Storm - Tome 1 - Amandine Ré - E-Book

Storm - Tome 1 E-Book

Amandine Ré

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Beschreibung

Endurci par une histoire familiale difficile, Storm ressort de prison encore plus froid qu'il n'était déjà. Jusqu'à sa rencontre avec Faith...

Lorsque la mort entraîne votre perte, que votre perte vous mène à la vengeance.
Lorsque la haine vous mène à l'amour et que ce dernier vous arrache les tripes.
De mes mains, je me vengerai.
Sur le ring, je l'achèverai.

Plongez dans le premier tome d'une nouvelle série de dark romance, signée Amandine Ré, la reine du genre !


CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Amandine Ré signe là une dark romance envoûtante, poignante, et addictive." - Sandrine, Nostralectio

"Quand la vie te fait pas de cadeau et que tu veux prendre ta revanche. Une belle histoire." - Grdegirafe, Booknode

"La fin de ce premier tome nous laisse toutes griffes dehors prêtent à combattre aux côtés de Storm dans le prochain opus. Va-t-il tout gagner ou tout perdre, j’ai vraiment hâte de le découvrir. Donc Amandine, je te dis à très vite." - Carine-68, Booknode

"J'avais adoré la saga mystérieux, et là, j'ai hâte de découvrir la suite, je pense que l'histoire a beaucoup de potentiel. Deux âmes tourmentées... Du suspense... Vivement le tome 2. Merci à l'auteure." - Gils-Lucas - Booknode

À PROPOS DE L'AUTEURE

Amandine Ré est une jeune auteure belge de 28 ans passionnée par l’écriture depuis la découverte de Wattpad il y a deux ans. La nuit, elle range son tablier de maman au foyer et revêt son costume d’auteur pour faire prendre vie à des héros sombres et torturés, mais pas seulement. Grande fana de jolies romances, elle collectionne les livres.

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Storm

 

 

Amandine Ré

 

Dark Romance

Editions « Arts En Mots »Illustration graphique : © Marion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À Marie, mon amie, mon écureuil, merci d’avoir été ma Faith, d’avoir été son visage.

Merci d’avoir été la première à lire cette histoire, d’avoir été cette personne qui m’a encouragée à aller jusqu’au bout, d’avoir aimé Storm autant que je l’adore. Ce roman, c’est pour toi que je l’ai créé.

Je t’aime l’artiste.

 

 

 

Prologue

 

La lourde porte faite de métal, de barreaux et de grillage se referme derrière moi, laissant sur mes épaules la haine couler, laissant à mon corps la sensation nouvelle et éphémère d’éprouver ce qu’est la liberté.

Cinq ans.

Cinq ans à être enfermé dans cette prison sans pouvoir respirer pleinement, sans inspirer un bol d’air frais et salvateur comme on avalerait une autre goulée d’eau glacée par temps caniculaire.

Il est tard ou pas, je ne sais plus vraiment ce qu’est la vie à l’extérieur des murs qui m’ont emprisonné durant ces nombreuses années.

Tout ce que je sais c’est qu’il est vingt heures.

Pour un détenu, vingt heures n’est rien et est tout à la fois.

Vingt heures veut dire qu’il ne lui resterait que soixante minutes pour se rincer dans la cuvette des chiottes, pour lire une énième page d’un livre déjà lu des centaines de fois, pour gueuler une nouvelle insulte pourtant déjà répétée dans la journée à son voisin de cellule.

Dans la vie d’un homme libre, vingt heures est l’heure à laquelle la soirée va commencer, à laquelle il va s’allonger dans son canapé pour débuter la vision d’un film sans intérêt en s’empriffrant d’un plateau- repas.

Dans mon ancienne vie, vingt heures signait le début de la fin de l’entraînement que je terminais quinze minutes plus tard.

Le ciel est noir, brumeux. Le sol du parking jouxtant le trottoir de la prison de Ojai est couvert d’une fine pellicule de neige, tandis que sur les toits des véhicules y stationnant, la poudreuse a bel et bien pris sa place.

Une volute de fumée, plus épaisse qu’un souffle chaud contrastant dans le froid de la soirée, se dégage d’une voiture, par la vitre entrouverte.

Muray.

Je savais qu’il viendrait me chercher ce soir, et pourtant sa présence arrive à m’étonner.

Sac poubelle contenant mes effets personnels sur l’épaule, bonnet tiré sur le front, j’avance à travers les ténèbres de l’hiver.

La portière de la voiture s’ouvre, et Muray apparaît.

Clope au bec et doudoune chaude sur le dos, le gros avance dans ma direction, d’un pas, de deux seulement avant de froncer les sourcils.

— Ils avaient dit dix-neuf heures, lance-t-il d’une voix sèche. Encore une minute et je me cassais sans toi, Storm.

Un rictus étire le coin de ma bouche.

— Tu ne serais jamais parti sans moi, arrête de grogner.

Muray aspire sur sa clope, attrape le mégot de ses doigts avant de recracher la fumée dans le ciel noir.

— Voir ta sale gueule dehors m’avait manqué, frère. J’ai cru que ce jour n’allait jamais arriver.

Il s’avance, jette la cigarette dans la neige qui fond sous sa chaleur, et me prend dans ses bras. Son accolade, je lui rends franchement.

Muray a été le frère que je n’ai plus, l’unique à se déplacer deux fois par mois pour venir me rendre visite malgré mes ordres lui intimant de rester loin de moi, et ce, durant les cinq années où j’ai croupi ici.

— Enfin libre ma poule, sourit-il en me relâchant.

Les mains sur mes épaules, il arrime ses grands yeux clairs aux miens.

— Prêt à reprendre du service, champion ?

Je secoue la tête, forcé par ma raison alors qu’à l’intérieur, mon âme se voit déjà sur le ring, le poing levé vers le plafond.

— J’ai des choses à régler avant de me pointer à la fédération pour gueuler un coup, et avant de m’en retrouver une meilleure, aussi.

Muray laisse tomber ses bras le long de son corps tandis que je le contourne pour ouvrir le coffre de sa voiture. J’y balance mon sac, fouille dedans pour attraper mes clopes, mon portable à l’écran fracturé, mon briquet.

— Faut que je retrouve ce fils de pute, sifflé-je après avoir allumé ma cigarette. J’ai des comptes à régler avec lui, et crois-moi quand je te dis que le meurtre de mon frère ne se vengera pas de façon loyale.

 

Chapitre 1 Storm

 

Lorsque la voiture de Muray s’arrête dans l’allée de la maison dans laquelle j’ai grandi, je retiens mon souffle. C’est ici que je l’ai vu pour la dernière fois, c’est ici même, sur cette allée de gravier mal assortie avec le reste du quartier, que Wind m’avait poursuivi en hurlant sa haine. Il m’en voulait, et je ne le comprenais pas. À vrai dire, je n’en avais rien à cirer de ce qu’il pouvait penser de ma vie, de ce que je foutais de mes journées.

Wind était le gosse parfait, et ce, depuis toujours.

Calme, généreux, obéissant, studieux, il n’avait rien en commun avec moi si ce n’était notre physique identique, et notre lien de sang.

Moi, j’étais le gosse de trop, le gosse en trop, le gosse qui en faisait trop et pas assez à la fois.

Pas assez zen selon ma mère, pas assez intelligent selon les profs.

Trop nerveux, trop anxieux, trop violent, trop impoli, trop impétueux. Trop dérangé.

Après tout, pourquoi m’en voulaient-ils d’être la signification d’un prénom que je n’avais pas choisi ?

 

Un après-midi, alors qu’une dispute entre ma mère et moi avait éclaté dans la cuisine, je m’étais emporté. Elle refusait de cautionner mon parcours de vie. Pour elle, la boxe était une passion, un sport d’après journée pour se défouler, pas un métier. Le lendemain de cette dispute, planqué dans l’escalier qui joignait les chambres au reste de la maison, je l’écoutais déblatérer celui que j’étais, je l’écoutais se plaindre de mon caractère volcanique auprès de Wind et de sa femme.

« Il n’écoute rien, il m’emmerde Wind, je te jure que je deviens folle avec ce gosse de merde, et honnêtement, il peut crever, ça me fera des vacances ». Ce n’est que lorsque ce traître avait dit : « j’irai parler à Slay, ‘man. Je crois bien qu’il est le seul qui peut empêcher Storm de faire ce qu’il fait, et puis, tu sais bien que l’overdose de Lilly ne l’a pas aidé », que je suis descendu pour lui en coller une.

Slay et Lilly.

Deux sujets qui fâchent ; deux sujets qui blessent ; deux sujets qui m’écorchent au plus profond de mon être.

Le nez en sang, Wind m’avait suivi jusqu’à cette allée. Les rayons du soleil nous fouettaient de leur chaleur. Les graviers crissaient sous nos pas frénétiques, dépéchés et énervés. J’avais ouvert la portière de ma vieille bagnole quand il avait hurlé : « vois ce que t’es devenu Storm ! Tu dois te faire aider, tu n’es plus que coups et violences ! Trouve-toi une femme, une bien cette fois, fais des gosses, aie un vrai job et change, merde ! ».

Je lui avais ri à la gueule, avais craché à ses pieds alors qu’il se tenait à distance de la fureur qui brûlait en moi, et étais monté dans ma caisse avant de démarrer en trombe.

 

— T’es avec moi ou pas, mec ?

La voix de Muray me sort de mes pensées et de ce film que je peux revoir se jouer dans cette allée, comme si ce n’était qu’hier, ou bien une heure plus tôt.

— J’ai l’impression que c’était hier, et à la fois, c’est si lointain que j’en oublie certainement quelques détails.

Muray hoche la tête.

— Ta mère t’attend Storm, je l’ai prévenue de ta sortie et il y a de la lumière dans la cuisine, tu devrais y aller, et nous, on se revoit demain.

Il a raison, elle doit m’attendre, cependant je n’ai aucune envie d’entrer dans cette baraque que j’ai pourtant idéalisée en taule, encore moins de me confronter au regard déçu de ma mère.

« C’est le mauvais fils qui est mort ».

Sa phrase prononcée à son unique visite en prison m’avait achevé.

Quand Muray repart, je reste planté au milieu de cette putain d’allée, le regard perdu sur cette maison qui ne semble plus être mon havre de paix. L’a-t-il déjà été d’ailleurs ?

Entrer ou pas ?

Assumer ou fuir ?

La facilité serait de partir, de ne jamais revenir, d’oublier le passé pour me reconstruire un avenir sans jugement, sans heurts, sans maux à cacher. Le souci étant que même si je partais à l’autre bout du monde, les larmes de cette femme probablement assise sur une chaise dans sa cuisine resteraient un éternel mal que je ne pourrai jamais effacer de ma mémoire.

Je ramasse le sac poubelle à mes pieds, inspire et grimpe les deux marches du patio en vieux bois défraîchi.

À l’intérieur de la maison, le silence régne. J’allume, dépose mon sac contre le mur, juste en dessous de la patère qui supporte bons nombres de vestes et manteaux. L’entrée n’a pas changé. Vaste et claire, son ambiance chaleureuse ne demeure que dans l’énorme tapis beige sur le parquet blinquant. J’inspire une profonde goulée d’air, l’avale, la savoure tout autant que ces odeurs qui m’avaient, après tout, manquées. Cette baraque m’a vu grandir, m’épanouir, dépérir, porte les stigmates de mes coups de nerfs, fait encore écho à mes rires expectorés avec force.

J’enlève ma fine veste en cuir, la dépose sur le cintre laissé pour elle sur le porte-manteau et me dirige avec appréhension vers la cuisine.

Je m’arrête, à quelques pas seulement de la porte ouverte de la pièce, observe celle qui m’a donné la vie, qui a fait de son mieux mais qui a échoué.

Elle ne me regarde pas.

Elle se contente de fixer la vitre aux fins rideaux en dentelle qui lui fait face, de tirer nerveusement sur le mégot qu’elle a coincé entre ses lèvres.

Elle a dû me voir hésiter sur le devant, elle a dû ressentir que je n’avais aucune envie d’être là, avec elle. Elle a dû, sûrement, pendant ces cinq dernières années, se demander à quel moment de mon éducation, elle a raté le coche.

— Entre Storm, dit-elle doucement en ne quittant pas la fenêtre des yeux, je t’attendais. Muray m’avait prévenue de ta sortie.

Je reste là, bras croisés sur le torse. Dans ma tête, se déroule un véritable carnage.

Je ne sais plus ce que je voulais lui dire, ce que je dois lui cracher ou non, si je dois faire profil bas ou exploser de fureur.

Être moi, ou bien incarner le fils qu’elle voulait que je sois ? Agir comme l’ancien Storm, ou comme celui que la prison et la solitude ont forgé ?

Comme je ne bouge pas, elle reprend sans me porter un regard :

— Je ne sais pas ce que j’ai loupé avec toi, vraiment… Je sais que je n’ai pas été une mère aimante, je suis désolée, mais… Quand ton père a su que j’attendais des jumeaux, il a pris la fuite encore plus rapidement que ce coureur jamaïcain… J’ai fait de mon mieux, réellement de mon mieux. Avec Wind, c’était si facile… Je ne devais jamais élever la voix, jamais répéter deux fois quoique ce soit parce qu’il savait ce que j’attendais de lui, et il savait me simplifier la vie… Alors que toi…

Elle s’arrête de parler, écrase son mégot arrivé à sa fin dans le cendrier déjà rempli, se rallume une clope avant de reprendre :

— Sais-tu pourquoi je vous ai appelé ainsi ?

Elle se retourne vers moi, enfin, se tait un instant en fixant ses grands yeux au noir des miens, et déglutit en baissant la tête.

— Enceinte de sept mois et quelques, j’étais partie en bord de mer, à la plage de Shieford. Cette plage était tout ce que j’aimais. Je me souviens encore de cette journée où, avec votre père, nous y étions, à rêver d’y faire construire une villa, qui nous accueillerait nous, et notre futur enfant. Ce jour-là, alors que je n’étais censée me reposer, il y avait tellement de vent que je peinais à avancer sur le sable. J’étais malheureuse Storm. Un enfant, on ne voulait qu’un enfant. À la place il y en avait deux dans mon ventre et ça a tellement effrayé William qu’il est parti. Je me suis jetée à l’eau, littéralement. Je voulais noyer ma peine dans cette étendue d’eau salée, je voulais mourir, sentir les vagues m’emmener avant que ce soit la tristesse qui me tue. Ça a marché… Un peu. Je me suis enfoncée dans cette eau sombre, j’ai attendu de ne plus avoir pied et je me suis laissé couler… J’ai lutté. Un peu quand même, je suppose que c’est l’instinct de survie qui veut que nous luttions, mais… J’ai failli mourir. Et…

Elle se tait encore, renifle, essuie ses larmes alors que je reste physiquement impassible, la laissant me narrer pour la millième fois ce récit que je hais tant.

— C’est à l’hôpital que je me suis réveillée. Vous n’étiez plus là, dans mon ventre. À la place de ça, ma mère et une infirmière ont souri, se réjouissaient de mon réveil comme si c’était une bénédiction que je sois vivante alors que moi, je voulais seulement crever, merde ! C’est alors qu’elles m’ont regardée passer une main sur mon ventre. Je me sentais vide, libre, et l’espace de quelques secondes, j’ai pensé et prié de toutes mes forces pour que je n’aie jamais été enceinte, pour que cette grossesse ait été un mauvais rêve, un cauchemar auquel je venais d’échapper. Mais non… Ma mère a pris ma main dans la sienne, et m’a dit en pleurant : « Ils vont bien ma chérie, ils vont bien ». Ils vont bien… J’ai fondu en larmes, je ne voulais pas de cette « bonne » nouvelle, je voulais qu’on me rende ma vie d’avant, qu’on me ramène William et qu’on me dise que non, je n’allais pas devoir assumer seule deux bébés. J’avais dix-sept ans, Storm. Dix-sept ans et ma vie d’ado ne méritait pas de supporter ça. Wind… Le vent. Le vent qui régnait en ce jour, comme un dur rappel douloureux que fut mon non-suicide. Storm.

— La tempête, prononcé-je.

Son regard se rive de nouveau au mien, plus froid encore qu’il ne l’avait jamais été.

— Les tempêtes détruisent les biens, et les gens. Toi, tu as tout détruit en moi.

Je ravale ma salive, décroise les bras, avance et me maudis quand je sens qu’à l’intérieur, mon cœur saigne encore d’entendre à quel point elle me déteste.

— Et si… Et si le fait de me savoir haï ne m’avait pas aidé ? Tu ne penses pas, maman ?

Je tire la chaise face à la sienne, m’y installe et m’oblige à maintenir son regard.

— J’ai fait de mon mieux avec toi. Je te l’assure, Storm.

— Je sais que tu as fait de ton mieux, et tu n’as pas été une mauvaise mère, comme tu n’étais pas une bonne mère. Tu étais ma maman, c’était déjà ça, c’était tout.

Elle cligne des yeux, laissant briller une étincelle de surprise. Je devrais la haïr si fort qu’elle me déteste, je l’exècre d’être la mère qu’elle est pour moi, d’être la seule famille qu’il me reste, et pourtant au fond de moi, elle est là, et c’est la seule chose qui compte.

— Tu as tué ton frère.

Elle dit ça sans pleurer, sans détourner les yeux, sans frémir, sans honte, sans penser un seul instant que la rage qui coule dans mes veines n’est que le reflet de la douleur que la mort de Wind m’a causée.

— Je ne suis pas son meurtrier.

Elle ricane froidement, comme si, d’un claquement de doigts elle s’était transformée, était devenue dépourvue de toutes émotions, avait oublié à quel point ce fut destructeur pour moi aussi.

— Si Wind n’était pas allé parler à Slay pour tenter de te sauver des enfers, il serait encore là, Storm. Alors si, dans ma tête et mon cœur de mère, tu es un assassin.

 

Chapitre 2 Faith

 

Mes mains tremblent autour de la lame habile et intacte. Mes doigts se resserrent autour de son manche, mon souffle cesse de franchir mes lèvres lorsque je le contiens, mes paupières se ferment, faisant dévaler deux grosses larmes le long de mes joues, puis se rouvrent. 

Le dos appuyé contre le mur de cette salle de bains que je hais tant, je fixe du regard ce bras, comme s’il ne m’appartenait plus depuis longtemps déjà. 

Et si je mourais ici ? Et si on me retrouvait dans cette pièce sale et bien trop petite ? Et si, au contraire, Boon me laissait moisir ici, ou retrouvait mon corps et lui pissait dessus ? 

Je frémis. 

La lame du couteau à éplucher les légumes arrache ma peau, me pèle l’épiderme avant de s’enfoncer lentement dans ma chair. 

Je tremble, je chiale, j’étouffe un sanglot teinté de l’atroce violence que je m’inflige, puis relâche mon arme blanche sur le carrelage humide. 

Du pourpre. 

Encore et encore. Mon esprit s’arrête de tourner, j’arrête de réfléchir et de penser, préférant me concentrer sur ce liquide rouge qui dégouline sur ma paume, qui s’échappe et qui s’écrase, goutte à goutte, sur la serviette noire posée sur mes jambes. 

Me mutiler m’aide, plus que quiconque, plus que qui se soit sur cette foutue planète. 

La mutilation fait souffrir, et il est bien connu qu’avoir mal à un endroit nous aide à oublier que l’on souffre à un autre. 

— Faith, putain ! Sors de là ! 

Sur le bois de la porte tambourinent les poings de Boon. Sa colère gronde alors que je balbutie un « oui, oui », à peine audible. 

Sortie de ma léthargie, la douleur émanant de la plaie ouverte le long de mon bras me paraît insupportable, insoutenable. Je grimace, me relève après avoir enroulé mon bras dans la serviette, fonce vers le lavabo dans lequel j’allume l’eau et la laisse couler sur mes blessures. 

L’eau claire devient eau trouble, aussi trouble que je suis anéantie par ce que je viens de faire, encore une fois.

À chaque fois, le même schéma se dessine. Je me jure de ne plus le faire, puis ai trop mal et recommence. 

Je suis comme les camés. Incapable de rester loin de cette dose de drogue, de cette dose de souffrances qui m’amène dans un monde bien plus doux que le mien. 

— Faith ! Je vais te défoncer la gueule si tu ne sors pas de là ! 

Boon revient à la charge, derrière la porte. 

— J’arrive, merde ! 

Je crie, à mon tour. Mes mâchoires sont contractées à force de contenir mes injures qui pourraient le foutre hors de lui. J’ouvre la pharmacie, cachée par le miroir, et attrape de quoi bander ma plaie. 

 

Assise sur le fauteuil dans le coin du salon, je ne prononce pas un seul mot, même si Boon me lance des regards assassins entre deux phrases échangées avec son ami. Lui et moi, ne nous entendons pas, ou plus. Et pourtant, alors qu’il discute de l’entraînement de ce soir avec Clayton comme si rien n’était grave dans nos vies, je ne peux m’empêcher de rêver d’une existence dans laquelle il n’aurait aucune place.

Une vie dans laquelle je serai sans famille mais heureuse. Entourée d’amies, de vraies filles en chair et en os, comme avant.

Une vie dans laquelle ma mère n’aurait pas assassiné notre père, une vie dans laquelle elle ne serait pas condamnée à la mort, dans laquelle je ne serais pas condamnée à vivre avec Boon.

— Elle est encore dans la lune, ou alors elle doit se doper aux opiacés sans que je ne le sache.

Clayton se marre, tandis que Boon me regarde encore une fois.

Si seulement je me dopais… J’ai envie de lui répondre que je serais tellement mieux dans ma peau si je le faisais, si je n’avais pas conscience de ce qu’il me fait vivre, si je n’avais pas à rester enfermée dans ce taudis.

Mais je me tais. Encore une fois, encore une fois de plus, préférant brailler ma haine intérieurement que de subir les conséquences de ce que je pourrais dire.

Huit ans.

Huit longues années de calvaire qui ne semble jamais s’évaporer, même pas un peu.

Au début, quand Boon m’a accueillie chez lui, tout était normal. Il y avait lui, mais il y avait surtout Janice, sa copine de l’époque. Elle était belle, elle était gentille et surtout elle était un peu devenue mon amie. Sauf que Janice en a eu marre des sautes d’humeur de Boon, qu’elle en a eu marre de sa violence, de ses coups de sang, de ses coups de pieds, de ses coups de poing ponctués d’excuses et qu’un beau matin, elle est partie.

C’est à ce moment précis que je suis devenue la cible.

C’était de ma faute, tout était de ma faute.

Le crime de notre mère, mon arrivée dans son foyer alors qu’il n’avait pas voulu que je sois placée en famille d’accueil, mes crises de larmes, mes colères d’incompréhension, le départ de Janice.

Une dispute anodine.

Puis deux. Puis trois.

Après, elles n’ont plus jamais rien eu d’anodin.

J’étais le bouc émissaire, le punching-ball, le sac de frappe.

Et chaque jour, je n’attends qu’une chose : que les lampadaires de la rue s’allument, et qu’il parte s’entraîner jusqu’au petit matin.

— Faith, tu m’entends ?

Boon est planté devant moi. Je tremble. De peur, de rage, de haine, de tristesse, je ne sais pas. Peut-être un peu de tout ça à la fois. Je sursaute quand ses poings atterrissent avec hargne sur les accoudoirs du fauteuil dans lequel je suis assise.

— Oui, quoi ?

— T’veux quoi à bouffer ? On pensait passer au bar à sushis de la ville.

Je hausse les épaules, je ne sais pas, je n’ai pas faim, et puis, il fera comme bien souvent, il partira mais ne reviendra pas avant le lendemain et quand j’oserai une remarque en lui disant à quel point j’ai eu faim, il me crachera « de t’façon, t’as de la réserve sur ta panse de grosse vache, t’peux mal de crever de famine ». Mais je sais que cette réponse ne conviendra pas à Boon, qu’il en ferait une affaire d’État.

— Des nouilles, s’il te plait.

Mon géant de frère hoche la tête, se redresse en se marrant « encore un truc bien gras pour son gros cul quoi ». Je ne le regarde pas, je baisse les yeux sur mes mains, pour ne pas sentir ses yeux furibards sur moi. Alors, il émet un rire forcé, satisfait que je ne réponde pas à sa pique, puis s’en va, accompagné de Clayton.

Une fois que Boon a verrouillé la porte derrière lui, que je peux entendre ses pas s’éloigner dans le couloir, je respire. C’est comme si mes poumons reprenaient leur droit d’être, leur rôle. C’est comme si mon cœur, qui s’essouffle lorsque mon frère est présent, reprenait un rythme sain, normal. C’est comme si les mots qui refusent de sortir de ma bouche pour affronter Boon s’échappaient de mes lèvres.

— Connard !

Je crie. Et ça me fait du bien.

— Espèce de vieux porc, de sac à merde !

Je hurle. Et le ridicule de la situation m’arrache un rire, avant que je ne fonde en larme, sur ce fauteuil miteux dans cet appartement tout aussi pourri que son locataire.

Mes doigts se referment, mes mains se crispent sur mon visage qu’elles aident à camoufler. Je me sens nulle, je me sens pathétique, je me sens vide, morte de l’intérieur.

Je m’énerve. Je ne me supporte plus, je pourrais me tuer juste pour me sentir plus sereine, plus heureuse. Libre.

Avant, j’avais une chambre dans une maison familiale. J’avais un père, une mère et un frère qui venait de temps à autre nous rendre visite. J’avais des amies, pleins d’amies. J’allais en cours, je me rendais à l’école de danse après mes journées, je m’amusais.

Et puis…

L’incompréhensible s’est produit.

Elle a tué mon père.

De façon froide, limpide, claire.

Elle avait produit l’impensable, l’impardonnable.

Sans pouvoir me regarder dans les yeux, sans me dire « je l’ai fait pour telles raisons ».

Rien. Nada.

L’unique chose qu’elle m’ait donnée quand je suis allée la voir à la prison, en quête de vérité, a été le néant.

Elle a plongé mon monde dans ce néant qui effraie, dans ce vide qui étouffe, dans cette obscurité qui égorge.

Et puis… Boon.

Mon monde a basculé, mais lui au lieu de me tendre une main a été le plus perfide des êtres humains en m’enfonçant tête en avant dans la merde.

Enfermée, je ne peux sortir sans son consentement.

Battue. Comme si je n’étais rien, comme si je ne ressentais pas la douleur qui s’étend à chaque coup dans mon être tout entier.

Privée de téléphone, de contact, de liberté, j’ai l’impression que c’est moi la meurtrière qui ai pris perpet’.

Rageusement, j’essuie mes larmes, me lève du fauteuil, me dirige vers la porte.

Je secoue la poignée, grogne en constatant l’inévitable. Encore fermée. Encore enfermée.

Je m’y adosse, ferme les yeux, rêve d’un jour parvenir à faire comme dans les films, ouvrir la porte avec une épingle à cheveux. Sauf que ça ne marche pas ici.

Mais je ne désespère pas, un jour, je sortirai…

 

Chapitre 3 Storm

 

Dormir sur un matelas épais, dans des draps propres aurait dû être la promesse d’une nuit plus que bonne. Parce que, décidemment, la chambre que j’ai dans cette maison n’a rien à voir avec la cellule qui m’était attribuée entre les murs de la prison. Elle est spacieuse, plutôt lumineuse grâce à ses grandes baies vitrées donnant sur un balcon, et, l’odeur du linge fraîchement lavé y est agréable. Mais pourtant, dormir ici fut plus rude que dans ma cellule de deux mètres carrés. Ma nuit fut aussi désastreuse, si pas plus, que les précédentes. Les mots de ma mère, son éternelle histoire qu’elle ne peut s’empêcher de me raconter dès que je la déçois, dès qu’elle est triste ou dépassée, tournent encore et encore dans ma tête. Je ne peux cesser de me poser des tas de questions, de regretter, d’imaginer ma vie si elle nous avait adorés dès le test de grossesse fait, si elle nous avait bercé d’amour et d’espoirs au lieu de nous éduquer, tout simplement. Qu’en aurait été ma vie ? Celle de Wind ? De notre vie en tant que jumeaux ?

On dit souvent que les jumeaux partagent tout, qu’ils se ressemblent, se confondent, qu’ils ont une sorte de lien mystérieux, indestructible. Qu’ils sont fusionnels, qu’ils ont ce quelque chose que les autres ne peuvent ressentir, ni comprendre. Dans notre cas, tout ceci n’est qu’un ramassis de conneries. Wind et moi nous ne nous blairions pas, nous n’avons jamais rien partagé si ce n’était un physique, cette chambre et deux trois jouets.

Je ne le supportais pas.

À cause d’elle.

Uniquement à cause d’elle et de sa façon de nous différencier.

Quand j’ai appris le décès de mon frère, ç’a été… Compliqué, étrange.

J’arrivais à la salle qui m’avait vu faire mes premiers pas sur un ring. Celle-là même où ma mère, lassée de mes crises de nerfs, m’avait inscrit dès mes neuf piges, avec l’idée en tête de m’aider à me défouler en sécurité. Celle-là même où se trouvait à l’étage, la fédération nationale de boxe basée à Ojai. J’avais rendez-vous avec Slay, mon entraîneur de toujours. Il faisait un temps énervant, caniculaire où l’air se faisait aussi rare que les filles sapées décemment. Les flics pullulaient dans le quartier, les sirènes hurlaient, les gyrophares illuminaient les façades des différents bâtiments et ce n’est que lorsque j’ai vu le visage décomposé de Slay, quand j’ai été dans son champ de vision, que j’ai compris que ce merdier me concernait. Arrêté par un bandeau de sécurité, j’ai dû attendre comme un con qu’il termine sa discussion avec un flic qui prenait note de ses mots. Et c’est là qu’il m’a dit d’une voix inhabituellement douce : « Storm, faut que je te dise quelque chose… Viens par là mon p’tit, viens faut que je te parle ».

Je déglutis, aspire l’air de ma chambre en gonflant les joues, me force à garder les yeux ouverts, les pupilles fixées sur le plafond de ma chambre pour ne plus voir ces images qui me martèlent le crâne depuis six ans.

Je hais ces souvenirs. Je hais qu’ils se remémorent à moi sans que je ne puisse les choisir, sans que je n’aie mon mot à dire.

Dans un monde meilleur, l’humain aurait cette capacité, celle de choisir. Tout, quoi que ce soit, chacune de ses émotions, chacun de ses souvenirs, chaque chose qu’il a envie d’oublier ou non.

Mais le monde n’est pas meilleur, il est sinistre et terne, et j’ai fini par comprendre que même si notre course vers le bonheur se veut effrénée, que rien ne sert de se presser, que pour certains c’est une ruée vers l’échec. Comme si, le fait d’être heureux et bien, tout simplement, n’était pas destiné à tous.

 

Décidé à retrouver cet enfoiré, je finis par me lever une fois que le soleil d’hiver s’est réveillé de sa longue nuit. Après avoir fouillé dans la penderie de la chambre, je file à la salle de bains et descends qu’une fois prêt à décamper.

— Bonjour.

Ma mère est à sa place habituelle, à la même qu’hier. Une clope à la bouche, elle tient fermement d’une main une tasse de café.

Je pourrais lui répondre, en boire un avec elle, décider que les maux du passé se dissiperaient et repartir sur un pied nouveau avec elle. Mais l’envie n’y est pas, encore moins le cœur. Dans ma tête, les règlements de comptes se jouent plus rapidement et sont bien plus importants qu’un amour mère- fils qui a toujours été inexistant.

— Ne m’attends pas aujourd’hui, je ne sais pas à quelle heure je serai de retour.

J’attrape ma veste, enfile mon bonnet, prends mon paquet de clopes, et sors de la maison.

 

Comme promis, Muray m’attend dans sa bagnole, devant le trottoir qui longe cette maison. Je remonte la fermeture de ma veste, avance dans sa direction, faisant craquer sous mes semelles la neige qui s’est un peu accumulée durant la nuit. Je grimpe dans la voiture, lui donne une accolade avant qu’il ne démarre.

— Bien dormi le taulard ?

Je lève les yeux au ciel, m’allume ma première cigarette de la journée tout en ouvrant une fine fente à la vitre.

— Super, réponds-je avec ironie, ma maman m’a raconté une bien douce histoire avant de m’endormir puis elle est venue me border et m’a embrassé sur la joue.

Muray se marre tandis que je grince des dents.

— Cette soirée a été une des plus hideuses de ma vie, dis-je avec sérieux pour le coup. Cette femme ne me porte pas dans son cœur, alors ce n’est pas évident de rester sous le même toit qu’elle dans ces conditions.

— T’as trente-deux piges, vieux, penses à te prendre un appart’, je n’sais pas moi, un truc où tu te sentirais mieux.

Il a raison, je le sais, mais me trouver un toit n’est pas ma priorité première, et je n’ai pas très envie de recontacter Nina pour avoir un toit, de la supplier de m’en prêter un en attente de mieux.

— Je n’sais pas où j’en suis sur mon compte en banque, on avisera selon. Mais oui, c’est ce que j’envisage, affirmé-je avant de tirer une taffe sur ma cigarette.

— Bien, on va voir ce vieux Slay ?

— J’attends ça depuis cinq piges.

 

En arrivant sur le parking derrière la salle de sport, mon cœur rate un battement. Je ne suis plus venu ici depuis un bail, bien plus longtemps que permis. Déjà, parce que j’étais en taule, mais surtout mon absence était dû à ma lâcheté d’affronter les images de mon frère gisant dans une énorme flaque de son propre sang, au centre de la salle, juste à côté du ring, d’affronter les médias aussi.

Être ici me rappelle à quel point j’étais con, à quel point j’étais faible.

Survivre entre les barreaux d’une cellule m’a permis de me remettre en question, d’attraper de la gueule, d’apprendre des autres ce qu’on ne m’avait pas enseigné dans la vraie vie.

Le doyen de l’aile d’incarcération dans laquelle je me trouvais m’avait dit après avoir écouté mon parcours : « merde gamin, ils ont buté ton frangin et c’est toi qui te retrouves ici ? Mais bats-toi, merde ! Bats-toi comme un homme. T’es un champion de boxe ou pas ? Parce que les hommes, les vrais, les champions, les vaillants et les courageux n’ont pas la crainte de mal faire, ils agissent, c’est tout. Alors agis, fais ce que ton instinct te dicte et fous-toi des conséquences. T’auras peut-être pas ta conscience tranquille, mais t’auras le cœur bien plus léger ».

Il avait raison. Le doyen avait raison. Je m’étais comporté comme une couille molle depuis le décès de Wind. Maintenant que j’ai eu le temps d’assimiler ce qu’il s’était passé, je suis prêt à tout pour obtenir réparation, pour me défendre, pour me battre, pour me venger.

Le meurtre de Wind n’a rien d’un accident de parcours. C’était prémédité, c’était voulu, c’était calculé.

Pour m’atteindre moi, j’en suis certain.

Pour m’écarter des rings, qui sait ?

J’étais à l’apothéose de ma carrière. Je venais de remporter ma troisième victoire, d’être enfin ceinturé et reconnu comme le champion de ma fédération. Il ne me restait qu’à noter mon nom sur la liste des challengers internationaux, d’y apposer ma signature et je serai arrivé jusqu’au bout.

Mais on a brisé tout ça. Boon et sa bande de mord-bites venue d’un gang de la ville ont tout foutu en l’air… En tuant mon frère.

Dorénavant, qu’importent les conséquences des actes que je commettrais, je me vengerai.

Je la veux cette vengeance, je veux faire la peau de ce connard de Boon. Il n’y a pas moyen qu’il en soit autrement.

Je vais le descendre.

 

 

Si j’avais encore des doutes sur ma façon de buter cette merde de Boon, ils se sont envolés dès que j’ai foutu un pied à l’intérieur de la bâtisse.

Les souvenirs dansent inlassablement devant mes yeux, insinuant des images que je n’ai pourtant jamais vécues. Je vois Wind entrer ici, demander au réceptionniste où se trouve Slay. Je le vois attendre que le vieux débarque, en se fourrageant les cheveux à force de réfléchir à ce qu’il devait dire pour faire entendre raison à mon entraîneur. Je le vois sourire comme un con, pour avoir l’air confiant alors qu’en réalité il devait être terrorisé à l’idée de se retrouver au centre d’un monde de rapaces assoiffés de sang et de fric, d’un univers qu’il exécrait tellement qu’il ne pouvait s’empêcher de déféquer des merdes à son sujet.

Je le vois serrer la main de Slay, lui dire en bégayant qu’il devait lui causer de moi.

Je ne suis pas le problème. Merde, ce n’est pas moi le problème dans cette affaire !

J’avance, Muray à mes côtés, jusqu’au comptoir de l’accueil. Ce n’est plus le binoclard que je ne saluais même plus qui s’y trouve, mais une jeune blonde d’une vingtaine d’années, mâchant un chewing-gum.

— Bonjour, puis-je vous renseigner ?

Son regard voyage entre Muray et moi, ses joues s’empourprent.

— Je dois voir Slay.

Elle hoche la tête, jette un œil à son téléphone, avant de reprendre.

— Il est occupé avec un groupe d’enfants, mais dès qu’il a fini, il pourr…

— Immédiatement, la coupé-je. Dis-lui que Storm est là.

 

Appuyés contre le mur qui fait face aux vestiaires de la salle, Muray et moi attendons que Slay arrive. J’inspire, retiens mon souffle, compte jusqu’à trois avant d’expirer. Rien n’a changé ici, ou presque. Tout est comme avant, comme dans les souvenirs indélébiles qui me transcendent. Mes iris se détachent des yeux bleus de Muray, pour se porter sur la vitrine, dans laquelle, autrefois, se trouvaient quelques photos de Slay le sourire aux lèvres levant mon poing ganté, et plusieurs de mes trophées, dont la fameuse ceinture que j’étais fier d’exposer aux yeux de tous.

Depuis la mort de Wind et ma recherche de vengeance, plus rien ne signifiant mon passage ici ne trône. Tout a été enlevé, camouflé.

Je devrais m’en battre les couilles de ces traces cachées, et pourtant, au plus profond de moi, je le vois comme un affront, comme un rejet, comme une façon de vouloir m’effacer de la vie de la fédération alors qu’il y a six ans, j’en faisais la renommée.

— Je te jure que s’il n’arrive pas d’ici deux secondes je vais le chercher par la peau du cul bien avant même qu’il ne salue les gosses.

Muray s’énerve, comme toujours quand il s’agit de patienter.

Je me retourne vers lui, hausse un sourcil.

— Il va venir, range tes crocs et attends sagement, mec.