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Une maison perdue en Oklahoma, un évènement arrivant tous les matins à 3h11 la nuit d’Halloween, cinq auteurs pour écrire leur version de l’histoire. Des adolescents en mal de sensations ou un agent immobilier très décidé, une gentille famille, une écrivaine en quête d’inspiration ou un jeune garçon sur la route des vacances... Tiendront-ils jusqu’au matin ?
Êtes-vous prêts à affronter l’impensable ?
À PROPOS DES AUTEURS
Nicolas Feuz est procureur de la République et canton en Suisse. Parallèlement à son activité professionnelle, il est aussi écrivain de romans policiers, dont
Horrora Boréalis et
Le miroir des âmes parus au Livre de Poche.
Sandra Morier est blogueuse de livres, cette novella est son premier écrit.
Catherine Rolland est médecin urgentiste, auteur d’origine française, résidente en Suisse, elle est l’auteur de plusieurs romans dont
Le Cas singulier de Benjamin T., publié aux Escales et La Dormeuse, aux Editions OKAMA.
David Ruiz Martin est menuisier de métier, il est l’auteur de trois romans à ce jour, dont
Je suis un des leurs, roman-thriller.
Lolvé Tillmanns est auteur de cinq romans parus aux éditions Cousu Mouche, et
Fit, le dernier livre paru aux éditions BSN press.
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Seitenzahl: 284
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Chers lecteurs,
Bienvenue en Oklahoma, terre où d’étranges évènements se produisent toutes les nuits à 3h11 dans une maison plus qu’inquiétante. L’idée de créer ce deuxième recueil de novellas m’est apparue un soir d’hiver. Au moment le plus sombre de la nuit, cette image s’est imposée comme une évidence. Une ferme perdue, son atmosphère effrayante et la texture d’un moment m’ont appelée. Je n’avais d’autre choix que de proposer cette nouvelle aventure. Cinq auteurs ont accepté de jouer le jeu de la contrainte imposée, dont une primo-auteure, lauréate du concours lancé par les Editions OKAMA.
Quel beau défi ! Avec leurs styles littéraires différents, ils ont chacun créé une ambiance, un monde autour de cette structure naissante. Le plus intéressant a été de découvrir quel phénomène singulier survenait à l’heure fatidique. Curiosité piquée, j’ai eu un réel plaisir à découvrir leur vision de l’histoire, leurs personnages et, bien évidemment, leur écriture.
Je vous souhaite une bonne découverte de ces novellas, parfois mystérieuses, effrayantes ou touchantes, parfois les trois.
Laurence Malè
– Je ne savais même pas qu’on avait encore des terrains chez ces péquenauds de l’Oklahoma !
– Le vieux a toujours été très sentimental.
– Mais il y a du pétrole, du maïs ou un machin de valeur quelque part ?
– Non.
– Mais alors, ça nous vient d’où ces hectares qui ne rapportent que dalle ?
– Je ne sais pas trop, un truc des ancêtres, des premiers qui sont descendus du bateau.
– En Oklahoma ? Tu vois sérieusement nos vieux là-bas ?? On est de New York, frérot, on l’a toujours été.
– Non, avant le bateau, on était allemands ou hollandais, ou peut-être même suisses !
– Ouais, on devait être suisses, ils savent aussi faire des médocs et du fric là-bas.
– Ils savent, mais devenir vraiment, vraiment, vraiment riches, c’est notre truc à nous.
Les frères O font tinter leur verre de scotch en découvrant leurs dents blanches. Et ils rient, conscients d’être nés au sommet du monde.
– Bon, qu’est-ce que tu veux en faire, de ces vieux terrains inutiles ?
– Une résidence d’artistes.
– Ah ?
– Oui, ce sera bon pour notre image.
– L’Oklahoma, bon pour notre image, tu es sûr ?
– Il y a beaucoup d’overdoses là-bas.
– Normal, dans leur trou, entre la bible et le rodéo, il n’y a vraiment rien d’autre à foutre que consommer nos dé-li-cieux produits…
– Les autorités nous emmerdent, il y a des rumeurs de procès contre des médecins qui auraient trop prescrit d’antidouleurs, il faut calmer les gens.
– Et tu crois qu’une résidence d’artistes à deux heures de pick-up d’Oklahoma City, ça va les calmer ? Je te croyais plus pragmatique !
– On va aussi construire une salle omnisport, un théâtre, un parc avec des machins pour les gosses et financer deux, trois trucs pour les Peaux-Rouges.
– Pourquoi les Indiens ? Ils n’ont pas de Noirs là-bas ?
– Pas tellement, ou ils posent moins de problèmes qu’ici, va savoir, on s’en branle.
– Tu as raison, on s’en fout. Si le Conseiller a dit les Peaux-Rouges, on file aux Peaux-Rouges. Ça a toujours marché, déjà pour papa, acheter des trucs pour les pauvres, ça nous rend sympathiques et les Gouverneurs nous foutent la paix à tous les niveaux.
– Sans oublier les baisses d’impôts, frérot, sans oublier les putains de baisses d’impôts !
Les deux frères hochent la tête en même temps, semblables comme des jumeaux – guère plus de onze mois ne les séparent, le père O n’entendait pas attendre davantage que la mère O veuille bien honorer son devoir conjugal, puis après deux fils, il s’était contenté de ses nombreuses et somptueuses maîtresses pendant que Madame O noyait sa jeune beauté dans le champagne millésimé.
– Mais tu veux mettre qui dans ta résidence d’artistes idéalement située en plein trou perdu ? Ils aiment le glam, les belles nanas et tous les trucs marrants qu’on trouve à New York, les artistes !
– Oui, c’est sûr, mais des jeunes, pas encore trop connus, ils diraient oui à Alcatraz si on leur file de quoi bouffer.
– Ouais, évidemment si tu prends les tapineuses, c’est facile, mais ça nous rapporte quoi, à nous ?
– On mise.
– On mise ?
– On mise sur l’avenir. On repère de jeunes cons prometteurs et brillants, des hippies mal dégrossis et plutôt géniaux qui nous emmerdent avec leurs critiques sociales et on les met bien, histoire qu’ils aient de plus en plus envie de faire chier les pétroliers, Trump ou la NRA et pas nous.
– Ah, ben voilà, je te retrouve, ma vieille canaille ! Ça me plaît ton idée. Et attends voir, on pourrait y mettre des journalistes dans ta résidence ?!
– Encore mieux, frérot, c’est des écrivains qu’on va y mettre.
J’en ai marre, je ne le supporte plus. Pourtant, ça fait déjà deux mois que je ne l’ai pas vu, mon cher mari, mais il arrive quand même à me casser remarquablement les pieds alors qu’un océan nous sépare ! Il faut toujours l’appeler à la même heure, peu importe le décalage horaire, et si je veux raccrocher avant ses sacrosaintes cent minutes de conversation, c’est la crise ! De toute façon, c’est toujours la crise… cette photo de moi avec un peintre sur les réseaux sociaux, un rendez-vous avec un journaliste qui dure toute une journée et puis encore et toujours le pourquoi j’ai candidaté puis encore pire, accepté cette résidence de trois mois à New York. Il n’y croit pas à ma carrière d’écrivaine, il ne lit jamais. Ce qu’il veut, c’est un bébé. Et moi, non. Je ne sais pas ce qui ne va pas chez moi, mais non, vraiment, je ne veux pas ! Pourtant, je devrais vouloir, j’ai l’âge et si je ne me décide pas bientôt, ce sera trop tard, comme disent ma gynéco et ma mère… Bon, ma mère, elle dit aussi que je ne suis pas obligée de faire un bébé avec ce mari. Elle n’a jamais pu l’encadrer. Elle m’a encore écrit une lettre avec un P.-S. « Trouve-moi trois qualités que tu aimes vraiment chez Julien, si je ne reçois pas de réponse convaincante d’ici la fin du mois, je te rendrai le plus heureux service qu’une mère puisse rendre à son grand bébé et je lancerai ta cousine l’avocate sur ton divorce ! » Je n’ai pas trouvé les trois qualités. Au fond, je sais bien que je devrais le quitter, mais c’est si difficile… il va tellement mal le prendre ! J’aimerais écrire un grand roman, pas briser le cœur de mon premier mari ! En même temps, je n’arrive rien à écrire, je pensais que ce serait parfait, New York, pour enquêter sur le phénomène migratoire, trouver un angle ancien et rassurant qui puisse faire écho aux gamins noirs qui se noient aujourd’hui en Méditerranée. Mais je suis bien vite tombée de mon ambition, je m’attaque à bien trop compliqué, je n’y connais rien et je n’ai ni les épaules ni la plume. Pourtant, je reste convaincue que je dois écrire un truc sur les autres, ceux qui se taisent ou qu’on a fait taire. Tout le monde se moque de mes grandes idées, on me répète que je n’ai plus l’âge de croire en un monde meilleur. Je ne savais pas qu’il y avait une date limite pour la compassion et la révolte. Et puis le succès, il me faudrait absolument en avoir « écris plutôt un roman policier un peu coquin », m’a conseillé un éditeur en vue. Conneries. Je me fous de tout ça, mais il faudrait quand même que je produise quelque chose, que Julien me lâche avec ses « faisons un bébé, notre famille sera ta grande œuvre », si seulement il pouvait l’expulser lui-même de son précieux pénis, notre famille, sûr qu’il me foutrait la paix ! Mon téléphone vibre, c’est lui, je ne lis pas son message. Il en envoie tout de suite un autre, puis encore un autre. Mode avion. Je laisse mes yeux trainer par la fenêtre, les grandes avenues new-yorkaises ne m’inspirent pas du tout. Je préfère lire, de vieux romans, d’un vieux New York que je pressens encore quelque part sous le bitume. Il me reste un mois à vivre ici, je pourrai trouver une idée, lancer quelque chose… Je vais plutôt me faire un bagel, oui un bagel comme on ne peut en manger que dans cette ville. Et puis je n’ai même pas besoin de m’habiller, tout le monde passe inaperçu à New York, personne ne remarquera mon pantalon informe, l’absence de maquillage et les cheveux partis à la guerre.
Il fait beau. J’irai peut-être à Central Park digérer mon bagel au saumon, mes concombres et ma crème acidulée. On me sourit, chez Bagelmann, on aime mon petit accent français et ma connaissance intime de la carpe farcie. On me fait asseoir, on sait ce que je prends, ça arrive tout de suite. Luis – les Juifs aussi engagent des Mexicains dans ce pays – m’apporte le New Yorker avec mon soda light. Il aime beaucoup la littérature, Luis, et lui, il y croit à ma grande carrière d’écrivaine. Parfois, il glisse un livre dans le journal, un recueil d’Octavio Paz ou d’Audre Lorde. Mais aujourd’hui, il n’y a rien, ou presque rien. Une feuille de papier, toute bien imprimée, toute chic avec un liseré très design. Un appel à candidatures pour une résidence d’écrivains. En Oklahoma.
– Mais qu’est-ce qu’ils foutent ?
– Tu vois bien, gamin, ils retapent.
– C’est bizarre, non ? C’est luxueux leur truc, trois toilettes, trois douches et pis même une baignoire dans chaque salle de bains !
– Il y a aussi de jolis meubles et des tableaux à mettre au mur dans le camion dehors.
– Ça ne correspond pas à la clientèle du coin, crois-moi, l’Indien !
– Tu as raison, aucun portrait de Jésus et ils ont même viré la vieille bible qui trainait près de la cheminée.
– Dire que j’y ai cru à ces conneries…
– Tout le monde y a cru par ici, même les Indiens.
– Ouais, ils vous ont fait du mal, du gros mal, ces salauds. Mais vous, vous n’aviez pas le choix, moi, j’aurais pu au moins mieux écouter la prof de biologie, j’aurais dû lire des trucs, comprendre le niveau de bêtise de leurs histoires à la con !
– Et ça aurait changé quoi si tu avais compris le sens profond de la vie ? Tu n’aurais pas croisé ces saloperies de médocs ?
– Je ne sais pas… peut-être.
– Ne te torture pas, gamin, ce n’était pas ta faute.
– Ben non, même si le pasteur ne faisait que de me dire que oui.
– Regarde, on dirait… on dirait qu’ils installent… une bibliothèque !
– Oh… là, c’est sûr, ce n’est pas pour les péquenauds du coin !
– Mais qui ? Qui va venir habiter chez nous ?
– Mystère… a priori, trois salles de bains, je dirais trois personnes super propres, mais ce n’est pas pour tout de suite, le système d’évacuation, ça va leur prendre un petit moment pour le terminer.
– J’oublie toujours que tu faisais de la plomberie avec ton père.
– Ouais, j’aimais bien ça, il m’apprenait des tas de trucs, j’aurais certainement été bon, pas aussi bon que lui, mais assez bon quand même. Quand il n’était pas bourré, c’était vraiment un chic type.
– Tu es sûr que ce n’était pas un Indien, ton père ?
Ils rient et ne remarquent pas le léger tremblement des grandes herbes devant la fenêtre.
– Mais… dis-moi, l’Indien, les ouvriers qui sont là, on leur fout les jetons ?
– Tu es vraiment trop con…
– Je sais bien qu’avant 3h11 on peut rien faire du tout, mais à 3h11, on leur fout les jetons ?
– C’est des ouvriers, qu’est-ce qu’ils foutraient là à 3h11 ?
– Alors là, mon ami, c’est toi qui es un peu con… Tu n’as pas remarqué les pupilles du grand rouquin ?
– Encore un camé ?
– Ouais. Sûr qu’il n’a nulle part où dormir et qu’il va se défoncer dès que le reste de l’équipe se sera barrée.
– Désolé, gamin. C’est dingue cette épidémie, c’est comme quand ils ont apporté des caisses de mauvais whisky dans les réserves.
– Ouais.
– À propos de réserve, j’ai pensé à ton nouveau nom, Déploie ses ailes. Ça te plaît ?
– Ouais, c’est joli. Si on m’avait dit qu’un jour j’aurais un vrai nom indien, je ne l’aurais pas cru !
– Si on m’avait dit qu’un jour un gamin blanc deviendrait mon meilleur ami, je ne l’aurais pas cru non plus, mon cher Déploie ses ailes.
– Elle est dégueulasse votre entrecôte, et les frites sont grasses, ramenez-moi tout ça en cuisine et servez-moi un putain de burger !
– C’est que Monsieur O, nous n’avons pas de…
– La ferme et donnez-moi quelque chose de mangeable !
– Veuillez excuser la mauvaise humeur de mon cher frère. Mettez-nous aussi deux doubles scotchs et avec un peu de glace et de chance, il cessera de hurler…
– Tu me reprends devant les larbins maintenant !
– Calme-toi, le maire dine deux tables plus loin. Sa maîtresse est moins jolie que sa femme d’ailleurs, curieux homme.
– C’est la grognasse des droits civiques, pas sa maîtresse.
– Ah… ça explique tout !
– Un jour, il faudra quand même que tu t’y mettes un minimum, aux relations publiques !
– Non, ça c’est ton job, moi, je m’occupe des placements, tâche que je gère à merveille vu ce que je viens de faire verser sur ton compte en Suisse.
– Ouais… si tu le dis.
– Bon, crache le morceau, qu’est-ce qui te contrarie comme ça ?
– On a perdu un procès en Oklahoma.
– Ah ? Quel procès ?
– Un médecin qui a prescrit nos médocs comme des bonbons, elle vient d’être condamnée pour homicide.
– Et ? Ça pose problème parce que…
– Parce que les médecins vont nettement moins prescrire s’ils peuvent être tenus responsables des overdoses !
– On est en Amérique, chacun est responsable de sa propre vie, les junkies méritent ce qui leur arrive. L’avocat n’avait pas promis que cet argument marcherait toujours ?
– Si, mais cette fois, ça n’a pas marché.
– Et les recours ?
– Oui, il nous reste encore plusieurs recours.
– Ah ! Alors qu’est-ce que tu nous emmerdes, elle sera cassée cette décision, on est en Amérique, je te le redis, liberté et responsabilité pour tous !
– Ouais.
– Et puis, ce n’était pas en Oklahoma tes projets de salle de sport et de machins pour Indiens ?
– Ouais.
– Alors tout va bien ! Tu vas nous mettre tous les politicards du coin dans ta poche.
– Ce n’est pas aussi simple que tu le dis.
– Et tu avais aussi une idée avec des artistes, c’était sur ce vieux terrain qui nous appartient on ne sait plus pourquoi, non ?
– Ouais, il y a une vieille bicoque dessus, je l’ai fait rénover de fond en comble, faut toujours les mettre bien, les artistes.
– Et ? C’est qui qu’on envoie là-bas ?
– Trois écrivains, inconnus, mais prometteurs.
– Du genre pédés féministes ?
– Ouais, ce genre-là.
– Je les adore ces gens, ils rendent tout beaucoup plus drôle ! Ils commencent quand ?
– Bientôt, mais il y a des problèmes avec la baraque.
– Des problèmes ?
– Ouais, je ne sais pas, des histoires d’ouvriers.
Je n’y croyais pas. J’ai attendu le tout dernier moment pour offrir ma valise de livres à Luis et je n’ai posté la lettre à Julien que ce matin – il va me tuer lorsqu’il réalisera que je ne reviens pas. Je pensais que je l’avais rêvé ce coup de fil, mais le billet New York – Oklahoma City, je le tiens bien dans ma main ! L’attachée de presse de la Fondation O a dit que le vol prendrait un peu plus de quatre heures et que nous aurions le temps de sympathiser dans l’avion. Je les ai googlés, mes deux colocataires : Max, Italien de New York qui vit dans le Maine – quelle idée ! – 31 ans, poète expérimental, je n’ai rien compris à ce qu’il a posté sur Internet, une seule chose est claire, il défend radicalement la cause palestinienne. Beaucoup de poils, peu de cheveux et un visage rond et très souriant, il y a un je-ne-sais-quoi d’artificiel chez lui, j’espère que ce n’est pas un de ces faux gentils capables de vous hurler dessus si vous déviez d’un millimètre de sa ligne. Et l’autre type, il s’appelle Pierre, Français qui ne vit nulle part, 24 ans, Junior Screenwriter plus ou moins à Hollywood, son truc à lui, c’est la terre, les poissons et l’écologie anticapitaliste. Il porte les cheveux longs, une grosse barbe blonde et des fringues improbables mi-afghanes mi-californiennes. Peut-être que c’est un bel homme, c’est difficile à dire sous toutes ses couches. Dès qu’ils se serrent la main, je sais. Je sais que ces deux-là ne s’entendront pas – tension virile au maximum ! On va se marrer, trois Européens de gauche perdus en Oklahoma… Je commence à me dire que toute cette histoire pue le piège… Je parle français avec l’un et plus ou moins italien avec l’autre, Max se dit napolitain, mais sa pizza sent le Coca-Cola. Pierre n’a pas tellement envie de discuter, il ouvre son carnet et dessine, très bien, il me semble. Max me gave de paroles, je comprends finalement que le vol le terrifie alors je sirote de la bière bon marché avec lui et le temps finit par passer. L’avion se pose, et immédiatement nous sommes projetés dans un autre monde. Tout de New York a disparu, rien en Oklahoma ne lui ressemble. Sauf la responsable locale de la Fondation O, on dirait la jumelle de l’attachée de presse new-yorkaise, à peine plus maquillée. Elle prend nos noms, transforme Pierre en Peter et nous annonce qu’il y a eu un petit problème avec notre logement, que l’on ne s’inquiète pas, rien de grave.
– Mais ce n’est pas ma faute ! Si je te dis que c’est eux qui merdaient l’évacuation d’eau !
– C’est toi qui as fait bouger l’échelle, oui ou merde ?
– Ok, ok, c’est moi, mais je ne savais pas, c’est la toute première fois que ça m’arrive ! Je ne peux pas faire ça avant 3h11 d’habitude, alors je n’ai pas fait gaffe ! Je ne voulais pas qu’il tombe, le plombier du dimanche, je ne voulais même pas leur faire peur, juste qu’ils fixent ce putain de tuyau à la bonne place pour que ça ne pisse pas partout !
– Ouais… mais avec toutes les légendes autour de notre baraque, tu sais comme c’est dur de trouver des gens qui veulent bien bosser ici, tu aurais dû faire plus attention, Déploie ses ailes !
– Ben les légendes, les machins sur la maison hantée et tout le bordel, ça, c’est quand même plus ta faute que la mienne, l’Indien…
– Ne change pas de sujet !
– Mais tu le sais, que ça m’a pris par surprise, que je ne peux pas faire bouger des choses avant 3h11 d’habitude ! Tu le sais ! C’est pareil pour toi, c’est pareil, c’est pareil… hein que c’est pareil ?
– Ouais, sauf…
– Sauf… sauf quoi ?!
– Sauf quand quelqu’un… quelqu’un s’approche.
– Hein ?
– Je ne sais pas exactement, mais depuis que je suis là et tu sais que ça fait longtemps, j’ai remarqué que parfois, je peux… je peux faire des choses avant 3h11 et c’est quand il y a quelqu’un… de spécial… qui s’approche de la maison.
– De spécial ? Genre… un médium ?
– Non… peut-être… je ne sais pas.
– C’est pour ça que tu es fâché que les ouvriers aient planté le chantier… Tu as senti que quelqu’un venait et il faut que la maison soit prête pour ce quelqu’un !
– Oui… je crois que quelqu’un vient…
– Et… et on pourra lui parler ?
– Je n’en sais rien, ça fait très longtemps que ce n’est pas arrivé.
– Mais raconte !
– Trois fois… trois fois j’ai pu montrer en pleine journée où sont enterrés les ossements.
– Merde…
– La première fois, c’était à mon neveu. C’était très bizarre parce que je ne le connaissais pas et quand il est venu il était déjà très vieux, mais je savais que c’était lui, le fils de ma sœur cadette, Petit Nuage. Et je savais qu’il avait besoin… besoin de ce contact.
– Qu’est-ce… qu’est-ce qu’il a fait ?
– Il a prié.
– Leur dieu de mes deux ?!
– Non, notre terre mère et l’esprit du Bison, il connaissait encore l’ancienne religion.
– Et ? …
– Et rien ou plutôt tout. J’ai pu m’éloigner de notre terrain pendant au moins dix saisons, m’enfoncer dans les forêts, gravir les montagnes, voler avec les oiseaux, j’étais enfin libre.
– Waouh…
– Des années plus tard, sa fille à lui est venue. Elle, elle a prié le dieu des Blancs, mais ça a fonctionné aussi, un peu moins longtemps peut-être, mais ça a fonctionné.
– Et la troisième fois ?
– La troisième fois, ce n’était pas un de mes parents, mais une femme qui avait grandi dans la réserve. Elle étudiait le journalisme à Oklahoma City et elle a pris plusieurs pages de notes, elle avait compris beaucoup de choses et elle voulait les écrire dans les journaux des Blancs. Ça aussi, ça a marché, j’ai pu partir très loin, des sommets de montagnes, des rivières, même l’Océan, c’était merveilleux, puis un jour, je me suis retrouvé à nouveau ici, dans cette baraque avec mon pauvre pouvoir de 3h11. En ce temps-là, j’étais tellement malheureux que j’ai vraiment exagéré avec le truc du fantôme. J’ai fait peur à tout le monde, la maison a été abandonnée, même les saisonniers refusaient d’y dormir.
– Merde.
– Ouais, merde.
– Tu crois que ça pourrait marcher sur moi aussi ? Que je pourrais partir, juste un petit peu, aller voir un strip-tease ? …
– Enfin libre de sortir de cette propriété de malheur et la première chose à laquelle il pense c’est d’aller voir un strip-tease…
– Oui ben, moi, une vraie femme nue, je n’ai jamais vu ça, je te rappelle !
– Pardon, gamin, c’est vrai que c’est très beau, une femme nue.
– Trop ! Bon, alors tu crois que ça pourrait marcher pour moi aussi ou c’est juste un truc d’Indiens ?
– Je n’en sais rien, mais je doute vraiment que ce soit un Indien qui arrive, toutes ces belles rénovations, c’est sûr que ce n’est pas pour des gens comme toi et ce n’est pas non plus pour des gens comme moi.
– Tu as raison, on fait joli comme ça pour des types importants, pas pour des péquenauds et des Peaux-Rouges.
Le motel est plutôt confortable, mon lit single pourrait en coucher quatre des comme moi, et ma fenêtre donne sur la plaine. La déco est certes un peu rustique, mais tout va bien ensemble et il y a une grande cheminée dans le hall d’entrée. J’aime bien venir y bouquiner, le vieux réceptionniste m’apporte toujours un thé à la cannelle et des biscuits. Il s’appelle Ted, il doit avoir dans les 75 ans, les Américains pauvres ne partent plus à la retraite, m’a-t-il expliqué. Il m’a raconté plusieurs histoires du coin, et j’ai même réussi à écrire une jolie petite nouvelle, il a beaucoup ri lorsque je la lui ai traduite. Je crois que j’aurai bientôt lu tous les livres qui trainent par ici. Il faut que je demande à Pierre de me prêter les siens, je ne sais pas trop ce qu’il fait de ses journées – il est tout le temps dehors avec son carnet – mais je suis certaine qu’il lit la nuit. Max ne sort jamais du motel, je joue parfois à cache-cache avec lui tant son bavardage me fatigue, mais il m’a dit qu’il ne lisait pas, par crainte d’affaiblir sa propre inspiration. Il dit beaucoup de conneries, Max. Il aime bien sortir de grandes phrases de grand artiste, mais je n’ai pas l’impression qu’il y croie, à son baratin.
J’essaie d’instaurer l’habitude d’un repas du soir qu’on prendrait tous les trois ensemble dans le petit restaurant du motel, mais comme je l’avais prévu, ils n’aiment pas tellement se retrouver tous les deux à la même table, ces messieurs, alors j’ai souvent droit à l’un ou à l’autre. Lorsque c’est Pierre, il me montre ses croquis – il commence toujours ses scénarios par des dessins – j’aime beaucoup son travail, c’est beau. Quand je lui demande ce qu’il va en faire, il hausse les épaules, les yeux fuyants. Max ne me montre jamais rien, je le soupçonne de ne rien écrire du tout, il se contente de parler, parler, parler… de sa villa du Maine, de la femme – une banquière de 50 ans – avec qui il vit et surtout de son chat. Il semble beaucoup souffrir de ne pas être chez lui, je ne comprends vraiment pas pourquoi il s’est porté candidat à cette résidence.
Le restaurant nous sert une nourriture étonnamment savoureuse et bien adaptée au grand vent et au froid qui règne dehors. J’ai déjà pris deux kilos, il faut que j’aille courir. Allez ! Leggings, brassière, baskets, étirements et on y va ! D’habitude, je prends toujours mon téléphone pour la musique, mais je préfère le bruit du vent et puis, je ne veux pas lire les messages de Julien. Il en envoie des dizaines par jour et leur ton ne cesse d’empirer. Max a crié la dernière fois qu’il a vu mon écran s’allumer et les mots de Julien s’afficher, depuis je laisse la petite machine dans ma chambre. Je pars à grande foulée, mon corps se sent bien, j’ai presque l’impression que je pourrais m’envoler. Je quitte rapidement la route pour le petit embranchement qui indique O Farm, j’ai envie de la voir, cette résidence où on nous installera un beau jour si on y termine finalement les travaux. Ted dit qu’un esprit y vit, qu’il ne faut pas s’en approcher et ne surtout pas y dormir. J’adore les légendes et les maisons soi-disant hantées, ça me donne des envies de Club des 5 et de Sherlock Holmes ! Je remarque des traces de camions sur le petit chemin sinueux, les pauvres ouvriers, ils ont dû galérer avec leurs gros véhicules. Pour courir, c’est une piste agréable et j’ai le vent dans le dos, encore cette super sensation de voler ! J’arrive très vite devant la maison, la résidence d’artistes O, une grosse bâtisse d’un étage, toute en bois. Une vieille baraque de paysans avec une grange à droite. Ils ont essayé de repeindre et de remplacer les planches pourries, mais on est bien loin de la grande ferme bourgeoise à l’européenne. On sent que c’est fatigué et triste, il y a de la beauté, mais pauvre et mélancolique. J’aime bien l’endroit, je voudrais entrer, mais je n’ose pas. J’entends les ouvriers qui s’affairent à l’intérieur, j’aimerais leur dire de faire vite, que je puisse m’installer. Mais ça non plus, je n’ose pas.
– Tu es sûr, c’est elle ??
– Absolument certain. Tu as vu comme on a pu la pousser sur le sentier ?
– Ouais, enfin surtout toi, j’avais tellement peur de la faire tomber que je n’ai pratiquement rien fait.
– Mais tu as senti ? C’était comme à 3h11, mais ce n’était pas 3h11.
– Ouais, j’ai senti, j’ai bien senti.
– C’est elle, je te dis que c’est elle.
– Tu crois qu’elle veut voir les ossements ?
– Je n’en sais rien, c’est peut-être de toi qu’elle a besoin ? Vous pourriez être parents ? Elle est blonde aux yeux bleus, comme toi.
– Ah non… mais là, c’est comme si je te disais que parce que vous avez à peu près la même couleur, tu es le cousin du Saïd qui a posé les doubles vitrages la semaine dernière !
– Ne monte pas sur tes grands chevaux comme ça… depuis que tu t’es mis à lire les bouquins de la bibliothèque, tu sors de ces trucs… Je sais bien que vous n’êtes pas tous pareils, qu’il y a plein de Blancs différents… un vrai arc-en-ciel du beige…
– Ouais. Donc non, je ne la connais pas et elle ne vient pas d’ici, elle est trop petite et pis elle courait pour courir, on ne fait pas ça, nous.
– Elle n’a rien d’indien non plus, même tout caché chez une vieille grand-mère, non… je suis formel, elle n’est pas indienne du tout, cette femme.
– Pas indienne, pas péquenaude… alors quoi ?
– Je n’en sais rien, mais c’est elle, il faut qu’elle s’installe dans la maison, il le faut absolument !
– Je vais aider les ouvriers, je vais être super prudent, je ne leur ferai pas peur, promis.
– Ok, dis-moi ce qu’il faut faire, Déploie ses ailes.
– Waouh, l’Indien qui me demande des conseils ! C’est sûr, c’est bien elle !
Ils se retiennent de rire trop fort, il ne faudrait pas effrayer les ouvriers.
Lorsque le vieux Ted me voit rentrer de mon jogging, il devine que je suis allée à la O Farm. Je l’entends me sermonner, alors que je monte en courant à ma chambre. Il pousse sa voix chevrotante pour me répéter qu’il ne faudrait jamais s’approcher de cet endroit. Je savoure l’eau chaude de la douche et je repense à la maison, au terrain tout autour. Elle ne m’a pas fait l’impression d’être hantée ou dangereuse, mais il est vrai que je reste sur un sentiment particulier, il s’agit d’un lieu spécial, très certainement. J’enfourne mes cheveux mouillés dans un grand linge du motel et j’allume mon ordinateur, j’ouvre Google, tape O Farm, Oklahoma. Aucune occurrence, si ce n’est le communiqué de presse de la Fondation O avec nos photos, à nous, les trois écrivains. Je tresse mes cheveux, enfile un jean informe et un pull à capuche – l’Amérique commence à me faire du mal, si Julien me voyait dans cette tenue, il me giflerait. Je prends mon carnet, le stylo à bille du motel et ma dernière plaque de chocolat suisse – moyen de corruption ultra-efficace – bien décidée à faire parler Ted. Je descends, passe au foyer préparer du thé à la cannelle, dispose un carré de chocolat aux noisettes sur chaque sous-tasse. Ted remercie pour la tasse brûlante et la petite douceur helvétique, mais il n’est pas aussi souriant que d’habitude, il n’aime vraiment pas que je m’approche de la O Farm. Je m’étonne :
– Mais… vous savez que c’est là-bas que nous finirons par nous installer, tous les trois – le trio de stylos européens comme vous nous appelez ? Nous n’allons quand même pas rester six mois au motel !
– Les travaux resteront inachevés, les ouvriers ne tiendront pas suffisamment longtemps pour terminer. Et c’est tant mieux. Vous ne devez pas y aller. C’est un endroit mauvais.
– Vraiment ? Vous croyez à ce point à ces légendes de maison hantée ?
– Ce ne sont pas des légendes.
– Ted…
– Oui, ma chère, il y a un esprit qui vit dans cette maison et il n’est pas bon de s’en approcher, c’est tout !
Il repose sa tasse brusquement et s’agite. Il tapote le clavier du vieil ordinateur de la réception, me fait signe de partir, il a du travail. Je reste un instant plantée là, toute surprise de l’émotion que j’ai vue dans ses yeux gris. Il ne veut plus me parler, c’est très clair. Je me tourne vers la cheminée et je remarque Pierre qui me regarde, assis dans un des immenses canapés du hall. Je me laisse tomber dans les gros coussins moelleux, mon carnet ouvert sur les genoux, sans aucune note dedans. Je soupire et il sourit.
– On m’a parlé de la O Farm à la réserve, me dit-il.
– Ah ? Mais attends, il y a une réserve ? Et tu y es allé ?
– Oui, c’était un peu par hasard la première fois, je me baladais dans un vieux pick-up et je suis arrivé là-bas. Puis, j’y suis retourné et je crois que je vais y retourner jusqu’à ce qu’ils me disent de ne plus y retourner.
– Tu veux écrire un scénario à la Danse avec les loups ?
– Non… mais peut-être un truc moderne de la vie d’ici, d’aujourd’hui avec des Blancs et des Indiens de la réserve. Ils ont beaucoup d’histoires à raconter et si je reste suffisamment longtemps, ils me les diront peut-être.
– Et ils t’ont déjà parlé de notre résidence ?
– Oui, ils m’ont tous dit la même chose, c’est bien hanté et par un esprit indien, figure-toi.
– Et qu’est-ce qu’il fait là-bas, cet esprit indien ?
– Ça, c’est moins clair. C’est un lieu bizarre pour un de leurs esprits, une ferme de Blancs, ce n’est pas vraiment commun pour un fantôme indien. Certains pensent que c’était un site sacré avant que les Blancs n’arrivent et qu’il en était le gardien, d’autres qu’il a été tué dans la maison et se venge depuis.
– Si un homme a été tué dans cette maison, on devrait en trouver trace quelque part !
Mon petit côté Sherlock Holmes s’agite de plaisir.
– Non, encore aujourd’hui quand un Indien disparaît, il ne se passe quasiment rien, alors il y a un siècle ou deux, c’est absolument certain que les autorités ne se souciaient pas de ce genre de choses. Un homme a très bien pu être assassiné à la O Farm sans laisser la moindre trace.
– On pourrait chercher quand même !
– On pourrait, mais c’est très déconseillé, la dernière personne qui s’est intéressée de près à la O Farm est morte sur la route qui la ramenait à Oklahoma City.
– Quoi ?!
– On m’a raconté que dans les années 196o, une journaliste, une Indienne issue de la réserve, avait enquêté là-bas, qu’elle avait pris tout plein de notes, mais que sa voiture avait pris feu sur la route qui la menait à la ville et aux journaux où elle aurait pu publier son enquête sur la O Farm.
– Les années 196o ? Ted était un jeune homme et il m’a dit qu’il n’avait jamais quitté ce coin de pays. Si cette femme a réellement existé, il en a entendu parler, c’est certain.
– Oui, c’est certain…
– Ces types sont vraiment nuls, ce n’est pas possible !
– Ne t’énerve pas, Déploie ses ailes… dis-moi plutôt quel outil je dois lui suggérer au grassouillet poilus qui doit visser… oh… mais pourquoi il s’agenouille comme ça !
– Ça, là ! Il se trompe toujours et du coup, il serre mal, ce con !
– Voilà. Calme-toi, ça avance bien avec ces nouveaux ouvriers, je ne sais pas où ils sont allés les chercher, mais ils n’ont pas l’air d’avoir trop peur, ils ne doivent pas connaître la légende.
– Ouais.
– Ils auront fini dans quelques jours, c’est toi qui l’as dit.
– Oui… max une semaine.
– Tu vois, c’est bien. Elle va venir, très bientôt, elle sera là, avec nous.
– Je n’en peux plus d’attendre, c’est tout.
– Ça ne fait même pas une année que tu es là, ne te plains pas, gamin…
– Une année… Merde, déjà ! Tu es vraiment sûr ?
– Oui, ce n’est pas un évènement que je peux oublier… ton… ton arrivée.
– Mon arrivée ! Quel joli mot tu utilises…
– Tu voudrais que je dise autre chose ?
– Ouais, non, je ne sais pas. Tu ne m’as jamais vraiment raconté comment… comment ça s’était passé.
– C’est que tu étais là aussi…
– Évidemment, mais j’étais un peu dans les vapes…
– Tu voudrais savoir quoi exactement ?
– Je ne sais pas… j’ai dit un truc, ça a pris combien de temps ? Ce genre de choses.
– Tu es arrivé, tu as forcé la porte – qui était de toute façon à peine fermée –, tu t’es mis dans le coin, à côté de la cheminée, tu as étendu un sac de couchage sale, tu t’es assis dessus et tu as sorti un médoc de ta chaussette.
– Fentanyl.
– Tu t’es injecté le truc dans le pied.
– Les autres veines étaient toutes foutues.
– Je ne voulais pas que tu fasses ça, mais tu ne m’entendais pas et je n’arrivais rien à bouger.
– On devait être bien loin de 3h11.
– Oui, c’était le début de la soirée, il y avait encore un peu de soleil.