les rigoles m’arrivent quasiment au-dessus des chevilles malgré l’hiver qui pointe le bout de son nez. Certains voisins m’épient derrière leurs rideaux, croyant probablement être discrets, et pour les emmerder, je leur adresse un signe, les faisant disparaître de leurs fenêtres. Je remonte ma capuche sur mon crâne, et enfonce mes mains dans les poches de mon pantalon avant de me mettre en chemin.

Je trace jusqu’au hangar qui a abrité durant de longues années les Cobra et c’est avec un pincement au cœur que j’arrache les scellés avant d’ouvrir la porte pour m’y enfermer.

Plongé dans le noir, je m’adosse contre le mur et respire cet air chargé de poussières. Ça va aller, mec. Je ne suis pas censé avoir autant de mal, ni même avoir peur de relancer la machine seul, pourtant, c’est le cas. Parce que je n’ai jamais été un meneur. Je suis arrivé jeune dans le gang. J’ai d’abord été guetteur. Je prévenais les grands de la venue des flics en sifflant à l’entrée du quartier de la tour F. Puis, je suis devenu un sbire, et je le suis toujours resté. J’aime mieux suivre les ordres qu’en donner, j’ai besoin qu’on me dicte ma conduite pour ne pas partir en couille. Sauf qu’il ne reste plus que David, Dam, et moi.

Je retiens mon souffle en pressant l’interrupteur. Plus aucune bagnole, plus aucune caisse en carton si ce n’est celles qui sont retournées, vidées sur le sol. Des tas de papiers jonchent le béton, les canapés sont éventrés. Putain, on n’a vraiment plus rien si ce n’est cet endroit vide et dégueu. Je grimpe les marches pour accéder au loft. Les flics ont laissé la porte entrouverte. Triste spectacle ici aussi. Vide. Juste une cuisine à l’évier dégueulant de vaisselles moisies, un cendrier posé à côté plein de mégots et un matelas ouvert à la lame. Quel merdier ! Va falloir que je gère ça, si j’en ai le courage, mais là n’est pas ma priorité.

Je dois avant tout avancer, me trouver un portable, et de quoi poser mon cul dans ma propre baraque. La suite attendra bien.

Je me dirige vers la sortie quand un bruit au rez-de-chaussée attire mon attention.

La main en suspend sur la poignée de la porte, je cesse de bouger pour écouter.

— Je pense que ça doit être des squatteurs… Les Cobra sont encore en taule pour un bon bout de temps. Une voix féminine retentit dans le hangar, piquant ma curiosité.

— Oui, oui, je me dépêche ! Écoute, c’est toi qui m’as envoyée ici non ? Justement !

Elle s’énerve la nana. Parfait.

Sa voix n’est plus, pourtant ses pas sur les papiers au sol se font toujours entendre. Silencieusement, je fais marche arrière, me hisse sur la pointe des pieds et ouvre la hotte de la cuisine, satisfait que ces enfoirés de flics n’aient pas découvert cette arme.

Elle est parfaitement chargée, je descends à la rencontre de cette intruse.

Chapitre 2 – Kendra

Le hangar des Cobra est on ne peut plus désert. Je caresse du regard cette table basse improvisée à base de jantes en alu, avec l’idée malsaine de la ramener chez moi. Steven me tuerait si je faisais une chose pareille.

Lui et moi, c’est une longue histoire bien compliquée, faite de hauts et de bas, surtout de bas. Nous nous connaissons depuis le collège, et comme nous habitions la même tour, un rapprochement entre nous a été inévitable. À mes quatorze ans, j’étais secrètement amoureuse de lui et de ses grands yeux bleus. Il me faisait rire, rêver, et il embrassait à merveille.

Dix ans plus tard, je suis devenue sa femme, sa « régulière » comme il aime le dire, cette nana qui a plus de droits que les autres, cette nana qu’il est censé aimer avec dévotion et passion. Mais ses sentiments pour moi sont bien enfouis sous la carapace de dur qu’il se forge, parce que chez les BlackD les femmes n’ont pas leur mot à dire. Nous sommes toutes là par amour. Rien d’autre. Aucun job important ne nous est confié. Pour nous occuper, nous nettoyons et préparons le repas.

Alors que je pensais vivre un conte de fées à son bras, je vis de coups et d’insultes parce que j’ai une trop grande gueule que je ne parviens pas à fermer.

Le voir se vider les couilles auprès de Shana, la plus grosse pute du gang me dégoûte.

« Mais tu comprends, Kend’, c’est la sœur de Dreck ! Alors ferme ta bouche » me raille ma conscience.

Je suis sa femme, je devrais être la seule à m’allonger sous lui, à le chevaucher. Je rêve qu’il n’ait d’yeux que pour moi et qu’il me dise « viens, on se barre ».

La mort de Bastian lui a donné des ailes dans le dos, puisqu’il est devenu le bras droit de Dreck.

Il ne vit que pour le gang, assoiffé d’oseilles et de drogues.

Plus, toujours plus.

C’est la devise des BlackD, et l’incarcération des Cobra leur a été plus que bénéfique.

Si mon père me voyait d’où il est, s’il connaissait mon mode de vie instable et merdique, il me hurlerait de fuir, il tuerait Steven de ses propres mains, il se retournerait dans sa tombe. Sauf que la fuite n’est pas envisageable quand on est la femme d’un gangster et tant que je serais en vie, je n’ai aucune issue de secours.

Accroupie, je ramasse un papier chiffonné sur le sol, et y lis les quelques annotations.

Ça ressemble à un mot d’amour, mais l’encre y est partiellement estompée, me compliquant la lecture.

« … tellement désolée… retrouve-moi là-bas, je ne parviens pas à vivre sans toi… je t’aime éperdument Aaron ».

Les mots écrits par cette nana folle de son Aaron, m’arrachent un sourire de compassion, même si je devrais crever de jalousie que son mec accepte ce genre de choses quand le mien me tabasserait si je me permettais une telle gaminerie.

Parce que ce A que je ne connais que de nom et de rumeurs, n’a pas le même fonctionnement en amour que chez nous à ce que je voie.

Une seule fois j’ai osé dessiner un cœur, et plus jamais je ne m’y risquerais.

— Un coup de main ?

Je sursaute et tombe sur les fesses, quand une voix grave me surprend.

Le mec au crâne tatoué devant moi pointe son flingue dans ma direction, et je retiens mon souffle, soudainement paniquée.

— Je…

— T’es qui toi ? T’es chez moi ici !

L’homme hurle, et mes mains deviennent moites tant je suis nerveuse.

— Je vais partir, balbutié-je. Je vais y aller.

Son regard sombre me fixe intensément, ses yeux marrons qui se baladent sur mon corps me foutent mal à l’aise, sa carrure imposante m’impressionne.

— Je t’ai demandé qui tu étais !

— Kendra ! Je m’appelle Kendra ! Laisse-moi repartir s’il te plaît.

Je lève les mains devant moi, pour lui montrer que je ne suis pas armée, et que je ne vais pas lui sauter dessus pour l’abattre.

— Tu parlais à quelqu’un, aboie-t-il. Qui ?

— Mon mec !

Le mastodonte glisse son arme sous son pull, la coinçant dans son pantalon et s’approche de moi, l’air vorace sur le visage. Il s’accroupit, et se gratte la fine barbe qui ombre ses joues en ne me quittant pas des yeux.

— Je suis désolée, je ne savais pas que c’était habité, mens-je.

— BlackD, ricane-t-il.

Mes joues s’empourprent, mais je réfute.

— Non.

— Hum… Hum… Ne me prends pas pour un con, Kendra.

— Je…

Putain il m’a grillée en deux secondes, même pas !

— Je vais devoir y aller…

— Crew.

Mes sourcils se froncent, mes lèvres s’entrouvrent de stupéfaction quand il me tend une main.

— Crew, d’accord, réponds-je en me relevant sans prendre cette main tendue.

Nous ne sommes pas potes, mais ennemis.

— Kendra, la prochaine fois que ton mec voudra venir fouiller ici, dis-lui de ne pas envoyer sa jolie copine. Parce que la laisser seule avec un homme qui rêve de se mettre une nénette sous la dent, ce n’est pas très intelligent.

Mon dieu. Et moi, si je n’étais pas la nana d’un type bien trop dangereux, je le laisserais me croquer de ses dents parfaitement alignées. Je passerais mes mains sous ce pull pour toucher la série d’abdominaux que je devine et j’embrasserais cette bouche bien dessinée. Merde. Je dois dérailler, devenir folle à cause du danger qui émane de ce type parce que jamais je ne penserais cela si j’étais censée.

— Va te faire foutre, connard, sifflé-je.

Crew ricane encore et mon épiderme se couvre de frissons, me jetant un froid glacial sur ma conscience. J’avance, pour le dépasser et me barrer le plus vite possible loin de cet énergumène, mais ses doigts s’enroulent autour de mon bras, m’attirant presque contre lui.

— On se reverra, Kendra, j’en suis certain.

Je me dégage de sa prise, et trace rapidement jusqu’à la porte sous son rire.

Je fais les cent pas dans la cour de notre maison. Je suis nerveuse. Steven discute avec les mecs ce qui me soulage, parce que l’affronter quand mes pensées sont dédiées à un autre, ça n’a rien de bon pour moi. Je finis par m’asseoir et ferme les yeux. Son sourire féroce me revient en tête, ses iris noirs, et sa voix de crooner. Et si… Et s’il m’avait tuée ? Après tout, j’étais chez lui, dans l’antre du gang adverse de la ville, là où je n’aurais jamais dû mettre un pied.

— Ça va, Kendra ?

Devant la porte du bâtiment, Loreïla m’observe, un sourcil haussé.

Ses longs cheveux blonds retombent sur son épaule dénudée alors qu’il ne doit faire que trois degrés au grand maximum.

— Ouais, pourquoi ?

— T’as l’air… Stressée… Enfin, je ne sais pas ?

Je secoue la tête par la négative.

— Non, juste fatiguée. Je pensais à aller dormir une petite heure…

Loreïla s’approche de moi, et me prend la main, un sourire sur le visage.

— Même pas en rêve. Nous préparerons le repas et deux jolies mains en plus ne seraient pas de trop pour nous aider.

Malgré mon soupir, j’acquiesce. Cette nana est la femme de Dreck, notre chef. J’aimerais dire qu’elle est aussi pourrie que lui, mais je mentirais. Elle est la douceur incarnée, la sagesse dans cette maisonnée de dingues, la maman qu’il nous manque à tous.

— Tu sais bien que si t’as le moindre souci, tu peux m’en parler, n’est-ce pas.

— Oui, je sais, mais je vais bien, cesse de t’inquiéter.

Je presse ses doigts entre les miens, comme si ça allait apporter du poids à mes mots et je rentre.

Dans la cuisine, une vraie cohue. Les nanas préparent un plat de pâtes et de la sauce tomate. L’odeur de la viande qui cuit est divine, et m’ouvre déjà l’appétit. J’ignore volontairement Shana, qui est ma concurrente numéro un.

Avec sa taille mannequin et ses grands yeux verts, elle a fait fondre Steven en un seul clin d’œil, et si j’étais honnête avec moi-même, je le comprendrais. Elle est belle, sublime même, et a tout ce dont je rêverais, ce qui me fait complexer, et surtout… Elle a le sang des BlackD. Si Steven et elle, sortent ensemble, je suis certaine qu’il gagnerait le statut de chef haut la main le jour où la place serait à prendre. Je ne suis pourtant pas moche, loin de là, je suis plutôt longiligne, une jolie poitrine, et mes yeux légèrement bridés me donnent un air asiatique qui détonne avec mes origines purement américaines. Adolescente, j’ai noirci ma peau d’encre pour provoquer mes parents, pour leur prouver qu’ils n’avaient pas le monopole sur la gamine que j’étais.

Un mec de la cité tatouait dans son garage, avec une machine qui faisait plus de bruit qu’un tracteur, et qui fonctionnait une fois sur deux. Le premier dessin fut une rose, sur mon bras droit, et les autres ont suivi me recouvrant une partie des jambes.

Aujourd’hui, je n’assume plus tous ces tatouages. J’en ai beaucoup trop, partout, même mon visage en comporte un, puisqu’un « S » est encré sous mon œil droit. Je pourrais les faire enlever, un par un, mais je n’ai pas la force d’affronter les remontrances d’un médecin qui prendrait peur en voyant une gamine de vingt-quatre piges dans cet état.

Je me lave les mains, et me fais une place entre les filles pour rouler la viande hachée entre mes paumes. La discussion va bon train entre elles, parlant de performance au pieu de leur chéri et je stresse d’entendre Shana nous vanter celles de Steven. Parce que même si tout le monde sait ce qu’il se passe entre eux deux, ça n’en reste pas moins blessant pour moi qui ne peut pas réagir.

Pourtant, ce n’est tellement pas moi de me taire et de me laisser faire. Mais depuis l’intégration de Steven dans les BlackD, j’ai appris à m’effacer, pour éviter sa colère et les coups qui en découlent. Je sais qu’un jour ou l’autre, je péterai un câble, et que je signerais mon arrêt de mort par la même occasion.

Lorsque les hommes débarquent, ils prennent place autour de la table en chêne, dans la salle à manger. Je dépose la marmite de pâtes et Steven s’assied, me donnant une tape sur les fesses. Je m’installe à ses côtés, et laisse Shana nous servir.

— Faudra qu’on parle, Kendra.

— De quoi ? demandé-je en feignant l’ignorance.

Je tends son assiette, évitant absolument son regard qui doit probablement être menaçant, et souris à Loreïla qui a compris mon jeu.

— De ta façon de me parler au téléphone, souffle-t-il contre ma joue.

Je devrais lui dire ce que j’ai sur le cœur, l’envoyer se faire foutre une bonne fois pour toutes, mais j’en suis incapable. Parce que sans lui, je ne suis rien, sans lui je n’ai aucun endroit où me réfugier, ni plus aucune raison de vivre. Alors je hoche la tête, ravalant ces maudites larmes et dépose son assiette.

Dans la chambre, je l’attends. Je voudrais que ce soit de pieds fermes, mais c’est faux. Je tremble, je panique quant à la teneur de cette discussion. Steven n’est pas du genre à prendre des gants pour parler.

Je tourne en rond dans cette pièce qui embaume la clope, sur cette moquette sombre et tachetée. Je ramasse un pull et le balance sur le fauteuil qui trône dans un coin juste avant qu’il n’entre.

La porte claque derrière lui, mon regard noir croise ses yeux verts qui me toisent. Je déglutis violemment, et contiens la rage qui noie mon être. Si j’étais entièrement libre de mes mots, je lui hurlerais que j’en ai ma claque de vivre ici, parmi ces gens que je ne blaire pas. Je lui cracherais que j’en ai marre d’entendre Shana se vanter d’avoir baisé avec lui. Mais je me tais, me contentant de l’affronter du regard.

— Alors ? siffle-t-il.

J’ose relever un sourcil, le provoquant même si je suis morte de trouille.

— Alors quoi ?

— Tu es inconsciente de t’adresser à moi ainsi, Kend’.

Je ricane, dégoûtée.

— Sais-tu que pendant ma fouille du hangar, je suis tombée sur un type quatre fois comme moi ? Sais-tu que j’étais morte de peur, hors de moi ? Et s’il m’avait butée ? Et s’il me cherche pour le faire ?

— T’es vraiment conne quand tu t’y mets, rit-il froidement. Tu serais déjà crevée s’il voulait te tuer. T’es là, c’est parfait.

Il s’avance vers moi et la bile envahit ma gorge. Je ne comprends pas pourquoi il ne s’inquiète pas, pourquoi il ne me demande pas ce qu’il s’est passé, ou si du moins l’autre molosse tatoué s’en est pris à moi.

— Dorénavant, je n’irais plus dans leurs quartiers, dis-je. Vous vous démerderez sans moi !

Sans que je ne le voie venir, Steven me pousse contre le mur derrière moi. Ses mains encerclent ma gorge, ses iris plongent dans les miennes.

— Je t’ai déjà dit que t’allais ravaler ton caractère de merde ! Tu te prends pour qui ? Tu n’es qu’une meuf, tu n’as pas ton mot à dire !

Mes yeux se brouillent de larmes, et je les clos pour fuir son regard assassin.

— Je n’aurais pas dû prendre une nana aussi conne, aussi pute et moche que toi, souffle-t-il. Mais t’étais là, à me coller au cul, et j’ai su que j’obtiendrais tout de toi dès que t’as écarté les cuisses. Dommage que ta grande gueule ne veuille pas se faire la malle, parce qu’elle gâche presque tout…

Il parle en desserrant ses doigts, il débite ses mots à une allure hallucinante, me charcutant l’âme. Mais je ne l’écoute plus, je le laisse me bousiller.

— Je n’en peux plus, chuchoté-je en contenant mes sanglots. Tu baises avec elle, avant de venir te coucher auprès de moi… Tu m’insultes, me blesses, me frap…

Je me tais tandis que la fureur émane de chacun de ses pores, craignant d’en dire trop.

— Ferme-la et assieds-toi !

Sa voix est sèche, tranchante. Comme à l’accoutumée, il ordonne et j’exécute.

— Bouge pas de là où je te défonce la gueule.

Il sort de la chambre, me laissant seule, dans l’incompréhension la plus totale. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais je sais qu’il ne sera pas radieux pour moi. Ouvrir mon cœur à Steven ne sert à rien. Il prend tout ce que je lui offre, et me donne en retour la souffrance accompagnée de poussières de tendresse quand bon lui semble. Le reste n’est que douleur, coups, mots qui fâchent et regards noirs. Est-ce ça l’amour ? Je ne pense pas, mais dans le fond, je n’en sais rien. Il est le premier à partager ma vie, il sera le dernier.

Je suis seule, je devrais me lever, enfoncer mes affaires dans un sac et partir. Mais je n’en ai pas la force, je n’en ai pas le courage. La peur de représailles m’empêche d’agir, la peur de mourir seule dans une flaque de sang aussi.

Des rires et des chuchotements dans le couloir se font entendre, attisant ma colère et mon amertume. Jo pousse la porte, et me contemple d’un œil vif. Du haut de ses deux mètres, il m’a toujours impressionnée, tétanisée. Et la réputation qui l’accompagne ne calme pas mes craintes : traqueur, violeur, assassin. Il a à lui tout seul ce qu’il existe de pire.

Je retiens ma respiration quand il se positionne devant moi, et que d’un coup sec il avance le fauteuil. Son haleine fétide me fouette la joue lorsqu’il se penche vers moi, et qu’il souffle en prenant son arme :

— Prête pour le spectacle ?

Mon silence lui répond, ma répulsion me fait taire, me fait rêver d’un départ que je veux proche. Spectacle de quoi ? Plus rien ne peut autant m’atteindre que les paroles de Steven, plus rien ne peut encore plus me faire mal que son regard de dégoût sur mon corps.

J’ouvre les yeux quand ils entrent dans la chambre, me donnant envie de hurler et de les violenter.

Steven tire par la main Shana, qui elle jubile en sachant ce que je m’apprête à vivre.

Il n’osera pas… Il ne peut pas me faire ça, comme ça… Il la relâche devant notre lit, et me sourit diaboliquement avant de s’adresser à Jo.

— Si elle ferme les yeux ou détourne sa grande gueule, tu l’achèves.

— Je… Quoi ?!

Je crie, je me lève, horrifiée. Une main puissante me cloue au siège, un canon froid se colle contre le sommet de ma tête, des rires résonnent dans la chambre.

Shana se fout à poil, sans même qu’il le lui demande. Les larmes coulent sur mes joues lorsque Steven empoigne ses fesses et qu’il l’embrasse à pleine bouche.

— Arrête… Je t’en supplie…

Je pleure, je l’implore de ne pas m’infliger ça, mais mes mots restent qu’un douloureux écho. Il n’y a plus qu’eux qui se touchent, qui se caressent, qui gémissent. Jo ricane dans mes oreilles, me rendant l’image plus dure encore.

Shana s’agenouille sur le lit, alors que Steven se déshabille. Nu, il s’approche d’elle qui me regarde le sourire accroché aux lèvres.

— T’as vu comme il bande ? commente-t-il.

Elle le prend dans sa bouche, et je geins sous la torture.

— Tu vois Kend’ ? vocifère celui que j’aimais, ça c’est de la pipe !

La nausée me broie les tripes lorsqu’il pousse Shana sur le matelas, avant de la retourner sur le ventre. Ses mains relèvent son cul vers son sexe, et il l’empale sur lui. Elle crie de plaisir, je vomis de désespoir.

Jo me tire par les cheveux pour me redresser la tête, et je vomis encore en le voyant la baiser comme si je n’étais pas là, en les entendant hurler de jouissance, en appréhendant chacun des claquements de leurs peaux.

Je n’ai pas bougé du fauteuil même quand ils ont eu fini de baiser.

Elle dort là, à ma place.

Dans mon lit.

Jo est parti avec Steven, qui ne m’a pas adressé un seul regard ni un seul mot après s’être vidé en elle. Je me sens impuissante, inexistante.

Si je pensais avoir connu les pires souffrances qu’il puisse exister, je me trompais. Celle-ci est la plus ignoble de toutes celles qu’il m’a fait subir, est la plus terrassante.

Mon pull baigné de vomis, mes joues brûlantes de larmes et les yeux douloureux, je hoquète. Mes sanglots s’espacent, mon souffle se fait plus calme.

Le « spectacle » m’a dévastée, m’a assassinée. Je revois encore et encore ces images de leurs corps ne faire plus qu’un, je ressens encore la violence de leurs respirations erratiques.

C’est fini. Je ne peux plus rester ici, à vivre cela. Combien de fois encore va-t-il la prendre sous mes yeux ? Combien de fois va-t-il encore me dire avec tellement de force que je ne suis qu’une imbécile ? Parce qu’il a raison dans le fond… Une autre l’aurait égorgé pour avoir fait ça.

Ma mère avait l’habitude de me dire que la violence ne réglait rien. Elle n’avait pas entièrement tort puisque la menace de violence et les flingues sur une tempe anéantissent beaucoup de personnes qui se battent pour être fortes.

— Oh !

Je sursaute quand Steven fait son retour. Mon corps tremble, mes oreilles bourdonnent. Shana fait un bond, faisant glisser les draps de sa poitrine. Il ramasse sa robe et lui balance.

— Dégage. T’as ton pieu, non ?

Elle bredouille quelque chose d’incompréhensible et je me morfonds un peu plus. Je la hais, mais je préférais qu’elle reste pour qu’il ne s’approche pas de moi. Elle enfile sa robe, se lève et sort sans un regard, pensant probablement que je me réjouis de la voir se faire jeter.

— T’es dégueulasse, siffle-t-il en détachant ses chaussures. Tu pues la gerbe. Nettoie cette merde et va te laver.

Je devrais lui obéir, me lever, aller prendre un seau et frotter le sol avec autant de conviction qu’il le voudrait. Mais je suis paralysée, complètement anéantie par la soirée.

— T’es bouchée ou quoi ?

— Je te déteste…

Ma voix n’est que murmure, son rire n’est qu’une torture de plus.

— Tu ne diras plus ça quand je te ferai nettoyer ma bite, Kend’. Grouille-toi, j’ai pas que ça à foutre de t’attendre.

— Je vais partir… Quand tu ne t’y attendras pas, mais je partirai…

Assis sur le lit, il cesse de bouger, ses yeux me fixent intensément.

— T’es certaine ? me nargue-t-il.

Mes mots se coincent dans ma gorge, ils refusent de sortir. Mais mon corps ne se trahit pas puisque j’acquiesce.

— C’est ce qu’on verra, sourit-il.

Il se lève, et s’avance. Je ne le quitte pas des yeux, sachant pertinemment qu’il n’en a pas fini avec moi. Je viens d’aller trop loin en lui affirmant mes plans, il a été trop loin en me bousillant.

— Et tu comptes faire quoi de ta vie ? T’es moche, t’es bête et t’as pas un rond. Tu pensais quoi ? Qu’un gentil samaritain allait t’héberger ? Que t’allais avoir un petit job miteux et que t’allais recommencer ta vie ailleurs ? Mais tu n’es qu’une merde ma pauvre fille. Une sombre bouse qui sera forcée de me lécher le gland dès que j’aurais fini de baiser encore une fois Shana.

Je gerbe. Encore. Je ne peux plus retenir ces nausées, ni faire comme si ses mots ne m’atteignaient pas. Mon corps me fait comprendre que je suis arrivée à bout de ce que je peux endurer. Je m’écroule sur le sol, je tombe à genoux dans la flaque que je viens de remettre, je grimace quand il se moque.

— Laisse-moi partir, le supplié-je. Je veux seulement partir. Je te promets que je ne dirais rien de ce que j’ai vu, je te le promets !

Il s’accroupit, redresse mon visage vers le sien. La dureté de ses traits extermine mes souhaits et mes larmes et suppliques n’y changeront rien.

D’un revers du bras, il me balaie sur le sol et écrase mon visage dans le vomi.

— Tu restes ou tu crèves.

Chapitre 3 - Crew

Après avoir récupéré une caisse planquée dans un des garages de Dam, je file chez David. Il a seulement écopé de trois ans de prison avec sursis, rien comparé à mes six années fermes. Je me doute qu’il doit encore avoir quelques contacts avec nos fournisseurs, avec nos clients. Et c’est absolument ce dont j’ai besoin pour avancer.

Le pied lourd sur la pédale d’accélération, je roule à travers la ville. Un rire s’échappe de mes lèvres, tant je suis empreint d’un putain de sentiment de liberté. La pluie qui s’abat sur le pare-brise devrait me miner le moral, et pourtant, j’ai l’impression que rien ne pourra entacher ma journée.

Vivre en prison n’a rien de spectaculaire. Certains sont persuadés qu’on y est tout de même bien, que nous jouissons de tout le nécessaire, que nous avons des cellules parfaites avec console de jeux, télévisions ou encore ordinateurs. Mais il n’en est rien.

Un lit, une cuvette, et un évier ; une table et une chaise soudée au sol. Une console disponible dans une salle de repos. Une console, pour deux cent quarante hommes en quête de divertissement, autant dire que je n’y passais pas de temps.

Les sorties au préau sont l’unique répit de nos journées. On court après un ballon, on fume une clope payée cinq fois le prix normal en bavardant avec d’autres détenus, ou en se foutant de la gueule des plus faibles.

Les bastons entre les condamnés éclatent chaque jour, les plateaux-repas volent dans la tronche des autres, les gardiens se mangent de mauvais coups qui entraînent à chaque fois de nombreuses manifestations.

Incontrôlables, bestiaux, anormaux, voilà ce que nous devenons à force d’enfermement et d’ennui. La taule n’est pas une sinécure, elle n’est pas censée l’être de toute façon, mais elle n’est pas censée non plus être ce lieu où face à la neurasthénie, les cafards que nous étions mutons en des créatures plus voraces encore.

Aaron et moi passions notre heure de « liberté » à la salle de sport. Il se défoulait dans les sacs de frappe, injuriant l’absence de sa femme, pendant que je poussais de la fonte pour me convaincre que la mienne ne m’avait pas quitté. Ensemble, nous prévoyons déjà nos futurs plans : récupérer sa femme, rattraper la mienne et rebâtir l’empire des Cobra sur les fondations en ruines que l’état nous avait laissées.

Il a encore un mois et demi à tirer derrière les barreaux ; il m’en reste autant pour nous remettre sur pieds.

Lorsque j’arrive devant la vieille baraque de David, je coupe le moteur et aspire longuement sur ma clope. L’ambiance est toujours aussi pathétiquement pourrie que chez moi : ciel noirci de nuages chargés, trottoirs et rigoles pollués, briques grises de poussières. Le volet en vieux bois sali est toujours fermé, aucune lumière ne passe par la vitre de la porte d’entrée. L’horloge du tableau de bord indique qu’il est passé dix-huit heures, et je rumine d’avoir passé ma journée à ne rien foutre si ce n’est de sombrer dans mes souvenirs. Je recrache la fumée dans l’habitacle, la chasse d’un revers de la main, et ouvre la portière de la voiture. Nous sommes en novembre, la neige menace de tomber à chaque instant, pour le plus grand bonheur du gamin qui sommeille en moi.

Fermeture de veste remontée à son maximum, bonnet tiré sur la tête et paumes qui se frictionnent en quête de chaleur, je grimpe les deux marches en béton avant de tambouriner à la porte.

J’attends, regardant d’un côté et de l’autre de la rue. Je suis pressé d’avancer même si le stress me bouffe. Du bruit se fait entendre de l’intérieur, pourtant on ne m’ouvre pas. Je refrappe du poing sur le bois avant de me pencher vers la fente de la boîte aux lettres. J’y colle mes lèvres et hurle :

— David, je te jure que si tu ne viens pas ouvrir, je défonce cette porte à coups de pieds et te défonce la gueule dès que je te trouve !

Un cri étouffé, des pas qui résonnent à l’intérieur, la porte s’ouvre enfin. La nana qui me fait face est blafarde, jolie malgré son regard noir. Elle m’est surtout inconnue, et enceinte jusqu’au cou.

— David n’est pas là.

— Il est où alors ?

— Je ne le connais pas, répond-elle.

Sourcils froncés, j’enlève mon bonnet et le serre dans mes poings avant de me passer une main sur le crâne.

— T’as dit qu’il n’était pas là.

D’un coup d’épaule, je la pousse pour entrer dans la maison. Elle crie, tente de me retenir par le bras pour que je cesse de marcher à travers ce couloir étroit.

— Il n’est pas là ! Sors de chez moi ou j’appelle les flics !

Je pousse les portes qui se présentent à moi, et m’arrête lorsque nos regards se croisent.

L’odeur se dégageant du salon est immonde tant la marijuana enfume l’espace.

Il est avachi dans un canapé en tissu beige noirci sur les accoudoirs, une gamine endormie sur ses genoux.

— Qu’est-ce que tu fiches là, Crew ?

Sa voix grave et sèche à la fois me prouve à quel point ma visite ne le ravit pas. Sous le regard de David, je m’avance dans la pièce, m’installe dans le fauteuil vide et le toise :

— Sérieux ? T’as des gamins, maintenant ?

Il ricane, et hoche la tête avant d’observer la nana en cloque debout dans l’embrasure de la porte.

— Va coucher la p’tite, et fais-nous un thé.

Elle acquiesce et soulève l’enfant avant de sortir de la pièce. Nous ne sommes plus que tous les deux, à nous lancer des éclairs de nos yeux.

— Alors ?

— Alors quoi ? soupire-t-il. Les choses changent en six ans.

— Mais pas les gens, affirmé-je. Tu n’as jamais été fait pour vivre une vie aussi morne que celle d’une famille.

Il rit, mais je suis on ne peut plus sérieux.

— Les Cobra sont morts le jour où nous avons été embarqués. Je suis sous contrôle judiciaire, mec ! Tu ne te rends pas compte de ce que ça implique pour moi !

— Genre fumer des splifs dans ta baraque pourrie en présence de ta gosse ? N’importe quoi, me moqué-je. Les Cobra ont toujours existé, d’aussi longtemps que je m’en souvienne. On va redresser notre royaume. Mais seul, je n’y arriverais pas.

David ramasse son paquet de tabac sur la table basse, prend une feuille et sa beuh. Ses mains tremblent lorsqu’il porte le tout à sa bouche pour lécher le bord de la feuille et qu’il roule son joint avant de l’allumer.

— T’as envie de retourner derrière les barreaux ? T’es cinglé Crew. Trouve-toi une femme, fais-lui des mioches et vis ta vie sagement. Les BlackD ont mis la main sur le marché, ont récupéré nos clients. T’as rien mis à part ce hangar.

Intérieurement, je me marre. S’il pensait qu’A ne prendrait aucune précaution pour nous, il se trompait.

— J’ai du fric. Beaucoup, beaucoup de fric. Je dois juste trouver un portable, et me rendre chez Ahmed. Après le tour sera joué. T’es de la partie ?

Il jure, tire sur son cône avant de recracher la fumée au plafond. Nous nous taisons quand sa femme revient dans la pièce, un plateau chargé d’une théière et de tasses dans les mains.

Elle fuit mon regard, cherche dans celui de son mari un réconfort qu’elle n’obtiendra pas.

— Combien ? demande David.

— Cinq millions deux cent mille. De quoi redémarrer gentiment.

Il grimace, j’exulte. Il va accepter. L’attrait du pognon est fort lorsque nous vivons dans la misère de Logen.

— Il te faut une bagnole ?

— J’ai celle d’A, réponds-je.

— Parfait. Je te retrouve chez toi demain à quatorze heures.

Je me lève, victorieux. Je serre la main qu’il me tend, en guise d’accord, en guise de promesse : on va y arriver. Le fric va affluer et notre business reprendre.

Dreck a donc pris les commandes de la ville. Je ricane, jette mon mégot par la vitre de la voiture et réfléchis à comment reprendre le contrôle du marché. Dans l’enceinte carcérale, j’avais entendu qu’il était plus redoutable encore que Bastian. Mais j’avais refusé de croire qu’un petit con de sa trempe pouvait gérer seul un gang. Comme quoi, moi aussi je me trompe des fois.

La voiture défile à travers les rues de Logen, et je me perds pour une énième fois dans mes pensées. Je me fais une liste mentale des choses à faire, en tentant de les mettre dans l’ordre :

— Vérifier la planque indiquée par A

— Trouver cette putain de carte bancaire avec ses divers numéros

— Et enfin, me connecter à nos comptes au Guatemala.

Ensuite, il me restera la partie la plus compliquée en étant sous contrôle : le racolage.

Récupérer nos clients exige une grande subtilité, une intelligence hors du commun et une tactique bien précise. Mon plan ? Leur vendre de la meilleure marchandise que celle qu’ils peuvent se procurer pour l’instant. Je couperais moins la came, je leur dégoterais des armes de guerre que nous n’avions pas avant. Je suis prêt à tout pour ériger ce que nous avions perdu.

Certains diraient que je suis complètement fou de me relancer dans cet univers, d’autres hurleraient à la connerie, surtout après six années en taule. Moi, je me trouve génial. Les Cobra sont ma famille, je n’ai pas le droit d’abandonner les miens.

Chapitre 4 - Kendra

Depuis que Steven est parti ce matin, je n’ai pas bougé du lit.

Je n’ose pas.

Pourtant, derrière la porte de la chambre je sais que la vie suit son cours normalement, que mon altercation avec celui que je pensais aimer n’a rien changé pour les autres. Ce que je crains le plus, c’est de croiser le regard de Shana. Elle doit être satisfaite de cette soirée, de ce que j’ai dû endurer. Elle doit se réjouir de me voir débarquer dans la pièce de vie, les yeux rougis et la joue noircie de coups.

Mon corps refuse le moindre mouvement, comme si je n’étais qu’une vulgaire poupée de chiffon. Sur le réveil devant moi, il est indiqué onze heures. Je devrais déjà m’activer et aider les filles au nettoyage des pièces communes, ou encore préparer le déjeuner. Je devrais aussi téléphoner à ma mère et la supplier pour revenir auprès d’elle.

Sauf que si je fuis, ils me tueront.

Un soupir m’échappe lorsque je saisis mon téléphone sous l’oreiller. Mon doigt plane sur la touche « appeler », et j’hésite longuement.

Pleurer auprès de ma mère ne m’apportera rien de bon, si ce n’est ses remontrances pour ne pas l’avoir écoutée.

Lorsqu’elle a su que je m’en allais pour suivre un des voyous du quartier, elle a hurlé. Elle s’est égosillée jusqu’en bas de l’immeuble, me suppliant de réfléchir.

Fière et sûre de moi, je lui ai ri à la tronche, en lui sommant d’arrêter ses gamineries. Six ans plus tard, je me rends compte à quel point j’ai été pathétique de penser que la vie que m’offrait Steven allait être merveilleuse. Il mettait en avant l’argent, le bonheur d’enfin être libre de mes mouvements.

Foutaises.