Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Extrait : "Je sais une habitude à laquelle tout homme de bon ton, tout Buveur, ne peut manquer de sacrifier sans risque de compromettre sa considération. Lecteur, ne sois donc pas étonné si, avant de te faire entendre les sons que je vais filer harmonieusement sur la corde sensible de mon sujet, je prends la liberté de me livrer à quelques Toasts."
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 51
Veröffentlichungsjahr: 2015
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
EAN : 9782335035223
©Ligaran 2015
Gloire à vous, Buveurs ! Amour et respect, grands hommes ! Je vous apporte le tribut de mes veilles, de ma longue expérience. Un penchant prononcé pour l’illustration m’a tourmenté longtemps. J’ai cherché à inventer un paracrotte, un palamouth, une eau anglaise, un biscuit de Rheims. Je me serais résigné à composer une ode sur Napoléon, ou un discours académique. J’en ai presque toujours été quitte pour un mal de tête affreux.
Cependant je me suis demandé pourquoi j’étais dans ce monde. La société toute entière a posé alors devant moi ; j’ai vu M. T…., M. de B…., madame la comtesse de L…., M. S…., MM. A…., K…., J. J…., P…., B…., C…., I…., A…., L…., O…., W…., U…., S…, etc. J’ai feuilleté l’histoire, les almanachs, les biographies, les mémoires. Dans les premiers noms, où, en cherchant, vous rencontrerez infailliblement quelqu’un de connaissance, j’ai pu, à l’aide d’un microscope, découvrir l’apparence d’une utilité. Dans l’histoire, qui n’est que le recueil légal des brigandages de nos pères, j’ai lu le nom des Cassius, des Césars, des Nostradamus, et celui d’une infinité d’autres mythes plus ou moins subversifs de l’ordre de choses.
Alors, réfléchissant au rôle que chacun d’eux a joué dans ce noir tourbillon de fumée et de boue, je me suis senti rougir. Une idée subite a frappé mon cerveau.
– Écris, m’a dit une voix inconnue que j’ai cherchée vainement.
– Écris ! me suis-je dit.
La plume roulait dans mes doigts, ma tête bouillait. Le démon excitait mes fibres…
– Qu’écrirai-je ? demandai-je à la voix.
Soudain, comme un éclat de tonnerre, elle fit entendre ces mots :
–Vinum bonum lœtificat cor hominis.
– Du saint Augustin ! me dis-je. Et je tombai la face contre terre.
Un flocon de sang obscurcit sans doute mon cerveau, car je ne vis plus rien que des myriades d’anges qui, divisés en groupes séparés par des nuages, me désignaient un livre où était écrit en lettres d’or :
Je poussai un cri terrible qui me réveilla de ma léthargie.
Revenu à moi, je me promis d’écrire, je tins parole et j’écrivis.
Je préviens le lecteur que je suis déjà arrêté par le besoin de m’adresser à la Chambre législative. Mais je n’en ferai rien pour ne pas troubler dans ses fonctions le centre du corps des diplomates.
Je sais une habitude à laquelle tout homme de bon ton, tout Buveur, ne peut manquer de sacrifier sans risque de compromettre sa considération. Lecteur, ne sois donc pas étonné si, avant de te faire entendre les sons que je vais filer harmonieusement sur la corde sensible de mon sujet, je prends la liberté de me livrer à quelques Toasts.
Que tout Buveur se taise et m’écoute parler.
Au père duvin, à l’admirable Noé, qui le premier a lutté corps à corps avec le vin, et dont la gloire serait sans tache s’il n’avait pas eu la faiblesse indigne d’un père, de courber le front devant son enfant.
À l’étranglement de tous les Loups-Cerviers, vulgairement appelés Rats de Cave, et à l’immédiate lapidation de tous les Marchands de vins qui profanent les petits brocs à l’ignoble trafic de colporter l’eau dans leurs futailles.
À l’abolition des impôts, et principalement des Droits Réunis.
À la gloire de la France.
À la santé de tous les Buveurs.
…………
À l’étouffement de tous ceux dont les noms suivent.
…………
…………
…………
…………
…………
…………
…………
…………
…………
…………
…………
…………
Au vigneron, aux vendanges, à la guinguette, au soleil, à la pluie, etc.
Comme il serait dangereux pour les estomacs faibles de pousser plus loin, je passe à un autre chapitre.
Je m’étais promis de ne rien dire sur l’eau. Il est cependant utile de donner sa définition puisque, par elle seule, je prouve l’infinie supériorité d’un liquide qui la réduirait au néant, s’il n’était point douloureux de le faire servir à l’emploi matériel des ménages.
L’eau est un corps humide, fluide, visible, transparent, pesant, sans goût, sans odeur. (On ne conteste au vin ni le goût ni l’odeur.) N’en déplaise à quelques beaux esprits qui attribuent à l’eau le pouvoir de faire naître des désirs charnels, et encore mieux la force de les assouvir, je persisterai à la croire douée d’une vertu peu stimulative pour la sensualité. L’histoire nous dit-elle que Sardanapale ou Salomon, qui avaient 12 000 femmes dans leurs palais, buvaient beaucoup d’eau comme stimulant d’amour ? Le grand roi David, lorsqu’il alla séduire la femme d’Uri, ne se fit pas apporter de grands verres d’eau pour s’apprêter au sacrifice. Je ne vois que deux faits historiques qui rehaussent l’eau. Le premier, c’est qu’il y avait à Paris, au douzième siècle, en la grande Truanderie, la fontaine de Jouvence, dont l’eau était renommée pour faire les potages. On y recourait particulièrement le jour des noces. Le second fait est l’immersion de Jésus-Christ et de saint Jean dans les eaux du Jourdain. Encore l’histoire ne nous dit pas que, l’âge de raison venu à ces messieurs, ils aient voulu contracter l’habitude de pareilles jouissances. Horace désirait bien aussi une petite fontaine d’eau vive ; mais son goût prononcé pour le Falerne nous permet de ne pas croire à la sincérité des vœux du poète. Décidément l’eau est une étrange anomalie.