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Beschreibung

S’étirant de la Terre de Feu (et de glace), où s’aventura naguère un certain Magellan, au sud du Brésil, de la Cordillère des Andes à l’océan Atlantique, l’Argentine est ce jeune pays de deux cents ans où survit encore le mythe américain de la terre promise, de la terre d’exil pour de nombreux Européens. C’est le pays des pampas à perte de vue, jusqu’à la Patagonie, des « gauchos », ces fiers gardiens de gigantesques troupeaux, du tango, cette danse nerveuse pratiquée sur les bords du rio de la Plata, le fleuve d’argent, où hommes et femmes se toisent fiévreusement.
C’est le siège d’une capitale, Buenos Aires, à l’architecture et à l’atmosphère européennes, comme le fut en son temps New York. De grands écrivains ont surgi de ce pays devenu éminemment littéraire de par son apport au boom latino-américain, jusqu’aux années de plomb de la didature (1976-1983). Dans ce recueil, au ton tantôt grave tantôt léger, tantôt cru tantôt pudique, une nouvelle génération d’écrivains perpétue, à l’ombre du grand aîné Jorge Luis Borges, et dans la langue de Cervantès importée par les Conquistadors, une histoire littéraire argentine exigeante, originale et forte.
Alors que la mondialisation des échanges progresse, que le monde devient un pour tous, des mondes-miniatures s’imposent, des pays et des régions entières affirment leur identité, revendiquent leur histoire ou leur langue, réinvestissent pleinement leur espace. Quoi de plus parlant qu’une miniature, la nouvelle, pour lever le voile sur ce monde-là, celui d’une diversité infinie et porteuse d’espoir ?"


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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage a été traduit avec le concours du Centre national du Livre

Avant-propos

En 2010, tout comme le Chili, le Mexique et la Colombie, l’Argentine fête le bicentenaire de son Indépendance et de son émancipation de la tutelle espagnole. Et c’est tout un continent, l’Amérique latine, et plus particulièrement le cône sud, dont on célèbre la démocratie retrouvée, la hardiesse politique, économique et sociale, et le bouillonnement culturel. Car cette autre Amérique – quand cessera-t-on de laisser cette captation sémantique par le grand voisin du Nord se perpétuer ? – vibre au moins autant politiquement, socialement, économiquement, culturellement que Los Estados Unidos de América.

Entouré par le Chili, la Bolivie, l’Uruguay, le Brésil, et le Paraguay, s’étirant de la Terre de Feu (et de glace), où s’aventura un certain navigateur portugais Fernand de Magellan, au sud du Brésil, de la Cordillère des Andes à l’océan Atlantique, l’Argentine est ce jeune pays de deux cents ans, au sud de l’équateur, où survit encore le mythe américain de la terre promise, de la terre d’exil pour de nombreux Européens. C’est le pays des pampas à perte de vue, jusqu’à la Patagonie, et des « gauchos », ces fiers gardiens de gigantesques troupeaux de bovins, équivalents latinos des cowboys du nord. C’est le pays du tango, cette danse nerveuse pratiquée sur les bords du rio de la Plata, le fleuve d’argent, où hommes et femmes se toisent fiévreusement. C’est le siège d’une capitale, comme le fut en son temps New York, à l’architecture et à l’atmosphère quasi européennes : Buenos Aires, ciudad de nuestra senora de los buenos aires, la cité de Notre-Dame des bons vents, en hommage à la Vierge, patronne des marins de Séville.

Au XVIIIe et XIXe siècles, attirés par les rumeurs de richesse en métaux précieux, en or, en argent, les Européens se précipitèrent du nord au sud du continent, vers ces contrées mythiques, vers cet Eldorado. La Argentina, poème de dix-mille vers écrit par Martin del Barco Centenera et publié en 1602 à Lisbonne, a donné son nom au pays-homonyme : L’Argentine. Et tout le pays se place ainsi sous le signe de la littérature. Avec l’Indépendance acquise en 1810, la littérature argentine va à son tour s’émanciper de la tutelle espagnole, chercher des références autres qu’ibériques dans la littérature européenne, notamment dans le romantisme français.

À partir de là, de grands courants littéraires de portée universelle vont naître, le « réalisme magique » en particulier, et de grands noms vont surgir de la génération dite « de 1937 » : Jorge Luis Borges, Victoria Ocampo, Manuel Puig, Ernesto Sábato, Eduardo Mallea, Julio Cortázar, Adolfo Bioy Casares et Osvaldo Soriano. Le pays devient éminemment littéraire et son apport au boom latino-américain est considérable, jusqu’aux années de plomb de la dictature (1976-1983) qui étouffèrent la voix des poètes et des romanciers.

Avec l’aide d’André Gabastou, traducteur infatigable et passionné d’écrivains hispaniques européens et sud-américains, le choix de cinq auteurs argentins contemporains a été fait, tous nés à Buenos Aires ou dans ses environs, pour cette nouvelle livraison de la collection « Miniatures ». Le ton y est tantôt grave tantôt léger, tantôt cru tantôt pudique. Les thèmes et problématiques y sont la découverte de la sexualité, l’enfermement, la foi, etc. Sergio Bizzio, Gonzalo Carranza, Ricardo Piglia, Esther Cross et Sergio Chejfec, perpétuent, à l’ombre du grand aîné Jorge Luis Borges, dans la langue de Cervantès importée par les Conquistadors, une histoire littéraire argentine exigeante, originale et forte.

Pierre ASTIER

Sergio Bizzio est né en 1956 à Villa Ramallo, dans la province de Buenos Aires. Enfant, il a passé le plus clair de son temps dans le cinéma tenu par son père. Il est d’abord scénariste pour la télévision et le cinéma puis réalisateur (son premier long-métrage, Animalada, sorti en 2000, lui a valu plusieurs prix dont celui du Meilleur Film Etranger au Festival de cinéma latino-américain de New York en 2001). Également poète, romancier et dramaturge, il a reçu le Prix International du roman de la Diversité en Espagne pour son septième roman, Rage, publié en 2004. Lucía Puenzo a porté à l’écran sa nouvelle Cinismo (Chicos, 2004) sous le titre XXY en 2007. Ce film a obtenu quatre prix pendant la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2007 et le prix du Meilleur Film Étranger au festival de Bangkok.

Un seul de ses sept romans est disponible en France : – Rage, Christian-Bourgois Éditeur (2008).

CYNISME

Traduit de l’espagnol (Argentine) par André Gabastou

Muhabid Jasan est un type « intéressant ». Son épouse Érika est « rongée par l’inquiétude ». Ils ont un fils, Álvaro (quinze ans, grand, pâle) qui représente une catégorie particulière : les sensibles spontanés. Tant les gens rongés par l’inquiétude que les intéressants peuvent se mélanger et se confondre ; les sensibles spontanés sont un peu uniques, à part. Ils ont des points communs avec les gens rongés par l’inquiétude, mais ils ne sont jamais intéressants. Ce qui les caractérise, c’est leur penchant pour l’aversion. À une extrémité, il y a le génie, capable de se transformer en une industrie produisant de l’histoire personnelle et, dans certains cas, une œuvre. À l’autre extrémité, il y a le sensible spontané.

Álvaro était capable de vous faire tomber d’un pont pour pouvoir lever un bras vers le coucher de soleil. Esprit toujours disponible, curiosité totalement ouverte, larmes faciles, telles sont certaines caractéristiques positives du sensible spontané. Les négatives sont bien pires : maladresse, esprit poétique, caractère labile, très grande capacité à s’adapter, tendance à jouer les maudits. Le sensible spontané est toujours plein de bonnes intentions. Érika, la mère d’Álvaro, était économiste, mais elle s’intéressait aussi à la politique, à la botanique, à la littérature, au lavis, à la décoration intérieure, à la graphologie, aux voyages spatiaux, au folklore andin, à la musique, à l’énergie, à la mode, aux lieux exotiques, au bouddhisme zen, aux ovnis, à la pigmentation des tissus, à l’anthropologie, à la psychologie, à la nourriture saine et – peut-être pour se sentir plus proche de son fils – à l’informatique. Le père d’Álvaro composait des musiques de films, dont celles d’un grand nombre de films argentins et européens, et gagnait beaucoup d’argent. Un studio de Los Angeles venait de l’embaucher pour travailler à partir du mois de mars sur la musique d’un film délicieusement pervers, délicieusement commercial, aussi, avant de monter, bifurqua-t-il à droite pour se rendre dans la maison de vacances d’amis à lui à Punta del Este.

Il s’agissait de Suli et Néstor Kraken. Suli était homéopathe et Néstor Kraken socio-logue. Ils faisaient tous les deux partie des gens « intéressants ». Cultivés, érudits, à l’occasion intelligents, ils avaient une fille qui s’appelait Rocío, âgée de douze ans et affligée d’un défaut physique général très perturbant pour quelqu’un qui la regardait sans avoir bu d’alcool : belle par endroits, horrible dans l’ensemble. Elle donnait davantage l’impression d’être un bric-à-brac qu’une personne normalement conçue. L’observer, c’était s’enfoncer bille en tête dans un vertige arithmétique, résultat de combinaisons douloureuses. Ses yeux, par exemple. Un million de femmes (et d’hommes) auraient voulu avoir des yeux comme elle, mais personne ne les aurait acceptés accompagnés par le nez, pourtant parfait (pris séparément). Et il en allait de même pour tout le reste.