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Beschreibung

Soudan Indépendant depuis 1956, le Soudan moderne est l’un des pays les plus vastes du continent africain. Etymologiquement, son nom dérive de l’expression arabe Bilâd as-Sûdân, « le pays des Noirs » , qui désignait l’ensemble de l’Afrique saharienne à l’époque médiévale. Depuis au moins deux décennies, la diversité culturelle et religieuse (il est l’héritier des civilisations pharaonique, chrétienne et musulmane), mais aussi la dictature, la guerre civile et ses conséquences comme la misère et le sort des déplacés, se reflètent dans la production littéraire.
Les auteurs des six nouvelles rassemblées ici sont d’origine arabe, nubienne, sudiste ou darfouri. Tous écrivent en arabe, mais mettent en scène des personnages venus des quatre coins du pays, avec leurs coutumes et leurs caractéristiques. Les faits évoqués sont souvent graves, mais l’habileté et l’élégance des auteurs, l’humour et le Style onirique de certains. qui n’est pas sans rappeler le réalisme magique sud-américain, les transforment en petits bijoux, témoins à la fois d’une dure réalité et d’une littérature qui ne demande qu’à être découverte.
Alors que la mondialisation des échanges progresse, que le monde devient un pour tous, des mondes-miniatures s’imposent, des pays et des régions entières affirment leur identité, revendiquent leur histoire ou leur langue, réinvestissent pleinement leur espace. Quoi de plus parlant qu’une miniature, la nouvelle, pour lever le voile sur ce monde-là, celui d’une diversité infinie et porteuse d’espoir ?


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Couverture

Page de titre

Avant-propos

Le Soudan moderne, indépendant depuis 1956 après avoir été régi par un condominium anglo-égyptien, est l’un des pays les plus vastes du continent africain – plus de deux millions cinq cent mille kilomètres carrés – qui abrite quarante et un millions d’habitants. Étymologiquement, le nom « Soudan » dérive de l’expression arabe Bilâd as-Sûdân, « le pays des Noirs », qui désignait l’ensemble de l’Afrique saharienne à l’époque médiévale.

Dans l’Antiquité, le Soudan fut le siège de nombreuses civilisations depuis le troisième millénaire avant J. C. Ainsi, les royaumes successifs de Kerma, d’environ 2500 à 1500 avant J.-C., s’épanouirent dans le pays et entretinrent des rapports avec l’Égypte pharaonique voisine. Au XVe siècle avant J.-C., le pharaon égyptien Thoutmosis Ier conquit le Soudan, qui resta sous domination égyptienne pendant quatre siècles. Ensuite, le premier millénaire avant J.-C. voit se développer les fameux royaumes de Napata puis de Méroé, dominés par les dynasties dites des « pharaons noirs ». En 21 avant J.-C., la Nubie devint une province romaine et, au IVe siècle de notre ère, Ezanas, le roi d’Axoum, en Éthiopie, détruisit le royaume de Méroé. Puis, à partir du VIe siècle de notre ère, plusieurs royaumes nubiens se tournèrent vers le christianisme. Ces entités perdurèrent jusqu’au XIVe siècle, avant d’entamer un déclin progressif face à l’avancée de l’islam dans la région.

Aujourd’hui, le Soudan – héritier de ces civilisations pharaonique, chrétienne et musulmane – reste un pays très diversifié d’un point de vue culturel. Sur le plan religieux, la population du nord du pays est très majoritairement musulmane, malgré une importante communauté chrétienne installée à Khartoum, composée de coptes, de Grecs, d’Arméniens et plus récemment de réfugiés catholiques et protestants fuyant la guerre civile du sud du pays. Les habitants du centre – la région des monts Nouba – et du sud du pays se répartissent entre chrétiens, animistes et musulmans, ces derniers se retrouvant surtout dans les villes.

Sur le plan culturel et linguistique aussi, le Soudan est une véritable mosaïque. L’arabe domine largement dans le nord du pays, même si l’on y parle également le nubien, réparti en plusieurs dialectes. Dans l’ouest, on parle également l’arabe, ainsi que d’autres langues, comme le zaghawa, le massalit et le four – Darfour signifiant littéralement « le pays des Fours ». À l’est, toujours à côté de l’arabe, on parle le beja. Mais c’est dans le centre (Kordofan) et surtout le sud (Bahr al-Ghazal, Haut-Nil et Équateur) que se concentre la richesse linguistique du pays : on y parle des dizaines de langues différentes, dont le nuer, le dinka, le shilluk, le kakwa, le moru, le zande, l’acholi, le mundare… Une forme créolisée de l’arabe – appelée « arabe de Juba » – sert de lingua franca entre toutes les populations du sud, tandis que l’arabe parlé dans le reste du pays se répartit également en dialectes régionaux. Derrière chacune de ces langues se cachent bien sûr une culture et des traditions particulières.

Hélas, le pays est dominé depuis son indépendance par une certaine instabilité politique, entre coups d’État successifs depuis 1958 et guerre civile dans le sud de la veille de l’indépendance à 2005, puis dans le Darfour depuis 2003.

Sur le plan littéraire, le Soudan est un terreau des plus fertiles, qui a produit dès les années 1940 de nombreux nouvellistes et romanciers, à côté d’une tradition poétique très ancienne. Hélas, cette production est encore aujourd’hui largement ignorée tant dans le monde arabe qu’en Occident, et ce pour diverses raisons : la situation marginale du pays sur la carte du monde arabe, par ailleurs largement dominé culturellement par le Liban et le voisin égyptien, le manque de soutien des autorités à l’égard des artistes, le manque de liberté d’expression… Pourtant, deux auteurs ont réussi à se faire une place de choix sur la scène littéraire arabe. Il s’agit d’abord du romancier et nouvelliste Tayyib Saleh, décédé récemment, auteur notamment de Saison d’une migration vers le Nord, publié en 1966. Ce roman, célébré voire encensé par les critiques littéraires arabes et occidentaux, relate à travers l’expérience singulière d’un étudiant soudanais en Grande-Bretagne toute l’ambiguïté des rapports entre le Nord et le Sud, entre l’Europe et l’Afrique, entre l’Europe et le monde arabe au lendemain des indépendances. Dans le domaine de la poésie, Mohammed Al-Faytouri, auteur notamment de Chants d’Afrique, est l’autre artiste soudanais qui a réussi à se faire un nom sur la scène littéraire arabe, même s’il est peu connu en Occident qui manifeste aujourd’hui moins d’intérêt pour la poésie que le monde arabe où ce genre littéraire demeure très populaire.

Mais de nombreux autres auteurs soudanais mériteraient d’être connus et reconnus : Bouchra Al-Fadil, Al-Sadiq Al-Raddi, Nasser El-Hag ou Issam Rajab en poésie, Ali Al-Makk, Ibrahim Ishaq, Abkar Adam Ismail, Ibrahim Bashir Ibrahim, Al-Hassan Bakri, Muhsin Khaled, Tarek Eltayeb, Khaled Eways, Amir Tagelsir et d’autres pour la nouvelle et le roman. Si un grand nombre de ces auteurs vivent aujourd’hui à l’étranger – en Égypte, dans les pays du Golfe, en Europe et en Amérique du Nord – leur pays d’origine reste leur source d’inspiration principale.

Depuis au moins deux décennies, les différents aspects de l’histoire du Soudan évoqués plus haut – la diversité culturelle et religieuse, mais aussi la dictature, les différends confessionnels et ethniques, la guerre civile et ses conséquences comme la misère et le sort des déplacés – se reflètent dans la production littéraire, comme en témoignent les six nouvelles rassemblées dans ce recueil. En effet, leurs auteurs sont d’origine arabe, nubienne, sudiste ou darfouri. Tous écrivent en arabe, mais mettent en scène des personnages venus des quatre coins du pays, avec leurs coutumes et leurs caractéristiques. Les faits évoqués, reflets de l’actualité soudanaise, sont souvent graves. Mais l’habileté et l’élégance des auteurs, l’humour et le style onirique de certains, qui n’est pas sans rappeler le réalisme magique sud-américain, les transforment en petits bijoux, témoins à la fois d’une dure réalité et d’une littérature qui ne demande qu’à être découverte.

Xavier LUFFIN

Ahmad Al-Malik est né en 1967 à Argo, en Nubie, dans le nord du Soudan. Il vit aujourd’hui aux Pays-Bas. Il est l’auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles : La Troupe musicale (Khartoum, 1991), Les Oiseaux des derniers jours du printemps (Khartoum, 1996), La Sixième Mort du vieux Munawfal (Damas, 2001), Le Printemps viendra avec Safa (Khartoum, 2003) et Noura la fille aux cheveux tressés (Khartoum, 2007). Son avant-dernier ouvrage a été publié en français sous le titre Safa ou la saison des pluies (Actes Sud, 2007) et devrait être traduit prochainement en néerlandais.

La nouvelle du présent recueil est tirée de son dernier livre, Noura la fille aux cheveux tressés. Dans un style souvent ironique et subtil, ses romans et nouvelles mettent en avant la multiculturalité du Soudan et s’inspirent largement de la situation socio-politique de son pays d’origine, mais aussi de son expérience en tant qu’immigré en Europe.